Rien contre, tout pour ! | Oreille Rigolote

Une nouvelle journée ennuyante c'était levée sur le clan le plus ennuyeux du monde. Le soleil était haut dans le ciel et la future chasseresse - elle était douée pour ça - préférait sécher ses entraînements barbants et se baladait au camp. Nuage de Pie n'aimait pas apprendre à se battre. Chasser, c'était amusant. Elle aimait sentir le poids de la peur tout contre le cœur de sa proie, triompher des obstacles que la nature mettait sur son chemin...

... Enfin. Elle avançait, trottinant avec cette grâce à peine exagérée, petite peste qui ne se cache pas. Elle cherchait quelque chose à faire, quelqu'un à embêter ou bien-

Ou bien oui. Son regard se posa sur une forme non loin, une chatte qui était nouvelle. Nuage de Pie ne savait pas ce qu'elle faisait - et elle s'en foutait bien - mais elle savait qu'une nouvelle ne pouvait être qu'une proie facile et une belle distraction. Alors, en quelques agiles foulées, elle se retrouva près d'elle.
Elle bondit sur la racine d'un pommier pour s'y allonger, glissant sa patte sous son menton pour poser les yeux sur la femelle grise. Nuage de Pie s'annonça d'un ronronnement doucereux.

« Bonjour toi- Tu cherche à manger ? Tu dois forcément chercher à manger, n'est-ce pas ? » Son ton mielleux ne trompait pas. Elle se moquait.

« Ah ! Bonjour Nuage de Pie ! Non, je remettais juste en place les proies que j’avais éparpillé partout pour choisir mon repas. » Et quand elle tapota son poisson immonde et gluant d'un air naïf, Nuage de Pie comprit qu'elle n'avait pas comprit l'allusion.
La féline garda un sourire crispé aux babines.

« Je peux faire quelque chose pour toi ? Tu veux partager mon repas, peut-être ? » La tête pencher ainsi, la grosse chatte devant elle avait l'air, à son sens, parfaitement stupide. Nuage de Pie se garda de communiquer le fond de sa pensée car, au delà d'être de la méchanceté gratuite, s'eut-été moins drôle que de jouer de cette naïveté.

Elle se redressa un peu, s'étirant, avant de s'allonger plus nonchalamment sur sa racines haute. Elle se laissa à peine glisser, juste de quoi s'approcher un peu de son interlocutrice.

« Bien que cela t'aiderait certainement à retrouver un poids descend pour un chat, je me vois dans l'obligation de refuser... Tu sais, ma pauvre, la plupart des chats normaux ne mangent pas des choses aussi odorantes que cette chose. Oh- Mais je te remercie de m'avoir proposer ! Ta générosité est proportionnelle à ta... Hm. Carrure ~ » Et elle ronronna, doucereuse, avant de glisser une patte sous son menton. Son sourire mauvais ne s'effaça pas, elle avait hâte de lire la blessure déformer le visage si niais de la grise. Peut-être qu'encore une fois, elle ne comprendrait pas ?

« Je comprends pas ce que tu veux. Et elle a quoi ma carrure ? On est tous grand comme ça, dans ma famille, surtout du côté de ma maman. Et cette chose, ça s’appelle un poisson. C’est super bon ! » Haaawn... Elle ne comprenait pas. Pauvre petite chose. Nuage de Pie se délectait sans aucune honte ni pudeur de l'expression de la pauvre chatte. Elle ne comprenait pas, mais cela lui faisait mal et Pie pouvait le sentir et savourer cette petite victoire.

Comme si elle avait finalement décider de perdre ses tonnes en trop, la féline glissa le poisson dans la réserve, abandonnant son idée de repas. Elle recula, signifiant par là à quel point Nuage de Pie lui était supérieur. Cela lui plaisait.

« Je comprends ce que tu me veux. Si tu me veux rien, va-t-en, s’il te plaît. Tu me mets mal à l’aise…
- Oh mais ma grosse, je ne veux que ton bien ! » Elle gloussa une nouvelle fois, commençant à ronronner. C'était un véritable vrombissement sourd, Pie n'était discrète en rien.

