Some nights I think of you ~ ft. Rusty - end

« Non pas vraiment. »

Pas vraiment! Le chat des Clans à qui il manquait un oeil et presque une patte n'avait pas "vraiment" peur de son skate! Même avec sa patte invalide, même avec sa perception limitée, c'était Oeil Vert qui se trouvait sur le skate maintenant, devant les yeux ébahis de Rusty.

— « Il est intriguant, je ne dis pas, mais il ne me fait pas peur. Je me suis fais renversé il y a plusieurs lunes, par un monstre, avec les immenses pattes rondes. Même à pleine vitesse, je ne pense pas qu’Ollie puisse faire vraiment du mal.

— Non, bien sûr que non!

Il s'était fait renverser par un monstre! La vision de l'abyssin s'embrouilla, car les yeux de ses pensées lui rappelèrent les poils clairs et invisibles l'hiver de feu son vieil ami Sugaar. Lui aussi, s'était fait renverser par un Monstre, mais-- sa vision redevint nette - chaque déchirure, chaque zone où le poil ne poussait plus, chaque marque sur le corps d'Oeil Vert lui fit imaginer la terrible tragédie, et tout ce que Rusty réussit à faire fut de sourire.

— ... Mais il est malin! Un sourire triste, d'abord. Une fois, il a désarçonné Trash, et Trash a volé dans les airs avant de tomber dans tout un tas de poubelles! L'anecdote lui rendit toutefois sa bonne humeur: Mais c'est Trash, alors même si j'étais mort d'inquiétude, il a juste éclaté de rire!

— Et puis il a l’air marrant à utiliser !
— T'as pigé! ♫ »

Oups... en voilà des familiarités. L'abyssin monta sa patte à sa bouche. E-enfin, je veux dire...

— « Ensuite je fais quoi ?

Oeil Vert se tenait droit sur Ollie, et sa queue l'équilibrait bien, et Ollie bougeait un peu, mais sur les cailloux près du rocher il n'irait pas bien loin (et puis il était capricieux, le moindre petit obstacle pouvait être un problème à si basse vitesse).

— Je vais vous pousser sur la route! Le sol y est plat, Ollie préfère ça pour rouler!

Il alla vite se postionner derrière le skate, patte sur queue, forçant des trois autres pour pousser et l'objet, et l'ami debout dessus. Les roues grattèrent le sol et les cailloux en décrivant un très lent demi-cercle, dirigeant le tout vers la chaussée. L'heure tardive rendait les phares des voitures voyants même de loin, mais la voûte Étoilée au dessus d'eux brillait par leur absence. Après tout, la dernière chose qu'il voulait, c'était de mettre en danger Oeil Vert. Ollie prit un peu de vitesse lorsqu'il arriva à l'accotement, descendant une toute petite dépression qui lui fit échapper des pattes de l'abyssin.

— Oh - le voilà parti! »

Rusty pressa le pas, montant haute sa queue pour être visible dans la nuit.

— « Pour rouler plus vite, fait courir ta patte au sol! Moi j'utilise celles de derrière, c'est plus facile pour freiner!

Que c'était difficile d'expliquer comment manier Ollie! Rusty se moqua un peu de lui-même - avec Trash ça avait été plus facile, mais c'était parce-que Trash ne l'avait pas écouté, Trash avait été un naturel, Trash avait vite compris la chose à l'instinct, mais la triste finalité de son expérience empêchait à Rusty de figurativement lâcher les rênes, car il ne voulait pas inaugurer le premier baptême de l'air d'Oeil Vert!

Rusty me raconta une anecdote sur son ami Trash. Je ronronnais en douceur. Oh les souvenirs de la vie étaient à chérir, peut importe, qu’ils soient insignifiant ou non. J’aimais mes souvenirs, et pendant cette nuit, cette deuxième rencontre avec ce solitaire, je sentais que quelque chose allait se graver dans ma mémoire. Quelque chose qui ne partirait pas de ci-tôt.

