Here comes the Sun ~ ft Soleil - end

« Petit Flocon est né tout blanc ? C’est rigolo, moi aussi, je suis née toute blanche. Du coup, tout le monde au Vent s’était demandé pourquoi Tache d’If m’avait nommée Petit Soleil… Puis mes tâches rousses claires sont apparues, ça a semblé plus plausible comme nom. Je me demande si elle a su prédire l’avenir. J’en doute, en fait. Pourquoi tu as nommé tes enfants ainsi, si ce n’est pas indiscret ? »

Je souriais à imaginer la solitaire toute blanche à la naissance. Si ça se trouve, ça maman voyait en elle de l’espoir ? Lorsque le soleil brille, qu’il réchauffe la terre de la lumière, tout semble aller bien. Pour le moment, je n’arrivais pas à l’accepter… Oh non, j’étais dans l’ombre, en attendant de retrouver les deux petits soleils de ma vie. Il suffisait d’une pensée pour replonger. J’étais très maigre, et j’étais déjà fatiguée de cette marche, malgré la proie que Soleil m’avait apportée. Mon cœur restait lourd, dans ce corps sans énergie.

« Il paraît que les chats domestiques sont plus belliqueux qu’on ne le dit, tu confirmes ? Est-ce que t’as pu te faire des amis ici ? Un coup de patte supplémentaire ne serait pas de refus, quand on ne sait pas où chercher. »

Je n’avais même pas répondu à sa première question.

« Le pelage de Petit Flocon me faisait penser à des flocons justement. Et Petit Désert c’est en hommage à ma maman. Elle était belle et merveilleuse. Je… »

Je sentais les larmes monter à l’évocation de Maman.

« Je l’ai perdue pendant la guerre contre le clan du Vent. Elle était tout pour moi. »

Mais bref, je secouais la tête, essuyant les larmes au passage.

« Tu sais, Tâche d’If voyait peut-être un espoir en toi ? Le soleil ça me fait penser à ça. Au bonheur, au renouveau. Elle pensait peut-être que tu allais inonder le cœur des autres de lumières, comme le ferait le soleil pour la terre. »

J’aimerais bien recevoir la lumière du soleil dans mon cœur. Il était serré et obscure depuis trop longtemps déjà. Je ne comptais même plus le temps. Je me demandais même… Qu’est-ce que Graine de Tournesol devenait ? Il n’avait jamais vu ses enfants et… J’aurais aimé lui présenter ses petits. Oh bien sûr je ne lui aurais pas demandé de combler mon cœur d’amour, mes enfants étaient là pour ça, mais il aurait pu donner ce qui m’a manqué toute mon enfance ? Je ne sais pas…

« Pour ta dernière question, je n’ai jamais eu le droit de sortir. Sinon t’imagine bien que j’aurais pris mes petits tout de suite avec moi ! Mais je restais enfermée dans leur tanière. Je ne connais pas les domestiques du coin, j’espère qu’ils ne nous poseront pas de problème, je ne suis pas vraiment en état… »

« Hum, oui, t’as raison. Ma question était stupide. Bon, si on en croise un de belliqueux, on tentera le bluff. Ça marchera peut-être, qui sait ? »

Je lui donnais un sourire fatiguée comme réponse. J’étais aussi inquiète. Comment je pouvais seulement espérer trouver mes chatons si je me faisais battre par un chat domestique ? Avec ces deux ou trois lunes où j’étais enfermée chez les bipèdes, je devais forcément avoir perdu de mes capacités de guerrière. Enfin, je restais prudente au côté de la solitaire. Je ne réagissais plus vraiment aux bruits autours de moi. J’étais… Si épuisée…

*****

« Pas maintenant mes chéris, je suis fatiguée vous savez… »

Je n’avais pas dormi de la nuit à cause des bipèdes. Il y avait chez eux, aujourd’hui, des miniatures d’eux, et ils étaient beaucoup plus turbulents, voulant nous porter mes petits et moi. Au début je me montrais mauvaise, j’avais interdis mes petits de quitter le nid de peur qu’ils les malmènent. Mais finalement, l’un des petits des bipèdes, s’était accroupi et avait avancé sa patte d’enfant. Elle n’était pas comme les adultes, elle attendait simplement en tendant le bout de ses doigts. Elle ne m’avait pas fait de mal elle. La curiosité l’emportant sur ma fatigue, j’approchais le museau de cette petite patte sans poils. Elle avait une odeur douce et enfantine, comme celle de mes chatons. Ce n’était pas la même, mais quelque chose me poussait chez elle à approcher. C’était un enfant. Prenant ma curiosité comme une autorisation, elle dirigea doucement sa main vers le haut de ma tête, et elle me gratta entre les oreilles. Ça me faisait penser à la toilette que me faisait Maman avant. Je m’autorisais cette seule séance de contact avec les bipèdes. Mais bien vite je retournais vers mon nid où mes petits chahutaient. Ils n’avaient rien vu, trop concentrés sur leur jeu.

