La Maison de Rusty

▼ Solitaire

— Son... Père adoptif, alors?

Rusty hausse les épaules. Il ne sait qu'une seule chose de la relation de Trash et son "père", et c'est qu'elle n'était pas réciproque.

— Tu n'es pas obligé d'aider tout ceux que tu croises, tente de le rassurer Tonton. Des fois... il lui dit, On n'a pas le choix.

Et Rusty a un hoquet. Mais ce n'est pas un sanglot; c'est de la stupeur. Il a redressé la tête pour tourner le nez et chercher le regard de son ami.

— C'est pas— qu'il tente de protester.
— Qu'est-ce qui lui est arrivé?

Rusty se tait, et sa queue bat dans la neige avant de trouver son corps autour duquel elle se recourbe comme une barrière ferme un jardin.

Rusty a la bouche ouverte. Le froid s'y en échappe.

— Je l'ai aidé...

Ou...

— ...J'ai tenté de l'aider...

Ses pattes sont quelques cycles plus tôt. Il voit la scène par les yeux de ses pensées; les odeurs autour de lui créent une carte olfactive si vive qu'il n'a d'autre choix que de fermer les yeux pour empêcher les deux réalités de se juxtaposer.

— Je me trouvais pas ici pour rien. Je traquais mon humain. J'étais... inquiet pour lui, alors quand Monsieur Toucan est venu me voir pour me demander de l'aide... Ses mots le dégoûtent. J'avais... autre chose à faire? Sauf qu'il me faisait p - peine à voir? Peur à voir?

Tout ça n'étaient que de pauvres... pauvres justifications de vieillard sénile...!

— Sauf que le refuge l'a pas sauvé. C'est Trash qui m'a annoncé la nouvelle. Sa langue se dénoue. C'est tout bête, quand même. Tout ce qu'il avait voulu c'était d'aller à la maison. Juste, de trouver un coin où souffler. Se cacher du froid et d'la neige. Et c'qu'il était maigre, qu'est-ce que ça m'aurait fait d'lui partager un peu d'mes croquettes?

Oh. Ses griffes se sont agrippées à l'asphalte.

— Je... m'emballe, pardonne-moi. T-tout ce que j'essaie d'expliquer, c'est qu'en rentrant, ma maison, elle était vide.

... Et elle l'est restée.

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▼ Solitaire

- La Maison de Rusty -

L'épisode 'Toucan' se mêlait à une autre histoire, une que Tonton avait cru deviné même si Rusty n'avait jamais vraiment parlé de ça avec lui. Pas vraiment, même si ça planait toujours un peu sur leurs conversations. Sa vie d'avant, de chat domestique dans un foyer. Une vie terminée. Tonton n'avait jamais demandé comment ça s'était finit - Il s'imaginait que Rusty avait perdu son compagnon humain d'une façon ou d'une autre, et le pourquoi du comment ne le regardais pas. Si Rusty voulait le lui confier, il le ferait...

Et... Il le faisait, là.

Attentif et silencieux, Tonton essayait de s'imaginer la scène. Rusty, la truffe au sol, sur la trace de son Bipède perdu, croisant la route d'un chat en détresse. L'angoisse qui grandissait au fur et à mesure qu'il ne trouvait pas celui qu'il cherchait, l'envie de continuer son chemin...

Tonton se souvenait, de ses premiers temps d'errance à lui, quand il ne parlait à personne, ne s'arrêtait que pour reprendre son souffle. Il courrait partout, convaincu qu'il allait finir par retrouver le chemin de la maison.

Le chemin de Rusty, lui, s'était arrêté pour finalement aider ce Toucan. Après, ça n'était plus très clair - Il parlait de refuge? Le mot n'était pas étranger à Tonton, dans ce contexte là. C'était le mot que Rusty avait utilisé pour son foyer, aussi. Un endroit un peu comme un foyer temporaire, qui abrite des chats (et des enfants?) qui n'ont personne.

