Préparatifs - abandon

La nouvelle était tombée hier : aujourd’hui, à midi, le clan de la Rivière entrait en guerre et allait récupérer son dû : les Rochers du Soleil. Territoire qui, d’après les murmures du clan leur appartenaient, jadis.

Nuage d’Écailles se leva à l’aube, songeuse, s’extirpant discrètement de sa couche. Un regard en arrière suffit à s’assurer qu’elle n’avait pas réveillé les autres apprentis qui partageaient sa tanière.
En réalité, elle n’avait presque pas dormi de la nuit : d’abord parce que son nouveau nid n’était pas franchement bien isolé, mais surtout parce qu’elle n’arrêtait pas de songer à l’annonce de la veille. Frustrée de ne pas pouvoir participer à la bataille, elle ne pouvait cependant que s’incliner devant la décision de son père : elle débutait à peine son entraînement et ne pourrait être qu’un poids pour les guerriers du clan de la rivière. Qui plus est, en partant, elle courrait à sa mort.
Gâcher sa vie si vite serait stupide : elle qui n’avait pas encore fait ses preuves !

Le camp était encore plongé dans une semi-obscurité, les roseaux qui le protégeaient camouflaient encore les discrets rayons du soleil qui se débutait à peine sa course infernale. Mais les couleurs orangées du ciel indiquaient que la lumière ne tarderait pas à inonder l’îlot.
L’endroit était relativement calme, si l’on oubliait les ronflements de Moustache Grise qui rompaient le silence. La patrouille de l’aube venait visiblement de partir et rares étaient les chats si matinaux : les guerriers restants devaient probablement encore se reposer, en prévision de la bataille qui les attendait.

L’apprentie salua Plume de Mésange, qui s’extirpait justement de l’antre des guerriers et qui la dévisagea, l’air surprise de la voir debout si tôt. Elle ne s’attarda cependant pas sur le sujet et s’éloigna rapidement vers la pile de gibier pour remplir son estomac.
Nuage d’Écailles fut alors de nouveau seule avec ses pensées : les paroles de son chef résonnant dans son crâne alors que ses yeux s’attardaient de nouveau sur les couleurs pastels du ciel, qui s’éclaircissait.

Elle réfléchi un long moment sur le sujet : elle n’aurait pas d’entraînement aujourd’hui, mais le code du guerrier lui dictait d’aider son clan en toute circonstance. Comment, à sa petite échelle, pourrait-elle se rendre utile en ce jour ?
Soudain, elle eut un déclic.

Le sourire aux lèvres, elle se glissa de nouveau dans la tanière des apprentis pour se glisser en silence jusqu’à la couche de son frère. Posant deux pattes sur le corps chaud de Nuage d’Oiseaux, elle le secoua gentiment.

« Pssst, frérot, debout ! On a une guerre à préparer ! » Lui chuchota-t-elle à l’oreille avec enthousiasme.

Comme si ça allait le motiver...

Dans un bruissement pas franchement discret, son frère finit par émerger de la tanière commune. Mal réveillé, il s’arrêta à la sortie pour se frotter les yeux : vieux réflexe adopté par tous qui, il fallait le dire, ne servait finalement pas à grand-chose.
Installée en face de lui, Nuage d’Écaille lui faisait face, muette, attendant patiemment que son frère clôture sa routine matinale. Puis, lorsque ce fut fait, elle étira son cou pour déposer un coup de langue rapide sur l’épaule de son frangin.

« Bonjour ~ ♥ » Ronronna-t-elle, tout sourire, comme pour se faire pardonner de lui avoir volé quelques heures de sommeil.

Mais Nuage d’Oiseaux ne lui en tint guère compte. Ou du moins, si il avait été froissé par la brusquerie du réveil, il n’en laissa rien paraître, paraissant presque enjoué de suivre sa sœur dans de nouvelles aventures.

« T'as vu Pap- euh, je veux dire : Rivière Sombre ? On fait quoi ? »

Il ne rechignerait donc pas à la tâche et elle n’en attendait d’ailleurs pas moins de lui. Un ronron affectueux traduit son excitation : elle était fière d’être sa sœur et heureuse de l’avoir à ses côtés pour partager ses tâches d’apprentie.

Elle ne prit pas la peine de lui répondre, se contentant de tourner les talons pour s’éloigner en trottinant, laissant planer le mystère.

« Viens, suis moi ! » Lui lança-elle à la volée avant de s’éloigner.

La femelle marbrée traversa le camp au petit trot, sans même prendre le temps de jeter un coup d’oeil par dessus son épaule pour vérifier que Nuage d’Oiseaux suivait bien.
Ce n’est qu’une fois extirpée du camp de la Rivière qu’elle freina sa course folle pour venir poser son postérieur au sol, attendant le retardataire pour entamer les instructions.