[Baptême et Changement de Nom] Baptême et Changement de Nom

Même en finissant de scander, il ne s'était pas levé du caillou.

« NON! »

...C'était l'habitude, vous me direz.

Ça arrivait toujours aux baptêmes, mais aux baptêmes de guerriers: d'habitude, on se plaignait des noms qu'il choisissait. Dans la foule, parmis les nouveaux apprentis, celle à la fourrure fauve se détacha du lot pour le regarder dans les yeux malgré les pattes basses sous le ventre, ronde comme un lapin s'apprêtant à détaler.

— Je... je ne veux pas.

... Elle voulait pas s'appeler "Nuage"?

— Je n'ai pas le droit.

De s'appeler "Nuage"...?

— Vous le savez très bien... Je ne mérite pas d'être apprentie ! Alors arrêtez de faire semblant maintenant!!

Les oreilles du bengal se redressèrent en à-coup, les poils au rebond. Ça lui revenait — c'était pas seulement les gosses à Louve, c'était les gosses à Masque de Serpent: le garçon qui avait foutu une baffe à Tempête, et la fille qui s'était jetée dans les deux-pattes des pattes nues. Ciel était tellement en colère en lui expliquant l'histoire qu'il avait du lui faire sa toilette pour rabaisser ses poils hérissés. Bien la fille de son père, il lui avait glissé avec une pointe d'humour, en racontant qu'après s'être fait foudroyé, c'était Bec qui avait du faire la sienne, pour le calmer.

Glycine l'implora donc:

— L-L’écoutez pas, elle est juste… elle est juste stressée, il se tourna vers sa soeur, hein Nuage de Feuille

Ça crevait les yeux qu'elle était stressée, mais il lui semblait que Glycine mettait beaucoup de mots dans la bouche de sa soeur; Étoile Foudroyante plissa les yeux.

— C’est l’angoisse c’est tout c’est normal, ça ira mieux tout à l’heure t’en fais pas. C’est le bruit c’est ça ? Si c’est le bruit on peut demander à la foule de pas crier nos noms et on s’en va vite avant qu’ils crient ceux des autres si tu veux comme ça tu seras tranquille…

...Complètement bizarre. Étoile Foudroyante battit d'une oreille. Il pencha sa tête d'un côté, rendant à l'apprentie qui refusait son titre toute son incrédulité:

— ...Une erreur ne te coûtera pas ta carrière de guerrière, Nuage de Feuille. Dis-moi: qu'est-ce qui te fait peur?

Le plus bizarre, dans cette histoire, ce n'était pas le frère qui tâchait de désamorcer la situation, mais bien cette accusation au fond des yeux de Feuille qui ne lui faisait pas voir de la peur, mais du dégoût. Et pas du dégoût pour lui, bizarrement, un dégoût familier qu'il produisait naturellement dans sa salive et qui lui dégoulinait des babines en se collant à ses coussinets au moindre pas marché sous le jugement de son propre Clan: le dégoût de soi-même.

Nuage de Feuille ne l'implorait pas des yeux pour qu'il cesse son baptême (et faire quoi, la confiner à la pouponnière? Pour grave s'y chier dedans?), Étoile Foudroyante en était désormais persuadé: elle l'implorait des yeux pour qu'il lui trouve (et inflige) une punition.

Merci Loupiot!!

HRP:

Chaque mot prononcé par sa sœur décompose un peu plus les espoirs de Nuage de Glycine. Il la connait. Il sait qu’elle a pris sa décision depuis longtemps, et que rien, pas même tout l’amour du monde qu’il pourrait lui donner ne suffirait à la faire changer d’avis.

Parce qu’elle n’en a jamais assez, se dit-il.

Parce que ces dernières semaines, le monde entier tourne autour d’elle — c’est ce qu’elle veut. Leur père n’a d’yeux plus que pour elle, et elle se morfond tellement à propos d’une bêtises dont elle n’est même pas responsable (c’était un chaton, la faute revient aux adultes) que cette erreur est désormais au centre de tout.
Petite Feuille ne deviendra pas apprentie. Elle restera à la pouponnière, accaparera l’attention de ses parents inquiets et aimants qui s’occuperont encore plus d’elle qu’ils ne le font déjà car la petite « va mal ».
Nuage de Glycine, qui avait pour espoir que leur baptême enterrerait le favoritisme de ses parents envers un de leurs enfants en particulier, réalisait qu’en fait, il finirait encore plus seul qu’il ne l’avait été jusque là.

Il le sait très bien.
Et Petite Feuille aussi, le sait sans doute très bien. Elle est grande (en âge), intelligente. Nuage de Glycine voit clair dans son jeu, et ça lui brise le cœur.