« T'as pigé! »

Mais comme gêné il mit sa patte devant sa gueule. Rhoo, ce n’était pas bien grave. J’offris au Rusty un sourire sincère. Ne t’inquiète pas, je préfère bien ça ! Je n’étais plus un ancien meneur, ni même un guerrier. En réalité, mon absence de rang, si ce n’est celui d’ancien, me donnait plus de liberté. Je vivais avec mon clan que j’aimais, je me préoccupais de lui et pourtant, j’étais bien libre de vivre ma dernière vie. Oh belle et douce vie que je vais chérir le plus possible. J’étais monté sur Ollie. Bon, il bougeait un peu mais ça allait pour l’instant. Je faisais de mon mieux pour garder l’équilibre sur lui. Fiouf ! Quelle épreuve ! J’attendais alors les prochaines directives de Rusty.

« Je vais vous pousser sur la route! Le sol y est plat, Ollie préfère ça pour rouler! »

La route ? Le chemin du Tonnerre il voulait dire ? Même si mon accident était passé depuis plusieurs lunes, je n’étais pas tout à fait serein à l’idée d’y retourner. Mais je devais me montrer fort. Après tout, j’apprenais à monter sur Ollie à la manière Rusty ! Cette pensée me fit ronronner. Le solitaire se plaça derrière moi, et commença à pousser l’objet. Oulaaaa. J’essayais de m’accrocher tout de suite, mais en même temps je ne voulais pas l’abîmer ! J’essayais de bien enfoncer mes pattes sur Ollie et de garder le mieux possible mon équilibre. C’était si étrange ! J’avançais… Sans même bouger des pattes. Mon œil devient plus rond encore, faisant briller les milles étoiles du ciel dedans. Et d’un seul coup, on arrivait sur une surface où Ollie semblait mieux avancer encore.

« Woah… C’est…

- Oh - le voilà parti! »

Et Rusty semblait avoir lâché Ollie qui allait bien vite. Je me tenais du mieux que je pouvais, profitant du courant d’air qui se créait à mon passage. Mon cœur battait de plus en plus fort avec l’excitation du moment. Je n’avais jamais rien connu d’aussi fou !

« Pour rouler plus vite, fait courir ta patte au sol! Moi j'utilise celles de derrière, c'est plus facile pour freiner! »

Courir ma patte au sol ? Très bien, j’étais joueur alors j’allais tenter ! L’adrénaline montait tellement en moi que j’étais prêt à tout ! Prêt à gravir la plus haute montagne, à chasser le plus gros rapace et même distancer un guépard à la course ! Je me sentais heureux. Alors en suivant les conseils de Rusty, je faisais glisser délicatement ma patte arrière vers la route… Et je commençais des mouvements. Le premier coup je me fis mal à la patte. Hum… En même temps que les roues ? Je ne savais même plus ce que je disais. Mais c’est pas grave je me lance ! Je courrais avec ma patte arrière seulement et ça marchait. Chaque pas sur le sol était douloureux, mais je ne sentais rien tant cet instant était unique.

« C’est magnifique Rusty ! Je… C’est génial ! »

Je criais ces mots. Peu important si on m’entendait, plus rien ne comptait en cet instant. Les étoiles brillaient au dessus de ma tête, et j’allais si vite ! Même avec mes pattes en étant valide je n’aurais pas fait mieux. Et puis finalement, j’arrêtai mes mouvements avec ma patte. Ollie perdait en vitesse lentement. Mais ça me faisait profiter encore de ce vent que je venais de créer. J’étais juste heureux. Il n’y avait rien de plus beau. Le petit monstre commençait à aller très lentement, alors je posais doucement ma patte au sol pour essayer de l’arrêter. Aie Décidément, mes coussinets sur la route, j’étais pas habitué. Et finalement, il s’arrêta. Je descendis d’Ollie. Le monde tournait encore un peu autour de moi tant la vitesse avait été magique. Je m’assis un instant pour retrouver mes esprits. C’était…

« Magnifique. J’ai pas d’autres mots. J’ai eu peur en allant sur la route, j’ai eu peur de la vitesse ou même de tomber mais… C’était tellement génial !... Wow. »

Mon œil était brillant et si rond. J’aimerais m’en trouver un à moi pour voyager sur les routes et partir loin explorer le monde ! Oh calmons-nous tout de même. Mon clan. L’adrénaline redescendait doucement. Je tournais la tête vers Rusty non loin, avec un immense sourire sur le visage.