Ça n'avait pas réussi à Toucan, selon Rusty, mais bon...

"Le... Refuge. Tu ne pouvais pas savoir que ça n'allait pas marcher. Je ne connaissais pas ce Toucan, mais je suis sûr qu'il ne t'en voudrais pas d'avoir essayé de faire quelque chose, même si ça n'a pas marché."

Toute cette mésaventure, cette rencontre qui n'avait pas eu une fine heureuse, ne servait finalement qu'à faire un triste constat: Rusty avait perdu sa maison. Enfin. Non. Tonton avait perdu sa maison. Celle de Rusty était là, quelque part dans cette ville. Vide. Sans chat et sans personne d'autre non plus.

Pas étonnant que de se retrouver ici l'ai mit dans un tel état...

"Je suis désolé, Rusty."

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La Maison de Rusty - Page 3 Scattered_bits_of_who_you_were_27_Aout_2022

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Spoiler:

▼ Solitaire

— Le... Refuge. Tu ne pouvais pas savoir que ça n'allait pas marcher.

Les mots de Tonton... Ils ont du bon.

— Je ne connaissais pas ce Toucan, mais je suis sûr qu'il ne t'en voudrais pas d'avoir essayé de faire quelque chose, même si ça n'a pas marché.

Bien qu'ils l'allège, ça n'efface pas la grandeur de sa peine à Rusty.

— Je suis désolé, Rusty.

C'est qu'il y a une autre facette à celle-ci. Une réalité disproportionnée qui font se glisser ses pattes dans la neige, ployant sous un poids invisible.

— J'lui ai tout pris...! Les sanglots s'ouvrent comme son coeur. J'lui ai pris Trash, j'lui ai pris sa cabane, j'lui ai pris... J'lui ai pris toute sa vie, Tonton...!

N'est-ce pas tout comme? N'est-ce pas tout comme qu'en observant tous les éléments qui rendent Rusty fou de joie, qui font le tissu de son histoire, tous sont marqués des poils gris-malades de la fumée-secondaire de Toucan?

— Je... je n'arrête pas de trembler...

Je ne sais pas à quoi m'attendre en visitant le quartier, et plus qu'tout je... J'veux dire ... et si je me trom_{pais ? ...}

Que s'il avait attendu quelques jours en plus, quelques semaines, quelques mois--

— Je suis désolé, Tonton... Pardonne-moi... Je ne voulais pas-- j'voulais que personne-- Il y a un bouchon de circulation entre ses oreilles. Malgré les sanglots et les larmes, un sourire cuisant de honte peine tant bien que mal à soulever les poils de sa barbe bien blanche.

— Mais enfin c'est à moi d'vous remonter ...!

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▼ Solitaire

- La Maison de Rusty -

Le complexe du survivant, Tonton connaissait. Pas intimement, car il ne pouvait pas vraiment dire qu'il avait déjà perdu des êtres chers (il en avait perdu de vue, c'était certain, mais ils étaient... a priori bien vivants), mais avec tout les dangers de la vie de chats des rues... Il en avait croisé, des mères qui avaient survécus à leurs petits, des chats qui pleuraient la perte de leur fratrie, des solitaires qui regrettaient d'être en vie quand leurs amis ne l'étaient plus.

C'était ce mal là qui rongeait Rusty. Une version pire encore, car il se considérait comme responsable... Et qu'il vivait la vie de celui qu'il n'avait pas vu sauver.

Tonton soupira. Voilà encore une situation épineuse...

"Je me suis souvent demandé... Si un autre chat avait pris ma place. Depuis le temps."

La phrase était sortie avant qu'il n'ai le temps de se demander si c'était bien une bonne idée, d'aborder la question ainsi. Ça n'était même pas vrai, que c'était quelque chose auquel il avait souvent pensé. Oh, il s'était quelques fois imaginé un autre gros chat pelotonné dans son rayon de soleil sur la fenêtre qui donnait sur la cour où ses enfants jouaient, mais... Ça ne l'empêchait pas franchement de dormir.

