[BLIZZARD] Verglas ▼ prio Coeur Vaillant - end

Je suis perdu dans une immensité blanche. Derrière moi, loin dans la pinède passée à la chaux, mon Camp. À ma droite, l’absence de couleurs. À ma gauche, idem. Devant moi, le ruban noir gelé du Chemin du Tonnerre – peu arpenté en ces temps de verglas, les monstres ne doivent pas aimer le froid. Je cherche dans la glace quelques pousses résistantes, des chardons. Les stocks sont désespérément bas, et la demande désespérément haute. Hier encore, un des chatons de la pouponnière crachait des glaires – pas foutu de rester au chaud cette petite saloperie. Du coup me voilà, l’odeur puissante d’asphalte dans la gueule, forte comme de la viande avariée, et je gratte gratte dans la terre, gratte pour trouver des remèdes. Pas un autre bruit en ce matin, rien que le crissement de la terre que j’éventre.

Puis, en périphérie de ma vision, une tâche orange. Un soleil qui s’écroule. À l’odeur, elle vient du Vent. Plus vieille que moi, un peu le même parfum que Cœur Fleuri. J’ai du la voir en Assemblée, que je n’étais encore qu’apprenti : Cœur De Flamme, Cœur Courageux, Cœur Brave, un truc du genre. Comme si les chats ennemis pouvaient être loyaux. Ridicule. Elle ne bouge pas. Je m’en tape, moi j’ai des responsabilités, des plantes à ramener, des compatriotes à soigner, un Clan à faire tourner.

Je relève la tête. Elle n’a toujours pas bougé.

Je dois servir les Étoiles aussi. Ne pas laisser un autre chat souffrir. Même si c’est un étranger. Nos ancêtres nous regardent, il ne faut pas les décevoir. Un danger bien plus grand pourrait s’abattre sur nous, sans leur bénédiction.

Putain.

Va falloir que j’y aille. Coup d’œil, pas de monstre. D’un pas vif, je traverse le ruban de pétrole fondu. La guerrière ennemie est étendue de l’autre côté ; Cœur Vaillant, ça y est, je m’en rappelle. La sœur de la guérisseuse du Vent. Elle a les yeux clos, la respiration sifflante. Je ne vois pas de plaie apparente, mais elle a pu se blesser en chassant.

« Hé, réveille toi. » Je lui donne un petit coup de patte dans l’épaule. Pas de réaction. « Allez, lève toi, faut que tu rentres chez toi là, tu gênes. » Toujours rien. Bon, va falloir que je le fasse. Avec dégout, j’approche ma gueule de celle rousse de la vétérante, et lui lèche le front avec vigueur, comme une mère avec sa portée, pour la réchauffer.

Elle ouvre finalement les yeux.

« Bon, qu’est ce que tu fous là ? Casse toi si t’es malade, va te faire soigner putain, je veux pas de tes germes de merde. »

Langue rugueuse sur mon front. Une fois, deux fois, trois fois. Sérieux, pourquoi ma mère fait-elle encore ça, ne suis-je pas assez grande? Mécontente, j'ouvre les yeux. Trop rapidement. Le blanc, un blanc trop vif, trop puissant, envahit ma vision. C'est un soleil ardent qui me brûle la rétine. Mes griffes se plantent dans la terre meuble pour résister à cet assaut de lumière. Une masse noire au dessus de moi. L'instinct de protection me fait relever les babines, hérisser les poils... Un grondement cherche à sortir, mais il ne fait qu'engendrer une toux qui me déchire la groge. L'odeur pétride de ce chat me monte à la tête, je n'arrive même pas à voir les choses clairement autour de moi. La panique monte, tel un serpent qui s'infiltre sournoisement dans ma tête pour y planter son poison destructeur. Je me sens oppressée, en danger, ce chat au dessus de moi représente le mal en personne. Je bondis sur mes pattes pour faire un mouvement brusque en arrière, et partir loin. Mes pattes flanchent aussitôt que mon poids cherche à se reposer sur elles. Je vois la terre arriver à une vitesse folle vers moi. Un choc. J'entends des cymbales, puis un gras bourdonnnement dans mes oreilles. Je gémis. Ma conscience fait lentement leur apparition, pour ne me poser qu'une unique question "mais qu'est-ce-que je fiche ici, dans un état pareil?"

