[Inondation] À Coeur et corps perdus [Pv Luciole des Bois]

▬ Guerrière

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Luciole des Bois est naturellement méfiante, surtout du Clan du Tonnerre. Pour elle, avec ce chef étrange qu'ils ont à leur tête, ce Clan ne peut pas être digne de confiance. Quoi qu'on en dise et quoi qu'on en pense, le chef d'un groupe est son image, son porte-parole, il le reflète d'une certaine manière.
Alors qu'elle est affairée à nettoyer son territoire des déchets bipèdes qui le jonchent depuis l'inondation, elle se rapproche de la frontière marquée par le chemin du tonnerre. Sans vraiment s'en rendre compte, instinctivement en quelque sorte. Depuis qu'elle a surpris Tempête de Suie récupérer sur les terres de l'Ombre le corps d'une défunte de son Clan, Luciole s'est donnée pour mission de surveiller la frontière de plus près. Avec l'accord et l'appui de sa lieutenante, elle vient régulièrement vérifier qu'on ne profite pas de la magnanimité dont elle a fait preuve avec le guerrier brun.

C'est lorsqu'elle entend les crissements d'un monstre qu'elle redresse la tête, se rendant compte de sa proximité avec l'étrange chemin noir et puant. Tout son corps suit le mouvement, elle lâche le plastique boueux qu'elle tenait entre ses crocs et, sans même prendre la peine de le poser sur le tas de détritus qu'elle a pris soin de rassembler, Luciole des Bois s'élance en un bond élastique vers la frontière.
Elle en avait discuté avec Oreille, Mouron et Cormoran. La première lui avait même dit, mot pour mot : « Tss, les sales chiens du Tonnerre ! Tu as été d'une remarquable gentillesse Luciole, c'était la bonne chose à faire mais hélas... j'ai bien peur qu'il en profite. Et s'il s'imaginait maintenant qu'il pouvait entrer et sortir comme bon lui semble de nos terres ? Si ça avait été moi ce jour là, l'issu n'aurait pas été la même. » Et Luciole s'était dit qu'elle n'avait pas tord. Qu'elle avait raison même. Que ce chat, elle ne le connaissait pas, elle ne pouvait pas affirmer avec certitude qu'il ne s'imaginerait pas des droits imaginaires. Un courant électrique passe dans son pelage alors qu'elle se demande : « Alors, sur quoi vais-je tomber ; un profiteur, donnant ainsi raison à mes doutes ? Ou, au contraire, vais-je faire taire mes soupçons ? »

Sa course silencieuse l'amène jusqu'au rebord du chemin du tonnerre, dans une vase gorgée d'eau. Elle s'y tapit, basse sur ses appuis un peu ratatinée sur elle-même, prête à bondir, telle une ombre invisible. Son odeur est ainsi masquée et des plantes aquatiques forment un rideau devant son visage, la dissimulant plus encore.
Ses yeux se plissent. Bien sur elle le reconnaît.
Et vu la tête qu'il fait, il a sans doute manqué de peu d'avoir un accident avec le monstre hurleur. Derrière elle, la queue de Luciole se balance doucement, régulièrement, au-dessus de l'eau.
Elle attend. Elle veut voir ce qu'il va faire.

Et elle aurait préféré que ça s'arrête là. Qu'il reparte en arrière, se remettre de ses émotions. Mais non. Évidemment il faut qu'il vienne par ici.
Luciole des Bois n'est pas aveugle, elle a bien comprit sa panique, elle sent l'odeur de sa peur. Mais quand elle le voit rejoindre la rive, se cacher de son côté, son cœur se serre.
La guerrière fait un pas, puis un autre, sort de sa cachette. Son pelage recouvert de boue lui permet toujours d'être invisible à son nez et, dans son dos, elle s'approche à pas feutrés. Sa voix, si douce et enfantine, tonne pourtant comme une sentence sévère et accusatrice.

« - Je savais que j'avais bien fais de me méfier. »

Il se retourne et leurs regards se croisent. Luciole a la tête basse, son visage froid le dévisage sans ménagement. Son dos est tendu et sa queue continue de marquer un tempo régulier. La guerrière n'est, certes, pas sur le point de lui sauter à la gorge... mais elle est froidement menaçante.

▬ Guerrier

Assis, plutôt gauchement, dans la gadoue, persuadé d’être chez lui, il ne se méfie pas, il reprend juste ses esprits et son souffle. Il ne se rend même pas compte de la présence dans son dos. Pas tant qu’elle ne parle pas en tout cas. Mais l’effet de surprise est assuré puisqu’il se redresse dans un bond avant de se retourner. Mais qu’est-ce qu’elle fiche ici ?

Puis, il réalise, en voyant les pins derrière la femelle violacée. Il regarde par-dessus son épaule et aperçoit les arbres feuillus dans son dos. Derrière le chemin du Tonnerre. Comme un apprenti prit sur le fait, il soupir, un mélange de désespoir et d’agacement envers lui-même, et il leva les yeux au ciel, devant sa propre stupidité.

- Désolé. Je me croyais chez moi. Avec toute cette boue et ces monstres, je n’ai pas sentit la frontière.

C’était vrai. En même temps, il n’était pas vraiment dans ce qu’il faisait, depuis plusieurs jours. C’était surtout une erreur d’inattention de sa part. Un guerrier vétéran comme lui n’était pas vraiment censé faire ce genre d’erreur. Il ne comptait pas se justifier plus, est-ce que ça servirait vraiment à grand chose ?

Il se redresse et tourne le dos à la femelle pour se tourner sur le chemin du tonnerre. Une foulée de voitures passe dans les deux sens. Il est obligé d’attendre que ça s’arrête pour repartir. Il ne fait pas de chichi, il espère repartir aussi vite qu’il est venu.

