le fleuve des enfers / ft. mimosa

♪ Serge & Mimosa ♪
The red dahlia says
Your love makes me happy
III

a thousand night

Ssssshhhhhhh...

Froissement de satin sur une peau aussi pâle que la lune, éloquence des rayons de l'astre nocturne qui étendait son pouvoir jusqu'aux moindres rues du centre-ville. Bruissement dans les coins sombres et malfamés de cette immense citée fourmillante, grésillement des bouches qui s'ouvraient pour mélanger des paroles succinctes sur les balcons des hauts plateaux; air noctambule qui partageait riches et pauvres en son sein, rassemblant l'énergie si spéciale de ce crépusculaire sous son joug. Dans le ramassis de mauvais et de bon, de blanc et de noir, un serpent se glissait et s'entrelaçait pour éviter les mains de la boule blanche -- bondissant en évitant à la dernière seconde son reflet, riant en la voyant se fâcher de lui échapper, soufflant un baiser rieur pour cette rayonnante. Prince des ténèbres se déplaçait comme le valait bien son rang, acceptant avec plaisir une partie de cache-cache avec celle qui le laissait parcourir son royaume; il n'était pas dans le sien, plongé en ces basses-terres humaines… Du moins, pas encore.

Car, dans la ville nocturne, il s'enfonçait. Sa compagne maintenant bloquée par les géants immeubles, les vices surgissaient de chaque pores de la métropole -- par les bouches d'aérations certains sortaient, des égouts l'effluve d'anciens regrets se développaient. Tous au rythme du pas de leur maître, riche seigneur des enfers habillé de pourpre et d'ébène, ils battaient et se développaient sous son passage dévoré de maladies; poison. De ses yeux vairons il laissait les marques de sa venue, de son rire bombardait les passants cadavériques et démoniaques de son palais, plaisait-il de sa venue infernale. L'échos de son cœur faisait résonner celui de sa fourmilière.

Inhumain sardonique, il avait pourtant laissé le sol vivre par lui-même, l'oubliant de ses semelles et préférant se laisser choir sur une chaise, jambes entrelacées et moue sublime cachée par des boucles rebondissantes. Pandémoniaque comportement reconnu, on chuchotait pourtant dans les caniveaux et les gratte-ciel, au cœur du cœur-même; avait-on aperçu le grand Hadès, le sourire aux lèvres et une rose à la main.. ? Était-ce vraiment lui ? Que faisait-il au bar du Styx, sous les néons colorés de sang, un air songeur et quelques verres éparpillés à ses côtés ? Tant de questions, et point de réponses… Mais dans chaque conte une part de vérité, même dans ceux des rois et des princes mille pieds sous l'Olympe.

Serge, effectivement assis sur le tabouret de l'établissement en question, faisait tourner son deuxième verre de rhum & coke d'un air enjoué. Ses prunelles variantes plongées dans l'alcool épicé, il poussa un bref soupir attendri; il avait passé une semaine à s'occuper des moindres détails de l'expédition et, enfin !, l'heure tant attendue approchait à grand pas. Encore quelques minutes à languir, et sa demoiselle du printemps, de désir vêtu, s'approcherait de feu sous le doux ton rouge du moderne plafond... Si, bien sûr, elle n'était pas en retard. Ou ne venait tout simplement pas. Pourtant, Hadès n'était pas inquiet… Il savait qu'elle s'approchait déjà, ses pas résonant dans sa tête à mesure que l'aiguille grapillait du temps sur l'horloge et que la voix du chanteur accomplissait la dernière note dans les hauts parleurs. L'homme prit tout de fois la peine de jeter un dernier coup d'oeil sur son écran blafard, envoyant au fond de son gosier les restes de son verre vicieux.

Plus que cinq minutes.

