[BLIZZARD] Lost in the snow ft. Esprit Soucieux - end

Le regret. Voilà ce qu'on lisait clairement sur le visage du pauvre Nuage de Saumon. Tout autour de lui; la neige. A droite, à gauche, dessus, dessous, et même dans son pelage encore duveteux, pour quelques flocons vicieux. Oppressé. La masse dégringolante d'eau solidifiée l'écrasait presque, elle l'agressait. Et le vent, son allié, poussait le tout jeune novice plus fort que son frère ne l'eut jamais fait dans la Pouponnière. Cloué au sol. Il n'y avait pas d'autre solution pour lui, tout épuisé, les muscles endoloris. Puisque lorsqu'il osait lever une patte, juste au dessus de la couche de neige, une bourrasque s'en servait pour le déséquilibrer. Les yeux tant plissés qu'on les croirait clos de loin, penaud et sanglotant d'impuissance, Nuage de Saumon restait là, en pleine tempête, alors que déjà le sable de sa fourrure était recouvert par une multitude de flocons brillants. Il semblait abandonner, accepter son sort. Était-ce le Clan des Étoiles qui le punissait de sa vie entière ? A cette pensée, il ne put articuler qu'un vague « Pardon... ». Ramassé sur lui-même, il broyait du noir. Et quand son corps, au contact du froid, se mit à trembler, contractant les muscles engourdis de l'apprenti dans l'espoir de créer un semblant de chaleur, et quand l'animal récemment nommé Nuage imagina l'expression déconfite de sa mère à l'annonce de son triste sort, il eut à nouveau l'envie de se battre.

Survie. Au dessus, au-delà de la vie. Après tout ce qu'on avait à donner, donner ce qu'on a plus. User d'une énergie perdue. Dans un grognement ridicule, il se redressa sur ses quatre membres. Ses coussinets auraient gémi s'ils avaient pu, tant il avait mal. Adrénaline. La souffrance n'est qu'un superflue, ce qui compte c'est de vivre. Il fallait y croire pour pouvoir. Chaque pas fut un effort épuisant, mais le jeune mâle aux yeux bleus finit par atteindre un lieu plus couvert. Quatre énormes arbres le protégeaient partiellement du vent ennemi. A bout de force cette fois-ci, désorienté en plus d'être devenu amorphe, Nuage de Saumon se laissa tomber contre le chêne le plus proche.

Lorsqu'il ouvrit les yeux, surement quelques minutes après, en ayant par chance échapper à cette diablesse d'hypothermie, le chat bicolore reconnut les Quatre Chênes dont parlaient les anciens. Il ne s'y était jamais rendu, cependant la description collait tellement, que cela paraissait évident.

Il eut envie de retrouver le Camp, d'ailleurs, et la chaude tanière des apprentis, où il se reposait avec son frère et sa sœur. Il s'apprêtait à se jeter de nouveau dans la bataille, mais son cœur se serra lorsqu'il perçut le sifflement du zef pour dernier avertissement. Il était coincé ici. Effrayé par l'unique idée d'être seul, le petit félin fauve se recroquevilla sur lui même et se mit à geindre comme le ferait un chaton. Littéralement collé au tronc froid, il semblait fragile et vulnérable. Absolument tout ce qu'il ne fallait pas être en ce moment, en somme.

HRP:

J'étais juste sorti chercher des toiles d'araignées. Juste pour faire mon travail, pour rafistoler tout ce Clan que j'aime et qui souffre, qui est mis à mal par le temps, et que je dois protéger, qu'importe le prix. Je l'ai lu dans le ciel, le blizzard touchera bientôt à sa fin, mais les derniers instants seront les pires.

Mais putain, c'est une vraie galère cette neige de merde.

Arrivé aux abords des Quatre Chênes, enfin, une version blanchie, je me retrouve dans une sale tempête. Vraiment sale, je tiens pas trop sur mes pattes, je me mange la poudreuse deux fois - mais ferme ta gueule tu serais tombé aussi vu le vent - du coup un deux je me bouge, je tente de taper un sprint - oui, rigole, moi, courir, quand je me casse la gueule tous les trois pas - et d'enfin arriver à l'abri des grands arbres séculaires, plus prêt des Étoiles. Sous le couverts des branches, je peux souffler. La tempête laisse du répit. Je me lance dans une inspection du coin, à la recherche de quelques plantes épargnées par le froid, mais surtout de précieuses toiles d'araignées. Je n'oublie pas que le dernier né de Patte Blanche s'est ouvert le flanc hier sur des stalagmites, que les Anciens toussent trop, que le Clan doit survivre pour vivre, que nous devons toujours prier pour que tout cela cesse le plus vite, que tout s'arrête, que tout s'arrête, que tout redevienne normal, que tout s'arrête.

