Colère calme || RP Solo - end

Après avoir vainement tenté de raisonner sa sœur et ses idées stupides lors de son baptême, Nuage de Glycine était parti. Il avait quitté le camp, filant par la même sortie qu’ils avaient emprunté des lunes plus tôt pour aller rechercher cette fichue boule de mousse, filant droit devant lui sans réfléchir.

Il était triste, fâché, boulversé, en colère. Tout sauf heureux.

Voilà des semaines qu’il observait, sans jamais rien dire, son père passer du temps privilégié avec Petite Feuille. Qu’il les regardait partir ensemble, sans lui, sans comprendre pourquoi il était laissé derrière. Il gardait le silence, parce qu’il avait à cœur d’être un bon grand frère exemplaire, de penser en premier lieu au bonheur de sa sœur. Mais il ne pouvait s’empêcher de repenser malgré tout à toutes les fois où il s’était efforcé d’inclure Petite Feuille dans toutes les activités qu’il faisait avec leur père. Au fait que pas une seule fois il ne l’avait oubliée ou mise de côté. Et elle, elle l’avait oublié. Mais ce n’était pas grave, se disait-il, parce qu’il était un grand frère responsable, et que sa sœur était contente.

Et puis de toute façon, ils seraient bientôt apprentis. Un semblant d’indépendance les attendait, et quand ils seraient seuls dans la tanière des apprentis, alors ils seraient seuls ensemble, et ils deviendraient les plus forts. Leurs rapports avec leurs parents évolueraient, et alors un semblant d’égalité entre les relations reviendrait comme avant.
Ou du moins, c’est ce qu’il pensait.

Parce que Petite Feuille en avait décidé autrement, et parce que comme tous les chatons, elle avait fait une bêtise, elle avait décidé de renoncer à son baptême et son Nuage. Elle avait accaparé l’attention de toute la cérémonie. Il avait l’impression qu’elle lui avait volé leur baptême. Pas le sien, le leur. Leur moment à eux, à Petite Feuille et lui, à Petite Nuit, Petite Tempête, Petite Bécasse, Petite Mésange, Petite Île et Petit Souffle. Leur moment de gloire, elle l’avait fait sien.
Elle avait accaparé toute l’attention de leur père. Avait accaparé toute l’attention du Clan pour le baptême. Et allait peut-être accaparer l’attention de leur mère, pour elle toute seule, parce que Source Fleurie avait annoncé ne pas vouloir rester plus longtemps pour elle.

C’était la goutte de trop.

C’était idiot de se croire altruiste, de penser que tout ce qu’il faisait pour sa sœur, il le faisait sans rien attendre en retour. C’était faux. Il s’attendait au minimum à ce qu’elle lui rende la pareille. Il ne l’assumait pas, mais c’était la réalité des choses.
Il en avait marre d’avoir fait tous ces efforts pour au final être laissé derrière, seul. Il lui en voulait.

Elle veut rester seul avec papa et maman ? pensait-il, furieux. Eh bien qu’elle reste seule !

Elle était la petite fille parfaite, belle, exemplaire et sérieuse — tellement exemplaire et sérieuse que pour une simple bêtise, elle renonçait à son baptême. Comme c’était mature ! Lui, il était laid, il était bizarre, il avait agressé un chaton, il n’était même pas dans le bon corps. Peut-être que c’était pour ça qu’il était seul.

Il se retrouva au pied de l’arbre aux chouettes, là où il avait fait face à ce méchant chat de la Rivière quand il était petit. Son tortionnaire ou l’oiseau qui l’avait enlevé pouvaient bien revenir, tient ! Peut-être qu’au moins, après ça, ses parents le remarqueraient un petit peu.
Il resta au pied des racines, fulminant de colère.

Au bout d’un temps qu’il avait arrêté de compter depuis trop longtemps, un lérot escalada l’une des racines à côté de lui. Elle était si proche, comme si elle le narguait. Nuage de Glycine vit rouge, et il lança sa patte comme il l’avait fait à Petite Tempête, mais beaucoup, beaucoup plus fort. Ses griffes ne tapèrent rien d’autre que l’écorce, et le choc lui fit mal aux coussinets. Le lérot, lui, avait disparu.

Il se mit à pleurer, se sentant seul, misérable, et en colère. Il ne voulait parler à personne.