♪ Mimosa & Serge ♪
Hello darkness, my old friend
I've come to talk with you again
III

two hearts

Dehors, il neigeait à gros flocons, sur la ville qui, enserrée dans un manteau d'obscurité à présent que les lueurs mourantes du crépuscule avaient quitté le ciel pour laisser en veilleuse pour des milliers d'enfants la clarté nacrée de la lune et le scintillement muet des étoiles; il neigeait, et à l'approche des fêtes, Noël, Hanukkah, le solstice d'hiver, même, selon les croyances, la cité d'ordinaire si grise prenait, pour qui savait regarder, des allures de carte postale, jolie mais glacée. Les arbres du parc, sous lesquels passait du reste une silhouette à la beau d'ébène, princesse de rêves, de saisons et d'obscurité, avaient été, ça et là, décorés; le vent portait les mélodies de quelques chants de Noël, accompagnés du parfum de la cannelle, du sucre, de la vanille, des épices et du chocolat chaud; et dans la poudreuse, quelques empreintes se pressaient, chacun regagnant sa famille, ou quelqu'un avec qui préparer ce temps de l'année - à l'exception des rares Grinchs préférant se boucler chez eux. Mimosa n'était guère de ces derniers, et c'était vaillamment que la jolie jeune fille, aussi belle et frêle qu'une fleur, frissonnante, bravait le vent pour un rendez-vous. Les autres se réchauffaient près de la cheminée... Perséphone rejoignait simplement son prince des enfers. Et le vent soufflait.

Ssssshhhhhhh...

Un murmure qui jouait sur les joues sombres de l'adolescente, dans ses cheveux épais, dans la capuche de son manteau aux pans larges retenus par une ceinture soulignant sa taille fine et sa silhouette menue; un murmure comme une note nouvelle pour la symphonie de la ville, au milieu des cantiques, des klaxons, des tintements de métal et des cloches qui sonnaient, des brouhahas de conversations, des craquements de neige sous les pas des inconnus, chacun suivant son chemin. Et le sien ? Il la menait à Hadès, bien sûr. Le Caché, comme toujours, dans les entrailles d'une ville pourrie par les tristesses, les regrets, les douleurs, et pourtant... Celui qui dissimulait les trésors d'un cœur d'or et de prunelles scintillantes comme des pierres précieuses, emplies de douceur pour une jeune déesse égarée dans sa propre détresse, traversant les fleuves des enfers pour l'arracher au Tartare et la reposer à l'Île des Bienheureux ou au palais des rêves. Il n'avait rien d'un chevalier, rien d'un prince charmant: c'était un ange maudit, déchu, un roi des ombres - mais il était parfait pour celle qui s'avançait, fée de lumière, vers le lieu fixé par ce message sans réponse. Perséphone n'avait rien dit, mais à quoi bon ? Il savait qu'elle viendrait, comme le cycle des saisons, immuable et éternel, reviendrait toujours, comme les vagues vers la plage.

Elle poussa la porte du bar du Styx, nymphe dans la lueur tamisée et colorée, se glissant à l'intérieur avec une telle grâce qu'elle eut pu concurrencer Psyché, faire pâlir Aphrodite; mais dans ses yeux, c'était l'intelligence d'Athéna qui se lisait, un air quelque peu farouche d'Artémis, peut-être, aussi, pour une fille de la lune. En réalité... Elle n'était que la Pandore de ce millénaire, et il était sans aucun doute le secret interdit qu'elle tâchait de découvrir. Parce qu'avec son inconnu, elle s'était sentie revivre, heureuse, insouciante, fière, forte et lumineuse, dans un tourbillon de couleurs inexplicables, de mélodies enchantées; elle pouvait être elle-même, loin des cauchemars, illusions ou réels, car dans le royaume de ses bras, les monstres n'avaient pas leur place - et sur ceux de la muse, du reste, les cicatrices estompées racontaient un conte qui n'était qu'à eux: elle avait cessé. Mimosa avait tenu sa promesse, et le jeune homme la sienne. Alors, ce fut souriante qu'elle avança vers la silhouette familière, assise au bar, tout de pourpre et de noir vêtu, une fleur à la main; souriante, toujours, dans sa robe rouge et or sous son manteau pourpre, sa main se refermant sur un petit flacon dans sa poche, contenant un de ses élixirs, nectar des immortels; souriante, enfin, qu'elle délaissa ce goulot pour poser ses petites mains froides sur les yeux du souverain, en un rire aussi pur que le cristal et doux qu'un battement d'ailes. De près, elle put reconnaître la fleur, et un autre sourire, différent, celui-ci, vint éclore sur ses lèvres-pétales de roses.