Là n'était pas la question, de toute façon, il s'agissait de trouver un angle d'approche.

"Au début, ça m'énervait, mais maintenant je crois... Que je préférerais. Je préférerais savoir qu'ils ont un autre chat qu'ils aiment et qui s'occupe d'eux du mieux qu'il peut." Il agita les moustaches, conscient que les situations étaient peut-être trop différentes pour oser la comparaison. "Peut-être que Toucan aussi, préférerait savoir sa cabane occupée, et Trash en bonne compagnie."

Pour le reste, il comprenait la détresse de Rusty. Il avait beau dire, elle piquait, cette image d'un chat inconnu caressé par les innombrables petites mains de ses enfants. Peut-être que ça piquait Rusty, quand il entrait dans la cabane, ou quand il voyait dans les traits de Trash le chat qu'il n'avait pas pu sauver...

Les excuses et les larmes se déversaient de plus belle hors de Rusty, pendant qu'il réfléchissait.

"C'est... Normal que ce soit difficile d'être ici. C'est peut-être pour le mieux... Si tes pattes nous ont emmenés jusqu'ici, c'est qu'il y a quelque chose que tu dois vouloir faire. "

Même si ce quelque chose, c'était pleurer et ressasser le passé, c'était déjà ça.

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▼ Solitaire

La ruelle et ses containeurs se remplissent de ses pleurs. Rusty, accablé, n'arrive plus à regarder Tonton en face.

Pourquoi c'est pire depuis qu'il lui a avoué? La vérité n'est-elle pas sensée lui alléger le coeur? Peut-être qu'il n'a pas encore tout dit? Rusty a mal, si mal, et se révéler être un aussi mauvais chat à un chat auquel il a fait croire tout le contraire lui donne de l'urticaire, vraiment.

— Je me suis souvent demandé... Si un autre chat avait pris ma place. Depuis le temps.

Rusty entrouvre ses yeux. Il a la berlue à travers ses larmes; sa réalité et la ruelle tanguent et dansent comme deux reflets à la surface de leur gamelle à boire.

— Au début, ça m'énervait, mais maintenant je crois... Que je préférerais. Je préférerais savoir qu'ils ont un autre chat qu'ils aiment et qui s'occupe d'eux du mieux qu'il peut.

Peut-être que Toucan aussi, résonne la voix de Tonton, provenant d'une réalité à laquelle Rusty n'est plus certain d'appartenir, préférerait savoir sa cabane occupée, et Trash en bonne compagnie.

Alors Rusty serait...

serait cet autre chat?

Et Tonton, qui a perdu sa maison, serait Toucan...?

Rusty ne connaissait pas assez bien Toucan pour savoir si prendre la relève lui ferait réellement plaisir, mais... Mais il l'avait suffisament connu pour savoir qu'au fond de lui, il s'en fichait, de ce que Toucan voulait vraiment.

Et pour Rusty, c'était pire.

C'était pire de s'en ficher et de ne rien faire et de se cacher. C'était pire de faire comme si, et de se donner une mission et d'insuffler les autres un espoir auquel on ne croyait même pas. Même si... Même si Rusty avait quand même un peu appris à y croire, à cet espoir...

Les mots de Tonton pèsent le silence, ainsi que les oreilles de Rusty, et les oreilles de ses pensées, et aussi une partie de son coeur qui s'est ouvert. S'il se fiche bien de ce que pourrait penser Toucan, Rusty ne s'est jamais fiché de Trash. Il a toujours été là pour Trash, et inversement: si Rusty aime Trash ce n'est pas à cause de Toucan. Trash n'a jamais été sa pénitence - en fait, Trash a plutôt été son sauveur. Et, bien que Rusty ne comprenne trop comment, il a été celui de Trash...

