[BLIZZARD] C'est une chanson qui nous ressemble ☼ Nuage d'Alcidés - end

Les feuilles mortes, Yves Montand

En cette froide matinée, la guérisseuse paraissait excessivement concentrée. Les petites pattes de celle-ci se posaient sur chaque bord d'étalage, l'un après l'autre, lentement mais sûrement. Sans dire un mot, elle comptait, recomptait, listait intérieurement, puis elle finit par énoncer à voix basse la sentence :

« Il nous manque de l'herbe à chat, et je suis presque à cours de mouron des oiseaux. Le mouron pousse d'habitude début du printemps … Je doute qu'on en trouve. J'en doute vraiment. »

Et pourtant, le Clan des Étoiles seul sait combien j'en ai besoin … La voix de l'écaille était calme et posée, mais les saccades de ses yeux et ses mouvements un peu trop brusques trahissaient sa nervosité. Constamment sous pression depuis le premier jour du blizzard, elle paraissait à bout de force – enfin, encore plus que d'habitude. Sa vision la préoccupait, et leurs stocks avaient été réduits à néant dès les premières neiges, les félins tombant rapidement malade avec cette température soudain glaciale. Aux yeux du Clan, elle demeurait souriante et dynamique, mais une fois la solitude de sa tanière retrouvée, elle se laissait aller à exprimer tout le stress qui lui pesait sur les épaules.

Du coin de l’œil, elle vit Nuage d'Alcidés dormir. Elle s'arrêta un instant, et le contempla avec tendresse. L'apprenti-guérisseur, lui non plus, n'avait pas un instant de répit. Il était mis à profit pour le bien du Clan, en accompagnant des guerriers afin de ramener des plantes que l'écaille lui listait. Il devait être aussi épuisé qu'elle, mais Cœur Fleuri devait avouer avoir bien peu de moyens de le savoir. En effet, la guérisseuse était constamment en activité, et délaissait son neveu et son enseignement.

Un instant, elle hésita. C'était si doux de le voir se reposer, avec des traits relâchés et détendus. Cependant, elle devait continuer son enseignement, surtout en des temps aussi extrêmes. Il fallait qu'il puisse assurer le minimum durant son absence, ou si elle ne revenait pas d'une cueillette un peu trop hardie. Et puis, elle devait l'avouer, elle mourrait d'envie de passer un peu de temps avec son neveu …

« Nuage d'Alcidés … Réveille-toi … »

Elle attendit que le matou soit à peu près éveillé pour poursuivre :

« J'ai un peu délaissé ton entraînement dernièrement, il faut qu'on le continue. Tu dois pouvoir être capable d'assurer le minimum du rôle de guérisseur quand je ne suis pas là. Alors on va aller en ville, chercher de l'herbe à chat. J'ai utilisé nos dernières réserves hier soir, et on ne peut pas se permettre de s'en priver, je pense que tu le sais. Et puis, pendant le chemin, on discutera de tes connaissances en remèdes, cataplasmes … Et de ta vie un peu, aussi. »

La guérisseuse sourit, le laissa s'affairer en silence, puis ils se mirent en route pour la ville. Sur le chemin, l'écaille se mit à lui poser des questions :

« Tout va bien, en ce moment ? Pas trop fatigué ? Et avec Nuage d'Abatros et ta maman, ça se passe bien ? »

