Please Watch Over Me - end

Il faisait nuit, et il l'aimait pas ça. Il était depuis bien trop longtemps dehors, dans la poussière, à trimer pour chasser une pauvre souris maigrelette - sans doute sénile aussi, si Merle avait réussi à l'attraper. Le matou était vraiment rouillé, et commençait non pas à ressentir de la honte, mais plus de la colère envers lui-même, et surtout envers les proies qui ne voulaient pas se jeter dans ses pattes. Oh boy, faites un effort les mulots...

Il maugrée, insulte la famille du petit cadavre qu'il porte à la bouche, trébuche sur des racines, une, deux, trébuche sur une vieille chatte trempée, uh-oh, c'est pas courant ça. De surprise, il lâche sa proie. Quelle idée de fixer ses pattes quand on marche dans le noir en même temps... Il fixe la silhouette avachie devant lui, détaille le corps, tente de mettre un nom sur le visage. Il n'y arrive pas, et passe à autre chose. Comme l'odeur de l'inconnue, qui le perturbe : elle refoule des senteurs passées du Clan de l'Ombre. Il cligne des yeux, perdu. Il n'a pas envie de se prendre la tête.

Eh mamie, meurs pas ici, ça va nous gêner à la Rivière.

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Il avait bien raison : la vieille chose venait de lâcher un râle tout droit venu des tréfonds de l'Enfer, si c'était pas un signe de mort imminente, il voulait bien qu'Étoile du Corbeau lui coupe la langue. En plissant les yeux, on voyait que la peau de la Solitaire était rongée par des sortes de champignons, ou bien couverte de plaies purulentes, ou encore toutes dégarnies de poils et d'une teinte pas naturelle, bref, il n'était pas guérisseur, mais il sentait, tant au propre qu'au figuré, que la chatte qui lui faisait face n'était pas dans son assiette - euphémisme.

C'quoi votre lubie d'penser que j'vais crever? Il est où ton respect des aînés, sale gosse?

La chatte qui lui crachait dessus, plus. Lui qui n'était pas de bonne humeur avec la nuit tombante, voilà qu'elle le prenait à rebrousse-poil.

Cette lubie c'est ta gueule et ton odeur oui, calme toi la vieille. Et j'garde mon respect pour les membres de mon Clan, ta petite gueule de Solitaire, j'en ai pas grand chose à carrer.

Chant du Merle n'en avait d'habitude pas grand chose pas faire des appartenances claniques, mais des relents de xénophobie lui passaient parfois en travers de la gorge comme des lames de fond.

Et puis là, il était ronchon, avec sa souris rachitique et la momie malade sur laquelle il avait marché.

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Oh oui, pas conne la vieille, y a les Étoiles dans ce bordel...

Il regarda sa pauvre souris. Il regarda la carcasse décharnée de la solitaire. L'odeur de l'ombre était encore diffuse sur son corps maigre et boursoufflé de plaies, champignons et anciennes cicatrices, mais il ne pouvait pas mettre un nom dessus. Il en l'avait sans doute jamais rencontrée - il ne savait même pas que le clan des marécages exilait parfois certains de ses membres. Quelles fautes avait-elle bien pu commettre ? Sans doute pas un truc de manquement au Code du Guerrier, sinon elle ne parlerait pas ainsi de salut. D'ailleurs, elle en parlé trop. Une fêlée des Étoiles, qu'on aurait dit.

Oh boy. Ça devait être une ex-guérisseuse cheloue. Elle avait forcément dû faire un truc pas hypersex, genre se taper un guerrier - ou pire, une guerrière. C'était bon, la machine à fantasmes en tout genre - c'était le cas de le dire - de Chant du Merle venait de s'enclencher, et il voyait en la pestiférée une héroïne dans la même ligue que lui, une chatte qui avait bravé les interdits par amour ; mais qui en payait les pots cassés.

Finalement, il n'était pas chaud pour suivre son exemple. La vie dans un Clan lui plaisait, il n'avait nullement l'intention d'en changer, tant pis s'il devait y sacrifier son développement personnel - et surtout sa vie sexuelle. Dans un geste d'encouragement, il tendit sa proie à l'autre. Tant pis pour sa maigre chasse.

J'espère que ça fait laisser-passer pour le Clan des Étoiles, mamie. Mamie comment d'ailleurs ? Ta tête me dit rien mais ton odeur n'est pas inconnue.

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Ouais, ok les cocos, donc c'est sale gueule et nom chelou pour la vieille, elle doit avoir la maladie qui lui grignote la cervelle, parce que oh boy, c'est quoi cette idée ?

L'air atterré de Chat du Merle ne dérangeait pas Envol des Fées, qui s'en donnait à cœur joie avec la maigre proie du chasseur rouillé. Il décida par s'asseoir, et entreprit une petite toilette des oreilles. Toujours bien présenter, c'était son moto. La dame lui peignait le portrait d'un chat qu'il avait connu - et c'était un grand mot - il y avait bien quinze lunes de cela. La mémoire, quand elle déconne, c'est quand même pas hypersex.

Esprit Soucieux tu veux dire ? Le guérisseur du Clan de l'Ombre, on le reconnait bien parce qu'il fait souvent la gueule en Assemblée, alors t'imagines, quand on était petiots, j'ai pas pu trop lui parler, alors que j'a-do-re discuter, en plus, il avait, enfin, il les a encore, mais à l'époque c'était une surprise, tout plein de cicatrices, alors ça m'intriguait. Enfin, je devrais pas parler au passé, c'est toujours un mystère pour moi, savoir comment il les as eu, parce que eh, arrête moi si je me trompe, mais vous êtes pas faits pour vous battre non ?

Il stoppa net le flot de ses paroles, une idée venait de lui traverser le cerveau. La vieille avait du lui casser la gueule, et se faire exclure du Clan à cause de ça. Pas d'autres raisons possibles. Elle n'avait pas l'air toute saine, donc elle avait pu mal vivre le fait de devoir se coltiner un apprenti.

Ah, non, c'est vrai, c'est parce qu'elle était lesbienne qu'on lui avait indiqué la sortie.
Il se perdait dans ses hypothèses, les méninges dans une course de vitesse.

hrp:

La première hypothèse était donc la bonne, ce n'était pas la vieille qui avait ainsi défiguré son neveu. Petit Souci. C'était kiki tout plein. Chant du Merle esquissa un franc sourire entre ses moustaches, imaginant le si charmant guérisseur de l'ombre suivre Envol des Fées, puis tomber tête la première dans un pauvre buisson, et rester coincé toute une nuit, au point de revenir tout sanguinolent et geignard : la prochaine fois qu'il le verrait en Assemblée - s'il allait en Assemblée un jour, ce qui était en suspens au vu de son implication stakhanovienne, ironie, dans le fonctionnement du Clan - il devrait sans aucun doute se retenir de le dévisager avec une pincée de méchant sarcasme et beaucoup de rires enlevés.

Des buissons.
Wow.
Insane.
Vraiment hardcore to the core ces Ombreux.

Et toi aussi Mamie, t'as fait la connaissance d'un buisson ? Parce que, ne m'en veux pas hein, mais t'as vraiment un air de famille avec Soucieux, et il est pas trop trop mon genre, si tu veux ce que je veux dire...

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