Mine Mine Mine - end

Mine Mine Mine

PV ÉTOILE DU SERPENTAIRE

Elle était terrée dans les buissons, non loin de l'endroit où elle avait accouché quelques lunes auparavant. À nouveau, elle avait un chaton couinant dans ses pattes, un rejeton de Serpentaire sur lequel elle devrait veiller avec sa vie. Cette fois par contre, le petiot n'était pas de son propre sang, mais de celui d'une impie. Qu'importe. Il lui appartenait désormais. Et elle le surveillait avec son entière dévotion, léchant tendrement son corps fragile et l'imprégnant de son odeur.

Combien de temps s'était écoulé depuis qu'elle avait fuit le camp? Assez pour que la lune disparaisse du ciel et fusse remplacée par l'astre solaire. La chaleur avait eu le temps de s'épaissir, bien que la féline ne la ressentait pas trop, tapis comme elle était dans le sous-bois. Bien qu'elle n'était pas tout à fait consciente de ses actions, Douce Ancolie avait quand même eu l'instinct de se camoufler. Rien de bien élaboré, mais assez pour lui permettre d'établir un lien avec la petite créature sans que quiconque ne vienne les déranger.

Ambroisie

Il observa un instant le guérisseur de l’Ombre sortir du camp avec le chaton. Personne ne devait être au courant de ce qu’il s’était passé. Et Étoile du Serpentaire devait à présent rattraper les choses. S’il voulait remercier Douce Ancolie, c’était uniquement pour avoir tué le chaton qui ressemblait bien trop à l’ancien amant de la nouvelle mère. Comme si Serre de Grive s’était réincarné dans le corps du bébé blanc, pour accomplir sa dernière vengeance. Et il n’avait même pas pu faire ses premiers pas. Pathétique. Le Clan des Étoiles espérait probablement pouvoir détrôner le Serpentaire en agissant de la sorte. Et ne s’attendait pas à se retrouver devant la belle et douce furie de l’empereur. Celle-ci s’était volatilisée, s’échappant avec la copie conforme du souverain de l’Ombre, comme une petite fille jalouse de s’être fait voler la vedette. Le mâle savait sa princesse possessive, mais pas à ce point.
Avant de ne pas éveiller les soupçons, alors que le soleil commençait doucement à se réveiller, Étoile du Serpentaire se dirigea vers la tanière du guérisseur. Il voulait constater l’état de Fleur Noire avant de partir récupérer le précieux chaton. La belle guerrière crème était allongée sur un lit de bruyère, le visage crispé, elle ne semblait pas vouloir se réveiller. Comment avait-elle pu ignorer qu’elle était enceinte de deux chatons ? Personne n’avait rien vue. Son ventre avait à peine gonflé. Contrairement à celui de l’Ancolie, qui avait presque triplé de volume. Le Serpentaire doutait donc des capacités de son nouveau fils. Doucement, sa queue se posa sur le corps de sa belle, et il sortit de la tanière, s’éloignant de la scène de crime.

Il ne mit pas longtemps à retrouver la petite écaille. L’odeur du sang, du nouveau-né et d’Ancolie était facilement traçable pour le charbonneux. Celle-ci était recroquevillée sous un buisson, bloquant la petite boule sombre contre son corps. Elle le léchait tendrement, et le Serpentaire était certain que ces sens de mères étaient décuplés.


« Douce Ancolie, ma belle. »


Il s’avança, et s’allongea contre son corps, posant sa tête entre sa nuque et son épaule. Sa queue passa par-dessus le corps de l’écaille et il se mit à chatouiller le petit, testant les réflexes du nouveau-né, qui était inexistant. Il n’allait certainement pas passer la journée. Surtout s’il n’était pas près de sa véritable mère.