« Merci. Sincèrement. J’ai pas beaucoup posé la patte comme tu m’as dis, mais suffisamment pour accélérer un peu. J’ai adoré. C’était merveilleux. Mais dis-moi, tu voyages souvent avec lui ? Ce doit être une sacré aventure à chaque fois ! »

Est-ce que tout irait bien? Est-ce que tout irait bien? Rusty sentit quelque chose lui agripper le coeur aussi plus que presser le pas il courrait maintenant, galoppant légèrement en arrière d'Ollie et d'Oeil Vert qui se donnait quelques poussées (difficiles, car ses coussinets n'étaient pas adaptés à l'asphalte de la route). Et plus il allait vite plus il sentait cette inquiétude en dedans de lui.

Par la Fée des Étoiles mais qu'avait-il fait!?

Il entendit Oeil Vert crier, et le vent poussa sa voix jusqu'à lui qui peinait à le rattraper:

— « C’est magnifique Rusty !  Je… C’est génial ! »

Quelque chose de différent lui agrippa le coeur et la course de l'abyssin perdit sa saccade. Et il se mit à rire. À voix haute, au même volume que lui avait crié son ami, son ami qui filait devant lui et qui expérimentait la vitesse et le vent d'une course sans n'avoir à bouger (trop) les pattes. Et il filait en ligne droite, et il se cramponnait comme il le pouvait, et j'entend par là qu'Oeil Vert ne déviait pas du chemin et donc ne risquait pas de s'accidenter comme l'avait fait Trash. Rusty le vit se pencher sur un côté pour mettre sa patte - plus vite?? encore!? Mais non, Oeil Vert cherchait à freiner. Mais comme il hésitait, Ollie n'en faisait qu'à sa tête! Pauvre Oeil Vert, la douleur lui monta dans la patte, Rusty le vit la secouer en l'air d'un soubresaut avant de retenter la manoeuvre. Ollie accepta de ralentir, un peu, sans se freiner tout de suite, et plutôt que de courir Oeil Vert fit marcher sa patte jusqu'à l'arrêt complet. Et Rusty, essoufflé, abaissa basse sa tête en trottinant à leur suite, soulagé de l'intermission de cette folle cavalcade.

— « Magnifique.

Rusty tomba sur les fesses, pantalant, les oreilles molles mais le sourire aux babines malgré quoi.

— J’ai pas d’autres mots. J’ai eu peur en allant sur la route, j’ai eu peur de la vitesse ou même de tomber mais… C’était tellement génial !... Wow.
— W... whhow, répéta l'abyssin avec un petit rire dans les épaules, et la sérénité dans le coeur.

Il reprit son souffle tandis que le skate s'arrêtait, permettant au chat des Clans de se tourner vers lui, assez pour pouvoir voir les Étoiles reluire dans son unique Oeil Vert. Et Rusty ne sut plus ce qui lui coupa le souffle le plus : que Monsieur Oeil Vert n'ait pas peur de son skate, que Monsieur Oeil Vert l'ait enfourché sur plusieurs mètres, ou que Monsieur Oeil Vert malgré sa condition d'estropié avait l'air vivant et resplandissant de santé sur Ollie.

— « Merci. Sincèrement. J’ai pas beaucoup posé la patte comme tu m’as dis, mais suffisamment pour accélérer un peu.
— HHuff... huff..
— J’ai adoré. Il avait adoré! Il avait adoré, ce qui agrippait son coeur le lui fit grossir comme trois fois dans sa cage thoracique, et la taille de son coeur percuta sa respiration qu'il cherchait à retrouver.

— C’était merveilleux. Mais dis-moi, tu voyages souvent avec lui ? Ce doit être une sacré aventure à chaque fois !

Si Oeil Vert continuait la route il trouverait bientôt le charnier des rats que Rusty n'avait jamais vu. Il lui sourit au travers d'un ou deux souffles.