« Vous pouvez allez jouer hors du nid. Mais pas trop loin ! Que je puisse dormir et vous surveiller en même temps !, dis-je avec un chaleureux sourire.

- Mais… Maman, je croyais qu’on ne sortait pas tant que les petits bipèdes étaient là ?

- J’ai changé d’avis, vous pouvez y aller à condition de faire attention. Vous fatiguez votre pauvre mère ! Allez zou mes chatons. »

Le cœur débordant d’amour, je léchai le haut de leur crâne avant qu’ils ne sortent. Ils étaient tout ce qu’il y avait de plus précieux dans ma vie.

*****

J’avais repensé à cette scène pendant que Soleil parlait à un chat domestique. C’était de vrais amours. Mes yeux étaient lourds, et je ne demandais qu’à dormir. J’étais épuisée, c’était à se demander comment je pouvais encore tenir debout !

« Ce chat a dit qu’il te préviendrait s’il voyait un de tes petits. S’il y pense. Ça fait un moment qu’on cherche, tu veux qu’on fasse une petite pause quelque part ?

- Je veux bien oui, je suis au bord de tomber de fatigue si tu savais ! »

J’avais repéré un petit coin d’herbe avec un arbre et un buisson touffu. Cet endroit semblait n’appartenir à personne.

« Tu sais grimper aux arbres ? C’est un bon endroit pour se reposer en sécurité. Sinon il y a le buisson si tu veux. Et… »

Je marquais une pause. Elle était si gentille avec moi.

« Merci beaucoup Soleil. Je me serais laissé mourir là bas. Je n’aurais pas cherché à avoir un quelconque espoir. »

Je comptais donner ma chair aux corbeaux et rejoindre ma Maman pour veiller sur mes petits de là haut. Mais il a suffit d’un éclaircissement pour me convaincre de rester.

« Vivre est difficile, mais il ne faut pas se laisser abattre. Il a toujours moyen de la rendre meilleure. Mais c’est pas toujours évident de trouver toute seule. Mais, tu n’es plus toute seule maintenant. Tu pourras toujours compter sur moi. »

En ne laissant pas mes pattes devenir comme des poussières d’étoiles, en laissant mon regard se fixer vers une brèche de lumière, j’avais accepté la vie. Les événements à venir allaient être difficile mais pourtant, devant moi, ce petit chat, ce petit Soleil m’avait redonné de l’espoir, elle m’avait ouvert les yeux quand je voulais les garder fermés. Mon cœur se fissurait de plus en plus, ne pouvant plus trouver le moindre équilibre. Larmes accablantes, sourire lumineux, tristesse déchirante, regard miraculeux. Uniquement des contraires qui me piquait la poitrine. Je pouvais compter sur elle pour soigner ce qui se brisait en moi. Un petit Soleil qui ne devait jamais s’éteindre. Je m’allongeais dans le buisson dans un soupir. La solitaire était partie chercher à manger. La ville, ce n’était que de la crasse, un monde qui m’avait fait perdre ma vie. Une partie de ma vie. Ce bitume me donnait envie de vomir, cette odeur de monstre qui me faisait perdre la vue, le bruit constant qui me brouillard les sens. Je haïssais ce monde de bipède. Transformé, non-naturel. Comment pouvaient-ils seulement supporter vivre dans… ça. Je n’avais pas de mot pour décrire leur univers si différent du miens. Je respectais la vie, la nature, mais eux ? Que respectaient-ils réellement ? Si ce n’est leur vie. Arrogance. Je haïssais cet être.

« Je n’ai rien trouvé, ça ne te dérange pas de dormir le ventre vide ? Je vais m’installer dans le buisson pour dormir d’accord ? »

Je donnais un sourire doux à Soleil.

« Ce n’est pas grave. Je vais dormir avec toi si ça ne t’embête pas. Je suis heureuse que tu cherches avec moi. Tu es l’espoir dans cette grisaille. La lumière dans mon malheur. »

Je me glissais vers Soleil. Je lui léchais le haut du crâne et me collait à elle. L’odeur de mes semblables. L’odeur de la vie, de la nature. Voilà ce que j’aimais. Il ne manquait plus que mes bébés, et tout serait parfait. Loin de nous ces êtres immondes.