Les souvenirs ne remontent pas. Mes paupières ne m'obéissent plus, et ne veulent pas se relever. Mon corps semble trembler. Et ce chat qui revient vers moi... J'arrive à articuler, d'une voix souffrante mais glaciale :

"Dégage"

Spoiler:

Elle ouvre enfin les yeux, les paupières comme deux papillons se tapant dans une ampoule, elles clignent à toute allure. Puis elle semble prendre peur, et tente de partir. Spoiler kiddo, quand tu viens de te réveiller après ce qui semble probablement être un accident, ton corps est pas super coopératif, tu vois. Genre t'es tout faible, tu tombes, des fois tu vomis - bon, pas dans le cas de Cœur Vaillant, ici, mais j'ai soigné assez de chats pour me prendre du vomi des familles dans la gueule, surtout de la part des chatons. Faites des gosses, hein. Enfin, là n'est pas la question.

La grande rousse se crashe au sol, la gueule dans la poudreuse, et ne bouge pus trop. Elle se mit à gémir un peu, et à trembler. Et dire que c'est ça la force d'élite du Clan du Vent. À en croire les rumeurs, elle aurait pu devenir lieutenant, même. Enfin, c'est pas comme si le poste de lieutenant valait vraiment quelque chose dans ce clan de sous-race. Je dis ça comme ça.

Bref, le fait est que cette charmante vétérante miaula dans ma direction, de sa voix si chaleureuse, d'aller me faire voir. Oh. Eh bien soit. Typique des Venteux a, pas foutu de mettre leur fierté de côté deux minutes, même en cas d'urgence. Le Clan des Étoiles m'en est témoin, au moins j'ai essayé de rendre service. Mais on ne peut pas soigner les gens qui refusent de l'aide.

" Oh, c'est comme ça ? Très bien, Coeur Vaillant, courage pour pas crever de commotion maintenant, hein, et puis passe le bonjour à ta cheffe. Je suis sûr qu'elle sera ravie de savoir comment tu traites les guérisseurs. La prochaine Assemblée va être animée..."

Lentement, je me rapprochais une dernière fois d'elle, et reviens lui mettre un coup de langue entre les yeux, histoire qu'elle se décolle enfin les paupières et qu'elle se casse chez elle. Une fois mon acte de charité effectué, je me mis à inspecter les alentours, en quête de plantes moins touchées par le froid. Oui, ce n'est plus mon territoire, mais j'ai l'immunité des devins. Et puis, imaginons que l'autre retombe dans les pommes, c'est quand même plus responsable de rester dans le coin.

" Oh, c'est comme ça ? Très bien, Coeur Vaillant, courage pour pas crever de commotion maintenant, hein, et puis passe le bonjour à ta cheffe. Je suis sûr qu'elle sera ravie de savoir comment tu traites les guérisseurs. La prochaine Assemblée va être animée..."

Je le foudroyai du regard, cet abruti de l'ombre. Comme si nous comptions sur leur amitié. Et on sait à quel point j'apprécie ma chef, alors son bonjour il peut se le mettre où je pense. Je grondais, mais ma tête tournait. Soudain, la masse sombre s'approcha et me donna un coup de langue sur le front. Ce contact répugnant me donnait envie de vomir, mais la douleur était plus forte. Je n'avais pas bien le choix que de me laisser faire. Le guérisseur s'éloigna et commença à fouiller notre territoire. Qu'est-ce-qu'il croyait, que nous avions assez de plantes pour subvenir aux besoins de deux clans? Non mais je rêve...