— Oui...! Quand je vivais en... il tourna la tête - au delà du fossé, au delà des cailloux de la frontière des pinèdes, au delà du rocher où s'était couché Oeil Vert, et delà de toute la longueur perpendiculaire du Chemin du Tonnerre, la pollution lumineuse perçait l'horizon de ses soleils artificiels. Lumières de maison, phares de voitures, tours à bureaux, et Rusty sentit une partie de sa liberté s'envoler avec ses mots: Quand je vivais en ville, Ollie m'amenait n'importe où! L'herbe est moins haute là-bas, et de grosses voitures équipées se chargent de la neige sur les routes, l'hiver. Mais ici...

Il se détourna de l'ombre qui se découpait dans le lointain, car l'air rural imprégnait ses narines, et les seules lumières qui brillaient la nuit étaient les Étoiles au-dessus de lui. Elles ne brillaient pas aussi fort en ville. Ou alors il avait l'impression qu'il y en avait moins, ou alors--

— Ollie, il n'aime pas trop la neige, il préfère les saisons où il fait plus chaud, parce-qu'il y a moins d'obstacles.

... Des fois, je pense qu'Ollie préfère la ville. Notre cabane à Trash et Moi se trouve dans la Lande, dans les herbes hautes, alors quand je sors Ollie, je dois le pousser dans l'herbe jusqu'ici avant de pouvoir monter sur son dos.

Et avec l'âge, ses dents s'usaient, et ses muscles n'étaient plus aussi forts qui l'étaient autrefois, surtout après la maladie de l'été dernier, pendant la canicule.

— ...À cause de ça, on voyage plus trop souvent.

« Oui...! Quand je vivais en... »

Il tourna la tête en direction du rocher où j’étais tout à l’heure. Oh il devait sûrement viser plus loin. Là où il y avait tous les soleils enfermés dans des grands troncs de métal.

« Quand je vivais en ville, Ollie m'amenait n'importe où! L'herbe est moins haute là-bas, et de grosses voitures équipées se chargent de la neige sur les routes, l'hiver. Mais ici... »

Rusty reprenait son souffle après m’avoir suivi en courant derrière moi. Je crois que… Je m’étais senti réellement vivant l’espace d’un instant. Même si j’étais descendu, tout comme mon adrénaline, et que ma patte me brulait désormais, je… Je ressentais encore cette sensation si étrange. Avancer sans même bouger les pattes, sentir le vent souffler dans les moustaches et siffler dans les oreilles. C’était magnifique. J’aurais pu rester dessus et ne jamais m’arrêter. Suivre la route jusqu’au lever du soleil et me diriger vers lui. Pouvoir le saisir et… Le montrer à Rusty. Il m’avait redonné une vie en ce simple instant. Oh si un membre de mon clan avait vu ça, il m’aurait pris pour un fou. Je riais tout seul de cette pensée, montrant seulement un sourire amusé.

« Ollie, il n'aime pas trop la neige, il préfère les saisons où il fait plus chaud, parce-qu'il y a moins d'obstacles.
... Des fois, je pense qu'Ollie préfère la ville. Notre cabane à Trash et Moi se trouve dans la Lande, dans les herbes hautes, alors quand je sors Ollie, je dois le pousser dans l'herbe jusqu'ici avant de pouvoir monter sur son dos. »

Capricieux le petit Ollie ! Mais en même temps, chacun avait ses préférences, je préférais de loin marcher dans les marais ou un sol mou et doux plutôt que le sol dur et rude de la route.

« ...À cause de ça, on voyage plus trop souvent.