Je tremble. J'ai froid. Je lève les yeux vers le ciel. Nos ancêtres ont leurs raisons, nous ne devons pas les remettre en cause. Nous ne devons pas leur déplaire. Il faut continuer de prier.

Une tâche sur un tronc. Un dégueulis de couleur sable. Peut-être une maladie de l'arbre, j'espère pas putain, les Quatre Chênes sont sacrés, sacrés, on ne doit pas les toucher, les Étoiles ne le permettraient pas, elles se vengeraient, nous allons souffrir et souffrir et mourir comme maintenant et mourir et la forêt ne sera qu'un vaste charnier et le mouches, plus de chats, juste des mouches, des nuées de mouches, la mort partout la mort nous attend on va tous y passer et

Et c'est juste un apprenti. Un pauvre apprenti, un gamin qui n'aurait pas dû sortir. Et puis il chiale, quoi, ça fait pitié un peu. Ah oui, ils sont beaux les autres Clans, ils sont fiers, ils sont beaux, ils ne sont pas ces oiseaux de malheur de l'Ombre, ceux qui vivent dans les marais, ceux qui bouffent des grenouilles. Quelles conneries.

« Qu'est ce qu'un pauvre gosse de la Rivière fout ici ? Ton mentor t'as pas appris à rester chez ta mère quand y a du Blizzard ? Et puis arrête de chialer, t'es quoi, un fils de solitaire ? Putain, pense que tes ancêtres te voient, tu dois leur foutre la honte là. »

Le vent sifflait toujours, semblable à un serpent qui donne son dernier avertissement avant de mordre. Le froid, cependant, n'avertissait pas avant de mordre, de prendre l'apprenti de tout bord, jusqu'à le faire frissonner, au moins suffisamment pour en être essoufflé. Le jeune Nuage de Saumon était toujours prostré contre l'un des Quatre Chênes, celui qui était le plus proche de son Clan natal; la Rivière. Le félin bicolore sanglotait, terrorisé, persuadé qu'il allait resté coincé ici jusqu'à mourir de froid. C'est alors qu'une voix masculine s'éleva plus haut que le zef, d'une sonorité totalement étrangère au novice :

« Qu'est ce qu'un pauvre gosse de la Rivière fout ici ? Ton mentor t'as pas appris à rester chez ta mère quand y a du Blizzard ? Et puis arrête de chialer, t'es quoi, un fils de solitaire ? Putain, pense que tes ancêtres te voient, tu dois leur foutre la honte là. »

L'intéressé releva la tête vers l'inconnu, le menton tout tremblant -on ne saurait dire s'il s'agissait du froid ou de l'émotion- et un drôle de mélange entre la surprise et la peur dans les yeux. Devant lui, à quelques queues de souris seulement, un félin à la pelisse grise et aux grandes oreilles couturées de cicatrices. En une fraction de seconde seulement, l'apprenti-guerrier associa les marques de l'autre mâle à la guerre, aux combats, au sang, et à toutes ces choses qui semblaient passionner son frère et sa sœur, mais qui le dégoûtaient et l’effrayaient profondément. L'adrénaline, provoquée par la peur, lui fit oublier le froid, et la douleur musculaire, et il lui sembla même qu'une vague tiède parcourait sa colonne vertébrale. N'importe quel matou dans un tel état aurait couru, ou feint son désintérêt pour son interlocuteur. Nuage de Saumon, quant à lui, se recroquevilla un peu plus sur lui-même, laissant même échapper un cri plaintif, avant de répondre timidement :

« P-Pardon Mo-Monsi-Monsieur... P-Pardon les An-les Ancêêêtres... » tout en sanglotant de plus bel, incapable de se retenir davantage.