J'arrive à garder les paupières ouvertes, c'est déjà ça. Qu'est ce qui m'est donc arrivé? Je surveille l'intru tout en réfléchissant. Une bourrasque de vent glacée gifle mon visage et me fait grimacer de douleur. Je tremble de froid, de douleur. Ces petits spasmes incontrolables m'empêchent de réfléchir convenablement. Je sens que ma consicence ne tient qu'à un fil et qu'à tout moment je peux replonger dans l'inconscience totale. Mieux vallait éviter tout mouvement parasite.

Soudain, un flash violent me revient en mémoire. Seulement des sensations d'extrême douleur. Un cri. La peur m'arrache les tripes et les retournent. Je tressaille, et la réalité revient. Je soupire. Je ne sais pas ce que j'ai été faire, mais je me suis pas loupée.

Me sentant légèrement mieux, je tente de me redresser en position assise. Ma tête tourne mais cela n'est plus insupportable comme tout à l'heure. Je tente alors en criant pour que l'intru m'entende :

"T'es au courant que les plantes sont rares dans les deux clans ? "

Mais ce surplus d'efforts me coutent une violente quinte de toux. Mon estomac se tord, la bile monte. Et je recrache alors tout mon déjeuner. La douleur me fait voir double, et je m'écrase par terre. C'est quoi ce merdier...

Spoiler:

Bon, finalement elle ne retombe pas dans les vapes ; mais elle n'a pas l'air bien quand même. Je creuse dans la neige, les pattes engourdies, et ignore délibérément sa remarque - non parce que le gros tas est bien sympa, mais les plantes devraient être une ressource commune en ces temps de crise. Et puis elle entrave le chemin d'un guérisseur avec ces propos là, et elle devrait savoir que sans devin, un Clan n'est rien dans de telles conditions. Tandis que mes pattes deviennent de plus en plus insensible, je commence à voir une petite pousse verte dans le trou que je creuse. Vert espoir. Je la saisis entre mes crocs, plongeant mon visage dans un abîme de froidure. Délicatement, j'arrache l'ail sauvage du sol, puis relève la tête, couverte de neige. Je m'essuie avec une patte, et jette un coup d’œil sur la grande rousse. Elle n'a toujours pas l'air bien.

Je reviens vers elle, qui tient à peine assise. Ses yeux papillonnent. Je commence à mâchouiller un peu d'ail, puis crache la mixture dans ma patte droite. De la gauche, je tapote le visage de Cœur Vaillant, et lui fais ouvrir la gueule, puis lui enfourne la mixture. Avant qu'elle n'aie le temps de s'insurger, je lui masse la gorge, pour qu'elle avale. "Ail sauvage, bon pour ce que tu as." Je m'essuie la patte sur la neige, pour faire disparaître les traces de l'odeur puissante de l'ail écrasée, puis en mange un petit peu, pour me rafraichir la bouche et me remplir un peu l'estomac. "Cœur Fleuri se débrouille ? Parce que tu me fous dans une sale situation là, j'vais pas te laisser crever mais ça me saoule de t'aider trop. Je sais que tu me comprends"

+:

L'autre félin répugnant s'approcha de moi. Sans me ménager, il m'ouvrit la gueule et me força à avaler une mixture bien louche. Je voulus lui hurler quelque chose, lui cracher à la figure, mais rien ne sortait de ma gorge.

"Ail sauvage, bon pour ce que tu as."

Je le foudroyai du regard. S'il pensait que j'allais lui dire merci, il pouvait toujours courir. Et puis dans tous les cas je n'allais pas mourir. Et qu'est-ce-qui me disait que ce n'était pas son odeur putride qui causait mes vomissements, tant elle était infecte?

"Cœur Fleuri se débrouille ? Parce que tu me fous dans une sale situation là, j'vais pas te laisser crever mais ça me saoule de t'aider trop. Je sais que tu me comprends"

Cette remarque me fit sourire. Oh évidemment, ce n'était pas un sourire de gentillesse et de compassion. Plutôt un sourire moqueur. Ce genre de sourire que l'on fait lorsque l'on est content de la situation désagréable dans laquelle un ennemi s'est placé. Et ce n'était pas parce que monsieur était guérisseur que ma vision de lui changeait. Un abominable étranger. Rien que ça.
Mais en tout cas, il n'était pas soigneur pour rien car mes maux de tête commencèrent à disparaître doucement, et je sentais ma force revenir. En tout cas, je réussis à aligner plus que deux mots, en soit, c'était un véritable exploit :

"Ma soeur se débrouille très bien, merci."