walking after you, foo fighters

Même s'il n'était qu'un tout petit apprenti, il trouvait que la routine quotidienne commençait à être vraiment fatigante, surtout avec l'arrivée de l'hiver. Déjà qu'il détestait le froid, la neige n'en parlons même pas, il était ainsi forcé à rester en boule dans l'antre du guérisseur tant qu'il pouvait. Il adorait se balader, dans le Clan ou même à l'extérieur, il adorait découvrir et explorer, il adorait quand son mentor Cœur Fleuri lui expliquait des choses sur les plantes ou les environs ou lui racontait des anecdotes, mais putain, à ce moment de l'année, s'il pouvait, il resterait en boule toute la journée. Aussi, quand il le pouvait, il n'hésitait pas à dormir et avait peu de difficulté à trouver le sommeil. Il méritait son surnom de petite marmotte.
Mais il ne pouvait s'empêcher la plupart du temps de se sentir coupable quand il était réveillé par son mentor déjà active. Il n'était pas là pour l'aider dès les premières heures du jour car elle savait à quel point il détestait se réveiller et avait tendance à le laisser dormir. Par conséquent, les premières pensées du chaton à son réveil étaient toujours pour elle (après, parfois, une réflexion sur son bâillement matinal souvent violent). Cette fois-là ne fit pas exception, cependant il ouvrit les yeux avec une sorte d'excitation nouvelle. C'était sans doute suite à son après-midi passée avec le jeune solitaire - qui avait d'une certaine manière altéré sa perception des choses. Le froid était moins froid, le froid était supportable. C'était rafraîchissant d'avoir quelqu'un à qui parler, quelque part. Il ne le connaissait pas très bien mais il était justement exalté à l'idée de le découvrir. Encore un chat à qui il pouvait s'attacher excentriquement et de manière absolument pas saine.

« J'ai un peu délaissé ton entraînement dernièrement, il faut qu'on le continue. Tu dois pouvoir être capable d'assurer le minimum du rôle de guérisseur quand je ne suis pas là. » commença la jeune chatte alors qu'il s'était levé et se passait des coups de langue sur le poitrail. « Alors on va aller en ville, chercher de l'herbe à chat. J'ai utilisé nos dernières réserves hier soir, et on ne peut pas se permettre de s'en priver, je pense que tu le sais. Et puis, pendant le chemin, on discutera de tes connaissances en remèdes, cataplasmes … Et de ta vie un peu, aussi. »

Nuage d'Alcidés bâilla en direction de Cœur Fleuri, un sourire se formant au coin de ses lèvres. En la regardant, il pensa qu'elle était jolie. Elle avait un beau pelage et de beaux yeux très tendres. Il hocha la tête rapidement, agitant sa queue dressée. Ils allaient très rarement en ville, pourtant l'apprenti trouvait que c'était un lieu des plus curieux et intéressants. Il y avait toujours des félins étranges, différents d'eux et qui fascinaient le jeune chat. Ce qu'il n'aimait pas en revanche, c'était les monstres de fer qui s'y trouvaient. Nuage d'Alcidés ne pouvait supporter ces bestioles et était submergés par une vague de panique dès qu'il en croisait un. Mais il cacha son angoisse auprès de son mentor avec un grand sourire, terriblement excité à l'idée de poursuivre son apprentissage.
Il avança rapidement vers l'entrée de la tanière, emplissant ses poumons d'une bouffée d'air frais. Dehors, les flocons s'agitaient toujours autant et il faisait assez sombre. Mais en fait, il s'en fichait presque. Il traversa la clairière en sautillant, avide de poser ses coussinets encore doux sur le sol de la forêt ou même sur du béton glacé.

« Cœur Fleuri tu viens ? » il ne pu s'empêcher de miauler quand il vit que sa tante n'avança pas aussi rapidement qu'il l'aurait voulu.

Il traversèrent la forêt pour rejoindre le Clan du Tonnerre à peu près en silence jusqu'à ce que :

« Tout va bien, en ce moment ? Pas trop fatigué ? Et avec Nuage d'Abatros et ta maman, ça se passe bien ? »

Cœur Fleuri était sans doute le seul chat à qui Nuage d'Alcidés avait pris l'habitude de parler. En même temps, elle était à peu près la seule qui était vraiment là pour l'écouter. Il discutait parfois avec sa sœur, mais lui exprimait rarement le fond de sa pensée. Il avait l'impression que c'était quelque chose qui ne se faisait pas avec elle. Il n'avait qu'une seule confidente mais c'était largement suffisant. Et puis parfois, dans ses rêves, il échangeait quelques paroles, ses doutes et angoisses avec feu son ancien mentor. Il ne savait pas si c'était simplement son imagination qui conjurait ces conversations ou si c'était autre chose.
Toujours est-il que bien qu'il soit parfaitement confortable avec sa tante, il ne savait pas vraiment comme répondre. Ses relations avec les autres n'étaient jamais claires, même pour lui. Il hocha les épaules.