— C'est... Normal que ce soit difficile d'être ici. C'est peut-être pour le mieux... Si tes pattes nous ont emmenés jusqu'ici, c'est qu'il y a quelque chose que tu dois vouloir faire.

Comme si on vient d'appuyer sur un interrupteur, une ampoule s'allume, et le vieil abyssin relève la tête, et comprend, à cet instant, ce qui lui fait si mal dans la poitrine.

— ...Tonton, j'ai peur.

Comment ne l'a-t-il pas remarqué plus tôt? Tonton a raison. Ce n'est pas Toucan, le problème. L'émotion qui lui enserre la gorge, ce n'est pas de la culpabilité.

— De revoir la maison vide, mais surtout...

Rusty lui révèle enfin ses vraies couleurs, comme Tonton lui a fait des siennes, souriant, serré et amer, mais néanmoins aussi sincère qu'il est possible de l'être:

... j'ai peur qu'elle soit pleine.

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▼ Solitaire

- La Maison de Rusty -

La peur, c'était un sentiment haït des chats. Aucun animal sur cette Terre n'aimait la ressentir, mais Tonton savait d'expérience que la puanteur de la peur, violente, qui vous prend aux tripes, était quelque chose qu'il craignait. Il l'avait souvent senti, en ville. La peur. Les chats terrifiés après avoir manqué de se faire percuter par une voiture, ceux qui avaient réussi à se bloquer derrière des cochonneries entassées près des poubelles et qui appelaient à l'aide, ceux qui s'étaient fait casser la gueule par le caïd local et qui agonisaient dans un coin, bien conscient qu'ils pissaient leur dernier litre de sang...

Rusty, lui, sa peur était un peu plus compliquée, mais même si il en disait bien moins qu'à l'accoutumée, ça suffisait pour que Tonton comprenne ce qui le rongeait.

Sa maison, qu'il avait abandonnée, il avait peur d'y retourner. Peur de la voir à l'abandon... Et peur de la trouver, au contraire, occupée. Tonton ne savait pas vraiment si il craignait que ce soient des nouveaux habitants qui occupent les lieux ou de croiser au contraire les fantômes finalement bien vivant de son passé... Ou les deux. C'était sûrement les deux...

Jusqu'à présent, il avait parlé de sa propre expérience en la comparant à celle de son vieil ami, et ça avait eu l'air de marcher. Rusty reparlait, en tout cas. Il n'avait toujours pas l'air dans son état normal, mais il y avait du progrès. Mais cette histoire de maison... Est-ce que Tonton pouvait vraiment se mettre dans les pattes de son camarade, là? C'était un peu délicat, puisque deux cas de figure bien distincts angoissaient Rusty. Il n'y avait pas d'alternative plus douce, de scénarios ou revoir la maison ne lui ferait que du bien. Qu'elle soit vie ou occupée, ça piquerait forcément.

"Je crois... Que les maisons ne restent pas vides très longtemps. Ils vivent très vieux, nos compagnons, mais ils bougent vite aussi. Et leurs semblables remplissent les trous qu'ils ont laissés, ils..."

Tonton secoua la tête. Non, ça n'était pas la bonne façon d'aborder le problème. Rusty savait bien, ces choses là - il avait vécu près des hommes bien plus longtemps que lui, il savait comment ça marchait.

Personnel, plus personnel, il fallait trouver-

"Moi, je... Je crois que je sais que si je retrouvais mon chemin... Les enfants ne seraient peut-être plus là. Ce... Foyer. C'est censé être provisoire, pour eux, je crois. Du temps ou je vivais là bas, j'en ai vu quelques uns partir, quelques uns arriver..."

Et puis, et là c'était Tonton qui sentait une pointe de peur lui enserrer le cœur, les petits ne le restaient pas longtemps. Oh, les Bipèdes étaient une exception - leurs enfants semblaient être des enfants pendant des lunes et des lunes, mais même avec cette échelle un peu étrange pour un chat, ils finissaient par grandir. Et cette maison là n'abritait que des enfants, en plus des quelques adultes qui s'occupaient d'eux. Tonton ne s'était jamais posé la question, mais... Est-ce qu'il était parti depuis suffisamment longtemps pour que ses chers petits soient devenus grands...?

