Les quatre guerrières de portée venaient de passer toute une journée ensemble à chasser pour le Clan. Elles semblaient toutes très heureuses d’avoir pu profiter de ce moment qui ne s’était plus reproduit depuis leur enfance. Beaucoup de choses ont changé depuis, mais leur lien, lui, restait intact. C’est après cette longue journée remplie d’émotions que Cœur de Loutre retrouvait son confortable nid de mousse pour se reposer. Elle s’y lova comme à son habitude tout en laissant ses songes l’amenait vers de lointaines contrées.
Cette fois-ci, son rêve était bien différent ; pas de jolies prairies à l’horizon, ni Queue de Lézard à ses côtés. Il faisait si sombre qu’elle tremblotait de froid, comme si les ténèbres l’enveloppaient peu à peu. Comme elle n’y voyait pas grand-chose, elle s’avançait d’un pas lent jusqu’à entendre la clameur du combat au loin qui s’intensifie peu à peu. D’instinct, elle s’en rapprochait. Il faisait toujours aussi sombre et toute végétation semblait disparue à l’exception d’une trouée d’arbres. Elle regardait le sol rougi par le sang des guerriers qui se battaient autour d’elle, comme si personne ne savait qu’elle était là.
— Qu’est-ce qu’il se passe? Pourquoi vous battez-vous? Je ne comprends rien! S’il vous plaît, arrêtez!
Les cris deviennent assourdissants et aucun combattant n’entend son appel. Leurs feulements de rage lui vrillent les tympans. Cœur de Loutre fermait ses yeux, complètement submergée par la douleur. Quelques instants plus tard, elle ouvrait ses paupières et tout avait disparu. Plus de sang, plus de guerriers, plus de combat. La clairière est à présent nimbée d’une lumière douce, claire et chaleureuse. La guerrière y voyait plus claire grâce aux nombreuses lueurs d’étoiles qui illuminent l’obscurité. Un sentiment de calme l’envahit avant que ce sentiment laisse place à l’effroi. Ses pattes la guident vers les silhouettes de ses ancêtres avant d’heurter quelque chose de froid, mou et visqueux. Cœur de Loutre baissa ses yeux et vit avec horreur le cadavre pétrifié de Secret de Firmament.
— Par le Clan des Étoiles, non !
Le cœur de la féline tigrée se serra, elle voulait se jeter contre elle pour vérifier son état avant de constater avec dégoût le sang séché qui trace des larmes rougeâtres sous ses orbites vides et picorés par les oiseaux. Son ventre gonflé semblait presque vivant tant les vers y sont nombreux et grouillants, donnant ainsi un semblant de vie au corps abîmé. La guerrière affolée et apeurée recule, ses pattes sont souillées d’un mélange d’excréments, de boue et de bile. Une énorme mouche s’élève en bourdonnant de l’abdomen lacéré de l’ancienne guérisseuse et dans cette panique, Cœur de Loutre se réveilla en sursaut, désorientée et horrifiée.
