Petit « frère » | Ft. Petite Anguille

Petit « frère »
Feat. ◊ Petite Anguille

Elle n'en pouvait plus de l'antre du guérisseur. Nuage de Poulpe était son cousin. Il était gentil également. Et Feuille de Saule semblait toujours être de bonne humeur. Pour autant, cela ne suffisait pas à convaincre Nuage Rieur. Elle ne se sentait pas bien ici. Et bien qu'elle avait apprit à ne plus aimer la tanière des novices avec les lunes, jamais elle n'aurait imaginé qu'elle puisse lui manquer à ce point. Et elle s'ennuyait à passer ses journées entière couchée de la sorte. Et contrairement à il y avait de cela bien une lune déjà, elle s'était surprise à attendre la visite qu'elle recevait au moins une fois par jour. Ce n'était pas toujours le même chat, parfois elle voyait même arriver plusieurs matou du clan. Ses cousins, sa mentor, son parrain de cœur, Nuage de Ru était venu plusieurs fois également. Et même ce chaton, Patte Nocturne. Ses petits mots d'enfants avait eu le don de l'attendrir. De la faire sourire aussi. Il était mignon avec ses petites fleurs partout dans le pelage. Et puis, elle partageait un peu ça avec lui maintenant qu'elle en avait elle-même quelque unes. Elle avait même adressé quelques mots à ce sujet à Lueur d'Espoir.

Lueur d'Espoir devait bien être occupé aussi maintenant. Même s'il trouvait toujours le temps de passer la voir, leur grand évènement à Coeur de Murène et lui avait fini par survenir et leur fils était né. Petite Anguille, c'était comme ça qu'ils l'avaient nommé. Elle aurait aimé pouvoir se traîner jusqu'à la pouponnière pour aller le voir, mais ses pattes ne bougeaient toujours pas. Mais ca finirait bien par revenir après tout, pas vrai ? Il fallait simplement qu'elle se repose le temps qu'il fallait, et elles guériraient. Elle espérait en tout cas. Lueur d'Espoir ne tarissait pas sur les compliments de son petit garçon. Et nul doute qu'avec des parents comme il avait, il deviendrait un sacré guerrier un jour ! Pas comme elle ne put elle s'empêcher de songer.

Nouveau soupir. Le temps était vraiment sacrément long. Et son menton toujours écrasé sur le sol, elle s'était néanmoins tournée vers l'entrée de l'antre pour surveiller les potentiels arrivants. Parfois elle voyait même les ombres des pas de certains chats qui passaient un peu trop proche de l'entrée. C'était toujours mieux que rien.

PETIT « FRERE »

ft. Nuage Rieur

Les jours passaient avec une lenteur qu'il n'appréciait pas du tout. Chaque matin, il se réveillait pour se plaindre, manger, et retourner dormir. Qu'est-ce qu'il s'ennuyait! Enfin, ça, c'était les journées où Papa et Maman ne l'emmenait pas en dehors de la pouponnière. Papa refusait encore qu'il sorte tout seul, il allait avoir deux lunes, il pouvait bien sortir sans être couvé maintenant! Mais Papa refusait, il voulait toujours que Petite Anguille sorte accompagné. Le petit comprenait pas réellement pourquoi, il ne voyait aucun danger si important, et puis, on lui rappelait toujours à quel point il était en sécurité dans le camp, alors pourquoi Papa laissait croire le contraire?

Enfin, il ne s'était pas arrêté à ça aujourd'hui. Lui, il voulait découvrir le monde qu'on ne lui laissait que goûter. Encore une fois, Maman dormait comme un loir, alors c'était l'occasion parfaite de s'éclipser tout seul pour une fois. Il en avait marre que ses parents soient dans ses pattes, alors qu'il tentait d'explorer le camp. Alors, après sa routine quotidienne du matin, il avait tranquillement attendu que Cœur de Murène s'endorme, il ne faisait pas de vague, s'était tu tout du long, un vrai petit ange que personne ne pouvait suspecter. Un coup d'oeil à droite, un coup d'oeil à gauche, il voyait que les reines étaient soit absente soit très occupées avec leurs propres marmots.

Avec une discrétion qu'il ne se connaissait même pas, il se glissa en dehors de la pouponnière avec facilité. Il se stoppa à quelques pas de l'entrée, alors qu'il ouvrait ses grands yeux pétillants sur le camp et ses habitants. Un large sourire aux lèvres, il était fier de lui-même et particulièrement excité pour les futurs découvertes qu'il allait faire. Avançant à pas lent, il baladait son regard sur les alentours, ne pouvant rester en place. Cependant, quand il croisa le regard un peu trop insistant d'un guerrier, il lui tira la langue. Rien de plus prévisible, venant de lui. On ne vint cependant pas l'arrêter, alors qu'il trottinait à travers le camp.

