Feed the Queen? Yes my Lord! {PV Ancoco} - end

Un nouveau matin se levait. Les petiots, toujours en vie et en santé, étaient collés contre elle. Leurs yeux venaient à peine d'ouvrir; pour la première fois, la mère avait pu les contempler, se demandant sans cesse comment ils la percevaient, elle, cette grande créature, et à quoi ils ressembleraient plus tard. Turquoises comme les siens, ou du doré perçant d'Étoile du Serpentaire ? Déjà, de par leur pelage, l'un ressemblait comme deux goûtes d'eau à son compagnon, tandis que les deux autres se coloraient plus de roux et de sables. Les trois étaient rayés, aucun ne portant les taches comme elle.

Un peu égoïstement, ou dû à son insécurité, Douce Ancolie souhaitait que leurs prunelles prennent la teinte des siennes, qu'ils aient une petite part d'elle dans leur personne, de sorte qu'on n'oublie jamais qu'elle était leur mère, qu'elle avait été choisie pour les porter. Et qu'ils ne l'oublient pas, eux, même lorsque la prestance d'Étoile du Serpentaire viendrait éclipser l'affection qu'elle pouvait leur donner. Un petit soupir. Des pensées bien lourdes, pour cette jeune matinée. Elle aurait bien le temps de craindre d'être oubliée, dans le futur: pour l'instant, ses enfants étaient encore si fragiles, si dépendants. Pour eux, elle serait la meilleure mère qui soit, la plus dévouée à la tâche. Qu'on n'ose dire qu'elle néglige la tâche, qu'elle ne forme pas la plus belle relève pour succéder à leur père. Ces enfants allaient être aimés et chéris jusqu'au bout de leurs griffes, de ça on ne pouvait douter.

- Salutations Douce Ancolie, Etoile du Serpentaire m'envoie te porter une proie.

Surprise, la mère releva vivement la tête. En contre jour du soleil matinal se tenait une grande silhouette sombre. Il fallut quelques secondes avant que ses yeux ne reconnaissent l'identité de Brouillard, un jeune guerrier tout nouvellement nommé. Il n'avait rien à faire dans la pouponnière, en temps normal, mais cette fois, il était envoyé spécialement par Étoile du Serpentaire, pour répondre à ses besoins. La pensée la fit frissonner de plaisir.

─ Ahh il était temps ! S'exclama-t-elle en ronronnant. J'ai si faim, quelle attention bienvenue !

Contre elle, les chatons piaillèrent leur mécontentement face au soudain bruit. Elle les fit taire d'un coup de langue. Qu'ils geignent, les petits fainéants: cette nourriture était aussi pour eux. Se léchant les babines d'avance, Douce Ancolie porta son regard vers le sol, où le mâle avait posé son butin. Et, aussitôt, la stupeur pris place sur son visage, bientôt suivie par l'irritation.

─ Une... Souris ? Mais... Tu me prends pour qui, là, une gamine ? J'ai trois chatons à nourrir, il me faut plus qu'une souris, voyons !

hrp:

Un air abasourdi passa un instant sur le visage du guerrier, avant qu'il ne maîtrise son expression. Presque patiente, Douce Ancolie ne fit que frémir le bout de sa queue pour signaler son mécontentement ─ quoique ses paroles avaient été bien assez claires là-dessus. Contre ses flancs, les petits piaillèrent de plus belle, stimulés par l'éclat de leur mère et la nouvelle odeur de viande. Ils avaient bien raison: ce maigre repas ne suffirait pas à produire suffisamment de lait pour tous les nourrir. Fort heureusement, Joli Brouillard se ressaisit rapidement et reprit le contrôle de la situation. Prestement, il s'inclina devant elle et lança avec une politesse admirable:

─ Bien sûr que non Douce Ancolie. Je retourne chasser de suite pour toi. J'ai juste pensé que plutôt que d'attendre un long moment pour une chasse convenable à tes besoins tu préférerais avoir tout de suite un morceau à manger en attendant la suite. Je m'excuse si j'ai mal pensé.

Un battement de paupières, un mouvement de la queue. Un ange passa. L'excuse fut acceptée. Douce Ancolie poussa un long soupir, comme si lui tenir rancune lui avait sapé l'énergie. Elle étira ses pattes jusqu'à se saisir de la souris, la ramenant vers elle. Le fumet monta à ses narines, et bientôt la souris fut réduite à un tas d'os, sang et poils. Pour autant qu'elle pouvait chigner, le repas la satisfaisait amplement.

─ Ah, oui, je préfère cela, roucoula-t-elle. Au moins tu as eu la décence de me chasser quelque chose de frais. Ton mentor t'as bien appris.

Le soulagement tombe sur le visage du guerrier sombre, bien que la Reine n'en eusse nullement conscience. Elle était bien trop occupée à dévorer le repas, et veiller sur ses petiots, pour se préoccuper des états d'âme du damoiseau. Tout ce qui importait, c'était que Brouillard n'émette aucun signe de protestations, et encore moins de plaintes à l'idée d'aller à nouveau chasser pour son altesse royale. Un jeune guerrier tel que lui n'avait rien d'autre à faire que de répondre aux besoins de la princesse, de toute façon. Surtout pas si Étoile du Serpentaire l'avait mis à son entière disposition.

─ Merci Douce Ancolie, je repars tout de suite à la chasse te trouver autre chose.

La reine releva la tête, un ronronnement sortant de sa gorge pour montrer son appréciation. Elle en glisserait peut-être un mot à son compagnon, vu comment le brunet répondait avec grâce à ses besoins. En plus, il faisait attention de prendre le moins d'espace possible dans cet endroit restreint, ce qui était déjà beaucoup plus de délicatesse que nombreux guerriers.

─ Peut-être as-tu besoin d'autre chose également Douce Ancolie?

De son tendre époux. Mais ça, Brouillard ne pouvait malheureusement pas le lui fournir. Le meneur était simplement trop occupé par ses tâches ─ par ses concubines ─ pour perdre ses journées à la pouponnière, à veiller sur sa reine et ses petits. Mais cette complainte ne pouvait quitter les lèvres de la belle, qui devait taire à jamais toute insatisfaction à l'égard de son compagnon.

─ Non, c'est bon, tu peux disposer. Oh, mais si tu peux m'attraper une grive, ce serait apprécié, cela fait trop longtemps que je n'en ai pas eu.

Et sur cette demande, elle détourna la tête et se concentra exclusivement sur ses chatons, les seuls qui lui importaient.

hrp: