Commençons. || PV : Nuage des Marais - abandon

La nuit avait été bien longue pour Nuage des Marais, peut-être même un peu trop. Est-ce possible de s'ennuyer d'un sommeil trop long ? C'est pourtant la sensation qui se dégagea de l'esprit du jeune novice lorsqu'il entrouvrit une première paupière. Sa pupille capta bien trop rapidement la lumière du jour à travers l'entrée de la tanière dans laquelle il reposait, si bien qu'il referma presque immédiatement cette dernière, n'ayant pas le temps de réduire sa pupille. Ce n'est qu'au deuxième essai qu'il parvint à la tenir ouverte, sa pupille noire de jais était passé d'une sphère complète à un mince croissant qui se dessinait sur un fond vert. L'Apprenti tigré ne tarda pas à ouvrir son second œil et à relever la tête. Il ne faisait pas si jour que cela dehors, à en juger même comme cela, d'un simple coup d'œil à travers l'entrée de la Tanière des Apprentis, il aurait juré qu'il s'agissait des rayons orangés de l'aube qu'il percevait. Sans prendre aucune précaution pour paraître discret, il bailla à s'en décrocher la mâchoire et grogna après les protestations qui se levaient de certains corps encore endormis. Un sourire simple et malicieux prit alors place sur les babines du matou qui se redressa progressivement pour adopter une position assise. Là, il observa un moment la masse de corps endormis à ses côtés. Certes, le Clan de l’Ombre ne comptait pas énormément d’Apprenti, mais face à un seul individu, même deux étaient plus nombreux. Ses yeux s’attardèrent un moment sur le corps frêle d’une Apprentie tricolore qu’il reconnaissait comme son jouet favori. Il ne savait pas pourquoi elle plutôt qu’un ou une autre, mais, à sa manière, elle était spéciale. Sa façon de répondre avec haine et dédain aux autres, cette façon qu’elle avait de vouloir toujours le repousser et repousser quiconque acerbement. Tout cela plaisait au jeune tigré qui prenait plaisir à jouer avec les nerfs de la jeune, prétendant un amour immonde en guise de couverture qu’il portait lourdement sur ses larges épaules. Après quelques minutes, il décrocha son regard de Nuage de Vipère et s’attarda sur lui-même.

Inutile de préciser que le félin ne pouvait s'empêcher de se croire au-dessus de tous, que ce soit mentalement ou physiquement. Son sourire s'élargit lorsqu'il vit ses muscles se dessiner sous son pelage. Gai, il décida de faire une petite toilette. Il n'aimait pas particulièrement le faire, mais ne souhaitait pas passer pour un félin qui se néglige. Loin de là, il était le meilleur et le meilleur du meilleur se devait d'être présentable. Les coups de langues s'enchaînèrent sur son pelage brun tigré et bientôt, le résultat apparu aux yeux du matou comme la perfection. Son poil avait retrouvé une propreté et un éclat qu'il avait perdu la nuit dans sa litière. Ravi, il se redressa sur sa litière, s'étendit de tout son long, quitte à empiéter sur une oreille par-ci, une patte qui traînait dans une autre litière par là. Sans aucune gêne, il prit l'espace qui lui était nécessaire et rendit ses muscles un peu plus souples que ce qu'ils n'étaient avant. Prêt pour faire son apparition aux yeux du peu de Guerriers qui devaient être éveillés à cette heure, le félin prit la direction de la sortie, sans épargner celles et ceux qui se trouvaient malencontreusement sur son chemin. Alors que les rayons du soleil vinrent teindre son pelage brun en une couleur nettement plus rougie, il fit son apparition dans le Camp du Clan de l'Ombre. Sans prendre la peine de regarder si tel ou tel chat était levé, il se dirigea vers le Tas de Gibier, soucieux de rassasier son estomac qui se plaignait. Ce n'est que lorsqu'il fut au-dessus du Tas de Gibier, pencher sur ce dernier pour en saisir une proie qui y restait, qu'il fut rejoint par une ombre furtive. Nuage des Marais n'eut aucune peine à reconnaître le félin en question.

« Il est temps pour toi de passer à la vitesse supérieure. Tu ne tarderas pas à être guerrier. Prépares-toi, nous allons nous entraîner. »

Avec cette voix qui lui était propre, cette politesse malencontreusement égarée, Étoile du Serpentaire fit son apparition aux côtés de son Apprenti. Ce dernier retrouva une expression un peu moins mauvaise, laissant entrevoir un peu de son bon côté. Il avait beau paraître froid et entièrement mauvais, sous cette apparence, se cachait en fait un félin soucieux de bien faire et d'impressionner son Clan. Lui qui avait survécu, lui le seul survivant de sa portée, se devait de se montrer fort et de ne flancher à aucun moment. Il devait être celui qui relève la tête dans n'importe quelle situation. C'est ainsi qui le voyait. Ce n'était pas là une quête de se montrer digne de ses parents, encore moins de mener la vie que ses frères et sœurs auraient mené. Non, il faisait cela pour lui. Seulement pour lui. Il souhaitait devenir le meilleur et allait tout faire pour le devenir, même s'il fallait battre, vaincre, écraser, laminer l'adversaire. Il se montrerait digne de l'entraînement de son mentor et deviendrait le prochain Chef du Clan de l'Ombre, du moins c'est ce qui s'était figé dans son esprit. Se saisissant enfin d'une proie, il ne prit pas la peine de laisser le choix de l'endroit à son mentor et alla s'installer en périphérie du Promontoire. Il lâcha sa proie, s'installa confortablement en une position assise et accueillant son mentor avec un sourire qui lui était propre et un salut respectueux, bâclé, mais avec une part de pure véracité dans le fond.

« Salutations à toi aussi Étoile du Serpentaire. J’attends avec impatience cet entraînement, j’espère pouvoir apprendre de nouvelles choses ou perfectionner les plus anciennes. »

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Commençons.

Nuage des Marais leva la tête du tas de gibier, reconnaissant la voix de son mentor. Son expression se radoucit quelque peu, chose qui n’arrivait que rarement. Sans répondre, il choisit une proie et se détourna du Serpentaire pour s’installer près du Promontoire. Il s’assit et salua enfin son mentor de façon hâtive.


« Salutation à toi aussi Étoile du Serpentaire. J’attends avec impatience cet entraînement, j’espère pouvoir apprendre de nouvelles choses ou perfectionner les plus anciennes. »


Étoile du Serpentaire leva un sourcil et gonfla la poitrine. Nuage des Marais était l’un des seuls à pouvoir lui parler ainsi, ce qui manquait cruellement de logique. Pas que le chef ne ressent pas l’envie de mater son apprenti, oh non. L’apprenti n’avait pas besoin de ça, son caractère et son ambition suffisaient pour faire de lui l’un des novices les plus prometteurs du Clan de l’Ombre. Alors le Serpentaire avait fait le choix de ne pas le braquer. Pour le moment. Un jour viendra où l’aspirant se verra remettre les pendules à l’heure, et le retour de bâton ne lui plairait certainement pas.

En attendant, le meneur du Clan prit rapidement une souris sur le tas de gibier et n’en fit qu’une bouchée. Une fois finis, il se releva et se rapprocha du Nuage, ondula la queue et lui souffla un « Allons-y ». Il s’engouffra dans le tunnel qui menait hors du camp, sans attendre le novice. Rapidement, il se mit à courir, ses longues pattes fines lui permirent de distancer rapidement le petit, qui n’aurait qu’à suivre sa piste pour le retrouver. Il ne mit pas longtemps à rejoindre le lieu qu’il avait choisi pour l’entraînement du jour. Le Charnier était l’endroit tout trouvé pour travailler le thème du jour, l’embuscade. Tout guerrier du Clan de l’Ombre se devait de connaître cette technique, idéal pour anéantir une patrouille ennemie. Le Serpentaire entra dans le Charnier et contourna la pile de déchets et autres cadavres d’animaux. La puanteur qui y régnait l’aidait à cacher son odeur corporelle. Il se trouva un recoin, bien caché et se fit discret jusqu’à l’arrivée de son apprenti.