Ç’en est trop. Il en a marre de vivre dans son ombre, dans ses pleurs, dans ses caprices. Il en a marre d’attendre et d’aimer et de ne jamais rien récupérer en retour. Il descend du promontoire comme si de rien n’était, comme si le baptême était tout simplement fini, comme si tout allait bien et que rien ne s’était jamais passé. Comme s’il n’avait pas de sœur. Comme s’il n’avait pas de parents. Il ne s’attend même pas à ce qu’ils viennent le féliciter, comme Source Fleurie le fait pour ses enfants. Il sait déjà qu’ils accourront au chevet de leur petite fille chérie — leur fille jolie, parfaite, normale — et qu’ils oublieront, encore, qu’ils ont un deuxième enfant.

Une fois à l’abri des regards, il court plus vite qu’il n’a jamais couru, filant en direction de cet arbre aux chouettes qu’il déteste tant, comme il déteste le reste du monde aujourd’hui.

— A peu près tout en ce monde... la malheureuse répondit, de grosses larmes roulant sur ses joues. Je ne suis pas faite pour ça.

Pour le monde, qu'elle n'était pas faite?

— Je le sais! Et vous aussi!! Vous faites juste semblant! Vous faites comme si je n'avais rien fais mais moi je vous vois très bien!

Tous, vous êtes tous au courant, j'ai mis mon propre père en danger! On aurait pu mourir, à cause de moi! … Vous vous moquez de moi depuis que je suis née et maintenant quoi?!

Elle insinuait que c'était lui qui se moquait d'elle?

— Vous voudriez faire comme si vous aviez envie que je devienne apprentie?! Tout ce que vous voulez c'est me voir hurler de peur, parce que ça vous fait rire! Vous n'êtes qu'une bande de MENTEURS...!!

Décidemment...

— ...Il me semble que tu te prends une importance à mes yeux que tu n'as pas, gamine. Ton erreur ne tombe pas entre tes pattes, mais entre celles de Serpent.

Il dirigea son regard sur vers ce-dernier.

— Ni les malades, ni les chatons, ni les mères gestantes n'ont le droit de sortir de la palissade, mais je ne vais pas te destituer pour un simple coup de malchance. C'est un accident qui aurait pu être évité, mais un accident quand même — Étoile Foudroyante haussa ses épaules — on s'en remet.

Il se retourna vers Feuille, pesant sur elle la même incrédulité.

— Ma question était simple. Je vais la simplifier davantage: veux-tu contribuer au quotidien du Clan et apprendre son fonctionnement et y trouver ta place dedans, ou tu préfères continuer de te morfondre et te cacher dans la mousse de la pouponnière?

Il regardait ses larmes couler sans le moindre jugement, mais aussi sans ciller, et sans s'en attendrir. Il la regardait comme il regarderait n'importe qui d'autre de son Clan. N'importe quel chat. Elle avait besoin de se calmer et de se refroidir la tête, c'était indéniable. Si elle lui sortait une autre logorrhée, ils n'en finiraient jamais.

— Va droit au but, avant que je-ne-dirai-pas-Qui s'impatientent et ne décident encore de me foudroyer pour abgréger la cérémonie.

Au silence qui prit la foule suivant cette boutade, on se rendit compte que c'était beaucoup moins marrant de plaisanter à ce sujet quand c'était le chef qui le faisait.

Merci Loupiot!!

Nouvelle logorhée: cette fois il n'en lui laisse pas le temps, retroussant ses babines sur des dents féroces mais sans le poil qui se soulève ou le feulement dans le fond de sa gorge. Il fait semblant, mais du haut de son promontoire le choc qu'il provoque n'en est pas moins réel:

— J'ai dit droit au but, Feuille.

Sa cordialité retombe complètement. Ses yeux deviennent alors noirs dans un faciès déjà sombre, et il se campe au rebord du rocher pour se rapprocher de celle qui se refuse d'être apprentie. On ne sait plus si c'est elle qu'il regarde ou non, ses pupilles sont trop grosses; il renvoie à Feuille son propre reflet dedans.

— La pouponnière ou la tanière des apprentis?

Choisis.

Merci Loupiot!!

Baptême et Changement de Nom.

Rien ne va jamais. Le guerrier observait le baptême et s'il s'était réjouis pour Source Fleurie, il s'était comme beaucoup figé quand la voix de Petite Feuille avait crevé. Et des tas de souvenirs étaient remonté tendis que la Petite criait.

