Clairvoyance | Flair

« Ah, voilà ! Je savais bien qu'on trouverait quelque chose sur quoi tomber d'accord ! » Il fut d'un tel entrain qu'il sembla lui-même très surpris de ce dernier. Tempête le vit rabaisser la queue aussitôt après l'avoir dressée, embarrassé, certainement, par son emportement.

Nuage de Tempête eut la bonté d'âme de le laisser rassembler ses esprits, tout sauf dans le jugement par rapport à sa réaction. Il avait beau être un peu trop calme, il lui arrivait bien souvent d'avoir des éclats d'enthousiasme, lui aussi. Et ce, bien qu'il ne comprenne pas vraiment celui de son interlocuteur.

« Enfin, j'voulais dire, euh,... » Il chercha ses mots, finit par les trouver : « T-tu vois, je trouve ça plutôt rassurant en fait. Je pense juste que, si on pouvait discuter, bah...

On aurait peut-être pas aussi souvent besoin de sortir les griffes.» Et ce fut au tour de Tempête d'être surpris, non pas de sa réaction - puisqu'il ne réagit pas plus que ça - mais des paroles de Flair. Il écarquilla un peu les yeux, redressant les oreilles alors qu'il l'observa, un instant silencieux.

Moins sortir les griffes ? Discuter d'avantage ? Au fond, Tempête pouvait le comprendre. Au fond, peut-être, pouvait-il s'imaginer. Mais la réalité était trop complexe, tellement complexe qu'elle en devenait terriblement simple. On ne pouvait se contenter de discuter.

« Je comprends et je crois que c'est possible, en fait... Mais pas avec tout le monde. » Finit-il par dire, l'air soudainement dur. « Vois-tu, les clans, ça fait des années qu'ils se font la guerre... Tellement qu'on a oublié d'où ça vient ! Mais... Y'à un truc qu'est sûr : Tu peux pas prendre le temps de discuter. Le moindre signe de faiblesse et c'est un autre clan qui passera sur le tiens ! » Il s'avança, légèrement, bombant le torse.

« Ce serait beau, en fait, qu'on puisse tout régler en bavassant... Mais voilà, les choses sont simples : on peut pas toujours. C'est souvent utile de sortir les griffes. »

Ses paroles semblèrent atteindre le jeune matou. Qui sait, peut-être que ces félins n'était pas si impossibles à raisonner ? Flair se surprit à nourrir un léger espoir, espoir que Tempête puisse peut-être voir le monde tel que lui le voyait... Les premiers mots entretinrent cet espoir... avant de l'éteindre aussitôt. "Je comprends et je crois que c'est possible, en fait... Mais pas avec tout le monde." Flair ne comprit pas tout à fait la réponse. Pas avec tout le monde ? C'est-à-dire ? Il s'apprêtait à demander des précisions, mais Tempête enchaîna :

"Vois-tu, les clans, ça fait des années qu'ils se font la guerre... Tellement qu'on a oublié d'où ça vient ! Mais... Y'à un truc qu'est sûr : Tu peux pas prendre le temps de discuter. Le moindre signe de faiblesse et c'est un autre clan qui passera sur le tien !"

Tempête avança en se faisant gros, Flair recula mécaniquement. Il n'était pas du genre à se bagarrer, alors il avait acquis ce réflexe face aux marques d'agressivité. Ses pattes bougèrent sans qu'il ait besoin de leur ordonner. Le matou ne trouvait pas l'argument convaincant, au contraire. Un conflit continu, dont on ne connaît même plus les origines ? C'était insensé. Et en même temps, les paroles de Tempête montraient bien comment le conflit s'auto-entretenait au cours du temps. Il ressentit presque de la pitié pour tous ces chats, victimes de ce système, et comprenait mieux à présent pourquoi certains décidaient de rejoindre la tribu. Pour que l'ambiance entre les clans change durablement, il faudrait des chats prêts à tendre la patte à leurs voisins, et dans des positions de pouvoir... À entendre ce que l'apprenti disait, une véritable syzygie.

"Ce serait beau, en fait, qu'on puisse tout régler en bavassant... Mais voilà, les choses sont simples : on peut pas toujours. C'est souvent utile de sortir les griffes."

Flair prit ces derniers mots comme un crachat dans la figure. Il continua donc de reculer, se retirant peu à peu des bordures du territoire du Clan du Tonnerre.

"Bavasser, bavasser... Je vois bien que c'est difficile pour vous. Mais si discuter pour maintenir la paix, c'est bavasser" - il appuya sur ce mot - "alors c'est sûr que ça doit être difficile de faire autre chose que de se jeter les uns sur les autres. Tant pis. J'espère pour vous qu'ça changera un jour. D'ici là, bon courage, Tempête."

Flair tourna finalement les talons, non sans jeter un œil derrière lui pour s'assurer que l'apprenti ne s'apprêtait pas à lui bondir dessus toutes griffes dehors. Il avait assez essayé de parler avec un clanique pour aujourd'hui : direction la tribu, sans oublier de récupérer ses proies enterrées sur le chemin.