C'était bien trop d'émotions d'un coup pour notre pauvre Nuage de Saumon. Toujours d'une voix chevrotante et d'une allure saccadée, il enchaîna :

« Vou-Vous n'allez t-tout d'même p-pas me-me t-tuer M-Monsieur ? »

Cette fois-ci, le menton plaqué au sol, fermant fermement ses paupières comme s'il se préparait à recevoir un coup, le jeunot au regard bleuté tentait de respirer tant bien que mal dans la neige, le froid glacial de l'air lui brûlant à la fois la truffe et les voies respiratoires.

Il flippe le gosse, ça sent la peur. Avec sa petite lèvre qui tremble, je m'attends presque à le voir se pisser dessus. Des petits cris plaintifs, voilà donc la réponse de l'apprenti ; oui, y a pas à dire, il est beau le Clan de la Rivière. Je secoue mes pattes, pour essayer de décrocher les gros morceaux de neige compactée qui commencent à s'y agglutiner, puis soupire. Il a vraiment pas l'air fini ce pauvre gosse. Et après y en a dire du mal d'Esprit Lent... Bon, au moins il avait l'air croyant. Un bon point pour lui, son âme n'est pas perdue. Il puis il m'appelle Monsieur, et ça fait toujours plaisir - pas comme cette sale albinos de mes deux, la nièce de Fleurette. Par contre, il va vraiment falloir qu'il arrête de chialer, ça me tape sur les nerfs.

« Vou-Vous n'allez t-tout d'même p-pas me-me t-tuer M-Monsieur ? »

Wow. Eh bien, je sais pas quelle version du Code du Guerrier on leur apprend au Clan de la Rivière, mais elle est épicée. Comment peut-il croire que je vais le tuer ? Dans un lieu consacré à la neutralité qui plus est ? Sachant que je suis un putain de guérisseur et que je consacre l'intégralité de ma vie à sauver celle des autres ? Un tic nerveux agite ma queue de tremblements, et je souffle fort. Mon œil droit clignote comme un phare en rade.

« En fait tu sais pas à qui tu parles, hein ? Esprit Soucieux, guérisseur du Clan de l'Ombre, sois pas con, je vais pas te frapper. Non pas que je ne puisse pas, hein, tu vois les cicas, je les ai pas eu en cueillant des marguerites. Bon, sinon, tu fous quoi ici, Nuage de je-suis-paumé ?»

+:

Lorsqu'il s'osa à rouvrir un œil, et ce parce que depuis quelques instants déjà il attendait un coup qui ne vint jamais, il fut accueilli par une bourrasque vicieuse, qui s'était faufilée entre la végétation. Le globe à l'iris bleutée cligna, avant de tomber sur la queue tremblotante du félin de l'Ombre. Là, la tête du novice épousa plus intensément le sol, tachant tristement le blanc du menton par un mélange sale de terre et d'herbe, brun et vert. Le souffle bruyant du mâle gris attira le regard du plus jeune sur son visage. Là, il croisa l’œil clignotant, qu'il interpréta comme de l'agacement, voire de la folie. Il se retient de me frapper ou quoi ? songea alors le chaton.

« En fait tu sais pas à qui tu parles, hein ? Esprit Soucieux, guérisseur du Clan de l'Ombre, sois pas con, je vais pas te frapper. » A ces mots, l'apprenti du Clan de la Rivière se redressa légèrement, exposant alors la tache qui occupait dès lors son menton. « Non pas que je ne puisse pas, hein, tu vois les cicas, je les ai pas eu en cueillant des marguerites. » Là, sa gueule se crispa, la clouant alors fermement -puisqu'elle était restée entrouverte jusque là-, honteux de son comportement mais aussi perturbé par le langage familier qu'employait le Saint-Guérisseur. « Bon, sinon, tu fous quoi ici, Nuage de je-suis-paumé ? »

Comme s'il confessait quelque chose d'extrêmement confidentiel et que sa vie était mise en danger, l'animal tout tremblant se pencha -à une distance raisonnable- vers le guérisseur. Là, il regarda à droite, puis à gauche, tout en répondant de sa voix juvénile :

« Euh... J-Je... C'est que j-je me suis malencontreusement éga-égaré... »

Aïe, elle a mal sa confiance en lui-même. Il en était réduit à avouer à l'ennemi qu'il était perdu. Il pourrait relativiser, se dire que c'est à cause du blizzard, mais rien n'y faisait : Nuage de Saumon se détestait à ce moment, et avait particulièrement honte d'exister.