Elle se laissa encore glisser sur sa racine, souple et douce. Elle atterrit devant la grise, rattrapant les quelques centimètres entre elles pour se retrouver museau contre museau. Elle pouvait sentir le souffle d'Oreille et Oreille devait sûrement sentir son odeur. Nuage de Pie se roulait régulièrement dans tout ce qui pouvait sentir bon : aujourd'hui, elle dégageait un fumet doux de jeunes pousse d'herbe.

« Vous êtes grands, d'accord, mais est-ce que vous êtes obligés d'être aussi énorme ? Je m'inquiète, sincèrement ! Comment fais-tu pour chasser ou... Simplement marcher avec tout ce poids ? » Elle plissa un peu les yeux, hautaine. « J'imagine que tu n'as pas dû rencontrer beaucoup de mâles qui veillent bien de toi ~ »

« Mais pourquoi tu me dis ça ? Mes proches et mes amis, ils m’acceptent comme je suis, je vois pas le problème ? T’es pas très gentille… » La pauvre boule de poils ne s'en rendait pas compte, mais avoir le pouvoir sur elle était terriblement plaisant. La jeune chatte était extatique et le bout de sa queue vibrait nerveusement.

Pas très gentille ? La vérité n'est pas très gentille...

Puis, Pie n'en avait pas grand chose à faire, de l'avis de la grise sur elle.

« Pourquoi t’es méchante comme ça, Nuage de Pie ? Je t’ai rien fait… »

Méchante ? C'est elle qui était trop fragile. Pie savait quoi répondre à ce genre d'accusations, si on osait les lui faire, alors ce n'était pas de son fait si la chatte n'en était pas capable. Un sourire aussi mauvais que doucereux étira ses babines alors qu'elle plissa les yeux avec délice, penchant la tête sur le côté.

« Je ne suis pas méchante, ma grande, c'est toi qui est trop sensible ! » Elle gloussa un peu et passa à côté d'elle, collant son flanc au sien en courbant un peu le dos, ronronnant avec force. « Tu comprendras un jour que j'avais raison de te dire ça ! La vérité, c'est très important, maman le dit tout le temps ! »

Et après avoir passé sa courte queue sous le menton de la chatte grise, elle entreprit de s'éloigner tranquillement, la démarche aérienne et libérée de toute forme de remords.

La grise avait beau gémir, la menacer, Nuage de Pie s'éloignait du même pas. Un pas léger, celui de quelqu'un qui n'a rien à se reprocher. Un sourire satisfait aux babines, elle ne comptait même pas se retourner, se pensant intouchable. Alors, quand la voix de la grise s'éleva derrière elle, elle n'y prêta qu'une demi-oreille.

« C’est ça, t’as raison ! Va t’en. VA T’EN ! VA T’EN ! VA T’EN ! VA T’EN ! VA T’EEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEN ! C’est pour ça que t’as pas d’amis, toute façon, t’es trop méchante ! Même ta mère, elle t’aime pas, elle veut pas de toi… »

Elle se figea.

Un instant, elle ressentit une violente douleur au fond de son poitrail. Lentement, elle tourna la tête vers l'autre chatte, le souffle cout et rapide. Elle grimaça, folle de rage, mais elle s'abstint de bouger ou de dire quoi que ce soit : perdre son calme était un avoeu de faiblesse.

Son regard suivit l'autre chatte qui s'éloignait, maintenant. Elle déglutit, ne trouvant rien à lui répondre, mais elle se jura en son for de lui faire payer ses paroles. Nuage de Pie était étonnément patiente et avait la mémoire longue et la pauvre idiote grisâtre venait de se faire une ennemi redoutable.

Si Pie la laissa partir, détournant la tête pour reprendre sa marche, les dents serrées, ce n'était que pour mûrir sa vengeance.

Personne n'avait le droit de la blesser, elle.