GALLINEA

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Son plan aurait presque pu marcher, s'il n'avait été d'Étoile du Serpentaire et sa capacité à toujours la retrouver, où qu'elle soit. Quelque chose qui avait à voir avec le fait qu'elle n'avait jamais quitté ses côtés depuis qu'elle était toute petite. À présent, sa dépendance se retournait contre elle, et le meneur n'eut peu de mal à suivre son parfum jusque dans les tréfonds de la forêt. Elle capta son odeur avant qu'il n'arrive à portée de vue. L'espace d'un instant, la pensée de s'enfuir ou cacher le petit lui traversa l'esprit. Mais elle était beaucoup trop fidèle au tigré pour tenter quoique ce soit. Alors elle demeura sur place, cajolant le petiot, prétendant que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

─ Douce Ancolie, ma belle.

À l'appel, la femelle releva la tête. Un sourire fendit ses traits, éclairant son visage de milles feux. Elle suivit du regard l'avancé de son mâle, frissonnant lorsqu'il se décida à se lover contre elle. Un ronronnement sorti de son corps. Il ne venait pas la punir. Il venait contempler le nouveau-né, l'accueillir dans la famille. Il féliciterait sa douce, et ils retourneraient au campement ensemble, présentant à tous le petit chat. Ravie de l'idée, elle frotta sa tête contre l'épaule du mâle, roucoulant avec bonheur:

─ Serpentaire! Oh, mon amour! Regarde! Regarde notre nouveau chaton, comme il est si beau.

Ambroisie

La belle tourna la tête à l’appel de l’empereur et son visage s’éclaira. Étoiles dans les yeux, sourire radieux, Douce Ancolie s’était transformé en une apprentie folle d’amour, en une groupie prête à mourir à l’approche de leur idole. La belle calico perdait la tête, son nom devenait une réalité. Un long ronronnement monta dans sa gorge lorsque le Serpentaire s’allongea contre elle, se frotta langoureusement contre son épaule. Le chef ne dit rien, ses yeux étaient posés sur son petit, son sang. Un troisième héritier venait de naître. Et il n’avait rien d’exceptionnel. Il était faible. Trop petit. C’était une copie ratée. Pire que Petit Scorpion.


« Serpentaire ! Oh, mon amour ! Regarde ! Regarde notre nouveau chaton, comme il est si beau. »


Elle délirait. Était-ce la jalousie qui lui prenait son sens de la logique ou bien perdait-elle totalement la tête ? Le Serpentaire devrait-il se débarrasser d’une potentielle cinglée ? Il se détacha d’elle, la contourna et s’assit, de manière à voir le visage de sa compagne. Ses yeux étaient remplis de pitié. Pitié pour Douce Ancolie, pitié pour ce petit qui pourtant allait devoir passer la nuit. D’une patte, il attrapa sans douceur le chaton et le ramena vers lui. La chose émit une sorte de feulement, bien trop ridicule pour attirer l’attention du souverain. Il le retourna, la passa sur le dos, le retournait dans tous les sens. Le petit miaula. Il avait faim. D’un dernier coup, le Serpentaire ramena son chaton entre ses pattes, lui donnant un peu de sa chaleur corporelle.


« Il doit revenir au camp. Et toi aussi. Le sang de Fleur Noire coule dans ses veines, c’est à elle de s’en occuper. Soit une bonne fille et fais toi une raison, ma douce. Tu es en charge de ma première descendance, la plus importante, la plus préciseuse. Laisse ce petit… Petit Feulement à une autre. »


Sans attendre une quelconque réponse de la part de la reine, le chef de l’Ombre s’empara du petit, et s’engouffra dans les ténèbres. Douce Ancolie ne le laisserait certainement pas partir ainsi, surtout si son obsession pour ce chaton était dictée par sa possessivité. Mais l’heure tournait, et le petit était déjà trop faible. Bientôt, Fleur Noire se réveillerait et le Serpentaire pourrait la perdre pour toujours.

