Se faire frapper par une canne telle une délinquante [PV Morella]

Sans faire un bruit, Morella avait quitté la maison. Se déplaçant avec une canne plutôt qu'avec le déambulateur flambant neuf fourni par sa fille (« C'est pas aujourd'hui que vous me foutrez ce truc dans les pattes ! »), elle s'était mise en tête de traverser un carrefour à la seule aide d'elle-même et de sa sempiternelle canne.

Canne, qui, on doit le préciser, était abîmée de partout, tordue sur le bout, et ressemblait vaguement à la forme qu'aurait prise le balais d'une vieille sorcière. Ce qui, après tout, convenait assez bien au caractère de l'acariâtre grand-mère.

« M'enfin, Michelle, on traverse pas sans regarder !
- Je t'ai demandé l'heure ? »

La vieille avait marmonné dans ses rides, l'air franchement contrariée par l'intervention de la jeune femme. Elle aurait pu me péter un os, cette abrutie. Morella n'aimait pas réellement le nouveau bras-droit de sa fille aînée, elle la trouvait trop gentille pour être intelligente.

« En tout cas, appelle-moi encore une seule fois Michelle et c'est pas dans la gueule que j'te fous ma canne. »

La menace avait au moins le mérite d'être claire.

« Tu devrais pas être avec la cheffe, par hasard ? »

C'était en tout cas ce que son air pressé soufflait à l'oreille de la vieille Morella.

HRP:

« Mais calmez-vous enfin ! C'est mauvais pour le cœur ! »

Donc elle voulait vraiment qu'elle la frappe. En tout cas, c'était le meilleur moyen pour y parvenir, et Morella soulevait son chapeau virtuel pour son audace et son poignard invisible pour le planter dans son petit sternum de gosse suffisante.

« Oh si, mais ça va, je suis pas en retard, vous inquiétez pas Morella.
- Tu comptes te foutre de ma gueule encore longtemps ? »

Je suis vieille, pas sénile, gamine. Elle mentait comme un arracheur de dents, et elle avait l'audace de croire que le mensonge prendrait avec Morella. Ben tu t'es fourré le doigt dans l’œil jusqu'au coude ma pauvre vieille.

« Qu'est-ce que tu prépares avec mes tordues de filles, encore ? »

Elle levait sa canne d'un air menaçant, celle-ci approchant l'horizontale ainsi que le visage de la jeune femme. Son visage exprimait une et une seule chose : tell me, NOW.

« On aimerait aller passer une administration à tabac. Pour changer. »

Pour changer, en effet. Ils le faisaient déjà de son temps, ça ! Au début, ils leur pourrissaient gentiment la vie en taguant leurs noms sur leurs bécanes, leurs voitures de fonction et autres biens matériaux auxquels ils tenaient, puis ils étaient passés à la vitesse supérieure, la mairie se rebiffant de plus en plus contre eux. Et la famille Moriarty n'était pas du genre à se laisser marcher sur les pieds.

« Vous avez autant d'imagination que des moules pas fraîches, c'est dingue ! »

Elle maugréait encore quelques mots, puis tapota le bout de sa canne sur la tempe de la jeune femme, tremblant sur ses vieilles jambes.

« Est-ce que tu comptes vraiment prendre la place de ma fille plus tard ? T'as l'air aussi effrayante qu'une souris sans queue. Et encore. Je veux pas d'une putain de fuyarde à la tête de ce pour quoi j'ai failli donner ma vie plus d'une fois. T'as intérêt à me montrer que t'as des ovaires, et que t'es pas là pour faire une jolie gueule. Capiche, gamine ? »

« Avec un peu de chance, vous serez plus là pour voir ça. 
- Qu'est-ce que tu dirais de la fermer à tout jamais, petite ? »

Ça, c'était une première chose. La vieille n'écoutait pas ses excuses de petite fille, elle avait tout intérêt à pouvoir assumer les conséquences de ses actes, vu son rang. Morella laissa sa canne descendre lentement et mollement le long du corps d'Annie, prenant cependant soin de la laisser non loin de sa peau. Puis, elle prit de l'élan, mit toute sa force restante dans le geste et envoya sa canne dans le creux de son genou.

« Avec un peu de chance, tu seras plus là pour me voir clamser. »

Elle s'appuya de nouveau sur sa canne, dévisageant Annie d'un air insistant. Quand est-ce que cette femme se déciderait à avoir la force de lui hurler dessus ?

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