Un dahlia nuit d'été, pour celui qui bouleversait les saisons de sa vie.

♪ Serge & Mimosa ♪
The best and most beautiful things in the world
cannot be seen or even touched
they must be felt with the heart.
III

we are alive

Hadès -- l'invisible.

Des feux d'artifices qui explosaient dans chaque maison à l'entente de ce nom, une vibration coloré dans son cœur à chaque battement de sentiments, la course à l'arc-en-ciel d'un caractère qui dégoulinait d'exubérance par chaque pore de sa peau. Des vêtements aux tons chatoyants qu'il abordait, comme un reflet distordu de la noirceur de ses enfers enfants; il avait donné naissance aux plus horribles créatures de l'univers, mais se dotait des plus belles créations de l'univers -- parce qu'il était Hadès, Hadès l'invisible, détenteur des artefacts pour devenir indécelable, introuvable; mais il n'en avait point besoin, de cette cape et du casque trop lourd. Même sans eux, il était une énorme masse brillante et chatoyante, dansant parmi les aveugles de ce monde -- et il n'avait besoin de l'aide de personne pour être celui que l'on regardait bizarrement avant de s'évaporer. La seule personne qui l'avait vraiment vu… C'était Gun. Et peut-être toi, maintenant, ma douce guerrière ?

Une respiration, une dernière gorgée, un soupire qui fit battre les ailes des corbeaux de son habitat; il était temps au grand Hadès de rentrer dans le jeu des vies. Alors qu'il allait soudainement se tourner sur sa chaise pour vérifier un minime détail, il sentit brusquement un voile devant ses yeux tomber, et une glaciale empreinte qui imprégna son visage comme la caresse d'une promesse d'un doux hiver. Puis, enfin… L'odeur de celle qu'il n'avait aperçu que deux fois, l'effluve de la femme qui contrôlait les saisons de sa seule beauté vigoureuse -- des mains glacés pour faire parallèle à son cœur de braise flambante. Alors l'homme des enfers parti d'un doux rire, levant doucement ses membres pour se détourner vers elle, enroulant ses propres doigts autour des siens; et il pivota vers celle qui illuminait l'endroit, Hadès déchu qui se méritait bien un petit sourire.

Maintenant assis face à elle, les poignets de la demoiselle embrigadée entre sa poigne (qu'il tentait de réchauffer d'un doux frottement), il put enfin croiser ses prunelles flamboyantes qui firent rayonner la promesse d'une soirée ravissante. Les deux amants enfin retrouvé après tout ce temps passé séparé, au centre du Styx et dans l'immersion des rêves décadents, le roi de celui qui dirigeait les démons ne pouvait s'empêcher de rire, de rire comme un enfant qui venait de trouver sa rose; et d'un mouvement aussi délicat que cet embrasement si particulier d'une flamme, de tendre sa Dahlia vers la satinée qui le fixait.

— Pour toi, douce fleur. Il passa d'une lenteur extrême ses pouces sur les poignets de sa Perséphone, remontant les deux de plus en plus haut alors qu'il lâcha doucement, et d'un sourire qui fit apparaître ses dents; Ravi de voir que tu n'as pas perdu d'autres pétales…

et merci d'être venu

♪ Mimosa & Serge ♪
Love isn't an emotion.
Love is a promise.
III

we're together

Perséphone - Je te vois.

Devant moi, je te vois. Des mains posées comme une caresse sur le beau visage du prince des ténèbres, floraison d'obscurité pour cacher sa lumière, une petite fée des saisons souriait, mutine, son cortège de nymphes chantant, au loin, à la surface, tandis qu'ils se rejoignaient au cœur des Enfers, une nouvelle fois. Il était son guide, couronné de flammes, brûlantes ou chaleureuses, tendres ou passionnées - elle le suivait, simplement, avec pour seul diadème les ancolies, les chrysanthèmes, les roses bleues, les myosotis, aussi. Dans ce monde paré d'une étrange et fugace magie, sortilège puissant dans tout l'être du jeune homme, régnaient les émotions: éternité, espoir, souvenirs... Vérité et folie se côtoyaient, aussi, car dans un royaume d'illusions, où tout n'est que poudre aux yeux et où la nuit s'illumine de fleurs extraordinaires, flamboyantes de couleurs, dans un royaume de danger où au dessus du gouffre dansent deux amants maudits, funambules sur leur fil défiant l'absolu, la petite princesse risquait son univers. Mais tout ce qui peut être précieux demande un peu de risques, et tandis qu'elle le taquinait, petits doigts fins et froids effleurant sa peau pâle, elle sut, au fond d'elle-même, qu'elle avait fait son choix; elle était venue, non ? Et ce soir-là, elle le suivrait, encore une fois.