"Je crois que j'ai un peu peur, moi aussi... Le temps passe trop vite, depuis quelques temps."

Le temps était toujours allé aussi vite, en fait, mais pour Tonton, l'exil commençait à être devenu un quotidien pas si désagréable, et le foyer qu'il avait tant cherché à retrouver n'était plus qu'un souvenir doré dans lequel se replonger... Trop lointain pour jamais espérer y habiter à nouveau.

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▼ Solitaire

C'est vrai qu'ils vivaient vieux, les humains. Sauf une plus longue barbe et une peau plus plissée, le Livreur et son Camion n'avaient pas changé tant que ça. Rusty avait compté plus de marques, sur la caisse du camion, mais les roues semblaient neuves et entretenues; il ne pouvait pas en dire de même de celles d'Ollie (il faut dire qu'il est plus difficile de faire sa toilette à un Skate qu'à un autre chat)...

— Moi, je... Je crois que je sais que si je retrouvais mon chemin... Les enfants ne seraient peut-être plus là. Ce... Foyer. C'est censé être provisoire, pour eux, je crois. Du temps ou je vivais là bas, j'en ai vu quelques uns partir, quelques uns arriver...
— Tonton...

Tonton aussi, avait peur de retrouver son ancien foyer vide, ou plutôt, vidé de tous ceux qu'il avait connus dedans...

— Je crois que j'ai un peu peur, moi aussi... Le temps passe trop vite, depuis quelques temps.

La lueur de l'ampoule vacilla. Peut-être manquait-elle d'énergie, peut-être l'usure de ses cordages se faisait ressentir, peut-être, bientôt, le courant ne passerait plus. Mais dans sa lumière intermittente, Rusty vit en Tonton une part de lui, et une part de lui en Tonton.

Enfin, Rusty se voyait toujours en autrui, mais son reflet était si clair, si net, qu'il avait l'impression de se voir comme dans celui du miroir de la salle de bain, après un bon pssht de détergent dedans.

— P'tain mais... Il rit faiblement. J'aurais du me confier à toi depuis longtemps...!

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▼ Solitaire

- La Maison de Rusty -

Petit à petit, Rusty sortait de sa coquille. Tonton eu presque un soupir de soulagement - ça avait été un peu déroutant, de le voir dans un état pareil. C'était pas le genre de chat à avoir une coquille, d'habitude, Rusty. De devoir l'aider à y revoir clair, Tonton ne s'en serait pas cru capable. Comme quoi les mots, qui lui échappaient souvent, il arrivait quand même à les manier en cas d'urgence.

Enfin, Rusty revenait à lui, et c'était tout ce qui comptait. Il n'était pas encore complétement remis de ses émotions, la voix un peu chevrotante et une pointe de tristesse dans son petit rire, mais il avait l'air assez lucide pour se remettre en route.

Si c'était toujours au programme...

Comme Rusty se fustigeait gentiment d'avoir gardé ça sur le cœur trop longtemps, Tonton secoua la tête :

"Ah, c'est que... C'est difficile, de parler de ça. Tu as été courageux, de vouloir venir ici, et de me dire ce qui te rongeait."

Il laissa passer quelques battements de cœur, soucieux de ménager le vieux chat. Certes, il aimerait bien bouger, maintenant qu'ils avaient réussi à mettre des mots sur ce qui troublait Rusty, mais il ne voulait pas non plus le brusquer, ou lui donner l'impression qu'on lui forçait la main. Ils iraient à son rythme, et pas plus vite.

"Si... Si tu penses que ce sera trop dur, de revoir la maison... On peut toujours rentrer chez nous, et en rester là pour aujourd'hui. Réessayer plus tard."