- Je vois… »

J’essayais de trouver une solution pour le solitaire, mais il ne devait pas y en avoir pour ça. Dans ce coin à l’abri des bipèdes, tout était sauvage. Mais alors…

« Tu pourrais venir plus souvent ici si tu veux ! Tu pourrais faire un peu de route avec Ollie et… »

Oups. Bon, outre le fait que c’était légèrement délicat, mon clan pourrait lui tomber dessus et ne pas lui vouloir que du bien. Je montrais une mine gênée au matou roux. Si j’avais pu m’enterrer à plusieurs mètres sous terre je l’aurais bien fais ! Quoi que… De la terre plein les moustaches c’était pas le mieux. Mais qu’est-ce que je raconte ! J’étais bien étrange, que se soit mon comportement ou mes pensées. Quelque chose clochait sans que je comprenne le souci. Après était-ce vraiment un problème ? En ces moments, je me suis senti plus vivant que l’autre que j’avais neuf vies. Je sens mon cœur faire trembler ma poitrine, mon esprit s’évader me laissant avec des pensées qui ne me sont pas habituelles. Quelque chose changeait. Mon sujet aussi. J’avais laissé un léger silence. Mais je reprenais vite le sujet.

« Enfin… J’amenais souvent mes enfants la nuit dans cette plaine sous les étoiles. Enfin ceux qui étaient le plus intéressés. Ma petite Mimosa. Nous parlions des étoiles allongés dans l’herbe. J’adorais faire ça. Et puis passer du temps avec mes enfants... ça n'a pas de prix »

Les étoiles… c’était toute ma vie. Comme mes petits. Je repensais à ma jeune Violette qui était partie rejoindre l'élue de son coeur...

« Tu vois, tous ces points lumineux dans le ciel… Ils ont toujours été dans mon cœur. Me guidant, dans chacun de mes pas. Mes parents m’ont éduqué à ne vivre qu’avec eux et d’accepter les destins qu’ils nous réservent. Oh je n’ai pas la capacité de lire dans les étoiles, comme nos guérisseurs peuvent le faire… Et pourtant, je sens que mes ancêtres sont toujours là, présents près de moi. Ils m’observent. Et… »

Je marquais une pause, posant mon regard émeraude sur le solitaire.

« Je suis content qu’ils voient ce que je suis devenu. Content qu’ils aient vu ce que je viens de faire. Je ne sais pas s’ils l’approuvent… Mais pourtant, je suis comblé de bonheur. Alors s’ils décident de ne plus m’aimer comme je les adore, qu’il en soit ainsi. Je veux continuer à ressentir tout ça. »

Je ne savais plus réellement de quoi je parlais. J’étais en roue libre. Je ne sais même pas si mes mots étaient réellement adressés à Rusty. C’était un constat. J’avais décidé d’être heureux, peu importe le prix à payer.

Oeil Vert descendit d'Ollie, Ollie s'était suspendu, et Oeil Vert fut comme piqué d'enthousiasme:

— « Tu pourrais venir plus souvent ici si tu veux ! Tu pourrais faire un peu de route avec Ollie et…

Cette proposition était encore plus folle que de lui demander de lui apprendre à monter sur son skate! Et l'embarras qui passa dans son sourire à Oeil Vert n'était pas étranger à Rusty, il reflétait le sien, et Rusty pensa à des choses plus folles encore, comme par exemple de venir à la frontière plus souvent, et lui apporter des proies, et peut-être pique-niquer à deux dans cet entre-deux autorisé par les règles de Clans (enfin, il supposait)? Il... il ne voulait rien promettre - rien ne se passait jamais bien quand Rusty promettait quelque chose, ou un rendez-vous, ou quand Rusty se retrouvait à attendre (son coeur se mit à courir plus vite, car sa peine le rattrapait à nouveau).

— Enfin… J’amenais souvent mes enfants la nuit dans cette plaine sous les étoiles. Enfin ceux qui étaient le plus intéressés. Ma petite Mimosa. Nous parlions des étoiles allongés dans l’herbe. J’adorais faire ça. Et puis passer du temps avec mes enfants... ça n'a pas de prix.

Rusty ne dit rien - il leva plutôt le nez sous la voûte étoilée, et les yeux de ses pensées lui firent voir un Oeil Vert plus jeune, avec une Mimosa plus petite, à regarder les Étoiles ensemble. Son sourire se réchauffa dans l'air frisquet de la nuit - comment différentes aurait été sa vie s'il avait eu droit au même privilège? Ses yeux ne surent quoi choisir, qui d'entre le Père et la Fille et lui et Ollie à regarder les Étoiles, ou qui d'entre Muguet et son frère Croc et Lui.