Et il découvrit enfin son objectif du jour: l'antre des guérisseurs. Maman et Papa avaient refusés de l'y emmener lors des premières sorties; ils disaient que ce n'était pas un endroit pour lui, que les chats qui s'y trouvaient voulaient le calme et la paix, pas un petit monstre lâché dans leur tanière. Il allait leur prouver qu'ils avaient tort! Tout le monde l'adorait, c'était normal, il était le meilleur. Dans une course rapide, il se rapprocha de l'antre, avant de ralentir pour la détailler. Deux énormes rochers étaient affaissés l'un sur l'autre, et une petite entrée se dessinait entre eux. Il ne prit même pas le temps d'être discret; il frappa vite et fort, se jetant d'un bond à l'intérieur de l'antre du guérisseur.

« - OI ! ANGUILLE EST DANS LA PLACE! » Mais rapidement, son large sourire triomphant s'effaça alors qu'il se retrouvait face à une chatte qu'il ne connaissait pas encore. « - T'es qui toi? »

Il pencha la tête sur le côté, une lueur vive brillant dans ses yeux, alors que son oreille tombante pendouillait sur son front. L'un de ses sourcils était froncé, alors que l'autre remontait.

Petit « frère »
Feat. ◊ Petite Anguille

Pleine de son observation de l'entrée de l'antre des guérisseurs, Nuage Rieur ne manqua assurément pas les petites pattes qui semblaient s'approcher. Pas plus qu'elle ne rata le cri que le gamin venait de lancer. Anguille ? Et bientôt elle vu l'enfant en question apparaître complètement dans son champ de vision. Anguille comme dans Petite Anguille ? Finalement elle n'aurait pas à ramper jusqu'à la pouponnière pour le rencontrer puisque le dit enfant semblait être tout simplement venu à elle.

Elle ronronna doucement. Après tout, il était bien le fils de Lueur d'Espoir et de Coeur de Murène. Il était beau. Comme ses parents. Il leur ressemblait aussi. Elle était heureuse de pouvoir le voir. Elle pourrait peut-être décrocher quelques mots de plus à la prochaine visite de Lueur d'Espoir. Lui dire qu'elle avait rencontré son petit garçon. Qu'il lui ressemblait aussi. Qu'il était beau. Qu'elle était contente pour lui. Ou peut-être moins de mots. Parler dans son esprit, se répéter les phrases étaient toujours plus simple que de les dire à voix haute. « Nuage Rieur. » Répondit-elle d'abord comme un automatisme. « Petite Anguille tu es ? » Question qui n'avait pas vraiment besoin de réponse étant donné que le gamin avait lui même crié une partie de son nom en pénétrant la tanière. « L'apprentie de ta maman je suis... J'étais ? » Elle avait murmuré ses derniers mots. Plus pour elle que pour l'enfant.

Mais la question demeurait dans son esprit. Etait-elle toujours l'apprentie de Coeur de Murène ? Après tout la guerrière était désormais reine. Et puis, quant à elle même... Eh bien elle était clouée dans l'antre de Feuille de Saule et de Nuage de Poulpe. Et ce n'était certainement pas pour les mêmes raisons que le dernier apprenti de ses cousins. Nuage de Poulpe était bloqué ici de son propre chef, il apprenait le métier de guérisseur. Elle, elle était coincée contre son gré. Plus d'entraînement pour elle. Et un apprenti qui n'apprenait plus était-il encore seulement un apprenti ?

PETIT « FRERE »

ft. Nuage Rieur

Son arrivée n'avait pas eu l'effet escompté; une ou deux têtes s'étaient relevées, avant de retourner dormir. Le mouflet avait fait gonfler ses joues dans une moue mécontente, soupirant bruyamment. Etudiant les alentours, il se rendait compte à quel point cette endroit était ennuyant; des plantes par-ci par-là, des litières vides ou occupées, des malades et des vieillards. Mais surtout; elle.

Elle se présenta comme Nuage Rieur, ce qui fit pencher la tête du petit sur le côté, alors que son oreille pendante couvrait son front. C'était elle Nuage Rieur? C'était elle l'apprentie de sa maman? Elle avait rien d'incroyable, du moins rien d'assez intéressant pour que son nom se retrouve aussi souvent dans la bouche de ses deux parents. Elle s'était redressée, elle et son pelage cendré. Mais quelque chose clochait, elle semblait accrochée au sol, comme incapable de soulever son propre corps.

Nuage Rieur lui demande s'il était bien Petite Anguille, auquel il acquiesça d'un « - Hmhm..» alors qu'il l'étudiait minutieusement, et de façon très peu discrète. De quelques pas, il se plaça sur le côté de la chatte, formant un arc de cercle pour pouvoir détailler le rester de son corps. Son dos était tout tordu vers le bas, et ses pattes semblaient toutes bizarres. La chatte continuait de se présenter, mais lui ne l'écoutait que vaguement. Son regard était insistant, alors qu'il suivait chacune de ses courbes distordues.

« - Donc c'toi Nuage Rieur, l'apprentie de Maman.. » Il recula sa tête, laissant son corps retombé pour s'asseoir d'un bond sur ses fesses. Il redressa son regard, ses sourcils se fronçant dans un faux sérieux et un regard faussement grave. « - T'es trop chelou, tu fais peur. »

Il avança légèrement sa tête, fronçant encore plus ses sourcils avec cet air cogitant, alors que discrètement les commissures de ses lèvres s'étiraient déjà. Pourtant, bien qu'il la trouvait particulièrement dérangeante avec ce corps tout droit sorti de sous les roues d'un monstre du chemin du tonnerre, il ne fuyait pas pour autant. Au final, il était plutôt intrigué. Intrigué de savoir pourquoi ses parents parlaient tant d'elle; pourquoi des fois il le laissait sur le côté pour aller lui rendre visite à Elle. Lentement, dans son esprit, une envie de lui faire payer par jalousie naissait. Pourquoi elle, elle serait plus intéressant que lui, alors qu'elle était toute déformée. Si elle était tout le temps dans la tanière du guérisseur, comment elle pouvait être l'apprentie de sa Maman?

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Feat. ◊ Petite Anguille

L'enfant avait acquiescer, lui donnant une dernière confirmation quant à son identité. Et, finalement, les deux matous se retrouvaient à se détailler l'un et l'autre. Nuage Rieur pouvait voir le regard du petit glisser sur son corps, sur ses pattes cassées, tordues. Pendant qu'elle regardait ses yeux. Son oreille tombante. Les petites tâches dans son oreille tendue, si semblable à celle que Coeur de Murène avait sur sa truffe. Son petit visage blanc. Les tâches qui courraient sur son dos. Ses petites pattes qui semblaient déjà robustes. L'alitée semblait vouloir ancrer chaque détail du petit dans son esprit.

L'imposante chatte hocha distraitement de la tête lorsque Petite Anguille répéta ce qu'elle avait dit. Il s'était assit en face d'elle. Son visage semblait traversé par de drôles d'émotions, de réflexions. Finalement sa voix reclaqua et Nuage Rieur s'en retrouva muette. La principale raison étant simplement qu'elle ne savait pas quoi répondre à cette remarque. L'enfant venait de lui dire qu'elle était effrayante, mais pourtant, il restait résolument fixé devant elle. Elle frissonna douloureusement. Son regard semblait plus difficile à porter.

Et elle ne saisissait pas ce qui pouvait bien lui faire peur chez elle. Etait-elle trop grande ? Elle le savait. Elle n'aimait pas cette taille trop imposante. Elle était trop grande. Elle aurait voulu être plus petite. Mais elle était couchée, bien que massive, sa posture n'avait rien d'écrasant ou de menaçant. Elle était immobilisée, tout juste capable de vaguement se traîner - ce qu'elle n'avait pas vraiment envie de faire par ailleurs tant l'image que cela lui renvoyait d'elle la répulsait - elle ne représentait aucun danger. Alors pourquoi avoir peur ? Etait-ce alors dû à la position de ses pattes ? Au fait qu'elle ne les sentaient plus vraiment ? Finalement, elle baissa simplement le regard, pour souffler : « Désolée.. »

Parce qu'elle ne voulait pas que Petite Anguille ait peur d'elle. Elle voulait l'aimer. Et elle l'aimait, quelque part, déjà.

PETIT « FRERE »

ft. Nuage Rieur

Il la regardait d'un air insistant, sans aucune gêne, détaillant ses formes distordues et difformes. Son regard était lourd, impartial, celui d'un juge. Elle, le dévisageait aussi, mais l'air doux et coupable sur son visage contrastait avec l'insolence présente sur celui de Petite Anguille. Elle avait hochée la tête, validant ses doutes sur son rang dans ce monde; elle était bien l'apprentie de sa matrone, ce qui lui fit froncer les sourcils. D'un côté, il était déçu de ce qu'il découvrait, cette chatte n'était que la moitié d'un félin, traînant sa carcasse mourante sur le sol, incapable de se redresser et de courir. Quelqu'un comme ça était devenu apprenti? Il pouffa, arquant le coin de ses commissures dans un sourire moqueur et léger. Il n'avait plus aucun doute sur sa capacité à devenir guerrier, voir même lieutenant, si ce genre de déchet avait une chance de devenir un combattant.

