Sujet: Discutâmes Pv. Rafale de Sable - abandon 14.01.17 23:26
Il était bien midi. Le vent frais battait les landes et le camp du Vent. Les matous de ce dernier était tous actifs, tous, sauf un. Fierté du Cerf dormait paisiblement dans sa tanière, roulé en boule, ronronnant de bonheur, le ventre plein. À l’aurore, tous avaient essayé de réveiller l’écaille-de-tortue. Mais le voyant trembler de froid ils ont lâchés le morceau, s’apitoyant sur une autre de ses « hypothermies » quotidiennes. Il faut dire que le bougre jouait bien la comédie. Quelques femelles s’étaient occupées de lui toute la matinée, espérant ainsi conquérir le cœur romantique du beau félin. Sa vie était meilleure que celle d’un domestique, certains croyaient dur comme fer à son stupide jeu, d’autres étaient sceptiques et voyaient d’un mauvais œil ce fainéant matou. Il jouait un peu du système certes, mais il se justifiait en disant qu’il était piètre guerrier, et qu’au fond qu’il soit ici ou dehors ne changeait strictement rien à l’avenir du Clan, ce qui au fond était vrai. Ses magnifiques yeux ambrés se dévoilèrent dans la pénombre de la tanière. Bien qu’il soit tout jeune guerrier, il avait réussi à avoir la place la plus confortable et chaude du repaire. Il leva lentement la tête. Toutes les litières étaient vides et l’endroit silencieux. Fierté du Cerf remarqua qu’il était couvert de mousse. Il était chouchouté. Le félin dressa les oreilles en entendant des petits chuchotements venir de l’entrée. Il y vit trois chatons qui essayait de se faufiler dans la tanière d’une manière peu discrète. Le matou fit mine de rien et ferma les yeux pour faire croire aux boules de poils qu’il était retombé dans les bras de Morphée.
« À l’attaque ! Nous sommes le Clan de la Rivière ! » S’écrièrent-ils tous en chœur. Les trois petits se jetèrent sur le dos du matou en hurlant comme des fous. Fierté du Cerf fit mine d’être battu face à ses valeureux « guerriers de la Rivière ». Le félin fit semblant de crier comme un chaton ce qui amusa beaucoup les trois chatons qui lâchèrent prise dès que leur mère débarqua comme une furie dans la Tanière, s’excusant au passage, honteuse de l’agissement de ses chatons. Fierté du Cerf aimait beaucoup les petits. Il aimerait être père mais il attend de trouver la seule et l’unique de sa vie. Mais surtout, il ne sait pas encore que dû à son magnifique pelage, il était stérile.
Le matou, à présent bien réveillé se leva lentement. Il s’étira longuement, faisant craquer ses muscles. Il s’assit et écrasa son derrière au sol d’une manière peu gracieuse, mais soit, personne ne le voyait. Il commença à passer sa langue râpeuse sur ses beaux poils qui faisaient chaque jour sa fierté, celle à qui il devait son beau nom. Quand il jugea son pelage impeccable, il enfila son masque de charmeur et sortit de la tanière. Le froid mordit les os du beau félin qui décidément, aurait mieux fait de rester au chaud. Il marchait le poitrail bombé, posant ses coussinets avec grâce et légèreté. Il saluait gaiement tous les guerriers et guerrières qu’il croisait sur son passage. Dans son champ de vision apparut un dos couleur sable. Il reconnut immédiatement la lieutenante de son Clan, Rafale de Sable. Ils ne se parlaient pas énormément et il ne connaissait la femelle uniquement de nom, de visage et évidemment par l’intermédiaire de ses petites fouines. Fierté du Cerf connaissait tout et tout le monde. Il savait les vilains petits secrets de chacun sans qu’eux le sache. Le matou remua les moustaches décidé à taquiner un peu celle qui un jour serait sans doute sa cheffe. Il s’approcha à pas de loup et se plaça à ses côtés, enroulant sa queue entre ses pattes et adressant son plus beau sourire à la femelle. Il la fixa longuement avant de prononcer un mot. Elle était fine, très fine et haute. Elle devait filer vite dans les landes. Il regarda un instant ses yeux verts. C’était une des rares personnes pour qui il avait du mal à trouver un verdict, ni belle, ni laide.
« Salut ma belle lieutenante, comment vas-tu ces temps-ci ? Il fait froid hein ? » Il se foutait totalement de connaître bien ou pas la femelle et des mondanités emmerdantes. Il mettait tout le monde sur le même piédestal, et lui au-dessus, évidemment.