Ça n'allait pas trop avec la peur du temps qui passait vite, trop vite, qu'il avait exprimé toute à l'heure, mais bon... Là, dans le présent, il se disait que Rusty avait peut-être besoin d'une pause.

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Spoiler:

▼ Solitaire

— C'est gentil, Tonton, mais...

Pas cette fois.

Rusty déglutit sa peine, sa peur. Elle se colla au dessous de sa langue, réveillant en lui un réflexe qui s'était estompé depuis le fil de bien des saisons.

Il claqua de celle-ci, ou plutôt, la cliqueta, réveillant une vieille époque de boîte-à-sons et de clickers. Une bouffée de chaleur irradia depuis la racine de son coeur, engourdissant les raideurs de ses vieux os et de sa peau mordue par le froid.

Dans la ruelle, sa queue se délaça du corps de son ami. Rusty hissa son corps, ses regrets et sa tristesse sur quatre pattes plus ou moins solides, avant d'emprunter un peu de sa vigueur d'antan afin de se secouer les puces. Il aurait pu jurer entendre un anneau de harnais tinter joyeusement de son cou.

Pas de marche arrière - pas tout de suite, pas avant d'avoir vu la maison, pas avant d'avoir le coeur net. Qu'y avait-il de pire que de vivre sans cesse dans l'ignorance, le coeur au bord des lèvres, à attendre, attendre, toujours attendre?

« Après un certain âge, la compagnie, on la cherche... Les enfants ne passent plus autant, ils s'occupent de leurs propres petits, ils ne — ils savent.

...Ils doivent savoir. »

— Je... Je crains qu'il me reste plus assez de "plus tard" pour refaire le voyage, ahah... Mais le temps n'était plus à se morfondre. Rusty redirigea le tir, après une bonne bouffée de courage. Et toi, ça te dit encore de raccompagner c'vieux Rusty une dernière fois chez lui?...

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HRP:

▼ Solitaire

hors-rp:

- La Maison de Rusty -

Quelque part, il avait l'impression qu'il le savait déjà.

Ce périple qu'ils avaient entrepris sur un coup de tête de Rusty, avait des goûts de dernier voyage. Tonton avait vu beaucoup de chats, jamais très vieux car on ne faisait jamais de vieux os en ville, disparaitre subitement. Ils n'étaient pas fauchés par une voiture ou terrassés par la maladie, non. Ils semblaient commandés par un instinct irrésistible, qui les poussaient à partir. Ils allaient mourir ailleurs. Peut-être dans un endroit qui avait un sens pour eux...?

C'était ça que Rusty faisait, aujourd'hui. Même si il ne mourrait pas aujourd'hui, ni demain, ni les jours qui suivraient... Il ne reviendrait jamais chez lui. Il le savait, parce que quelque chose d'ancien, d'animal, d'ancré à l'intérieur de lui, lui soufflait que c'était le moment. C'était ça, ce voyage.

Un dernier pèlerinage.

Muet en réalisant que toute cette histoire avait un parfum de fin qu'il avait ignoré jusque là, Tonton regarda son ami se remettre sur ses pattes. Il était un peu chancelant, il sentait un peu la peur, mais une sorte de détermination semblait émaner de lui. C'était impressionnant, quelque part. Il inclina la tête:

"Je t'accompagne, alors. Tu te souviens du chemin?"

La question ne servait pas à grand chose. Tonton était certain que ce même instinct qui avait soufflé à Rusty de se rendre en ville le guiderait jusqu'à son ancien foyer.

Cet instinct...

Si un jour il arrivait au même point, si il sentait dans ses pattes que c'était bientôt fini... Est-ce qu'il arriverait lui aussi, à retrouver son chemin...?

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Spoiler:

» Some nights I think of you ~ ft. Rusty - end
» Rusty - Solitaire
» Rusty - Chat domestique
» Trusty Rusty [Ft Sugaar] - end
» Respire... Et... Skate? [pv Rusty] - end