A mon tour d'être plus grande [Feat Petite Neige] - abandon

À mon tour d'être plus grande !

FEAT. Petite Myrtille.

Hors-RP :

— Châtaigne Rousse ! Châtaigne Rousse !

De petites pattes énergiques s'empressent de rejoindre le corps étendu de Châtaigne Rousse, de la curiosité plein la tête et des questions plein la langue. C'est un sourire qui s'immisce sur les babines de la nouvelle reine, fière et enfin apaisée de ses tourments pré-nataux. Petite Myrtille est une chatonne débordante de vie, la figure même de l'enfant parfait à ses yeux, regroupant détermination et hargne. Puisse-t-elle encourager son nourrisson, une fois plus âgé, à poursuivre dans la même voie si cela n'en est point le cas. Ma génitrice se doute de la difficulté qu'à dû endurer la petite féline à retenir toutes ses interrogations, au sujet de sa descendance. Cela l'étonne, par ailleurs, qu'elle n'est pas tentée de la surprendre de ses questionnements en amont de la mise bas. La réponse provient certainement de sa mère, Jaguar d'Opale, qui a dû la défendre de l'importuner de ses gamineries. Pourtant, à présent que la naissance est officielle, elle est l'une des premières à se ruer à son chevet pour contempler son joyau. La perle provenant de ses entrailles, la chair de sa chair. En d'autres mots, moi.

— Est-ce que je peux la voir ? Un silence, une inspiration. S'il te plaît !

Petite Myrtille se trémousse et s'agite, attendrissant la nouvelle mère. Elle piaille à moitié, peinant à reprendre sa respiration, tremblante d'excitation mais également d'appréhension ; Châtaigne Rousse pourrait refuser d'accéder à sa requête. C'est pourquoi le chaton se concentre afin de canaliser son impatience, pour l'attendrir à ses fins, lui prouver sa bonne foi. Oh, Petite Myrtille sera sage, fera attention. Et puis, combien même cela puisse en être le contraire, ma génitrice ne se privera point de la ramener à l'ordre.

Le comportement tant intrépide du chaton fait dresser les de plaisir oreilles à la grande féline. La voilà qui se penche en avant, gloussant à la petite quelques mots.

— Oui, bien sûr, ne t'en fait pas ! Par contre, fait très attention, elle est encore fragile. Bientôt, elle te rejoindra pour jouer, mais uniquement dans quelques demi-lunes !

La queue en panache de Châtaigne se redresse, découvrant contre son flanc la petite chose potelée que je représente. Il se trouve qu'accablée par la faim, je tête sans vergogne une des mamelles de ma mère, absorbant ce breuvage divin au péril de ma vie. Contrairement à Petite Myrtille qui est minuscule, je suis microscopique ! Mes oreilles sont encore recroquevillées sur mon crâne, ma queue ne se voit quasiment pas tant elle est peu développée. Mon poil est duveteux, et mes paupières clôtures l'accès à mes iris. Me voilà sourde et aveugle. Seul mon odorat me permet de deviner une présence étrangère qui, à mon âge, m'importe peu. Châtaigne Rousse m'adresse un regard ; un ronronnement de bonheur lui échappe.

— Elle est assez grande et grasse mais d'après Feuille de Saule, elle devrait retrouver un poids normal d'ici plusieurs lunes. C'est qu'elle est née seule, et a donc pris ses aises pour se développer...

À mon tour d'être plus grande !

FEAT. Petite Myrtille.

Petite Myrtille, sur le bout des coussinets et de la pointe de son museau, s'approche et hume mon poil clair. Châtaigne Rousse est plongée au sein d'une vaste élucubration. Usant d'une tactique digne des plus grands stratèges, elle fit exprès de ne pas donner suite à la demande du chaton survolté, ainsi que de détourner son attention le temps d'un songe. Il lui faut un temps de réflexion. Ce n'est point là, pour la Reine, le désir de fâcher ou mécontenter la plus jeune ; en réalité, se niche simplement dans son esprit la crainte de toutes les nouvelles mères. Savoir ce qu'il faut faire, comment et de quelle manière. L'incertitude est ici la suivante : autoriser un chaton à me toucher, ou bien lui interdire le temps que mes yeux s'ouvrent.

Il est vrai que cela ne fait à peine que quelques jours écoulés, depuis ma naissance. Laisser une intruse me toucher serait-il dangereux pour moi ? Se peut-il que je tombe malade, ait une mauvaise réaction ? L'espace d'un doute. Châtaigne Rousse observe la jeune fille d'Opale ; habituellement agitée, elle est à présent plus sereine qu'à l'accoutumée. C'est en partie convaincue par l'apaisement soudain que dégage la boule grise et bleue, ainsi que le ronronnement s'infiltrant en cœur avec le sien, que ma génitrice se prépare à lui soumettre son accord...

— [...] Comment s'appelle-t-elle ?

La petite voix curieuse de Myrtille tire la féline au poil ocre de sa rêverie. Redressant les oreilles, elle se penche légèrement en arrière comme pour se ressaisir, la queue courbée. De la même voix que celle d'un chat que l'on tire du sommeil, elle renchérit avec douceur quelques mots hésitants, mais francs.

— Petite Neige. Un court silence. Nous avons choisi ce nom avec Roseau car elle est claire, et que le bas de son dos est blanc.

Un nouveau silence s'infiltre dans la conversation, durant lequel Châtaigne ramène ses oreilles en arrière, tourmentée. Une pression monte en elle. La jeune mère doit briser cela rapidement, sinon le dialogue deviendrait embarrassant. Elle saisit son courage à deux pattes, et d'une voix limpide et libératrice, souffle délicatement.

— Je t'aurai bien dit qu'il est trop tôt pour la toucher, mais tu m'as l'air bien sage. Donc oui, tu peux, mais fais tout doucement. C'est un nouveau-né...

Gloutonne et affamée, je m'empresse encore de boire goulûment ce qu'il reste de lait chaud de ma génitrice. Avec mes petites pattes, je masse le mamelon, et piaille faiblement d'une longue satisfaction. Ça y est. J'ai fini. Le ventre tout rond et tout plein, enfin comblée ou presque, je commence à me mouvoir. Telle une larve, un petit lombric ou asticot, je me tortille, me trémousse et rampe. Je ne peux tenir sur mes pattes, encore trop jeune. Alors je me hisse, me hâte, avec lenteur et détermination. D'abord, je longe le ventre chaud et agréable de ma mère, enfouissant de temps à autre ma tête en-dessous. Puis parfois, je me fige. La course reprend, jusqu'à ce que je me décroche de l'étreinte maternelle. Mes petits tortillements me portent à mon insu en direction de ma semblable, habitante de la pouponnière, qui bientôt sera ma camarade de jeu.