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Prenant son temps pour mâchonner sa proie, Nuage des Marais laissa son regard couler vers son Chef. Si celui-ci aurait bronché pour moins que ça venant d’un autre Guerrier, Nuage des Marais semblait faire partie d’un cercle de privilégié. Un des seuls à pouvoir clairement dire ce qu’il pensait, sans masquer sa façon de penser, sans pour autant craindre une quelconque remontrance. Oh ! Le tigré savait très bien que sa langue pendue lui vaudrait des déboires. Probablement qu’un jour, son meneur, déciderait de le « remettre » à sa place. Mais ce ne sera pas pour autant qu’il courbera l’échine. Respectueux certes, mais pas fuyard. Loin d’être de ceux qui s’aplatissent rapidement devant le pouvoir, il était plutôt de ceux qui s’élevaient, grattant ainsi le rang qu’il désirait, juste sous les pattes de celui qui l’occupait. S’il n’aspirait pour le moment pas à être Chef, s’il préférait pour le moment se tenir tranquille et ne rêver que d’une vie de redoutable Guerrier, peut-être qu’un jour, une fois agacé de n’être qu’un Guerrier, il tenterait le coup d’état et réquisitionnerait le pouvoir comme il le pouvait. Détrôner son mentor ne lui ferait alors ni chaud, ni froid, lui seul comptait à ses yeux. Il était le seul digne de confiance, le seul à être digne de faire ce qu’il pensait pouvoir faire. En somme, sa propre parole lui servait de loi et de mode de vie. Si un jour, il lui prenait cette envie, qui dit qu’il ne répondrait pas simplement à la pulsion. Pour l’heure, il observait d’un œil amusé le meneur tigré qui, à la suite de la prise de parole du novice, gonflait sa poitrine et levait, tel un indigné, un de ces sourcils. S’il pouvait voir à quel point Nuage des Marais jubilait intérieurement d’une telle réaction, s’il savait à quel point, il s’attendait à toucher ainsi le meneur. Peut-être est-ce que pour réellement offenser l’Apprenti, il l’aurait tout bonnement ignoré. Pour l’heure, il se contentait de répondre bêtement aux attentes d’un matou qui pensait que tout lui était dû, le mettant une fois de plus devant le fait accompli que lorsque l’on désire quelque chose, il suffit simplement de faire en sorte que cette même chose advienne, en la provoquant simplement.

