Léonardo ▲ pv Nuage de Vipère - abandon

Il était de retour dans ce grand champ de fleurs, celui-là même dans lequel il avait rencontré l’être le plus stupide de la création – Esprit Lent. Le galet aime bien les plantes à ce qu’il faut en déduire. Au fond, Toucan reste un peu gamin, et sauter dans les herbes pour déloger le pollen des longues tiges colorées est une source d’amusement pour lui – quand il est seul, bien évidemment. Mais en ce genre froid d’hiver, point de tâches de couleurs dans lesquelles batifoler, les délicats pétales blancs et violets des passiflores n’étaient qu’un souvenir printanier.

C’est donc sobrement qu’il déambulait dans le champ, à la recherche d’une proie à se mettre sous la dent. Mais, coup du destin, ce n’est pas ce genre de gibier qui lui apparu : pas de campagnol, mais une petite minette. L’écaille-de-tortue avait l’air bien duveteuse, bien chaude. Elle n’était pas très grande, elle s’accorderait avec lui.

Enfin, elle s’accorderait pour la nuit. Toucan n’a pas besoin de s’encombrer d’une femelle. L’air mutin, un sale sourire barré en travers de la gueule, il s’approcha de la jeune chatte.

« Bonjour belle plante, auriez-vous un peu de nectar à partager avec un pauvre Solitaire fourbu ? »

La Toison Argentée et la lune illuminaient le ciel nocturne qui avait assombrit la forêt. Les paupières mi-closes, les dents serrées Nuage de Vipère écoutait les histoires de Nuage Blanc, sa demi-sœur. Cette dernière avait reçue son baptême d'apprentie il y a peu de temps et sentait instinctivement le besoin de raconter en long et en large ses journées à la femelle écaille-de-tortue. La Vipère fulminait. Depuis la mort de Petit Criard, la fille de Bec de Buse avait ressentit le besoin encore plus prononcé de se rapprocher de sa demi-sœur, qu'elle considérait comme une sœur ceci étant dit. Nuage Blanc collait sa « sœur de cœur » partout et dès qu'elle le pouvait. L'apprentie aux yeux bleus espérait de tout son cœur que sa très chère demi-sœur ne passe pas l'hiver. Elle aurait préféré que ce soit Petit Criard le survivant, il ne s'intéressait jamais à elle et tant mieux, mais il avait un santé bien trop faible, dès que la mauvaise saison est arrivée il a succombé. Tout le monde s'était apitoyé sur le sort de ce pauvre petit trésor. Nuage de Vipère s'était contentée de grommeler car toute cette animation dans le camp le soir de son décès lui avait empêché de dormir convenablement. Tous l'a traitèrent d’égoïste, de sœur ingrate, ce qu'elle assumait pleinement. Nuage Blanc continuait à parler de sa voix aiguë et niaise. Cette dernière était tout à fait agréable et aimée de tous. C'était la petite apprentie parfaite que l'écaille-de-tortue jalousait secrètement. L'apprentie était belle, grande et fine, mais personne n'est parfait, Nuage de Vipère savait que sa demi-sœur avait certainement de gros défauts qu'elle voulait sans doute cacher, mais lesquels ? Devait-elle craindre la belle apprentie blanche ? Seul le Clan des Étoiles le savait à son grand malheur.

L'apprentie écaille-de-tortue ouvrit ses beaux yeux bleus d'un coup ce qui surprit l'autre. Elle se leva d'un geste rapide et fixa durement Nuage Blanc.

« Où vas-tu ? S'enquit-elle. Je peux te balancer tu n'as pas à sortir comme ça ! Nuage de Vipère ricana et rétorqua avec toute la froideur du pire hiver.

- Ferme ta grande gueule deux minutes Nuage Blanc !  »

