I'll be there /Prio Petit Feulement/ - abandon

°Bouge, bouge.°
Fleur Noire regardait son fils, endormi, dans sa queue enroulée et serrée contre elle. Les poils noirs du petit se confondaient dans la fourrure de la queue de la mère. Elle, mère.
Cela faisait exactement douze heures qu'elle n'avait pas pensé à ses fils décédés. Petit Zenith, Petit Lion et maintenant il y avait Petit Feulement. Petit feulement la forçait de plus en plus à rester dans la réalité. Elle détestait cela. Elle détestait cela, mais elle aimait son enfant.

La féline crème rapprocha son museau plus près de lui. Elle le lécha pas de peur de le réveiller, il était si faible et dormait généralement mal. La lutte à la frontière avec Coeur de Coyote avait été fatale pour la portée qu'elle attendait, il ne lui restait plus que lui. Et lui, il passait ses journées à trembler, puis à tousser, parfois jusqu'au sang. Esprit Soucieux pensait qu'il avait des chances de se remettre, alors elle patientait, attentive au moindre frémissement de son chaton. Au plus profond d'elle même, elle priait pour qu'il bouge, qu'il se réveille qu'il ouvre enfin les yeux et tente de marcher. Il avait neuf jours, neuf longs jours il aurait dû commencer à s'épanouir depuis au moins trois jours.

Les petites moustaches s'agitèrent, un raclement rapide et répété de la gorge agita le corps frèle. Il se mit finalement à miauler.
"Petit Feulement, Petit Feulement" appella-t-elle doucement en lui frottant la tête de la pointe de sa queue.

Voilà seulement neuf jours que Petit Feulement était venu au monde et en neuf jours seulement...Il s'en était passé des choses. Le meurtre de son frère, l'accident évité de justesse de Petite Caresse, les coups et les insultes de Petit Fauve. La vie ne lui avait pas fait sont plus bel accueil et pourtant la soif de survie du chaton n'était que grandissante. Ce matin il avait prit sa première revanche sur son faux-départ. Il avait gagné conscience de son être. Il savait qu'un monde l'entourait. Un monde qui n'attendait que lui. Doucement mais surement le fils du serpentaire reprenait du poil de la bête et peu-être même qu'il parviendrait à passer son premier hiver.

Mais pour le moment, le fils de Fleur Noire dormait paisiblement. Les rayons de soleil filtrant à travers la voute de ronces de la pouponnière venait doucement embrasser son pelage et réchauffer sa fourrure. Les ronrons de sa mère et le chant des oiseaux faisaient office de berceuse des plus douces.Mais si les enfants dorment profondément...Ils dorment peu. Alors bientôt le petit mâle s'éveilla, affamé et soudainement excité. Une multitude de sentiments qu'il n'avait jamais vraiment connu avant se versaient en lui tel le tumulte d'une rivière agitée.

"Petit Feulement, Petit Feulement"

Une voix rassurante et familière: Sa mère. Pour la première fois et si naturellement le cadet de la famille entendit son nom et prit conscience de l'être qui partageait sa chaire avec la sienne. Le félin cessa de s'agiter un instant. La curiosité ayant prit le dessus sur sa faim grondante.

Dans un première effort la forme sombre remua légèrement les paupières, suivant les paroles que lui murmurait son instinct. La tâche était dur. Comme si le rideau voilant ses yeux refusait de s'ouvrir et de laisser pénétrer la lumière du jour au sein de la pièce noir dans la quelle il était coincé depuis sa naissance. Puis au bout de longues secondes de batailles voilà enfin qu'il dévoila à la planète l'ambre de son regard.

Tout fut blanc. Un blanc aveuglant et blessant qui forcèrent Petit Feulement à plisser des yeux. Puis enfin des formes firent leur apparitions, des silhouettes, des couleurs. Une peinture merveilleuse, un tableau fabuleux: Celui de la vie.

Encore perdu, il ne bougea pas. Se contentant de tourner sa tête au hasard par-ci et par-là comme si il ne savait pas encore bien utiliser ce nouveau sens qui lui permettait de graver un portrait de la terre au fond de sa mémoire.

HRP:

Il remuait les paupières, il allait ouvrir les yeux, pourquoi le coeur de Fleur Noire n'explosa pas? Pourquoi était elle encore anesthésiée, pourquoi le monde de coton qui l'entourait ne se dissipa pas.
"C'est bien!" ronronna-t-elle d'une voix étouffée. Elle aurait bien aimé ne pas être seule à ce moment là, que quelqu'un l'accompagne pour profiter avec elle des progrès de l'enfant. Il aurait fallut que quelqu'un soit là, même si ce devait être Etoile du Serpentaire. Les pupilles de la guerrière s'étrécirent de surprise en surprenant ses propres pensées. Voulant éloigner ce sentiment insidieux, elle secoua sa fourrure et se mit en tête de ne plus penser qu'a Petit Feulement :

Elle s'éloigna alors et se coucha à l'entrée de l'antre, vers la lumière du jour:
"Allez viens me voir, viens Petit Feulement, viens, viens, viens!"
L'encouragea-t-elle pour qu'il se déplace, regarde autour de lui. Elle le ferait sortir progressivement de la pouponnière, c'était la fin de journée et le soleil du soir diffusait une lumière douce et orangée. C'était magnifique. Oui, la femelle sentait son état d'esprit changer, elle voulait profiter de cet instant avec son fils. Dès ses premiers jours, elle lui apprendrait a aimer les teintes paisibles du crépuscule. Elle se coucha de manière à ce qu'il puisse se nourrir quand il la rejoindrait.