GALLINEA

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Elle croyait que sa remarque comblerait le roi de joie, mais plutôt que de la félicité ou de la couvrir d'amour comme elle le méritait tant, il apparut inconfortable. Se décalant de sa compagne, il en fit le tour pour aller s'asseoir devant elle. Comme un juge. Douce Ancolie leva ses yeux humides vers lui, détaillant son si beau visage à la recherche d'un indice pour comprendre ce qui se tramait dans ses pensées. Plutôt que lui livrer le contenu de ses réflexions, il porta son attention sur la boule de poils (presque nue) entre ses pattes. Sous le regard appréhensif de la mère, il se saisit du gamin et passa sa patte dans sa fourrure, le retournant dans tous les sens. La calico dû empêcher un gémissement de franchir ses lèvres pour prévenir Étoile du Serpentaire de ne pas le brusquer. Évidemment, il ne se gêna pas pour le faire, considérant comme à son habitude sa descendance comme de potentiels outils au mieux, et comme une perte de temps au pire. Le pauvre noiraud tombait probablement dans la deuxième catégorie, d'où l'inquiétude grandissante de la mère de le voir ainsi examiner.

─ Il doit revenir au camp, prononça-t-il.

La sentence tomba. Les mots qui suivirent se perdirent dans la brume. Les oreilles de la calico cillèrent. L'ombre plongea sur le chaton entre ses pattes et s'en empara, tournant ensuite prestement les talons. La femelle laissa échapper un cri provenant d'outre-tombe, à défaut de pouvoir lever la patte contre son aimé. Puis elle bondit à sa suite, manquant de près de lui sauter sur le dos pour le ralentir.

─ Non ! Non non non ! Laisse le ! Regarde comme il est faible ! Il a besoin de moi ! Fleur Noire sera incapable d'en prendre soin ! De le nourrir ! De le protéger ! De l'aimer ! LAISSE LE MOI !

Ambroisie

Le Serpentaire s’efface, ombre dans la nuit noire, il retourne au camp, son fils pendant dans sa gueule. Derrière lui, un cri déchirant résonne, quelque chose met à sa poursuite. Douce Ancolie apparaît, furie nocturne, elle passe devant son bien aimé, le pelage en bataille, la face déformée par la panique et la folie.


« Non ! Non non non ! Laisse le ! Regarde comme il est faible ! Il a besoin de moi ! Fleur Noire sera incapable d’en prendre soin ! De le nourrir ! De le protéger ! De l’aimer ! LAISSE LE MOI ! »


L’empereur ne cille pas. Il se contente de regarder sa belle, il soupire. Qu’elle mouche l’avait piquée ? Devrait-il demander à Esprit Soucieux de l’ausculter ? De chercher en elle un mal inconnu qui la possède, la rendant complètement folle ? Le Serpentaire dépose le chaton au sol, s’avance vers la calicot, se frotte contre elle, la contourne pour se retrouver de l’autre côté, collé contre elle.


« Tu as raison. Alors c’est justement pour ça que tu vas l’aider. Vous allez l’élever toutes les deux, ensemble. Faire de lui le meilleur des guerriers, qu’il puisse rivaliser avec ses frères. Tu peux faire ça Douce Ancolie ? »


Il attire le chaton contre eux, sa queue s’emmêle avec celle de la Reine de l’Ombre. Il avait besoin de Douce Ancolie tout comme il avait besoin de Fleur Noire. Cette dernière était une combattante d’exception, remettant en place le dernier guerrier du Clan du Tonnerre qui avait voulu franchir la frontière. Le Serpentaire devrait-il d’ailleurs lui rendre une petite visite ? Pour avoir affaiblie l’unique chaton de la guerrière, futur combattant de l’Ombre ? Non. Le souverain des Ombres avaient autre chose à penser.


« J’ai besoin de Fleur Noire près de moi. Avec l’intégration de Toucan, les dissidents commencent à faire du bruit et l’esprit faible de Fleur Noire pourrait tourner du mauvais côté. C’est une excellente guerrière, tu ne voudrais pas que ton cher et tendre se retrouve sous ses griffes, hein Douce Ancolie ? J’ai besoin d’elle à mes côtés, j’ai besoin de toi, j’ai besoin de mes fils. Aide Fleur Noire, tisse des liens d’amitiés même si ce n’est qu’un mirage elle se laissera piéger et elle nous sera fidèle. »


Il se frotte un nouvelle fois, et plante ses yeux dans ceux de sa compagne.