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▬ Guerrière

Luciole des Bois constate sans y réagir qu'elle le surprend. Et cette surprise sur son visage semble des plus sincère, mais ça ne suffit pas à faire retomber la méfiance de la guerrière.
Le mâle pousse un soupir et, l'air agacé, il roule des yeux vers le ciel. Son attitude a le mérite de lui faire hausser un sourcil, d'affaisser légèrement le coin de ses lèvres ; l'agacement commence à se faire sentir dans les pulsations de Luciole, qui s'accélèrent dangereusement. Déçu de s'être fait prendre, hein ?

« - Désolé. Je me croyais chez moi. Avec toute cette boue et ces monstres, je n'ai pas sentit la frontière. »

Et maintenant, le voilà qui fait mine de s'éloigner. Le guerrier s'approche du chemin du tonnerre, devant lequel il est forcé d'attendre puisque des monstres s'amusent à rouler leur bosse en cet incessant va-et-vient tonitruant.

« - Tu ne devrais pas me prendre pour une imbécile, Tempête de Suie. »

Elle commence doucement. Sa voix douce, contre laquelle elle ne peut rien, tromperait nombre d'ennemis.

« - Un apprenti, un tout jeune guerrier... je n'aurai rien dis. Mais toi tu ne me feras pas croire que tu es si jeune et si inexpérimenté. Alors tu comprendras que je ne peux te laisser partir si facilement. »

Sa phrase se termine en un sifflement et son pelage commence à enfler. Lentement, sa queue se balançant en rythme derrière elle, la femelle s'approche de Tempête de Suie, fait barrage de son corps entre lui et sa porte de sortie.

« - Réponds à mes interrogations, continue-t-elle menaçante, que fais-tu sur mon territoire ? Comptais-tu profiter de la magnanimité dont j'ai fais preuve, la dernière fois ? Le Clan de l'Ombre est fort, mais l'inondation nous touche tous. Je ne veux pas me battre, mais explique-moi pourquoi je ne devrais pas te corriger. »

Elle reste stoïque, se grandit ; Luciole n'est pas en position de combat, mais ses muscles bandés sont prêts à réagir, quelle que soit la réaction du guerrier face à elle.

▬ Guerrier

Luciole des Bois ne le crois pas. Evidemment qu’elle ne le crois pas, c’est pas une erreur de vétéran. Et pourtant, malgré son expérience, lui aussi, peut parfois faire preuve d’inattention. En réaction à la femelle, il bande aussi ses muscles, prêt à se défendre. Elle l’empêche de partir.

- Profiter ? Moi ? J’ai presque été écrasé par un monstre, j’étais déboussolé, j’ai fait une erreur d’inattention, ça arrive.

C’est qu’il ronchonne en plus, elle allait pas lui prendre la tête pour une erreur toute bête. En plus, il avait reconnu son erreur, elle voulait quoi de plus ? Qu’il se remette à pleurer comme la dernière fois ? Il avait juste eût un léger moment de faiblesse. Puis, la guerrière ennemie n’avait pas à savoir pourquoi il n’était pas dans ses pattes. Même si elle pouvait s’en douter.

- Est-ce que j’ai répondu à tes questions ? Je peux repartir, maintenant ?

Qu’est-ce qu’il était venu faire à la frontière, déjà ? Il était en patrouille, à la base.

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▬ Guerrière

TW:

« - Profiter ? Moi ? J’ai presque été écrasé par un monstre, j’étais déboussolé, j’ai fait une erreur d’inattention, ça arrive. »

Non. Ça n'arrive pas aux chats expérimentés. Ça n'arrive pas à des chats comme lui, comme elle, qui connaissent par cœur et depuis des lunes la frontière si particulière entre le Clan du Tonnerre et le Clan de l'Ombre. Il n'y a que les bébés et les étrangers pour se faire avoir comme ça. Et Luciole refuse de croire qu'elle le surestime. Tempête de Suie et elle doivent être à peu près de la même génération alors il n'y a pas de place pour le doute ; si elle est capable de maîtriser l'environnement aussi bien malgré l'inondation, alors lui aussi.
Mais elle n'a pas le temps de lui exposer le fond de sa penser que le chat lui demande :

« - Est-ce que j’ai répondu à tes questions ? Je peux repartir, maintenant ? »

Luciole des Bois inspire, agacée et lassée à la fois.
Elle hésite. Parce que si, en vérité une part de doute subsiste, malgré ses convictions. Parce qu'elle ne peut s'empêcher de repenser à l'état du guerrier, lors de leur rencontre. Elle ne peut s'empêcher d'imaginer le pire, qu'il n'a pas vraiment fait une erreur en déboulant sur le chemin du tonnerre, que le calcul était tout autre qu'un intérêt pour des proies ou de l'espionnage.
Et si...

« - Va-t'en. »

Elle rouvre sur lui ses yeux acérés. Sa gueule est pincée en une grimace sévère et, lentement, la femelle se décale pour le laisser repartir à sa guise. Il hésite, attend d'avoir le champ libre et, du coin de l’œil, Luciole le voit disparaître de l'autre côté, chez lui. Un lourd soupire lui échappe et elle secoue la tête ; ça lui donne la migraine, toutes ces questions inavouées.

Plusieurs heures durant, Luciole des Bois patrouillera le long de la frontière. Exactement comme lors de sa rencontre avec le vétéran adverse. Son cœur se balançant une nouvelle fois entre son devoir et sa morale, incapable de trancher. A-t-elle bien agit en le laissant repartir ? Aurait-elle dû creuser plus loin, chercher à savoir si il avait besoin d'assistance ?

FIN

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