Travaux Pratiques - abandon

Si les entraînements étaient plutôt une affaire privée, c'était aujourd'hui qu'on changeait la formule. Aujourd'hui, il comptait apprendre la même chose à deux apprentis en même temps. Aujourd'hui, tout guerrier qui soit pouvait assister au cours et intervenir n'importe quand. Tout guerrier qui soit pouvait aussi observer les apprentis en plein dans l'action afin de cueillir celui qui lui plaisait le plus, pour affûter leurs techniques et combler leurs lacunes.

Cela faisait exactement un jour que la foudre l'avait frappé.

Il était sorti de ses gonds la veille - il s'était levé très tôt aujourd'hui pour son rendez-vous journalier avez son reflet dans la Rivière, histoire de lisser le poil de ses joues et rendre à sa silhouette ses rondeurs habituelles. Il dirigea ensuite son pas vers la tanière des apprentis, où il alla réveiller les deux jeunes chats qui venaient d'y aménager. "Debout là-dedans!" il leur aboya sans le moindre scrupule, leur jetant une souris au pied de leur nid respectif.

En fait, c'était leur première leçon: ne jamais commencer la journée le ventre vide. Le corps avait besoin de carburant pour se dépenser et grimper aux arbres. Même si certains guerrier étaient tellement habitués qu'on pouvait appeler la technique "banale", grimper était une lourde dépense pour les corps qui n'avaient connus rien d'autre que balles de mousse, miaulements à maman et coups de pattes dans la litière.

Il attendit qu'ils finissent de manger, puis les prévint que dans les jours à suivre, tout dépendant leur mentor-du-jour ou leur référent, rien ne garantissait ces-dernier de leur apporter le goûter. Aussi la deuxième leçon fut de les amener à la pile de proies, où quelques guerriers matinaux échangeaient leur repas et des coups de langue affectifs; Étoile Foudroyante les salua d'un signe de tête et encouragea ses ados à faire de même, car pour une troisième leçon, ce genre de savoir-vivre, de montrer aux autres qu'on les avait vu, permettait de déescaler et dissiper les malentendus avant même qu'ils ne se forment.

Maintenant, la leçon principale.

Si on pouvait le décrire physiquement comme un grand chat, élargi par les épaisses marbrures en ondes de son pelage charcoal ainsi que par la réputation qui collait à la traîne de son ombre, lorsqu'il s'assied au pied du Sycomore centennaire, il perdit toute sa parrure, et tout son panache.

L'aube découpait les branches côté Rochers des Serpents, se trouvant plus loin dans la clairière, et les rayons qui se faufilaient entre les branches enchevêtrées et les feuilles caduques du vieil arbre coupèrent le phénomène en deux: d'un côté l'arbre scintillait comme des grains de lumière sur la surface de l'eau, de l'autre, les ombres de la nuit tardaient sur l'écorce.

— Ça, c'est le sycomore. C'est l'arbre que mon mentor m'a enseigné à grimper, et que le mentor de mon mentor lui a été enseigné à grimper, et son mentor avant lui, et ainsi de suite. Il n'a pas fini de grandir: après chaque cycle, il continue d'étirer ses pattes - ses branches - pour, un jour, tenter de percer le ciel.

Un sourire indicible lui fit plisser les paupières à l'intention du géant d'écorce derrière lui. Même en levant le menton, il n'en voyait pas le bout. Il n'a encore jamais réussi, il dit. J'ignore s'il réussira durant les cycles qu'il me reste, les vôtres, ceux des apprentis qui vont suivre, ou ceux qui les succéderont. Qui sait, ptêt' bien qu'il n'y arrivera jamais, mais qu'il réussisse ou non, moi, j'ai toujours admiré sa persistance.

Il se détourna du feuillage, qu'il voyait par dessous, pour redescendre sur terre, où les deux apprentis patientaient.

— Là - il leur désigna de grosses racines sorties de terre, qui se recourbaient en noeuds où, en s'approchant, où pouvait voir des champignons et des fleurs y pousser. Il s'assied. On les a déterrées pour les voir, et ce n'en est qu'une toute petite partie. Voyez-le ainsi: on voit la pointe de leur genou, mais rien de leur tour de grasset, (d'un ressort, il souleva un postérieur bien haut au-dessus de sa tête) de leurs jarrets (il toucha l'articulation du bout de son nez), de leurs pattes, (monta l'articulation jusqu'à ses coussinets bien exhibés) phalanges, (remua les orteils) et griffes (ses phalanges s'écartèrent pour laisser se recourber les griffes hors de leurs fourraux respectifs).

Et pendant que sa patte était à portée, il en profita pour y donner un gros coup de langue, puis des plus petits, s'arrêtant aux griffes qu'il nettoya à coups de dents.

— Il est dit que les arbres se cramponnent à la terre, avec leurs racines, comme nous, avec nos griffes. Pour grimper, vous devrez faire comme l'arbre: (Il rabaissa sa patte, se rassied convenablement, et remonta sur les quatre dans le même mouvement fluide.) Petit un, (il leur tendit une patte avant, qu'il crispa sous leurs yeux) sortir vos griffes pour vous cramponner à son écorce.

Petit deux, (comme pour s'étirer le dos, il s'aplatit le ventre dans l'herbe et força une flexion dans le genou, dans le jarret, bombant ses quadriceps sous ses marbrures) renforcer vos racines, pour développer votre force à soulever votre propre poids. À l'horizontale, c'est la terre qui vous porte; à la verticale, c'est vous-mêmes. Et vous êtes beaucoup plus lourds que vous le croyez.