« Ça va. Un peu crevé c'est vrai. » il inspira, hésitant. « Avec Alby c'est cool mais je vois presque jamais maman. Je sais pas. »

D'autant plus qu'il n'était absolument pas doué pour parler de lui même ou de ses sentiments. Il ne développa sur le sujet de sa sœur, surtout parce qu'il ne savait pas réellement comment c'était entre eux. Ça paraissait bien - même s'ils se voyaient moins ces temps-ci il n'y avait pas de conflits entre eux et son affection pour elle n'était que grandissante. Il contempla un instant l'idée lui parler de Toucan et de leur rencontre de la veille puisque c'était ce qui occupait ses pensées, mais se ravisa, pensant que cela aurait élever plus de questions qu'autre chose.

« Au fait j'étais curieux de savoir si t'avais eu des prémonitions ou des rêves récemment ? »

Il évita de justesse une racine qui ressortait du sol et qui était recouverte de neige durcie par la nuit, les yeux tournés vers sa tante. Il lui demandait ça parce qu'il aurait voulu en avoir lui, à part sa vision de Faon Sauvage le lendemain de sa mort il n'avait jamais rien eu de la part du Clan des Etoiles. Il n'osait pas lui dire mais il doutait souvent de son existence, doutait surtout de sa connexion avec lui. Après tout ce temps il n'était toujours pas certain d'avoir fait le bon choix, même si le travail de guérisseur le passionnait.

+:

Bethlehem, Declan McKenna

« Ça va. Un peu crevé c'est vrai. Avec Alby c'est cool mais je vois presque jamais maman. Je sais pas. »

Les yeux fatigués se Cœur Fleuri se posèrent sur le visage de son neveu. Sa mère avait sans doute été bien plus attentive à Nuage d'Albatros dans leur enfance – et même encore maintenant. Cœur Vaillant s'inquiétait énormément de sa deuxième fille, s'obsédait pour son futur et en oubliait parfois Nuage d'Alcidés, trop occupée à être sur le dos de Nuage d'Albatros dès qu'elle le pouvait.

« Au fait j'étais curieux de savoir si t'avais eu des prémonitions ou des rêves récemment ? »

Le regard de l'apprenti pesait sur Cœur Fleuri. Elle fit une moue étrange, surprise par la question incroyablement précise de Nuage d'Alcidés. Avait-il quelque chose à lui avouer à ce sujet ? Ou était-il simplement, comme il le disait, curieux de savoir ? Les épaules de la guérisseuse s'affaissèrent tandis qu'elle soupirait.

« Oui, j'en ai eu un. C'est un félin qui marche péniblement. Je le vois de loin, à travers un écran blanc. La neige tombe dru, très fort, et je m'approche doucement de ce félin. On dirait … On dirait Étoile Fauve, mais je ne suis pas sûre, ça pourrait aussi bien être n'importe qui. Il part loin, il quitte le blizzard, tandis que j'y reste bloquée, il part sans me regarder malgré mes appels … »

La voix de la guérisseuse s'étrangla. Mais bon sang Fleurette, reprends-toi, ne craque pas maintenant, ne pleure pas maintenant, ça ne sert à rien, il n'est plus là, Étoile Fauve est parti, mais tu as encore Nuage d'Alcidés, regarde comme il est beau, regarde comme il est jeune, protège-le encore un peu … Elle réfléchissait très vite, elle avait l'impression que sa tête allait exploser dans l'instant, c'était insupportable, elle voulait arrêter de parler, elle voulait arrêter de penser … Non, non, je suis plus forte que ça, je peux surmonter ça. L'écaille prit une grande inspiration et se calma, avant de reprendre :

« Je pense qu’Étoile Fauve est toujours en vie, mais je le vois partir plus loin que la Ville des Bipèdes encore, sur des terres que je ne connais pas. Il ne reviendra pas, mais il n'est pas mort. Étoile de Sable n'a assurément pas toutes ses vies. »

Elle se perdit dans ses pensées un instant, le regard perdu dans le vide. Oui, si cela se savait, ils seraient en position de faiblesse, et elle serait responsable de bien des maux de son Clan. Elle ne devait le dire à personne, mais c'était si lourd, et puis, Nuage d'Alcidés avait bien le droit de savoir, non ?