Lui, sa naissance, celle de sa fratrie qu'on lui reprochait au museau.
Lui, chaton bruyant et trop curieux de remué un passé qu'on aimait lui cracher à la gueule.
Il s'était toujours relevé, feulant, crachant, refusant de se laisser abattre quand on lui abattait pourtant la vérité. Il était jeune, il avait la vie entière devant lui et s'était plus simple de rêver, d'idéaliser quand pourtant tout l'assommait du contraire.
Lui, novice, se découvrant aussi un peu. Lui comprenait qu'il était peut-être une erreur. Lui qui se sentait responsable de sa mort à Elle. Lui affrontant la mort d'une proche aussi et s'en culpabilisant. Si il avait été là, si. Rien. Son crane lui criait pourtant qu'il n'y était pour rien.
Lui, déjà plus grand se jetant vers le promontoire, vers son propre père avec l'envie de plonger ses griffes dans le pelage charcoal. Foudre voulait qu'on le tue, il était contre mais les mots lui donnait malgré tout envie de déchiré de la fourrure paternel. Car s'était à cause d'eux, non, de lui. Sans lui, son père ne serait pas aussi cassé sans lui ...
Lui mentor qui dès sa nomination avait faillit voir son apprentie, sa nièce, Serre, se noyer car il était trop stupide ...
Autre image, autre ambiance. Sa grande sœur justement, Source face à lui lui envoyant à la face qu'elle n'appartenait pas à sa famille. La aussi, s'était sa faute. pourquoi n'avait il pas passer plus de temps avec elle pour justement lui faire sentir qu'au contraire, elle appartenait à sa famille et ...
Et la Rivière. Froide, implacable dont il était pourtant ressorti vivant. Vivant oui et un instant soulagé. Avant qu'elle ne rentre au clan, lourde de chatons. Lourd aussi il pensait son regard. Accusateur car non, il n'était pas venu la chercher. Il ...
La foudre qui frapper, la foudre qui punissait, se trompant de chat. Il en voulait aux étoiles. Son père souffrait, son père n'était pas à punir. L'erreur elle ne venait pas non plus de sa défunte mère. L'erreur elle venait de lui qui n'en faisait jamais assez, qui n'était jamais là quand il fallait, lui qui ne disait jamais les bons mots, lui ...

Ce qu'il aurait du se passer:

Il secoua la tête, sortant de ce rêve. Il avait tout imaginer. Il n'avait pas bouger, observant la malheureuse Petite Feuille qui répondait au chef qu'elle voulait la pouponnière. Ca au moins s'était vrai mais lui. Lui rester assis, abasourdi, observant Glycine qui s'éloignait sans là non plus, oser bouger. Il n'en avait pas le droit, si ? De toute façon, qu'aurait il fait ? Il renifla, captant que les évènements lui avaient arrachés des larmes qu'il chassa. Le cœur serré d'être incapable d'en faire plus.

Étoile Foudroyante rentra aussitôt les dents, et hocha sa tête.

En s'adressant au Clan:

— Vous l'avez entendue. Il fit porter sa voix dans l'air frisquet. Par son choix, Petite Feuille ne rejoindra pas ses frères et soeurs de lait.
Sa queue s'agita sur la pierre. Le bengal réjusta ses fesses sur le caillou, puis, sa queue autour de lui. Ne lui en faites pas la vie dure: chaque chat a son rythme, et quoi qu'en dise le Code du Guerrier, il existe des exceptions à la règle.

Il mit la patte sur son poitrail en sortant les griffes dans sa propre peau.

— Mon premier mentor était Étoile du Lion. Quand le Blizzard l'a tué, je n'avais personne jusqu'au redoux. Puis, Printemps Fatigué — Renouveau Printanier à l'époque — m'a prit sous son aile. Mon retard ne m'a pas gâché ma carrière de guerrier.

Il retira sa patte pour chasser l'air avec avant de s'appuyer dessus pour se relever, et s'ébrouer de long en large.

— Aux apprentis qui viennent d'être nommés: vous n'avez pas à vous précipiter dans les pattes d'un référent. Laissez-vous le temps d'apprendre à connaître ceux que vous côtoyez, hmm? Allez y à votre rythme, c'est le mot d'ordre, aujourd'hui. Et si vous ne trouvez personne, vous savez où me trouver.

Il ferma les yeux, souleva haute sa colonne pour se l'étirer.

— Mm^gggNNnn... Okay.  Vous pouvez disposer.

Après quoi, il descendit du caillou d'un bond. Avant de partir, il se dirigea vers sa petite-fille, à qui il aplatit un gros coup de langue sur le front, avant de s'en détacher et vaquer ailleurs pour le reste de la journée, la queue au balant. Si les émotions avaient bouleversées Petite Feuille et son Frère, il leur faudrait grandir avant de pouvoir les réguler convenablement, et apprendre à prendre du recul; à leur antipode, lui ne ressentait rien. Il ne s'était pas pris un autre éclair et honnêtement, c'est tout ce qui lui importait.

Somme toute, ce baptême s'était beaucoup mieux passé que certains dans le passé. Pas une criante réussite, mais quand même pas mal.