Dans les eaux, dans la nuit, je te vois. L'invisible éternel, qui portait sa cape et son casque, d'ordinaire, comme elle portait ses voiles, chacun se parant de ses masques, dans ce monde mortel où les mensonges aident parfois à vivre, se révélait à elle, dans un regard intense, aussi sombre que le ciel, d'un noir d'encre, au dehors, que ne troublaient plus ces flocons d'un blanc parfaits, petites poussières d'étoiles, et aussi profond que les océans, qui chantaient de concert avec les âmes dont la mélodie se faisait symphonie, plus complexe, plus grande, et cent fois plus belle, au fur et à mesure qu'ils se découvraient. Et son inconnu souriait à la lune, ses doigts s'enroulant en douceur autour de ceux de la frêle et agile danseuse, dont l'âme ensoleillée scintillait dans ses yeux, ce soir. Ce simple mouvement de joie illuminait le regard disparate du jeune homme, l'éclat rejaillissant sur tout son entourage - une lumière que les autres âmes, probablement, ne pouvaient pas voir... On ne voit bien qu'avec le cœur, après tout, et devant l'autre seulement, les amants ôtaient les barrières, pour leurs jolis moments. Mimosa eut une pensée, un rire au fond de son cœur: ceux qui prônaient la symétrie comme beauté exquise, absolue et parfaite n'avaient jamais eu l'honneur de contempler les iris de son compagnon de rêves... Heureusement, ce que l'on ignore ne peut nous faire de tort, et ce que l'on ne connaît pas ne nous manquera pas. Car face à ces orbes de saphir et de jais, l'adolescente comprenait; elle comprenait que ce lien la changeait, à jamais. Il n'y a pas de retour en arrière, au royaume des immortels, et si leur relation, un jour, pouvait trouver une fin, les souvenirs, en revanche, seraient, pour elle, éternels; beauté, émotions, tempête, harmonie. Il était à elle, et elle était à lui, pour une nouvelle nuit.

Dans les fleurs, dans les voiles, je te vois. Rivières de larmes et éclats de rire, danses aguicheuses et étreintes innocentes - leur relation était tout en subtilités, tout en contrastes, en métaphores, en filigranes, en images et en non-dits, en notes de musique, en lumières, en danses et en silences, aussi. On ne perce pas ainsi les secrets de ceux qui savent se cacher... L'un changeait de nom comme on change de chemise, l'autre donnait le sien - mais était-ce un surnom ? Et de ces mots si doux ou plus enflammés qu'ils avaient su souffler, qu'auraient pu comprendre les non-initiés ? Pas tout, pas quand ils susurraient des paroles volées, et que leurs murmures enchantés portaient de nouveaux sens qu'eux seuls pouvaient déceler. Ils avaient leurs savoirs, et ils avaient leurs codes. C'était comme cela, aussi, qu'ils se courtisaient, se confiaient, et se protégeaient. Parce que lors d'une soirée qui avait l'air d'une réécriture entre ombre et lumière d'un sublime conte de fées, il avait su passer les voiles et les buissons, échapper aux épines et aux lambeaux de flammes pour trouver le cœur lumineux et les roses en fleurs. Hadès était le seul à savoir certaines choses sur sa timide amie, pourtant si forte, gracieuse reine des enfers: le seul, par exemple, à connaître l'existence de ces traits sur la peau de cannelle au doux parfum de pomme, ces lignes qui racontaient une histoire, sans plume et sans papier, hélas, tristesses irisées. Ses mains réchauffant celles de la jeune fille, sur lesquelles l'hiver avait posé ses lèvres, ses pouces effleurèrent les cicatrices, à peine visibles, à peine perceptibles, mais bien présentes, et il plongea ses yeux dans les iris sombres aux paillettes dorées, avant de lui tendre une floraison pourprée.