« Personne ne doit être au courant de ce que je viens de te dire, Nuage d'Alcidés, d'accord ? » Elle fit une courte pause. Ce qu'elle allait dire était cruel. « Pas même tes sœurs, pas même tes parents. Si ça s'ébruite, nous serons en position de faiblesse. Les guérisseurs paient un lourd tribut pour recevoir des visions, il faut que tu le comprennes. Le Clan des Étoiles nous fait confiance … » Son souffle se bloqua, et elle murmura en ajoutant : « ou joue avec nous, je ne sais pas trop … »

Elle avait envie de pleurer. Elle avait envie de le serrer contre elle comme un tout petit enfant, de lui dire que tout cela n'était qu'en fait une blague de mauvais goût, qu'il avait encore quatre lunes, qu'il était toujours à la pouponnière avec sa mère et sa sœur, qu'il avait encore toute la vie devant lui avant de se préoccuper de choses pareilles … Mais, plus le temps passait, moins elle contrôlait ce qu'elle pouvait lui dévoiler, moins elle pouvait le protéger de la réalité. Elle souffla doucement de l'air glacé, avant de poursuivre :

« Pourquoi cette question, en fait ? Tu as eu des visions ? Des visites oniriques ? »

Same song

Le petit continuait d’avancer. Il ne savait pas vraiment s’il avait bien fait de poser cette question à sa tante. Bien qu’elle soit son mentor, et un membre de sa famille, la femelle pouvait avoir des choses à cacher. Surtout si elle avait reçu des visions personnelles. Car le Clan des Étoiles n’envoyait pas forcément que des rêves prémonitoires. L’expression faciale de Cœur Fleuri changea subitement, probablement surprise par cette question si soudaine. Elle sembla réfléchir un instant, et ses épaules se délièrent, comme si la guérisseuse lâchait prise d’un seul coup.


« Oui, j’en ai eu un. C’est un félin qui marche péniblement. Je le vois de loin, à travers un écran blanc. La neige tombe dru, très fort, et je m’approche doucement de ce félin. On dirait… On dirait Étoile Fauve, mais je ne suis pas sûre, ça pourrait aussi bien être n’importe qui. Il part loin, il quitte le blizzard, tandis que j’y reste bloquée, il part sans me regarder malgré mes appels… »


Et sa voix se brisa. Ses yeux parurent se voiler d’eau, comme de grosses gouttes de pluie. Nuage d’Alcidés recula. Qu’avait-il fait ? Il ne voulait absolument pas voir sa tante comme cela ! Il n’aurait jamais dû poser cette question, garder sa trop grande curiosité pour lui, ce vilain défaut pour lui. Mais alors que l’Alcidé allait lui dire qu’il ne voulait pas en savoir plus, qu’il n’avait pas à se mêler de ça, la femelle au pelage brun et noir respira un grand coup, semblant s’être calmée aussi vite qu’elle s’était emballée.


« Je pense qu’Étoile Fauve est toujours en vie, mais je le vois partir plus loin que la Ville des Bipèdes encore, sur des terres que je ne connais pas. Il ne reviendra pas, mais il n’est pas mort. Étoile de Sable n’a assurément pas toutes ses vies. »


L’idée qu’Étoile de Sable, la chef du Clan, celle qui protégeait le Vent et ses membres, ne possède pas toutes les vies que les Ancêtres pouvaient accorder fit paniquer le chaton blanc. Ainsi, le Clan du Vent était plus faible que les autres Clans, au contraire de ce que voulait prouver la femelle aux couleurs dorées. Des terres inconnues. Ainsi Étoile Fauve avait eu le courage de partir loin. Plus loin que n’importe quel chat. De faire ce que le chaton rêvait un jour de faire. Il n’avait pas vraiment connu le grand mâle noir et blanc. Mais il savait que sa tante l’aimait énormément. Assez pour qu’elle puisse pleurer pour lui. Il savait aussi que ce n’était pas un chat appréciable. Et que sa tante avait dû tuer pour lui. Elle avait dû suivre ses ordres, allant ainsi contre les lois du Clan des Étoiles. Rien que pour ça, pour le fait qu’il puisse briser le cœur de sa chère Cœur Fleuri, il n’aimait pas Étoile Fauve.