HRP:

Un point blanc dans le blizzard, c'est son menton. Bon, au moins le gamin arrête de trembler comme un bébé hérisson. Non mais ils sont mimis les autres Clans, à se pavaner comme s'ils possédaient l'avenir de la forêt entre leurs grosses pattes rustres, mais dès qu'il faut bomber le torse et affronter un putain de guérisseur ne serait-ce que du regard, boum, ça se carapate comme un cloporte. Bien content d'être à l'Ombre si tu veux mon avis, on a pas le sang faible par chez nous.

Quoique, suffit que j'évoque mes vieux restes de combat sur le corps pour que celui de l'autre reparte pour une danse de damné. La peur incarnée cet apprenti. Squelette électrifié, il tressautait sur un air endiablé de toute sa carcasse, remuant les flocons et secouant la neige. Je les comprends pas ces flippettes, je comprends pas leur manque d'estime d'eux-mêmes ; s'effrayer ainsi, c'est ne pas penser que l'on puisse assurer sa propre protection, c'est être faible d'abord dans sa tête puis dans ses muscles, c'est renoncer avant d'essayer, le petit couleur crème était de la race de ceux qui offraient leur cité aux tyrans, leurs enfants aux ogres et leurs yeux aux anges, de ceux qui grappille la vie et mérite la mort. A moins qu'il n'aie été maudit. Coup d’œil vers le ciel, silence radio des Ancêtres. Depuis que l'enfer blanc s'est levé, je ne perçois que de la neige dans mes visions, une neige opaque et suffocante, dans laquelle je me noie, je dérive et dérêve.

« Euh... J-Je... C'est que j-je me suis malencontreusement éga-égaré... »

Je hausse les sourcils, le fixe, agite mes oreilles, bat de la queue. Une rafale de vent me pousse mais je me casse pas la gueule, je soupire, fort. C'est son sens de l'orientation qui est maudit oui. Je secoue la tête, de la poudreuse s'y était accumulée. Je déteste voir ma pelisse se teinter de blanc, ça me renvoie une image de moi peu agréable, celle de ma putain de sœur, le terme n'est pas exclamatif, Dernière Danse. Danse, tu parles, Dernière des Traînées ça lui va mieux au teint, mais je ne vais pas constater les décisions de feu Balbuzard, qu'elle repose en paix et chasse dans la Toison Argentée avec ceux qui lui sont chers. Une bourrasque se lève sournoisement et me prend par surprise, me poussant sur le petit ; ce qui devait arriver putain d'arrive, je lui tombe dessus, on s'emmêle les pattes, j'ai des tics sur les pattes et je piétine la neige, je respire trop fort, j'aime pas ces étrangers de mes deux et ne veut surtout pas sentir comme un bouffeur de poissons. Irrité, je grogne, à priori pas trop loin de son oreille, ou peut être de sa clavicule, je vois rien avec cette neige qui me colle aux yeux :

« Égaré chez les morts si tu te casses pas de moi, j'ai les pattes nerveuses je risque de te décocher un coup dans le bide, version si t'étais une femelle ça t'avorterait. »

J'ai pas envie de lui faire spécialement peur à ce gamin, mais la situation me déplait et j'ai réellement une coordination un peu foireuse parfois. Pour m'extirper de cet imbroglio, je me raidis, et roule sur le côté, comme un tronc aplanissant un terrain vague. Peut-être qu'il gémit, peut-être que c'est le vent, en tout j'en ai surement rien à foutre.

« Égaré-égaré ou égaré-je-viens-voir-comment-ça-se-passe-chez-les-autres, Nuage de... Nuage de quoi au fait ? Nuage de Buse non ? J'ai peut-être inventé le nom, je sais plus, j'en ai pas grand chose à carrer des étrangers pour tout dire. Enfin, c'est pas une grosse nouvelle. Paix et amour hein, guérisseur hein, mais faut pas forcer. »

+:

Le guérisseur du Clan de l'Ombre réagit brièvement. Quelques mouvements d'oreilles, de queue et de sourcils suffisent à finir de terroriser Nuage de Saumon, alors toujours recroquevillé dans la neige froide, froide, froide. L'autre couturé de cicatrices manque d'écraser le novice au pelage sable, mais se rattrape à temps. Mal à l'aise devant le blanc qui s'installe entre eux, l'apprenti de la Rivière tente de récupérer le peu de dignité qu'il lui reste et, alors qu'il se redresse lentement, l'adulte adverse lui tombe littéralement dessus, propulsé par une bourrasque plus violente. Le plus jeune se retrouve la face dans la poudreuse, et se débat vivement, persuadé qu'on l'attaque.