Une belle et longue journée s’annonçait lorsque Rafale de Sable renonça au sommeil. Contrainte d’être presque collés à chacun de ses camarades, elle rumina en écrasant la patte de l’un d’entre eux, venu empiéter sur ses plates-bandes. Si l’autre laissa un cri de douleur s’échapper de sa gueule, elle n’y fit pas attention, se concentrant pour retrouver un équilibre fragile après avoir laissé ses muscles s’ankyloser toute la nuit. Le ciel encore bien sombre accueillait seulement les premiers rayons de l’aube lorsqu’elle s’extirpa de sa litière et se fraya un chemin parmi les corps de Guerriers endormis. Il lui tardait de devenir Cheffe, histoire de ne plus se coltiner tous ces félins endormis qui ensembles faisaient un boucan monstre. Si lorsque Morphée venait la chercher la Lieutenante ne s’en rendait pas compte, une fois bien éveillée, le vacarme lui agaçait les oreilles. S’éloignant à grandes foulées de ses camarades pour gagner un coin retiré du Camp, elle entreprit de faire une rapide toilette, le temps que tout le monde se réveille et qu’on vienne lui demander quoi faire. Devant ses responsabilités plutôt récentes, Rafale de Sable s’en sortait plutôt pas mal. Concoctant rapidement des équipes, elle oubliait rarement d’assigner un petit quelque chose à chacun, que l’activité soit plaisante ou non, elle devait être réalisée et si elle devait rendre des comptes à Étoile Fauve sur l’attitude de l’un ou de l’autre, elle n’hésitait pas à aller trouver le chat un poil mystérieux à ses yeux. Elle avait beau le connaître depuis des lunes et des lunes, le côtoyer depuis tout autant de temps, elle ne parvenait pas à cerner la véritable nature de ce chat si étrange, à commencer par le pourquoi du comment elle avait été choisie pour le seconder. Entre eux, aucun dialogue autre que le strict nécessaire, autre que les formalités, ne prenaient place. Dire que cela ne convenait pas à la femelle couleur sable serait mentir, elle préférait de loin se concentrer sur son rôle que de perdre son temps à blablater avec un matou dont elle n’avait que faire. Elle profitait au mieux de ce qu’il lui offrait, de cette opportunité qu’il lui avait servie sur un plateau d’argent et ne s’en déferait pas de si tôt. S’il fallait qu’elle prémédite un peu son départ pour faire bouger le Clan ou si elle devait tout bonnement outrepasser son rang, elle n’hésiterait pas un instant. En choisissant les mots justes, elle ne trouvait que grâce aux yeux de ses camarades.
Minutes après minutes, les Guerriers se réveillèrent, le Camp s’animait au fil des rayons du soleil. Bientôt, les Chatons sortiraient de la Pouponnière et viendraient traîner dans les pattes des Guerriers retardataires. Bientôt, un remue-ménage plaisant encombrerait le Camp et finirait pas le vider totalement. Tous les félins se prépareraient à leur journée, lèveraient le camp la matinée, reviendraient un moment à midi et repartiraient pour le reste de la journée. Ainsi se déroulait les journées au sein d’un Clan bien orchestré. Chacun a sa tâche, chacun à sa place et tout allait pour le mieux. Voyant que les chats s’amassaient de plus en plus, la Lieutenante dont le pelage était parfaitement propre et lisse, fit son apparition, se mêla dans la foule et prit un peu de hauteur pour donner ses consignes. Crachant le nom des Guerriers à tour de rôle pour constituer des groupes, sa voix assurée et convaincante ne provoqua aucun émoi dans la foule. Et fort heureusement, chacun trouva sa place parmi les quelques patrouilles de chasse, les entraînements des Apprentis et les patrouilles frontalières. Rejoignant les félins qu’elle avait choisis pour l’accompagner chasser, la Lieutenante partagea un morceau avec Feuille de Cèdre qu’elle avait expressément recruté dans sa patrouille avant de rassembler les matous qui seraient sous sa directive et de lever l’ancre direction la pleine venteuse. Donnant les dernières consignes une fois sur place, elle ordonna le déploiement des félins, donna pour point de retour leur point de départ, elle partit de son côté, en compagnie de son frère. Se connaissait par cœur, les deux chassèrent comme ils l’avaient toujours fait, Feuille de Cèdre couvrant le seul côté de valide qu’il possédait, Rafale de Sable se chargeant de l’autre. À eux deux, ils rabattirent et prirent deux lièvres.