« L’Ombre nous appartient, ma Douce. Je suis le Roi, tu es ma Reine. »

GALLINEA

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Ses cris surgirent dans la nuit, brisant l'aura de silence dont s'entourait le tigré. Il s'agita, surpris de ses protestations, et irrité, peut-être. Mais la demoiselle n'en avait cure, n'ayant d'yeux que pour le fardeau foncé que son mâle tenait à la gueule. Peut-être qu'Étoile du Serpentaire eut-il pitié d'elle, pitié de la voir s'égosiller ainsi, pitié de voir sa princesse dans un si lamentable état. Tout ça pour un chaton. Pour une histoire de jalousie. Viscérale. Il dû prendre conscience de l'étendue de sa passion. Si ce n'était pas déjà fait, vu le corps blanchâtre qu'elle avait laissé derrière. Comment pouvait-il s'attendre à lui reprendre le chaton, la chaire de sa chaire (du moins fabulé), sans aucune protestation de sa part? La douleur lui tiraillait le ventre, plus profonde encore que lorsque ses pattes s'étaient écartelées pour donner naissance à sa progéniture. Cette fois, aucun bonheur n'accompagnait la douleur. Qu'une simple peur d'avoir échouée, été mise de côté, remplacée. De voir son utilité suspendue à un fil, à la vie de la boule geignante, au futur héritier du meneur, si seulement il lui laissait la chance de le prendre sous son aile.

Le fauve s'arrêta dans son cheminement. La calico fit de même, mettant enfin terme à sa chevauchée. Elle s'immobilisa brusquement, à quelques pas de distance du mâle, lui bloquant le chemin, mais soudainement terrifiée à l'idée de le toucher. Son coeur battait à un rythme d'enfer dans sa poitrine; mais il se démenait ainsi depuis qu'elle avait vu Fleur Noire fuir chez le guérisseur. Le mâle déposa le petiot au sol. Au lieu de venir vers elle toutes griffes dehors (il ne l'avait jamais fait, mais peut-être serait-ce la première fois?), il vint à ses côtés, se frottant contre son corps. Pour l'une des rares fois, Douce Ancolie ne répondit pas au contact, ne se courba pas sous touché. Elle demeura fixe, chancelante, tendue. Aux abois. Le regard rivé sur le chat, incapable de s'abaisser vers le rejeton. Et, augmentant le sortilège, le mâle joignit les paroles à l'acte, faisant vibrer sa voix si charismatique dans ses oreilles, pigeant les mots avec attention pour lui faire miroiter ses désirs.

Elle l'écouta, impuissante à s'en aller, s'enfuir avec le petit, quitter le mâle, lui désobéir, lui tenir tête. Son corps était figé, tremblant presque de son incapacité à prendre une décision. Étoile du Serpentaire la prit pour elle, ramenant le petit contre eux, complétant le portrait de famille, comme rarement il avait fait avec ses propres enfants. Elle voyait en le rejeton tout cet amour possible, cette attention à venir, ces promesses d'importance. Ses propres enfants quitteraient la pouponnière sous peu, son corps ne portait pas encore la vie. La boule tigré était le seul moyen de garder l'intérêt du meneur, de lui assurer son dévouement. Et Étoile du Serpentaire voulait lui arracher son seul devoir. Le donner à une autre. Il entourait sa décision de milles et une raisons, enjolivures, miroitement d'en faire une guerrière loyale à jamais. Tout ce que la douce entendait était que la garde du chaton lui était refusée. Elle pourrait jouer les nourrices, les confidentes, devrait même entourer Fleur Noire des meilleurs soins et d'une fausse amitié, mais le chaton ne serait pas à elle.

─ L’Ombre nous appartient, ma Douce. Je suis le Roi, tu es ma Reine.

La Reine des naïves, peut-être, de croire être la seule dans son coeur. Elle baissa la tête, vaincue. Ni son corps ni son esprit n'avaient la force de protester encore.