« Égaré chez les morts si tu te casses pas de moi, j'ai les pattes nerveuses je risque de te décocher un coup dans le bide, version si t'étais une femelle ça t'avorterait. » lui souffle alors la voix masculine non-loin de l'oreille.

C'est une menace ? Un avertissement ? Apeuré, et surtout pris de panique, le voilà lancé dans un affrontement contre un guérisseur. Ou contre lui-même. Non franchement, on dirait surtout un drôle d'oiseau lancé dans sa parade nuptiale... Il bat des pattes, pousse de vagues cris plaintifs, tente de se relever, ne peut pas, se retrouve coincé sous un tas de... de muscles ? Pas encore décidé à abandonner, il reprend de plus bel, et bat des pattes, pousse de vagues cris plaintifs, tente de se relever, ne peut pas, peut finalement parce que l'autre est parti. Il est parti. Il est où ? Vif, Nuage de Saumon se retourne, comme s'il fallait vraiment s’apprêter à un nouvel assaut. Son regard d'un joli bleu ciel se plante finalement dans le vert du guérisseur, qui enchaîne :

« Égaré-égaré ou égaré-je-viens-voir-comment-ça-se-passe-chez-les-autres, Nuage de... Nuage de quoi au fait ? Nuage de Buse non ? J'ai peut-être inventé le nom, je sais plus, j'en ai pas grand chose à carrer des étrangers pour tout dire. Enfin, c'est pas une grosse nouvelle. Paix et amour hein, guérisseur hein, mais faut pas forcer. »

Le jeune adopte une mine boudeuse, comme un chaton à qui l'on interdit la sortie de la pouponnière. Mâchoire inférieure qui s'avance dans une moue capricieuse, sourcils qui se froncent de mécontentement, le pelage hérissé par la peur du combat précédent, il réplique, plus farouche qu'auparavant :

« Nuage de Saumon, et toi ? Hé mais ça va pas la tête ? Des abeilles bourdonnent dans la tienne ou quoi ?! Je suis poli, diplomate... et un peu terrifié. » A cet aveu, son air renfrogné disparaît pour laisser place à un visage peiné, où la honte se dissimule avec peine. Le contraste qu'offre les trois derniers mots ne sonne pas comme une erreur anodine. Il continue cependant. « Et vous m'attaquez. Je croyais que c'était interdit ici, les combats. C'est pas sensé être un lieu de paix, toi qu'est marié aux étoiles, vous êtes pas sensé être à la cool ? Parce que Cœur de Neige, elle au moins, elle est à la cool. »

Vouvoiement. Tutoiement. J'te respecte. Tu l'mérites peut-être pas ? Est-ce qu'il faut vraiment le mériter ? Vous. Tu. Les deux en même temps. Je sais pas, je sais plus, je sais même plus si j'ai déjà su...

HRP:

Les yeux dans les yeux, on croirait presque à un rendez-vous amoureux, dans ce décor féerique d’une forêt silencieuse sous le tourment doux de la neige cotonneuse, en cette terre neutre et vierge de tout sang sur laquelle les passions pourraient s’adonner, les langues se délier et les corps s’attacher, tout ça au conditionnel parce que le froid me gèle les pensées, mais je me rappelle encore bien que l’enfer selon Dante l’est de glace. Congelé mais pas mièvre, engelures aux pattes mais cœur pur, blanchi par la neige mais fier membre de l’Ombre. En face, le novice se la joue façon chaton boudeur – mais ne surpasse pas le maître en la matière, Petit Fauve.

― Nuage de Saumon, et toi ?
― Esprit Soucieux, guérisseur du Clan de l’Ombre. J'te l'ai dit avant que tu te pisses dessus, y a deux minutes.

Saumon donc. Mate le blaze. Tellement heureux de bouffer des écailles qu’ils appellent leurs gosses comme leur nourriture ; faut être soit bien con, soit cannibale refoulé à ce stade.

― Hé mais ça va pas la tête ? Des abeilles bourdonnent dans la tienne ou quoi ?! Je suis poli, diplomate... et un peu terrifié. Et vous m'attaquez. Je croyais que c'était interdit ici, les combats. C'est pas sensé être un lieu de paix, toi qu'est marié aux étoiles, vous êtes pas sensé être à la cool ? Parce que Cœur de Neige, elle au moins, elle est à la cool.