La petite apprentie lui fit son plus beau sourire et l'autre se recroquevilla sur elle même, un air effaré sur le visage. Nuage de Vipère levait les yeux au ciel, exaspéré par la faiblesse de celle qui était soit disant de son sang. L'apprentie sortit discrètement de la tanière. Les sorties nocturnes c'était finit pour elle depuis celle sur le Chemin du Tonnerre qui avait bien faillit lui coûter la vie. Si Fleur Cendrée ne lui était pas venue en aide, elle aurait finit le corps inerte, sur le sol à l'odeur puante. Le froid mordit les os de la femelle. Elle serra les dents. Par chance elle avait un pelage épais et duveteux qui n'avait plus du tout la même apparence que celui du début de son apprentissage. Il ne partait plus dans tous les sens non, maintenant elle avait un poil constamment lustré, dont elle était très fière. Nuage de Vipère parcourut le camp comme une ombre avant d'arriver à l'entrée gardée par un vieux vétéran qui semblait dormir. Comme une flèche elle sortit et se dirigea aléatoirement vers les Passiflores, ne voulant plus tenter le Chemin du Tonnerre. Elle voulait juste la tranquillité et savait que personne n'irait la chercher là-bas. L'écaille-de-tortue comptait se poser et réfléchir la tête aérée. Elle se glissa à travers les marais qu'elle connaissait par cœur. Arrivée à destination elle se posa et prit un rythme plus lent. Le givre avait détruit les fleurs laissant un paysage triste et quasiment monochrome. L'apprentie huma l'air dans l'espoir de retrouver le doux parfum floral mais ce fût tout autre chose qui arriva au petit museau rosâtre de la femelle. Ses pupilles se dilatèrent et son poil se hérissa instinctivement. Elle trouva le matou gris et plissa les yeux pour mieux le discerner dans la pénombre. Il s'approcha d'elle et elle recula, l'air méfiant.

« Bonjour belle plante, auriez-vous un peu de nectar à partager avec un pauvre Solitaire fourbu ? »

Les griffes de Nuage de Vipère sortirent. Elle se méfiait comme de la peste des solitaires. Elle les considérait comme des chats errants, de la crevure. Sa grand-mère lui avait dit qu'ils étaient dangereux et assoiffés de sang ce qui n'était pas forcément le cas, évidemment. Nuage de Vipère avait peur. Elle observa attentivement le matou. Il n'était pas bien grand, et son pelage ressortait bien plus sombre dans la nuit noire.

« Qui es-tu ? Et que viens-tu faire sur le territoire du Clan de l'Ombre ? » Cracha t-elle. Ses oreilles se plaquèrent contre son crâne. Ses yeux étaient mi-clos. Elle avait doublé de volume. Sa position était agressive mais elle ne désirait pas forcément que cela parte en combat étant donné l'image qu'elle avait des solitaires, elle avait peur de se confronter à un ennemi bien plus fort qu'elle.

HRP :

Ouh. Bon, il fallait s’y attendre. Partout où il allait, il n’y avait que des griffes sorties et des crocs luisants pour l’accueillir. Certes, il était sur le territoire du Clan de l’Ombre, mais enfin. Il était seul. Il était maigre, taillé à la serpe par la rigueur de l’hiver. Avec son petit gabarit et ses pauvres muscles noueux, avec sa fourrure ternie qui pendait, haillons d’ardoise, sur son squelette taille enfant, vraiment, il n’avait pas l’air d’une menace. À croire qu’il y avait une aura des Solitaires, une légende noire, la perspective de rivières de sang et de terre brûlée. Il soupira.

« Qui es-tu ? Et que viens-tu faire sur le territoire du Clan de l'Ombre ? »

Tout en elle respirait l’agressivité, et derrière cela, on pouvait sentir le fumet de la peur, une peur indistincte. Oui, elle n’était donc pas à l’aise en sa présence. Sa fourrure resta de marbre. Il savait que si les choses tournait mal, il n’aurait qu’à retourner dans la face cachée de la nuit.

« Bah, une saloperie de Solitaire, comme dit précédemment. Attention ma belle, je suis le croquemitaine de tes cauchemars. »

Il se passa une patte derrière l’oreille.

« Vous avez des idées bizarres, vous, les Claniques. Bref, je m’appelle Toucan, si c’est ce que tu voulais savoir. Et toi gamine ? Que le grand méchant vagabond sache qui il va bouffer ce soir... »

Toujours en position agressive, la Petite était prête à passer à l'action. Elle ne s'attendait pas franchement à avoir de la visite, mais bon, soit, elle le chasserait, s'imaginant déjà son nom acclamé par les Ombreux pour avoir virée la peste des quatre Clans de son territoire (et si possible l'envoyer sur le territoire du Tonnerre). Elle était ambitieuse l'écaille. Une ambition dévorante. D'un geste de la patte sur le givre elle balaya ses rêves de gloire. Ce qui étonnait le plus la Gamine c'est la non réaction de l'autre. Devait-elle se radoucir ou frapper pendant que l'ennemi somnolait ?