Encore une ou deux bouchées et Nuage des Marais en aurait terminé avec sa proie. N’ayant cessé de garder un œil sur son mentor, il vit ce dernier se saisir d’une sourire et n’en faire qu’une bouchée. S’il y avait bien des façons de manger, celle-ci devait certainement être la plus rapide et la moins élégante de toute. Prenant son temps pour finir sa proie, malgré l’approche de son mentor, le novice mâcha avec insistance avant de déglutir ce qui lui restait en gueule, ne laissant derrière lui, que des ossements épars qu’il balaya d’un revers de patte. Levant des yeux loin d’être innocents sur celui qui était son référent, il saisit le message de son mouvement de queue, se rappelant soudainement un Guerrier ayant tenté de faire de même, sans pour autant avoir le même effet. Sans qu’il n’ajoute quoi que ce soit, le novice l’aurait suivi, ayant soif d’apprendre, pourtant le meneur ajouta deux simples mots, comme si le plus jeune n’était pas à même de comprendre le langage corporel de l’autre. N’en tenant pas rigueur et suivant allègrement son mentor, il tenta de se caler sur le rythme de ce dernier. Si dans un premier temps, il tint bon à ses côtés, lorsque l’autre accéléra, il ne fut capable d’en faire de même. Les membres un peu plus courts que ceux déjà bien âgés de son meneur, il peinait à tenir l’allure que l’autre lui imposait. Qu’importe si ses muscles lui soufflaient de tout arrêter, de stopper net, Nuage des Marais appuya chacun de ses pas, tentant de minimiser son empreinte sur le sol pour accélérer. Si la silhouette d’Étoile du Serpentaire disparu entre les pins, le plus jeune ne perdit pas le nord. Puisant dans ses réserves, il trouva la force d’accélérer encore un peu et de tenir ce rythme qu’il s’imposait. S’il voulait être capable de le suivre un jour, il fallait bien passer par-là, forcer, c’était se muscler. Un sourire en coin malgré les lamentations de chacun de ses muscles, il suivit la piste laissée par son meneur jusqu’au Charnier. Piste qui s’arrêtait en ce lieu tout aussi répugnant que nauséabond, Nuage des Marais se laissa quelques secondes pour reprendre son souffle et reposer ses muscles qui criaient de ne plus faire un pas.

Commençons.

Le petit ne mit pas longtemps à arriver. Les bruits de ses pas traînants cassèrent le calme qui régnait dans ce lieu lugubre. Mais seul les croassements des corbeaux accueillirent l’apprenti. Tapi dans l’ombre, le mentor épiait chaque parti du corps de son novice qui tremblait sous l’effort qu'il venait de faire. Il manquait donc cruellement d’endurance. Et de puissance dans les pattes. Une tâche de plus pour le chef, qui espérait pouvoir se débarrasser de son apprenti au plus, se débarrasser de la dernière chose qui le retenait à Étoile du Balbuzard.

Sans un bruit il sortit de sa cachette et se faufila entre les déchets et autres ossements d’animaux. Nuage des Marais ne semblait toujours pas l’avoir repéré. Quand allait-il comprendre le but de l’exercice ? Le Serpentaire avait bien vu son indignation lorsque son chef avait dû rajouter ces quelques mots, comme s’il était incapable de comprendre un simple battement de queue. Et le Serpentaire adorait ça. L’apprenti était loin d’être stupide, mais il était bien trop prétentieux. Le sous estimer était une étape pour son futur recadrement. Car jamais Étoile du Serpentaire ne laisserait un chaton trop confiant devenir guerrier. Il avait besoin de guerrier soumis et bien discipliné. Pas de petit mal éduqué par leurs parents.

Contournant le félin brun rayé, qui s’était enfin mis en mouvement il se déplaçait aussi furtivement qu’un serpent. Il se lécha les babines, réflexes qu’il avait pris à chaque fois qu’il traquait ses proies, avant de les achever lentement. Nuage des Marais était sa nouvelle proie. Et probablement la seule qu’il laisserait repartir vivant. S’il en était digne. Tournant autour de lui, comme un vautour qui se préparait à fondre sur son butin il l’observait du coin de l’œil. Le novice se déplaçait dans le Charnier, ses oreilles pivotaient, essayant de repérer le moindre bruit. Il avait déjà abandonné l’idée de repérer son mentor à l’odeur, la puanteur des cadavres et autres objets en décompositions couvraient tout. Il ne pouvait compter que sur sa vision et sur son ouïe ici. Et le Serpentaire comptait bien en profiter. D’un mouvement de patte il fit dégringoler un objet bipède brillant qui au plus grand bonheur du charcoal fit assez de bruit pour attirer l’attention du novice. Il se retourna vers l’objet et le Serpentaire, comme une ombre, se faufila derrière lui et lui faucha les pattes. Et il retourna se cacher, sans laisser le temps à l’apprenti de riposter.

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