« Personne ne doit être au courant de ce que je viens de te dire, Nuage d’Alcidés, d’accord ? Pas même tes sœurs, pas même tes parents. Si ça s’ébruite, nous serons en position de faiblesse. Les guérisseurs paient un lourd tribut pour recevoir des visions, il faut que tu le comprennes. Le Clan des Étoiles nous fait confiance… Ou joue avec nous, je ne sais pas trop… »


Elle murmura ses dernières paroles. Le cœur de Nuage d’Alcidés s’emballa un peu plus. Oui, il savait ce que ces révélations lui couteraient. S’éloigner encore un peu plus de Nuage d’Albatros. De ses parents. Il connaissait également la valeur du poste de guérisseur, des sacrifices qu’il devait faire pour le Clan du Vent, et pour le Clan des Étoiles. Et l’idée de n’être en réalité qu’une marionnette, dirigé par les félins étoilés lui faisait terriblement peur. Et n’arrangeait en rien ses doutes concernant ces Ancêtres et leurs pouvoirs. Lui aussi s’était perdu dans ses pensées, et lorsqu’il vit le regard de Cœur Fleuri, il ne put y voir qu’un flot de tristesse qui l’envahit, le noya dans une vague violente et destructrice.


« Pourquoi cette question, en fait ? Tu as eu des visions ? Des visites oniriques ? »


Il ne répondit pas, et se précipita vers celle qui brillait chaque jour un peu plus devant ses yeux. Elle était son phare, son seul repère dans ce monde aussi dangereux qu’un océan déchaîné. Il se frotta contre sa fourrure écaillée, engouffra sa tête dans ses poils et respira son odeur boisée si rassurante. Il se sentit mieux l’espace d’un instant, comme protéger de tout. Il resta un moment comme ça, profitant de l’instant, de ce moment rare d’amour. Et se décolla à contre cœur.


« Pas vraiment. Je ne vois rien Cœur Fleuri. Il y a bien eu cette fois, où Nuage d’Albatros et moi étions encore des chatons, lorsqu’elle est tombée de ce tronc d’arbre. Et la fois où j’ai aperçu Faon Sauvage entrain de chasser et Museau Blanc juste après qu’il soit mort de froid. Mais depuis plus rien. Rien que le vide, une nuit noire, ténébreuse. J’ai peur Cœur Fleuri. Peur que le Clan des Étoiles ne me considère pas comme étant digne d’eux. Et que tu sois la seule à recevoir ce genre de vision. Je ne veux pas que les Ancêtres te fassent souffrir. Qu’ils fassent souffrir les seules personnes que j’aime. »


Il planta ses yeux jaunes dans ceux de sa tante. Oui vraiment il avait peur. Peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas pouvoir porter le poids de son rang au sein du Clan du Vent, au sein du Clan des Étoiles, et surtout peur de ne pas pouvoir porter l’héritage de sa tante. Qu’elle ne soit pas fière de lui, et qu’il apporte le déshonneur sur sa famille. Car il était bien trop faible pour pouvoir le supporter.

GALLINEA

HRP:

Because I'm me, The Avalanches

La petite boule de poils noire et blanche se blottit dans sa fourrure. D'abord surprise, Cœur Fleuri posa finalement une patte rassurante sur son crâne en soupirant d'un air attendri. Il était encore bien jeune, après tout, et il n'y avait même pas sa mère à ses côtés pour le rassurer, lui dire que tout irait bien, que le monde n'était pas si mauvais … Parfois, la guérisseuse s'en voulait de le garder si proche d'elle. Elle avait été si heureuse que le Clan des Étoiles lui confie son neveu, elle en oubliait presque qu'il n'était pas son fils, et que sa maman lui manquait peut-être, quelques fois … Elle ôta doucement sa patte lorsque l'apprenti s'écarta et qu'il se mit à parler.