— Pour toi, douce fleur. Son sourire s'élargit. Ravi de voir que tu n'as pas perdu d'autres pétales…

Dans mon cœur, je te vois. Au cœur de l'hiver, c'était pourtant une valse printanière qu'ils semblaient vouloir danser, mains entrelacées autour d'une tige fine à la fin de laquelle s'offrait, épanoui, un Dahlia écarlate - Mimosa sourit à cette signification, touchée. Oui, elle aussi était heureuse... Ce cadeau éphémère, qu'elle gardait précieusement, avait pourtant fait éclore en elle une jolie éternelle - parce qu'à quoi bon nier, il avait su prendre une place dans son cœur d'enfant, par delà les douves et les pont-levis des châteaux forts, par delà les remparts d'une âme quelque peu fissurée. Il faisait noir, il faisait nuit, l'atmosphère seulement éclairée par quelques spots et néons colorés. Il faisait noir, il faisait nuit, les constellations régnant sur le monde, dehors, à quelques soirées de Noël. Il faisait noir, il faisait nuit; et pourtant, ce cadeau en avance la fit s'illuminer comme une fille soleil. Oui, elle aussi était heureuse... Grâce à lui, aurait-elle voulu dire - mais il y avait des choses qu'ils ne disaient pas. Alors elle lui rendit simplement son sourire de lune, et, d'une voix mélodieuse, cristalline comme la rivière, lumineuse comme les astres, douce comme le miel, elle souffla:

— Merci, mon roi. Elle glissa sa petite main dans la sienne, entrelaçant leurs doigts. À chacun de nous de tenir ses promesses...

je serai toujours là

♪ Serge & Mimosa ♪
Heart made of glass, my mind of stone
Tear me to pieces, skin to bone
III

you're an angel

De rouge se drapait chaque partie de son palais, entrelacé dans la braise orange et flamboyante -- mélangé dans l'ébène que créait l'ombre de ses démons qui s'y promenaient, normalement là pour s'attirer les grâces du souverain des enfers. Couleur du sang qu'il connaissait si bien, eau de laquelle se formait tous les humains indécis de cette terre maudite; il n'avait qu'à fermer son poing pour qu'ils éclatent en milles morceaux, pauvres autant que riches, gentils et méchants; tous étaient formés de ce même ton pourpre que le seigneur avait créé, que lui même avait inventé et dans lequel il s'était enveloppé. Image même que se donnait les pauvres mortels de son enfer, priant quelconques églises pour ne pas finir dans les flammes rougeoyantes de ses terres, mais tous pêcheurs lorsque la nuit s'installait… Hurlant aux vices pour les femmes qui osaient avorter, mais les souillant alors qu'elles les considéraient amis, frères et pères: jetant des regards dédaigneux à ceux qui vendaient leurs corps sur la route, mais les prenant lorsque personne ne voulait d'eux et d'un corps qui sonnait tout à coup trop vieux. Bassesses, impuretés, immoralités, ainsi effluve de la luxure qui se dégageait des pores de sa peau, rubis, satin, pourpre sur les lèvres des grandes dirigeantes pouvant être réduites sous son regard de braise -- mais aussi sensualité qu'elles pourraient y prêcher, goûtant le fruit interdit qui résonnait comme une demande à se soumettre à l'imperfection parfaite.

Rouge, rouge, rouge...