« Bah, une saloperie de Solitaire, comme dit précédemment. Attention ma belle, je suis le croquemitaine de tes cauchemars. » Fit-il.

Elle cligna des yeux successivement. Aucune agressivité. Elle décida de se radoucir un peu, ne sachant pas trop où se mettre. Son poil était toujours hérissé mais elle rentra ses griffes. L'autre reprit.

« Vous avez des idées bizarres, vous, les Claniques. Bref, je m’appelle Toucan, si c’est ce que tu voulais savoir. Et toi gamine ? Que le grand méchant vagabond sache qui il va bouffer ce soir... »

Les yeux de la sale Gosse brillaient de curiosité. Toucan ? Un nom bien original, ma foi. Elle avait pensé depuis toujours, dans son trou perdu au cœur des marais, que tout les chats avaient des noms de claniques. Toucan était un drôle de personnage qui semblait bien loin des mondanités de l'Ombre. La Petite tourna la tête dans tous les sens, intriguée. Autant, elle en savait sur les autres Clans, mais sur les Solitaires, malgré les dires de son ancêtre, elle n'en savait que très peu. L'occasion était peut-être donc la bonne pour mieux connaître ces étrangers.

« Je m'appelle Nuage de Vipère ! Miaula t-elle. Et toi pourquoi tu t'appelles « Toucan », et puis ça veut dire quoi ? »

Elle se radoucit totalement. Elle ressemblait actuellement à un chaton bien trop curieux qui pose des questions idiotes, mais elle s'en fichait sincèrement. Elle avait envie d'en savoir plus sur les « non-claniques » . Et puis elle aimait parler, à d'autres personnes que sa mentor, Nuage des Marais, Nuage Blanc. Sa vie était monotone et sans retournements, donc soit.

Avec son cou qui se tortillait dans tous les sens, elle allait se choper un torticolis cette Vipère. Le corps souple et les yeux comme des soucoupes, elle le dévisageait sous toutes ses coutures, il devait être pour elle un animal étrange. Il était de ces légendes méconnues, de ces monstres tapis le soir, de ceux qui montrent les dents et croquent les os, qui bouffent les viscères et jouissent du sang. Un monceau de conneries. On aurait dit un grand chaton, curieux devant le monde.

Car Toucan était le monde.

« Toucan, gamine, c'est un oiseau qui vient de loin, de très loin, et qui intrigue, un peu comme moi. Il est très coloré, donc tu me demanderas donc d'expliciter mon lien de ressemblance avec lui : il est minime, c'est juste que j'aime à penser que je vous apparais, à vous autres Claniques, comme un objet d'émerveillement, et que je viens raviver vos vies bien ternes ; oh, et n'oublions pas l'idéal de liberté absolue, et, intrinsèquement, de plaisir absolu, que suggère la capacité de voler du toucan, chose qui me fascine depuis que je suis un tout jeune chaton. J'ai toujours envié ce pouvoir qu'ont les oiseaux de pouvoir aller où ils le désirent, sans entrave. J'y aspire. »

Il reprit son souffle, et se rapprocha de l'apprentie, époussetant ses oreilles de sa queue.

« Et toi petite, t'es aussi dangereuse qu'une Vipère, c'est ça l'idée ? »

Toucan était un être rapide, et avec peu de suite dans les idées : si venir dans ce champ en pleine nuit lui avait semblait être la chose adéquate à faire une petite demie heure avant, maintenant, discuter avec cette petite chatte, à peine nubile, eh bien. Putain. C'était chiant en fait. Il bailla à la suite de son monologue, et fouetta l'air de sa queue. Le regard en coin, il détailla une fleur des yeux, puis reporta ses deux trous noirs sur la gamine en face, qui babillait.

- Ouais, il paraît. Ma grand-mère s'appelait comme ça, donc on m'a nommée comme ça. Tu traînes souvent du côté des claniques ?
- Bah, assez pour vous reconnaître à l'odeur, mais j'imagine qu'une petite comme toi est pas sensée se trimballer trop loin, hein ? Genre, pas chez moi, chez moi où je vais rentrer parce que putain, ça m'a saoulé ici.

Il bailla de plus belle, exposant sa dentition plus ou moins blanche, mais sans doute en meilleur état que celle des Claniques pure souche - merci le Coupeur et ses instruments médicaux parsemés en Ville.

- Bon ma biche, c'est pas tout ça mais il est tard pour les chatons, tu devrais rentrer chez toi, ou le Croque-Mitaine va venir te sucer la moelle.