« Pas vraiment. Je ne vois rien Cœur Fleuri. Il y a bien eu cette fois, où Nuage d’Albatros et moi étions encore des chatons, lorsqu'elle est tombée de ce tronc d’arbre. Et la fois où j’ai aperçu Faon Sauvage en train de chasser et Museau Blanc juste après qu’il soit mort de froid. »

A l'évocation de Museau Blanc, Cœur Fleuri tressailla légèrement. L'ancien était mort depuis quelques semaines déjà, et elle était surprise que l'apprenti ait pu le voir si tôt lors de sa montée au Clan des Étoiles.

« Mais depuis plus rien. Rien que le vide, une nuit noire, ténébreuse. J’ai peur Cœur Fleuri. Peur que le Clan des Étoiles ne me considère pas comme étant digne d’eux. Et que tu sois la seule à recevoir ce genre de vision. Je ne veux pas que les Ancêtres te fassent souffrir. Qu’ils fassent souffrir les seules personnes que j’aime. »

L'écaille l'observa d'un air un peu inquiet et surpris, puis finit par sourire, posant à nouveau sa patte sur le crâne de son apprenti.

« T'avoir comme apprenti a été un des plus beaux cadeaux que le Clan des Étoiles m'ait jamais fait. »

Elle respirait la sincérité, et l'enveloppait d'un doux regard, espérant calmer au moins une partie de ses angoisses avec ces paroles.

« Le Clan des Étoiles ne fait rien au hasard. Un jour, j'en suis sûre, tu vas comprendre pourquoi il t'a choisi. Et je peux t'assurer que tous les chats du Clan ne peuvent pas se vanter d'avoir reçu une visite d'un de nos Ancêtres en rêve … Tu es à ta place, Nuage d'Alcidés. Il t'aime comme moi, ta mère ou ta sœur t'aimons. Ils nous secouent pour nous faire réfléchir, pour que nous n'oublions jamais de rendre hommage à ceux qui nous ont quittés et nous guident. »

La guérisseuse sourit gentiment en penchant la tête sur le côté. Sans un mot de plus, elle fit un geste de la tête vers le lointain, afin de l'inviter à continuer leur route.

HRP :

Same song

La belle écaille sursauta légèrement quand son neveu vint se blottir contre lui. Elle se détendit bien vite et posa délicatement sa patte sur son front, poussant un soupire d’aise, probablement attendri pour le comportement du chaton blanc. Sa patte apaisa, ne serait-ce qu’un instant, les tracas de l’Alcidé, comme le vent dissipe la brume matinale. Il se frotta encore un peu plus, essayant de ravaler ses larmes qui lui montaient. Il était beaucoup trop sensible. Il renifla et s’écarta, lorsque Cœur Fleuri prit la parole, le regardant d’un air d’abord inquiet puis plus doux, rassurant.


« T’avoir comme apprenti a été un des plus beaux cadeaux que le Clan des Étoiles m’ait jamais fait. Le Clan des Étoiles ne fait rien au hasard. Un jour, j’en suis sûre, tu vas comprendre pourquoi il t’a choisi. Et je peux t’assurer que tous les chats du Clan ne peuvent pas se vanter d’avoir reçu une visite d’un de nos Ancêtres en rêve… Tu es à ta place, Nuage d’Alcidés. Il t’aime comme moi, ta mère ou ta sœur t’aimons. Ils nous secouent pour nous faire réfléchir, pour que nous n’oublions jamais de rendre hommage à ceux qui nous ont quittés et nous guident. »


Elle lui sourit, sincèrement. Sa tête se pencha légèrement sur le côté, et elle l’invita à poursuivre la route. Un des plus beaux cadeaux hein… Il n’en était pas certain. Travailler en famille était vraiment une chance, mais Nuage d’Alcidés n’était pas certain d’être un cadeau. Il était à sa place. Peut-être. En tout cas il y était déjà plus qu’en étant apprenti guerrier. Il pensa un instant à sa mère, qui ne s’était jamais réellement occupé de lui. Pas qu’elle ne l’aimait pas, mais Nuage d’Albatros était plus fragile, et demandait plus d’attention. Elle était la princesse en rouge et blanc du Clan, une princesse en porcelaine, qui pouvait se briser à tout instant. Alors non, Nuage d’Alcidés n’en voulait pas à Cœur Vaillant. C’était bien mieux ainsi.