On a peur bichette ? Désolé pour toi. Tu dois pas avoir l’esprit en paix pour craindre un messages des Étoiles ; encore moins pour présupposer chez lui une quelconque trace de folie. J’en serais presque tenté de te considérer comme impie si tu n’avais manifesté une telle ferveur craintive tout à l’heure.

― Ce sera « vous » pour toi, gamin. Désolé de t’apprendre qu’on ne se ressemblent pas tous entre collèges. Par exemple, je suis pas sourd, ni gros, sans aucun jugement négatif pour Cœur de Neige, que le Clan des Étoiles éclaire son chemin. De même, désolé de t’apprendre que te battre avec de la neige et du vent te fasse autant flipper, ça se passe comment quand tu pêches ? Quand un poisson sort de l’eau tu pars en courant par crainte qu’il te morde ?

Enfin, pas étonnant. Après tout, il vient de la Rivière. Tas de flippettes là bas.

Le vent répondit avant le guérisseur. Il sifflait encore et toujours; puissant, menaçant, maître de ces terres. Les flocons se faisaient plus rares, ce qui laissait entrevoir un peu d'espoir pour Nuage de Saumon.

« Ce sera « vous » pour toi, gamin. Désolé de t’apprendre qu’on ne se ressemble pas tous entre collèges. Par exemple, je suis pas sourd, ni gros, sans aucun jugement négatif pour Cœur de Neige, que le Clan des Étoiles éclaire son chemin. De même, désolé de t’apprendre que te battre avec de la neige et du vent te fasse autant flipper, ça se passe comment quand tu pêches ? Quand un poisson sort de l’eau tu pars en courant par crainte qu’il te morde ? »

Il était piqué au vif. Outre le fait que Cœur de Neige avait l'allure d'une mamie gâteau, ce qui lui conférait immédiatement une place de choix dans le cœur du novice, et que le félin gris venait de l'évoquer uniquement en employant ce qui apparaissaient comme ses défauts, il venait de briser l'image douce et sucrée que Nuage de Saumon avait des guérisseurs. Celui-là, était piquant et salé. Contrarié dans ses idées reçues, le jeunot fronça les sourcils, et répondit d'une voix emplie de naïveté et de candeur :

« Rencontrer un inconnu et pêcher un bon gardon n'a rien à voir. Vous êtes aussi mal-aimable quand vous récoltez vos plantes ? Voilà. »

L'apprenti-guerrier se redressa un peu, tentant de récupérer le peu de dignité qui lui restait. Son regard quitta enfin celui de son homologue, et plongea dans le blanc immaculé du paysage.

« J'espère pouvoir bientôt rentrer. J'ai froid. » finit-il, penaud et légèrement tremblotant.

Il était jeune, et avait conservé cette bouille d'innocence propre aux chatons.

HRP:

La tempête de neige semblait quitter l'enceinte sacrée des Quatre Chênes. Va pas falloir que je tarde pour repartir au Camp, sinon elle reviendra m'engloutir.

― Rencontrer un inconnu et pêcher un bon gardon n'a rien à voir. Vous êtes aussi mal-aimable quand vous récoltez vos plantes ? Voilà.

Je hausse un sourcil. Encore heureux que tu me compares pas à un gardon, sale gosse. Connaissent pas le respcet, ces petites tapettes de la Rivière - chialer, par contre...

― J'espère pouvoir bientôt rentrer. J'ai froid.
― On est deux kiddo, on est deux.

Je regarde le ciel. Accalmie. Le vent souffle moins fort - en tout cas assez pour que je ne me casse pas la gueule avec une bourrasque. C'est le moment.

― Bon, eh bien je me casse. Essaye de pas crever de froid ici, ça ferait tache de trouver ton cadavre congelé à la prochaine Assemblée. Et mes amitiés à Cœur de Neige.

De ma démarche saccadée, je commence à m'extirper de sous l'arbre sous lequel nous nous trouvons, et enjambe tant bien que mal les plus gros monticules de neige, histoire de ne pas me foutre le nez dans la poudreuse en présence de l'apprenti ennemi. A grands pas, la queue comme balancier, je quitte peu à peu la sainte aire des Chênes, leur ombre me suivant dans le dos.

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