Assis, droit, les pattes rapprochées et le regard désintéressé, il la prenait de haut sans le montrer très clairement. Une lueur moqueuse allumait ses prunelles à l'air déjà rebelle. Quand il lâcha sa remarque, sa voisine frissonna, il pouvait voir sa fourrure se hérisser en une vague similaire au vent frappant l'herbe des landes. L'apprentie baissa les yeux, soufflant une excuse. Le chaton arqua un sourcil, avant d'afficher ses crocs dans une rictus moqueur. Elle n'avait pas comprit ce qu'il voulait dire, elle n'avait pas encore comprit que son but était de la blesser, car pour lui, elle ne représentait rien de l'intérêt que ses parents le lui accordait.

« - Et donc, des.. trucs, comme toi, peuvent d'venir apprenti-guerrier? Pft. C't'encore plus facile qu'j'le pensais. Même les infirmes ont une chance. »

Dit-il en basculant légèrement sa tête en arrière, avec cet air supérieur et méprisant sur le visage, détournant son regard pour le glisser sur les murs de l'antre des guérisseurs. C'était une blague; un putain de cirque. Une foire aux monstre. Comment le clan pouvait lui offrir cette faveur, cette chance qu'elle ne méritait même pas, cet intérêt sans fond; tout ça pour une chatte même pas capable de chasser, de combattre, d'être utile aux autres.

« - Bientôt on enverra l'chatons à la guerre; ils auront sûrement plus d'utilité, eux. »

Toujours le visage tourné vers le mur, il reporta lentement son regard sur la chatte alors qu'il crachait ses mots, la fixant avec cet air mauvais. Le menton redressé, il avait un air mesquin que ses parents n'auraient jamais pu imaginer. Lui qui était un petit ange, il se transformait en véritable démon lorsqu'il n'avait pas ce qu'il voulait; et aujourd'hui, c'était tout l'intérêt de ses parents qu'il voulait. Il refusait de le partager avec cette.. chose.

Petit « frère »
Feat. ◊ Petite Anguille

Devant le regard insistant de l'enfant, Nuage Rieur aurait aimé disparaître. Elle n'aurait jamais imaginé que le regard d'un si petit chat pouvait être si lourd. Si pesant. Si douloureux. Un sourire étirait le coin des babines de l'enfant en même temps qu'un petit rire moqueur s'échappait de ses crocs, faisant d'autant plus frissonner l'imposante chatte. Même assis face à elle, le simple fait que Nuage Rieur redresse la tête la rendait plus grande que lui, et pourtant, quand bien même en réalité elle aurait pu l'envoyer valser d'un simplement mouvement d'une patte, elle se sentait incroyablement et ridiculement écrasée.

Petite Anguille reprit, dédaigneux. Et Nuage Rieur voulu s'écraser d'autant plus pour disparaître totalement. Elle ne savait même pas quoi répondre. Que pouvait-elle répondre à ça de toute manière ? Elle n'était pas infirme quand elle avait été nommée apprentie. Mais même sans pattes handicapées, elle avait toujours été un handicap pour le clan. La sang-mêlée incapable. L'immense femelle incapable de rendre le moindre coup. Qui ratait ses poissons neuf fois sur dix. Alors, finalement, la chatte détourna complètement le regard, perdant ses yeux tristes dans le vide. Oui. Elle avait toujours été un fardeau, inutile. Et elle l'était d'autant plus depuis la mort de ses pattes arrières.

Continuant sur sa lancé, le chaton fit une remarque sur l'utilité des chatons dans une guerre. Et cela fit redresser la tête de la vieille apprentie. Petite Anguille n'était encore qu'un bébé. Il ne savait pas à quel point une guerre était éprouvante et affreuse. « Dire ça tu ne dois pas.. » marmona-t-elle à demi mot. Les chatons devaient éviter la guerre. Elle se souvenait encore de Source de Secrets qui s'était faite gardienne de la pouponnière lors de l'invasion par le clan du Vent. La guerrière qui, même si elle était comme une étrangère au sein du clan, avait protégé les enfants, mettant sa vie en danger, préservant les plus jeunes de l'horreur du dehors. Préservant les chatons qui n'apprendraient que plus tard l'assassinat ignoble de leur mère.