Le soleil n’était pas loin du zénith lorsqu’elle avait pris le chemin du retour, accompagné de tous ceux qu’elle avait emmenés. Ils ramenèrent ainsi le fruit d’une matinée de chasse au Camp. Prenant le temps de répondre aux quelques interrogations des Guerriers sur son passage, elle finit par avoir vent de l’absence de l’un d’entre eux ce matin. Un nom récurrent, un nom qu’elle avait l’habitude d’entendre : Fierté du Cerf. Un rictus forcé sur son visage, elle avait remercié ceux qui l’avaient prévenue et était partie déposer sa prise sur le tas de gibier, priant pour mettre rapidement la patte sur ce félin de malheur. À peine eut-elle lâché son lièvre qu’elle sentit la présence d’un félin à ses côtés. Bien peu respectueux d’une quelconque distance, ce dernier vint s’installer juste à côté de la femelle couleur sable, puis comme si de rien n’était, comme s’ils étaient de proches parents, il s’assit, enroulant sa queue autour de ses pattes pour finalement lâcher une salutation bancale.
« Salut ma belle lieutenante, comment vas-tu ces temps-ci ? Il fait froid hein ? »
Le fond autant que la forme eut le don d’agacer la Lieutenante. Bien trop accoutumé à un respect des autres envers son nouveau rang, voilà que ce félin piétinait son habitude. Le regard dur, empreint d’un début de colère, elle daigna poser les yeux sur la forme féline qui l’avait ainsi abordé. Reconnaissait aussi rapidement le physique que la voix, la Lieutenante ne pouvait pas mieux tomber. Quand le destin appelait tout seuls les félins qu’elle devait voir, que demander de plus ? Sautant sur l’occasion, posant métaphoriquement la patte sur Fierté du Cerf, elle prit une mine qui se voulait grave. Balayant d’un revers de patte les quelques mots qu’il avait pu avoir pour elle, ignorant royalement le compliment qu’il avait pu lui faire, elle ne s’attarda pas non plus sur sa remarque débile sur la météo. Prenant une voix posée, mais où perlait une pointe de sévérité, elle articula, fidèle à elle-même :
« Garde tes jolis mots et tes sottises pour les autres Fierté du Cerf. Explique-moi plutôt pourquoi je ne t’ai pas vu de la matinée, chacun doit mériter sa place ici, tu en loin de le faire. »
Fierté du Cerf se colla un peu plus à la lieutenante. Il lui sourit de toutes ses belles dents blanches. Elle avait l'air énervée et il comprit tout de suite qu'on ne badinait plus avec elle. Super l'ambiance songea t-il. Il fit la moue, déçu par cette attitude froide. Les gens ne savaient-ils donc jamais se détendre ? Pourquoi fallait-il que tout le monde soit chiant avec lui. Sérieusement, il n'avait rien fait. Et c'était bien là le problème, il ne faisait rien. Il ne comprenait rien, qu'il fallait faire des efforts. Mais en bon prince qu'il était, il ne devait pas en faire, c'était aux autres d'en faire, pas à lui. Il n'allait pas se soumettre si facilement.
« Garde tes jolis mots et tes sottises pour les autres Fierté du Cerf. Explique-moi plutôt pourquoi je ne t’ai pas vu de la matinée, chacun doit mériter sa place ici, tu en loin de le faire. » Fit-elle.
Sa place, il la méritait bien plus que n'importe qui de ce clan. Il était fabuleux. Beau, drôle, intelligent. Enfin c'était ce qu'il se disait. Il aimerait rejoindre la Tanière des Anciens, juste histoire de ne rien faire. Monsieur avait des priorités autre. Trouver l'amour était bien plus important que de tuer des petits animaux sans défense ! Et puis, il n'était doué que pour le combat, mais il ne combattait jamais. Oh mon dieu, qu'il s'ennuyait. Alors certes me direz-vous, s'il chassait, il ne se tournerait plus les pouces. Oui mais bon, c'est Fierté du Cerf, alors a t-on besoin d'en dire plus ?
Il recommença son incessante toilette, sa queue battant l'air avec agressivité. Il réfléchissait à ce qu'il allait rétorquer. Il pourrait simplement dire ce qu'il pense, mais jouer l'hypocrite était bien plus amusant, enfin c'est ce qu'il pensait. Il en avait déjà marre de cette greluche, coincée. Elle ne pouvait pas se détendre un peu ? Elle l'ennuyait déjà. Il désespérait. Et le jour où elle sera cheffe, elle va le mettre dehors tiens ? Tout ça parce que ce pauvre trésor fait des hypothermies, il chassera un petit peu au printemps et en automne, mais en hiver et en été hors de question. Comment peut-on chasser dans ces conditions ? A moins d'être très motivé, ce qui n'est pas son cas.
« Tu sais mon petit amour, je ne suis pas sorti car j'avais une hy-po-thermie ! Il caille très chère ! Il montra ses courts poils à la femelle. Tu vois, impossible de sortir dans de telles conditions, je ne suis pas en sucre je le sais bien, mais presque. » Miaula t-il.
Il toucha délicatement l'épaule de la femelle avec sa queue, bien décidé à la titiller un peu.
« Bon, et toi ? Tu as un petit amoureux ? » Fit-il, avec son plus beau sourire et un regard tombeur.