Il soupira, et s’avança aux côtés de ta tante. Quel était le but de leur sortie en Terre Libre déjà ? Chercher de l’herbe à chat oui. Et Cœur Fleuri avait souligné le fait qu’elle avait relâché son entrainement. Allait-il s’entrainer ici ?


« Merci Cœur Fleuri. J’espère que tu as raison. Moi aussi je vous aime, et je les aime eux aussi. » Dit-il en levant la tête au ciel, d’une voix presque un murmure. « Nous devions trouver de l’herbe à chat, est-ce que nous allons devoir entrer dans un jardin de Bipède ? Je sais qu’on en trouve près de la ville, mais je ne sais pas vraiment où exactement. Et je ne sens pas leurs odeurs. Avais-tu prévu autre chose après la cueillette ? »

GALLINEA

HRP:

Cœur Fleuri sourit gentiment. Ce n'était pas tant parce qu'il était son neveu qu'elle l'aimait, mais parce qu'il était le genre d'enfants qui la touchaient : sincères, hésitants, sans toutefois se victimiser comme le faisaient certains.

« Nous devions trouver de l’herbe à chat, est-ce que nous allons devoir entrer dans un jardin de Bipède ? Je sais qu’on en trouve près de la ville, mais je ne sais pas vraiment où exactement. Et je ne sens pas leurs odeurs. Avais-tu prévu autre chose après la cueillette ? »

La guérisseuse opina énergiquement du chef. Un instant, elle s'arrêta, réfléchissant aux challenges qu'elle pourrait poser à son apprenti. L'écaille leva le nez en l'air, et ne détecta aucune effluve. L'écaille s'avança, l'air concentrée, cherchant avec agacement des traces d'herbe à chat dans l'air. Elle peinait à progresser dans la neige, mais elle affichait un air déterminé. J'ai besoin de cette herbe à chat, Clan des Etoiles … De laissant rien paraître de son inquiétude, elle s'adressa à Nuage d'Alcidés tout en marchant :

« Oui, il va sans doute falloir s'y aventurer, l'herbe à chat se situe souvent près des limites des jardins quand on a de la chance … Sinon, tout près des nids. Bon, il faut que tu saches que certains jardins sont dangereux, grâce à nos compagnons canins ainsi qu'aux domestiques, d'aucuns sont très hargneux lorsque tu oses poser une griffe sur leur territoire … Alors, bien qu'un guérisseur n'ait normalement aucun intérêt à savoir se battre, ne néglige pas les bases de l'auto-défense, et la course te sera utile plus d'une fois. Aller chercher des plantes est loin d'être de tout repos, contrairement à ce que certains semblent penser ! »

Cœur Fleuri sauta sur une palissade assez épaisse, de laquelle elle faillit glisser à cause de la neige. Dégageant la poudreuse d'un geste de la queue, elle invita son apprenti à la rejoindre. Lorsque ce fut fait, elle indiqua d'un coup de menton un petit arbuste.

« Bon, pas d'herbe à chat ici … Par contre, là-bas, sur l'arbuste épineux, les petites boules bleues-noires sont des baies de genièvre. Ces arbustes fleurissent à la période des feuilles nouvelles, et leurs fruits poussent lors de la saison des neiges. Je t'en ai parlé une fois, en préparant un cataplasme pour ta grand-mère … Tu te souviens de leur utilité ? Et de celle de l'herbe à chat, par la même occasion ? »

HRP :

Same song

Comme pour vérifier ce que venait de dire son neveu, la guérisseuse s’arrêta, la tête en l’air, sa truffe remuait, tentant de trouver presque désespérément le doux effluve de l’herbe à chat. La neige et le froid leur glaçaient les pattes mais rien ne parut décourager Cœur Fleuri.


