[Inondation] À Coeur et corps perdus [Pv Luciole des Bois]

Avec Griffe d’Ours, Tempête de Suie était entrain de longer les zones inondées. Parfois il s’aventurait dans l’eau, mais il ne pouvait pas le faire trop loin. Il ne savait pas nager. Griffe d’Ours n’avait besoin de le voir en train de noyer aussi. Derrière lui, son fils reniflait frénétiquement. Mais la pluie avait effacé toute odeur. Il s’arrêta, un court instant pour regarder son père, le regard plein d’espoir.

- On ne sent son odeur nulle part, Papa. Peut-être que Maman s’est abrité quelque part le temps que la tempête passe.
- Ne dit pas de conneries. Elle serait déjà rentrée si c’était le cas. Ne te fonde pas de faux espoirs. Personne ne survivrait seul sous une telle tempête.

Tout ça à cause d’un chaton. Cœur Sauvage était sorti en pleine tempête pour chasser. L’ancienne avait voulu attraper un petit quelque chose aux abords du camp afin de rassurer des chatons. Elle avait promit de revenir rapidement, mais n’était jamais rentrée. Pourtant, il l’avait attendu, sur le seuil de sa tanière. C’est Belle Châtaigne qui avait forcée Tempête de Suie à s’abriter.

Et le voilà, à fouiller la forêt et la rivière débordante à la recherche du corps de sa compagne. Le guerrier avait comprit, à l’instant où sa compagne n’avait pas montré sa truffe le lendemain qu’il n’aurait jamais dût la laisser sortir. Après un soupir, il se remit en marche, soulevant la vase sur son passage, le regard constamment dans l’eau. Finalement, ils arrivèrent devant le Chemin du Tonnerre. Des débris étaient partout, les monstres étaient prudents, la traversée serait facile. Mais le vétéran se tourna vers son fils.

- Rentre au camp, rends-toi utile et attend moi.
- Tu comptes aller chez le Clan de l’Ombre ? Tout seul ? C’est de la folie !
- Seul, je ne serais pas une menace. Rentre au camp, j’ai dis.
- Mais, tu vas aller en territoire ennemi ! JE veux pas te laisser seul !
- RENTRE AU CAMP !

Les yeux jaunes de Tempête de Suie lançaient des éclairs, si bien que Griffe d’Ours finit par faire demi-tour à contre-cœur. Le vétéran lui mit un coup de tête dans les hanches pour le pousser à avancer plus vite. Puis, une fois que le guerrier brun fut hors de sa vue, la matou gris traversa le chemin du Tonnerre avec prudence.

Le matou pataugea dans les marécages un moment. C’est impraticable, par ici, comment ils font ? Il finit par l’apercevoir, sa compagne. Bien qu’au milieu de l’eau, la fourrure assombrie, elle était presque pas reconnaissable. Prenant une grande inspiration, le guerrier se jeta à l’eau. Suivant son instinct, il battit des pattes, s’approcha de Cœur Sauvage et remonta à l’air libre, non sans difficulté. C’est qu’elle était lourde. Il regretterait presque d’avoir demandé à Griffe d’Ours de rentrer. Enfin, il n’allait pas se plaindre.

Une fois remonté, il nagea avec énormément de difficulté jusqu’à la rive la plus proche. Remonta, puis remonte le corps de Cœur Sauvage. Tempête de Suie savait qu’il allait avoir du mal à la rapporter au camp seul. Mais, il voulait le faire. Portant la femelle sur son dos, il entreprit de repartir en sens inverse. Sauf qu’à marcher dans les marécages, il finit par comprendre que quelque chose n’allait pas. Il s’enfonçait, à cause de son poids, et avait beaucoup de mal à se déplacer.

En train de s’embourber, Tempête de Suie arrive à garder son calme. Il sait pertinemment que paniquer ne servirait à rien. C’est vraiment une leçon importante que lui a enseigné Poil de Carotte. Paniquer dans la difficulté ne fait qu’aggraver le problème. Le mâle s’arrête dans sa progression et se concentre un instant sur sa respiration. Lorsqu’enfin sa respiration s’est calmée, il peut reprendre sa progression.

Mais un bruit lui fait tourner la tête. Une femelle de l’Ombre qui l’apostrophe, visiblement, elle vient lui donner un coup de main. Le guerrier se souvient bien de l’avoir déjà croisé, mais impossible de mettre un nom sur son visage. Et il n’a pas le cœur et y réfléchir proprement. Il se contente de hocher la tête et d’obéir à la femelle. Elle sait mieux que lui se sortir de ce bourbier, ce n’est pas vraiment le moment de faire la tête de cochon.