Si dans son timbre de voix, elle tentait de se montrer un poil sévère, elle savait très bien que celui-là ne se laisserait pas si facilement remettre à sa place. Il avait une réputation à tenir et la jeune Lieutenante savait parfaitement qu’il la tiendrait. Pourtant, son nouveau rang lui proférait un poil d’autorité et de pouvoir en plus. Si l’envie lui prenait, elle pourrait l’envoyer retirer les tiques et les puces des Anciens, voir, même aller, changer les litières des Chatons. Si elle en serait à son coup d’essai au niveau des punitions, son imagination était sans limite. S’il pensait pouvoir saper l’autorité de la femelle comme il sapait l’autorité de toutes ces pimbêches qui lui tournait autour, comme des vautours tourneraient autour d’une vieille charogne, il était loin du compte. Elle n’était pas intéressée par les mâles, du moins, elle ne s’était jamais penchée sur la question, préférant sa vie libre de Guerrière et, à présent, son nouveau rôle de Lieutenante que de perdre son temps en courtise et en amourette. Si elle n’attirait pas les foules, elle n’en espérait pas mieux. Le rôle de Reine, cloîtré dans la Pouponnière à veiller sur une tripotée de morpions, trop peu pour elle. Elle préférait de loin être là, sur son petit promontoire, son petit piédestal, à donner les ordres, dicter la marche à suivre aux autres, exécuter les quelques rares requêtes d’Etoile Fauve et surtout être libre de partir, chasser ou patrouiller comme bon lui semble. Non. Décidément, cette vie n’était pas la sienne. Un compagnon, trop peu pour elle. Et puis. Si elle était capable, elle, de donner de l’affection à quelqu’un, cela se saurait. Elle avait plutôt cette réputation d’être distante et froide, un mur de glace. Si elle appréciait grandement son frangin, Feuille de Cèdre, elle n’en était pas plus affectueuse et démonstratrice avec lui. Pour elle, tout n’était pas question de gestes, mais simplement de quelques paroles, d’un timbre de voix un peu plus doux, voir tout simplement d’un sourire épars étalé le long de ses babines pour les yeux d’un seul et unique félin.
« Tu sais mon petit amour, je ne suis pas sorti car j'avais une hy-po-thermie ! Il caille très chère ! Tu vois, impossible de sortir dans de telles conditions, je ne suis pas en sucre je le sais bien, mais presque. Bon, et toi ? Tu as un petit amoureux ? »
Avant d’ouvrir de nouveau sa gueule, l’autre s’était donné la peine de commencer une toilette. Pourtant, son pelage était déjà impeccable avant même qu’il n’entre dans le champ de vision de la Lieutenante. Rafale de Sable, sans trop connaître le matou, mit cela sous le coup de la nervosité, simple activité de substitution comme une autre lorsqu’on ne sait trop comment réagir. C’est bien, se disait-elle. Les mots ont au moins atteint son système nerveux, peut-être pas son cerveau, mais elle était en droit de l’espérer. Écoutant d’une oreille discrète les arguments inutiles du félin tricolore, la boule de poils couleur sable ne la quitta pas une seule seconde des yeux. Si elle montrait jusqu’alors qu’un brin d’autorité, tout au plus. Si jusqu’alors, elle avait gardé un calme olympien qui ne lui ressemblait que trop peu, le prétexte et surtout le geste déplacé, cette queue baladeuse qui vint trouver son épaule, fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase déjà bien trop remplie. Si son pelage avait commencé à doubler de volume, la Lieutenante, abasourdie par les questions idiotes du félin, trouva la force de soupirer et de faire ainsi retomber la pression accumulée. Si ses muscles et son esprit lui ordonnaient de remettre ce chat à sa place, elle s’y refusa. À quoi bon ? Il était de ceux avec qui la force ne fonctionnait guère, certainement trop idiot pour donner un tant soit peu de valeur à sa misérable vie. Ce genre de félin à parler pour ne rien dire ne tenait guère à leur pelisse, pas plus qu’il ne tenait à leur intégrité. Le regard de Rafale de Sable qui s’était un instant mué en une colère excessive, finit par ne plus rien renvoyer. Se donnant un coup de langue sur l’épaule comme pour se donner du courage face à ce tricolore avec lequel l’entrevue promettait de durer, elle finit par laisser sa voix sonner à ses oreilles, plus acerbe que la première fois, mettant plus de distance entre elle et lui, distance qu’il ne valait mieux pas briser :
« Bon écoute, j’en ai rien à secouer de tes problèmes de cœur, Roméo. Comme je me tape royalement que tu te gèles les miches. Mon problème, c’est que t'es une gueule inutile à nourrir, tu vois le topo où il faut que je te fasse un dessin ? »