...et Petit trois, (il se redressa, s'ébroua de long en large en fermant le mouvement d'une ondulation de régal avec la queue) imitez sa persistance. On sait que vous voulez monter, mais c'est inévitable de tomber: coussinez vos chutes, en repliant les coudes, et recommencez. Le plus vite vous vous familiarisez avec cette réalité, le plus vite vous vous remetterez de vos chutes.

Okay, je vous montre.

Il leur tourna le dos, leur fit voir les aquarelles de son pelage, et les fit danser en se trémoussant la croupe pour se donner un élan.

Il bondit.

Il se décrocha de terre sur la hauteur de sa longue queue avant de stopper son arc montant d'une vive étreinte du sycamore entre les bras. Petit un - ses griffes cliquetèrent sur l'écorce. D'une ondulation de l'échine, il se donna une première tractée. Sa queue fit le balant dessous lui, un pendule allant du levé du jour au coucher de la nuit, et il recommença le geste, Petit deux, et avec aise : quelques tractées, quelques poussées avec les pattes arrières et on le vit monter, monter, et monter jusqu'à ce qu'il puisse tâter des branches plus haut avant d'en trouver une suffisament ferme pour se ratatiner sur le tronc et s'écarter d'un autre bond- il s'agrippa à la branche, tout son feuillage bruissa avec l'agitation, le va-et-vient le bas-en-haut pendant qu'il se hissait dessus - Petit trois - quand soudain, sa patte glissa.

— Wops--

Je plaisante - après la première bourrasque au nez il rentra ses pattes, son corps pivota sur lui-même et il feutra sa chute - tout le choc alla à sa queue, qui chassa l'herbe et les feuilles derrière, et il se releva sans le moindre souci.

— ... C'est la base: se cramponner, se soulever, tomber, recommencer.  Ça vous dit d'essayer?

☆ Travaux Pratiques ☆

Elle avait eu un mal fou à s'endormir, pas tant car la veille le meneur s'était fait foudroyé, à ce sujet là, elle ne réalisait pas encore tout à fait, mais surtout car il y avait eu un ouragan de changement. Elle n'avait pas de mentor à proprement parler et s'était génial, vraiment, car elle allait pouvoir choisir. Bon en partie, elle se doutait bien que du coup, nul guerrier ne la laisserait rêvasser une journée entière, encore que ... Mais si le courant passer mal avec l'un, il lui suffirait de le dire et zoup, elle irait en voir un autre. En théorie du moins. Et elle savait déjà vers qui se tourner. C'es que, à ne pas si bien dormir, on réfléchit. Le dos contre celui de Nuage de Foudre pour tenter d'avoir un peu chaud quand même - c'set que à seulement deux novices dans l'antre, ça changeait de la pouponnière ! - elle avait longuement retourner la question. Et il lui été apparu que bien que Masque de Serpent soit hyper cool, il allait être papa, suffisait de voir comment il était avec Louve. Bon elle connaissait mal la guerrière mais la jeunette avait pas loupé le gros ventre de cette dernière. Alors Arc-En-Ciel lui était apparue comme le bon choix et dès que sa journée avec le Patron serait fini, ce serait dans les pattes de la tricolore qu'elle irait afin de lui annoncer qu'elle l'avait choisi comme réfé-machin.

Enfin elle avait fini par s'endormir et c'est la venu du grand chef en personne qui la tira du sommeil dans lequel elle s'était lovée. Entre lui aboyant et la souris, elle s'étira paresseusement et gonfla son poil. C'est qu'il faisait frisquet en fait ! Avant d'enfouir la gueule dans la proie et d'adresser à Nuage de Foudre un regard. Avait il hâte comme elle ? Avait il lui aussi était un peu chambouler par le fait de n'être plus que eux d'eux, sans leurs mères, sans Lycaon qui était toujours à la pouponnière également ? Peut-être. En tout cas, il ne lui avait pas semblée qu'il lui en veuille d'avoir coller son dos à lui pour tenter de préserver un peu de chaleur cette nuit. Au final, la souris avaler et les reste de son repas enterrer, elle sorti dans la clairière après un bref brin de toilette et elle fila à la poursuite d'Étoile Foudroyée afin de suivre sa première leçon.

Et quel leçon !

Du blabla sur un arbre immense, le plus grand qu'elle est jamais vu mais. Mais voilà, après avoir couru jusqu'ici, ses petites pattes lui semblaient déjà bien lourde. Alors écouter la leçon sur la taille d'un arbre. S'était loin de l'idée de le grimper. Et si elle regardait, où en faisait mine, elle réprima quand même - pas du tout - un bâillement. C'est que, il continuait, en s'agitant en prime. Restait que pour Nuage de Bourgeon, l'entendre expliquer et bien. Ca n'avait rien de palpitant. C'est seulement quand il prit position - parlant toujours trop à son goût - qu'elle l'observa vraiment. Scrutant la posture attentivement. Elle ne loupa rien de chaque mouvement. Oh oui, elle observait mais de là à imiter, retenir. Et puis comment retenir ce qu'on à pas vraiment écouter et juste vue ? Toujours fut il que quand il tomba elle ouvrit la gueule avant de la refermer. Il avait atterrit souplement et n'avait rien. S'était aller si vite - un peu comme l'éclair de la veille - et s'était déjà fini. Et voilà que s'était à eux.

Hum d'accord.

Elle s'avança, se replia et bondis. Mais elle sorti ses griffes trop tard et elle glissa sur l'écorce pour re-sauter instinctivement au sol. Là, elle s'ébroua et gonfla ses petites joues, un peu frustrée. Elle observa l'arbre de nouveau et jeta finalement un regard sur Nuage de Foudre voir comment lui s'en sortait.