Autant de dérivé, de mensonge, d'absurdité, de colère, de vengeance; un ton qui s'habituait à côtoyer la pire vermine des endroits malfamés. Pourtant… Perséphone était arrivée devant ses yeux vairons, ramenant avec elle sa sublime parure de la couleur qu'il était si habitué à côtoyer; ainsi recouverte de cette tonalité… Il s'en était retrouvé stupidement malmené. Sa peau glacée sous ses mains, il avait envie de la réchauffer de son corps contre le sien; de ses doigts lui enlever la robe sublime qui cachait ses courbes occulte, découvrir ce chef d'oeuvre subjuguant d'une déesse qui résonnait de son envie pour lui. Mais tout ceci, visiblement, allait devoir attendre, car qu'avait-il de meilleur qu'une ressource qui atteignait son meilleur stade, mûre et parfaitement prête à déguster ? Par ailleurs, les meilleurs moments demandaient de l'attente, et bien qu'Hadès n'était pas un fan de celle-ci, il pouvait bien faire preuve de patience; il s'était concentré sur son but, et personne n'allait pouvoir l'empêcher de les réunir dans cette danse dans les tréfonds.

— Merci, mon roi. Elle glissa sa petite main dans la sienne, entrelaçant leurs doigts. À chacun de nous de tenir ses promesses…

Si peu attiré par les douceurs de ce monde, Serge apprécia pourtant la délicatesse de leurs doigts liés ensemble, enserrés comme une pâle promesse de cette future soirée -- qu'il regrettait presque déjà d'avoir commencé, le début annonçant subitement la fin proche des flammèches qui se créaient par leur proximité. Néanmoins, il décida d'ignorer le tout pour se concentrer sur sa guerrière de lumière, levant doucement sa main libre pour venir placer une mèche folle derrière son oreille percée, savourant le contact étincelant de ses doigts appréciant l'onctuosité de ses cheveux. Prêt à s'embraser, il lui dédicaça un de ses sourires à en faire tomber Aphrodite, sauvage homme n'ayant point besoin de son imbécile de ceinture magique pour se transformer en une lune de sang dans le ciel coloré.

— Je tiens toujours mes promesses, guerrière de lumière... Glissa-t-il d'une voix aussi affutée que la lance d'or d'Athéna, mais aussi douce qu'un léger remous d'une rivière perdue. Penché vers elle, ses lèvres remuant pour créer les mots et les envoyer vers son oreille, il finit par s'écarter sommairement de sa peau à l'odeur fruitée, mais seulement pour lui ajouter; Si tu es prête, alors suis-moi.

Calé aussi proche d'elle, la difficulté de se séparer sans même unir leurs lèvres fit gronder son bas-ventre, mais calma son esprit qui s'était retrouvé embourbé de pensées vicieuses; il lui dédicaça simplement une dernière pression avant de se décaler, aussi vivace qu'un serpent qui se logeait dans les bas fonds.

— Sauf si tu as changé d'idée, bien sûr ! Ce qui, je dois te l'avouer, me rendrait très... Accablé de tristesse. Il lui envoya un clin d'oeil de son arc tendu de friction, s'accotant contre la rambarde de la porte comme si celle-ci menait aux enfers. Puis, comme le mamba tatoué, il disparu par la même porte qu'elle avait empruntée, laissant simplement derrière lui un rire comme gage de son passage dans le vent, dieu des inhumains.

alors, tu viens ?

♪ Mimosa & Serge ♪
All at once everything looks different
Now that I see you
III

fallen angels

La nuit était douce et parsemée de mille étoiles, pour une jeune fille dont les yeux pailletés d'or répondaient à la lune argentée comme deux petits soleils; la nuit était douce, fraîche et calme, en un moment hors du temps, qui semblait à la fois éternel et infiniment trop éphémère, pour la fine silhouette à la robe écarlate qui, un petit sourire aux lèvres et ses doigts entrelacés à ceux de son prince d'un soir, l'observait avec l'impression d'enfin avoir trouvé une sorte d'harmonie, un refuge, une maison. C'était fou et irréel, étant donné les deux personnages, mais... Perséphone n'avait-elle pas trouvé son royaume, aux Enfers ? Du reste, son Hadès avait apporté, dans son cortège de ténèbres, un dahlia aussi rouge que la robe de son ange, que les joues de sa jolie fleur - et celle-ci, semblant danser sans un mot sur la mélodie des battements de son cœur, serrait de son autre main, contre elle, la tige fragile aux pétales si fragiles, dont le parfum floral se mêlait au sien. La nuit était douce, pour elle. Aussi douce que la corolle de ce qu'un autre œil que le sien eut pu prendre pour une rose. Aussi douce que les doigts fins et tièdes du jeune homme, contre les siens. Aussi douce que le regard vairon qu'il posait alors sur elle, la réchauffant d'un simple sourire, l'embrasant d'une caresse. Aussi douce que ce geste, replaçant une mèche frisée derrière son oreille ornée de fines pierreries, d'or et de rubis. Aussi douce que le sentiment qui, l'espace d'un instant, vint effleurer de ses ailes l'âme de la petite déesse. Ils damnaient Aphrodite, ils se moquaient d'Éros; leur relation était trop compliquée pour y poser des mots, des notes, ou des sentiments - peut-être seulement une image sur la peau ? Mimosa sourit; elle ferait peut-être du dahlia, sur le canevas de son corps, sa prochaine œuvre d'art... Plus tard. Pour l'instant, cette fleur n'était que le symbole d'une nuit volée, tandis que son ange déchu se mettait à parler.