- Merci du coup de main.

Le matou avance, avec plus de difficulté que la femelle, même s’il était plus léger, à présent. Partager le poids lourd que représentait Cœur Sauvage le soulageait un peu. Il se contentait de regarder droit devant lui, soulevant au mieux les pattes, mais ça restait compliqué pour lui. Il n’avait pas l’habitude et trébuchait plus d’une fois.

Une fois sortit du marécage, il s’arrêta un instant pour poser le corps et reprendre son souffle. Puis, il se tourne vers la femelle.

- Encore merci de l’aide. Je pensais pouvoir m’en sortir seul mais j’ai eût tord.

Le corps de sa compagne à ses pattes, Tempête de Suie la fixe. Il entend vaguement les explications de la femelle lilas et agite l’oreille dans sa direction, pour lui faire comprendre qu’il l’a entendue. Mais il ne l’a pas vraiment écouté.

Il ne comprenait pas pourquoi Cœur Sauvage ne se relevait pas. Enfin, il ne voulait pas comprendre. Il ne voulait pas accepter. De la patte, il secoua la femelle d’abord doucement, puis de plus en plus fort, lui demandant de se réveiller. Mais rien n’y fit.

L’information remontait doucement dans sa tête jusqu’à gagner son cœur où une forte douleur le prit. Au moment où il réalisa que sa compagne était morte, sa vue se brouilla sous l’effet des larmes. En fait, il ne put même pas se retenir, et se mit à pleurer, le nez dans son pelage.

Il venait de perdre sa compagne et se sentait désemparer. Au camp, son fils l’attendait, plein d’espoir, à l’idée de revoir sa mère. Tempête de Suie le savait, la nouvelle allait le détruire. Il était déjà passé par là, il savait que ça faisait mal de perdre sa mère.

La femelle de l’Ombre lui parla, mais ne put articuler la moindre réponse. Son cœur était trop serré et sa gorge remplit de ses sanglots. Il avait mal. Qu’est-ce qu’il avait mal, putain. On aurait pu lui arracher le cœur qu’il n’aurait pas aussi mal.

Il lui fallut un moment, pour se calmer. Il était plus fatigué de pleurer qu’autre chose. Ressuyant ses larmes, il jeta un regard en coin à la chatte qui semblait avoir assisté à toute la scène.

- Pardon. Je vais partir. J’aimerais juste faire une dernière chose avant.

Puis, il se pencha sur Cœur Sauvage et entreprit de lui faire sa toilette. Qu’elle paraisse dans un meilleur état et surtout, il voulait essayer de lui enlever cette odeur de mort qui lui collait au poil. Puis, comme s’il s’en souvenait seulement maintenant, il s’interrompit entre deux coups de langue pour répondre à la femelle.

- Au fait, c’est Tempête de Suie. Et toi ?

Drôle de rencontre, qu’il était en train de faire, sur le corps de sa compagne. Mais il tenait à la remercier proprement.

Heureusement pour lui, la femelle comprend son besoin d’intimité et recule même de quelques pas. Elle a l’intelligence de ne pas lui proposer son aide, pour nettoyer Cœur Sauvage. Il aurait refusé. C’était probablement le dernier moment « d’intimité » qu’il aurait avec sa compagne, puisqu’après sa toilette, il devra rapporter son corps au camp.

Il s’arrêta un instant dans sa toilette, comme s’il voyait enfin vraiment sa compagne. Elle paraissait tellement maigre, tellement chétive. Il ne l’avait pas remarqué avant, tellement Cœur Sauvage s’était toujours efforcée de paraître en pleine forme, comme pour combler leur différence d’âge. Aurait-elle vécue plus longtemps, s’il avait été plus de son âge. Elle n’aurait pas eût à forcer ainsi.

Non même lui s’en rendait compte, c’était une réaction stupide, c’est la douleur qui lui faisait penser ainsi. Ça n’aurait rien changée, elle avait été emportée par l’inondation. Et il le savait. Alors qu’il sentit les larmes le regagner, il continua le lavage de sa compagne. En silence. Il essaya de chasser ce désagréable souvenir d’il y a plusieurs lunes, quand il n’était encore qu’un chaton dans la pouponnière et qu’il s’était trouver face au cadavre de sa mère, mais il n’y arriva qu’à moitié.

Quand il eût finit, le matou ramasse le corps de sa compagne pour la mettre sur son dos. Il se tourna vers Luciole des Bois.

- Je vais repartir. Merci de ta patience et de ta bienveillance.