Il n'aurait su dire quel tableau il préférait.

— Tu vois, tous ces points lumineux dans le ciel… Ils ont toujours été dans mon cœur. Me guidant, dans chacun de mes pas.

Rusty se laissa porter par la voix de Monsieur Oeil Vert - après cette nuit avec Madame Fée dans le bourbier, il n'avait plus jamais cessé d'imaginer chacun de ces points comme d'yeux réfléchissants d'un nombre innombrable de chats devant des phares.

Mes parents m’ont éduqué à ne vivre qu’avec eux et d’accepter les destins qu’ils nous réservent. Oh je n’ai pas la capacité de lire dans les étoiles, comme nos guérisseurs peuvent le faire… Et pourtant, je sens que mes ancêtres sont toujours là, présents près de moi. Ils m’observent. Et…

Oeil Vert baissa ses yeux de la voie lactée mais Rusty les maintint, prenant le temps de sourire à Sugaar, à Monsieur Houx, à Tache d'If Lieutenante du Clan du Vent, et à la Fée des Étoiles bien entendu! Peut-être que s'il était plus proche, plus haut, de leur position dans le ciel, il pourrait tendre ses larges oreilles et les entendre murmurer.

— Je suis content qu’ils voient ce que je suis devenu. Les mots d'Oeil Vert allèrent se placer dans un coin duveteux au creux de sa poitrine, bien en dessous de la peau qui avait été maladroitement marquée d'un malentendu.

Content qu’ils aient vu ce que je viens de faire. Qu'ils l'ait vu rire aux éclats en enfourchant un skate?
Je ne sais pas s’ils l’approuvent… Mais pourtant, je suis comblé de bonheur.

Rusty se mit à rire doucement.

— Alors s’ils décident de ne plus m’aimer comme je les adore, qu’il en soit ainsi. Je veux continuer à ressentir tout ça.

Son rire devint confus, et Rusty décrocha ses yeux des astres pour interroger son ami avec la maladresse d'un sourire qu'il n'arrivait pas à s'enlever des babines.

— Ne?? Un autre gloussement lui échappa. P-pou-hou-rquoi les Étoiles ne t'aimeraient plus???

Oh ça y est il ne riait plus.

— Oh!!    Oh non!   Est-ce qu'en fait c'est interdit par votre Code de monter sur les skates aussi!? Ses deux oreilles pointèrent, puis retombèrent. D'abord les croquettes et maintenant les skates!  Qu'est-ce qui est arrivé aux chats dans les Étoiles pour en vouloir à tout ce qui vient de la ville!

Et Rusty fronça ses épais sourcils blancs, ratatinant son expression faciale.
— Non- je préjuge, tu savais pas c'était quoi un skate avant de voir Ollie alors comment tout un code pourrait -- »

Il faisait fausse route. Il se renfrogna, marmottant dans sa barbe grisonnante, avant de planter fermement une patte dans l'asphalte, et se dresser face à son ami, se courrouçant pour lui:

— « Les Étoiles sont ta famille et Elles t'aiment si fort, Oeil Vert, autant que toi, tu les aimes! La Fée des Étoiles les réveille, une à une, à toutes les nuits - toutes les nuits! - pour éclairer la nuit!
On se calme, Rusty, on se calme.

— -- Quand Elles sont cachées par les nuages, est-ce que tu crois qu'Elles ont disparues?

Le solitaire détacha son regard des étoiles pour le tourner vers moi. C’était vrai. Je voulais être heureux, vivre une idylle. Je ressentais les choses comme une vague lente et chaleureuse qui prenait possession du sable un instant , pour ensuite le laisser en paix, et tout avec ce mouvement perpétuel, mais d’une telle douceur… d’une telle douceur qu’on s’en laisse porter. Rusty avait un sourire qui étrangement disparu bien vite… :

« Ne?? P-pou-hou-rquoi les Étoiles ne t'aimeraient plus??? Oh!! Oh non! Est-ce qu'en fait c'est interdit par votre Code de monter sur les skates aussi!?. D'abord les croquettes et maintenant les skates! Qu'est-ce qui est arrivé aux chats dans les Étoiles pour en vouloir à tout ce qui vient de la ville!»