« Oui, il va sans doute falloir s’y aventurer, l’herbe à chat se situe souvent près des limites des jardins quand on a de la chance… Sinon, tout près des nids. Bon, il faut que tu saches que certains jardins sont dangereux, grâce à nos compagnons canins ainsi qu’aux domestiques, d’aucuns sont très hargneux lorsque tu oses poser une griffe sur leur territoire… Alors, bien qu’un guérisseur n’ait normalement aucun intérêt à savoir se battre, ne néglige pas les bases de l’auto-défense, et la course te sera utile plus d’une fois. Aller chercher des plantes est loin d’être de tout repos, contrairement à ce que certains semblent penser ! »


Nuage d’Alcidés déglutit. Il savait qu’il était faible, lors d’un combat, même contre un apprenti, il n’aurait aucune chance. Hormis la fuite, il ne connaissait pas grand-chose et le petit n’aimait pas la violence. Bien entendu, il savait que c’était important, il était prêt à apprendre pour se battre, défendre sa famille, son Clan, et s’il pouvait, sa vie. Il aimait l’odeur des plantes, pas celle du sang. Il aimait la vie, pas la mort. Cœur Fleuri s’avança jusqu’à la palissade et bondit souplement dessus. Elle dérapa légèrement, la neige ayant gelé la barrière, ce qui paniqua un peu le petit apprenti, mais elle se rattrapa bien vite et, d’un mouvement de queue, invita son neveu à la rejoindre.


« Bon, pas d’herbe à chat ici… Par contre là-bas, sur l’arbuste épineux, les petites boules bleues-noires sont des baies de genièvre. Ces arbustes fleurissent à la période des feuilles nouvelles, et leurs fruits poussent lors de la saison des neiges. Je t’en ai parlé une fois, en préparant un cataplasme pour ta grand-mère… Tu te souviens de leur utilité ? Et celle de l’herbe à chat par la même occasion ? »


L’utilité des plantes, ça, c’était le domaine de Nuage d’Alcidés. Il avait toujours été doué pour apprendre, et il le faisait généralement vite et bien. Fasciné par les plantes dès son plus jeune âge, en parti parce que sa tante occupait le poste de guérisseuse, apprendre avait été comme un jeu au début, puis une véritable passion.


« Les baies de genièvre soignent les maux de ventre. Elles sont utilisées aussi comme herbes fortifiantes puisqu’elle dégage les voies respiratoires, permettant ainsi de mieux respirer ! Elles redonnent aussi des forces en même temps. L’herbe à chat est le meilleur remède connu contre le Mal Vert. Je crois que c’est tout, il me manque quelque chose ? »

GALLINEA

HRP:

« Les baies de genièvre soignent les maux de ventre. Elles sont utilisées aussi comme herbes fortifiantes puisqu’elle dégage les voies respiratoires, permettant ainsi de mieux respirer ! Elles redonnent aussi des forces en même temps. L’herbe à chat est le meilleur remède connu contre le Mal Vert. Je crois que c’est tout, il me manque quelque chose ? »

Cœur Fleuri fit lentement non de la tête avec un sourire. S'il y avait bien une chose dont elle était certaine, en ce bas-monde, c'était que Nuage d'Alcidés était fait pour son poste, bien plus qu'elle-même pour le sien. Elle espérait qu'il serait un guérisseur avec plus de charisme qu'elle n'en avait, et elle était heureuse de sa soif d'apprendre, son enthousiasme à propos de son rôle, et surtout qu'il soit lui-même, doux et calme, toujours à l'écoute.

« Non, tu as tout dit. Viens, on va prendre des baies et l'herbe à chats, puis on va rentrer, il se fait tard. Tu prends l'herbe à chats, s'il-te-plaît ? Je vais attraper quelques baies de sureau, au passage, ça peut toujours être utile. »

Elle attrapa quelques baies de genièvre, forma un ballotin pour les transporter, et y glissa quelques baies de sureau qui étaient également au fond du jardin de Bipèdes. Elle sourit à Nuage d'Alcidés, et chemina à ses côtés en silence vers le campement.

L'écaille rayonnait, heureuse d'avoir passé tout ce temps seule avec son apprenti, malgré la peine que lui causait la neige. De retour au campement, elle prit congé de l'apprenti en allant voir sa sœur, histoire de lui parler de son rejeton.
Elle ne laisserait jamais tomber un des petits soleils de sa vie.

HRP :