— Je tiens toujours mes promesses, guerrière de lumière... Glissa-t-il à son oreille, son souffle chaud dans son cou, la faisant frissonner, tandis qu'une floraison de tendresse et d'espoir éclosait, touchée qu'elle était par ce petit surnom. Si tu es prête, alors suis-moi.

Indéniablement, il ne la laissait pas indifférente, jouant de ses attraits, roi du monde souterrain et des vices de ce monde, illustrant à merveille la beauté traîtresse, charmeuse, et ensorcelante que possédaient certaines choses, sirènes rusées pour marins égarés. Chacun menait sa barque comme il le pouvait... Certaines choses valaient la peine de se noyer. Cependant, la jeune fille qui cueillait les fleurs, les perles et les rayons de soleil s'amusait de remarquer que, grand papillon de nuit, le garçon aux mèches de jais avait du mal à lui résister. Le serpent et la pomme, mamba et coquelicot, poison et antidote, Lucifer à son ange ! Elle était son contraire, et tout ceci semblait impossible, mais, après tout, ne dit-on pas que les opposés s'attirent ? Et elle en jouerait; parce qu'elle était reine, elle aussi. Et une guerrière de lumière, si douce, si paisible et si gentille soit-elle, ne rendait pas les armes si facilement au prince des ténèbres. Faites l'amour, pas la guerre, uh ? Mimosa eut un demi sourire - qui avait bien pu croire que ces mots s'opposaient ?

— Sauf si tu as changé d'idée, bien sûr ! Ce qui, je dois te l'avouer, me rendrait très... Accablé de tristesse. ajouta du reste l'ange déchu, avec un clin d'œil malicieux qui la fit rire, gaie, innocente, et pourtant si joueuse. Elle lui ferait sans doute la grâce de sa compagnie, alors !

Les pages de leur légende se tournaient, écrites à quatre mains et illustrées de moments que le monde n'aurait pas compris, colorés, intenses, entre ombre et lumière, parés de sentiments qui étaient bien réels, au-delà de l'enchantement. Hécate n'avait pas de pouvoir sur ce couple divin; ils s'envoûtaient l'un l'autre, simplement, pour une nuit. Et la lune rieuse, qui chuchotait aux nuages, dans le ciel d'un noir d'encre, observait les silhouettes se glisser au-dehors; dans sa lumière nacrée, sur la neige fraîchement tombée, deux enfants des astres riaient, dans le vent. Et c'était joyeux. Et c'était beau. Et c'était dangereux. Mais on prend tous les risques, pour ceux que l'on aime... Et il était temps pour la guerrière de lumière de retrouver son ciel, une toute nouvelle fois, aux côtés du prince des ténèbres, qui s'élevait, au royaume de la nuit. Ils vivaient un rêve éveillé, et aux pays des songes, les anges aux ailes brisées peuvent eux aussi voler... Alors, une fois de plus, ils partageaient une ascension, comme un précieux secret - leurs lèvres ne diraient rien, non: elles s'épouseraient.

— Alors ne sois pas triste, prince des ombres. Parce qu'on reste ensemble. À mon tour, de chasser la peine... murmura-t-elle.

je te suivrai jusqu'au bout de ce monde