Je crois qu’il n’avait pas tout à fait saisi mes propos. Est-ce que seulement moi aussi j’avais compris ce que je voulais dire ? Il y avait-il seulement quelque chose à comprendre ? Évidement. Seulement je n’étais pas encore prêt à l’entendre.

« Non- je préjuge, tu savais pas c'était quoi un skate avant de voir Ollie alors comment tout un code pourrait -- »

J’étais à moitié plongé dans mes pensées, et pourtant, je lui donnais tout de même une réaction. Je hochais la tête. Je ne connaissais pas les skates, et encore moins mes ancêtres. Enfin maintenant ils allaient connaître à travers moi. Je ne savais pas comment définir ce qui se passait. C’était un ressenti, et rien d’autre n’avait d’importance. Mon esprit était vide, rien ne passait. Mais mille choses entraient dans mon cœur et dans mes oreilles. Les vagues touchaient mes pattes, électrisant mon corps avec cette eau si froide et pourtant réconfortante. Elle s’infiltre dans mon pelage et jusque dans mon être. Et ce regard bleu nuit si doux se teinta de couleur chaude, la colère faisait gronder sa voix.

« Les Étoiles sont ta famille et Elles t'aiment si fort, Oeil Vert, autant que toi, tu les aimes! La Fée des Étoiles les réveille, une à une, à toutes les nuits - toutes les nuits! - pour éclairer la nuit! »

Je levais le museau vers les étoiles. Elles étaient si brillantes, semblable à des dizaine de milliers d'yeux tournés vers Rusty et moi. Se nourrissaient-elles du spectacle que nous leur offrions ? Il était si difficile de les comprendre. À la fois proche de nous et en même temps si inaccessible. Pourtant, je me voyais déjà briller. Ma patte et mon œil étaient déjà pleins d’étoiles, quand le reste de mon corps ne restait que terrestre. Oui, les étoiles m’aiment comme je les aime.

« -- Quand Elles sont cachées par les nuages, est-ce que tu crois qu'Elles ont disparues? »

Je m’allongeai dans l’herbe, au bord de la route, sur le dos. De tête façon je pouvais mieux profiter du spectacle nocturne. Les étoiles étaient toujours là. Je ne les voyais pas nous quitter à cause des nuages.

« Je ne suis pas une étoile, même si ma patte et mon œil brillent déjà, mais je pense qu’elles sont toujours là, même si nous ne les voyons pas. Elles veillent sur nous, tous les jours, toutes les nuits. »

Je tendais ma patte valide comme si j’essayais de les atteindre. Je la voyais, noire en contraste avec le ciel bleu nuit et les points scintillants. Je tournais la patte et la refermant, comme si j’en avais saisi une. Mais en la rouvrant, je la trouvais toujours aussi noire, sans une lumière blanche. Enfin, je me couchais sur le côté pour regarder le solitaire. J’aurais dû lui répondre avant à ses autres questions.

« Nos ancêtres viennent tout juste de connaître l’existence des skates à travers toi et moi ! Je pense que, ce qu’ils n’approuvent pas, c’est que je reste à tes côtés alors que je ne devrais pas. Le code nous dit de ne pas trop approcher les étrangers et de rester attacher à son clan uniquement. »

Je soupirais. Je comprenais cette loi, et pourtant, je me sentais plus triste que jamais de devoir la citer ce soir. Je ne voulais pas la respecter. Je ne voulais plus.

« Et pourtant, ce soir, tu me prouves que nous ratons quelque chose avec cette fermeture d’esprit. Je… »

Qu’ajouter ? Je regardais le matou en face de moi qui me provoquait milles émotions contraires. Trouver des réponses dans ce flots était presque impossible… sauf si je me concentrais sur l’essentiel. Je n’étais pas prêt à y réfléchir. Il me perturbait.

« Je suis heureux de savoir que je me trompais. »

Je voyais au loin le ciel qui palissait. Peut-être était-il temps de rentrer ? Je ne voulais pas forcément.