L'assemblée du Clan venait de se terminer, et le choc se lisait encore sur les visages de la majorité des félins de la Rivière. Leur chef, Étoile du Corbeau, venait de leur apprendre à tous qu'une soit-disant prophétie du Clan des Étoiles venait de lui ordonner d'essayer de récupérer les Rochers du Soleil. La guerre aurait lieu très prochainement. Les guerriers et les apprentis qui feraient partie de la bataille devaient se préparer. Bientôt, les Rochers du Soleil verraient une nouvelle fois le Clan du Tonnerre et celui de la Rivière se déchirer pour leur propriété. Cette guerre durait depuis des lustres : Aigue-Marine avait grandi bercée par les récits des batailles passées, et on l'avait entraînée dans l'attente de batailles à venir.
Le moment était venu. Peut-être que cela ne se reproduirait pas avant la nouvelle génération ; il fallait en être. Aigue-Marine se sentait à la fois oppressée par la nouvelle - peur de la guerre, peur de la défaite, peur de la mort, peur des blessures, peur de la trahison - et impatiente. Elle espérait faire partie du cortège du combat, elle espérait faire ses preuves, sortir du lot, et sortir enfin son esprit de la tanière des apprentis.
« Suis-moi. »L'ordre lancé par le lieutenant, Rivière Sombre, était sans appel. Aigue-Marine en fut surprise ; à vrai dire, elle ne s'attendait pas à être l'objet de l'attention de son aîné quelques minutes à peine après une telle annonce. Curieuse - mais devinant de quoi il allait s'agir - elle suivit sans broncher le mâle au poil sombre. Elle tremblait déjà, mais fit tout pour ne pas le laisser paraître.
Et elle ne se trompait pas : Rivière Sombre la mettait au défi. C'était son heure, l'heure de prouver qu'elle méritait sa couche dans la tanière des guerriers. Il était temps de prouver qu'une femelle n'était pas bonne qu'à la mise bas de chatons : il était temps que ça change.
Aigue-Marine déglutit bruyamment avant de se lancer en avant. Les quelques pas qui la séparaient de sa cible lui parurent une éternité : elle vit toutes les techniques de combat qu'elle avait en tête défiler dans son esprit, mais elle ne réussit pas à en choisir une. Ce ne fut qu'instinctivement qu'elle atterrit sur les flancs de Rivière Sombre. Elle songea un instant à rentrer les griffes, tel un chaton jouant avec ses frères et sœurs ; mais elle se rappela qu'elle n'était plus ce chaton, qu'il était l'heure désormais de quitter ce monde féérique. Alors ses griffes se plantèrent fixement dans la fourrure épaisse du mâle guerrier, et ses crocs cherchèrent un point d'accroche à l'arrière de sa nuque. Elle était plutôt fière de son attaque : elle sentait sa prise stable, elle avait l'impression qu'elle pouvait blesser sérieusement son lieutenant, et donc qu'elle ferait bon effet.
Elle sentit pourtant Rivière Sombre s'arque-bouter dans une tentative de défense. La guerrière brune était peu imposante, mais elle était lucide : elle savait pertinemment que dans le combat, son meilleur allié était sa furtivité, et son point faible la force. Elle ne pouvait pas espérer gagner ce combat par la force : il lui fallait user de la ruse, être plus rapide que l'éclair, plus furtif que le soleil en se couchant. Son audace allait être de surprendre Rivière Sombre par sa rapidité et par le contrôle pertinent de ses capacités, qualités comme défauts.
Alors, avant que Rivière Sombre ne parvienne à la déstabiliser, elle profita qu'elle avait encore un bon appui pour s'appuyer sur son dos et, poussant avec force sur ses hanches, s'éloigner d'un bond de lui. Elle atterrit agilement au sol, face au lieutenant, la queue hérissée et des touffes de poils retombant autour d'elle. Elle le fixait, la détermination éclatant dans son regard en milliers de petits scintillements qu'on ne lui avait jusque-là jamais connu. Une autre Aigue-Marine se dressait à présent devant Rivière Sombre : une guerrière déterminée et finalement plus forte qu'il n'y paraissait.
Mais Rivière Sombre connaissait parfaitement la femelle, qu'il avait vu grandir et s'entraîner, et il connaissait sans aucun doute ses faiblesses. Aigue-Marine était certaine qu'il allait user de sa force pour lui faire perdre patte. Mais elle ne le laisserait pas faire.
Ce n'était pas seulement ce combat qui était en jeu, ni sa participation à la bataille à venir. C'était son honneur de guerrière, et c'était finalement une question de vie ou de mort : qui voulait d'une vie de Clan où tous les membres vous regardaient avec pitié ou dédain ? Aigue-Marine ne rêvait pas de cette vie, et elle se battrait : c'était la victoire, ou l'exil.
Patiente et tremblante d'émotion - un mélange d'émotions de chatons, telles que la peur et la terreur, et d'émotions matures, telles que la fierté et la détermination -, Aigue-Marine attendit impatiemment l'attaque de son lieutenant.
- Spoiler:
J'espère ne pas avoir faire de power gaming ! C'est chaud dans un combat, je trouve !
Tu me dis si ça te convient, s'il faut modifier certains trucs, s'il faut décider de la suite des événements, etc etc.