Je le regardai avec la haine au fond de mes prunelles, puis ajoutai d'une voix froide :

"Fallait pas être guérisseur, c'est ton problème si t'es obligé d'aider même les ennemis, pas le mien. "

Puis j'esquissai de nouveau un magnifique sourire, dévoilant mes crocs aiguisées.
Je lançai des coups d'oeil aux alentours. Si un ombreux passait, il me ferait ravaler mes propos sans problème vu mon état, car même s'il s'améliorait grâce au mélange du soigneur, il n'était guère bon - pour le moment je ne tenais pas debout. - Etant donné que j'y allais niveau provocation sans aucune retenue, l'autre pourrait se plaindre et je me ferais défoncée sans une once de pitié. De toute manière, je n'en voulais pas de la pitié ombreuse.
Toutefois, peut-être serait-il temps que je me calme, bien que l'autre soit aussi haineux des étrangers que je l'étais, et qu'il ne m'en voudrait probablement pas pour mes propos. Seulement, maintenant que ma raison faisait son entrée dans ma conscience, je me rendais compte que ce que je disais pourrait être utilisé au désavantage du clan. Maudite situation, quand tu nous tiens.

Cœur Vaillant me crache son fiel, sa haine et sa rancœur en un bloc aussi froid que la glace qui nous entoure, c'est dire. Elle profite de la situation, évidemment : qui irait attaquer une blessée, presque une mourante, en Terres Neutres, dépensant ainsi les rares forces que l'hiver nous laisse ? Surement pas un guérisseur. Je suis bon qu'à faire bouffer des plantes et autres conneries, je connais la chanson.

La grosse rousse a dû se rendre compte qu'elle était allée trop loin, que ses paroles resteraient gravées dans le marbre, et que ce marbre serait un pavé dans sa gueule enfarinée, plus tard, quand l'occasion se présentera. et ce n'est pas son sourire moqueur plein de crocs et de sous-entendus qui l'aidera à s'en sortir, alors.

Je m'essuie les pattes dans la neige, pour me débarrasser des traces de pave de l'autre, et effacer son odeur. Me décrasser.

Si tu es capable de me sortir cet amas de bêtises, j'estime que tu es assez en forme pour que le pauvre guérisseur qui a mal choisi sa place que je suis te laisse seule. Aux Étoiles de voir si tu crèveras dans le froid ou si mon soin suffira à te tirer de là. Sur ce.

+:

Si tu es capable de me sortir cet amas de bêtises, j'estime que tu es assez en forme pour que le pauvre guérisseur qui a mal choisi sa place que je suis te laisse seule. Aux Étoiles de voir si tu crèveras dans le froid ou si mon soin suffira à te tirer de là. Sur ce.

C'est ça ouais, dégage. Voilà mon regard qui lui parlaittout en le foudroyant.
Heureusement pour moi, mes sens commençaient à revenir. Probablement pour cette raison, eh bien que ma raison ait refait surface. Je me maudissais intérieurement d'avoir parlé sur ce ton à ce sale ombreux dégoutant. Comment supportaient-ils d'avoir pour guérisseur un être si répugnant? Le clan du vent était bien
chanceux à côté d'avoir Coeur Fleuri. Efficace et bienveillante. Elle était parfaite dans son rôle.
Je pus me lever. Je pus faire un pas. Je pus tourner alors le dos à ce guérisseur pitoyable. Et sans un mot, sans un regard sans un merci, je m'éloignai. Doucement, pas à pas. Il m'avait bien assez vu dans ce sale état... A cause de moi, l'honneur du clan du vent venait d'être salement entâché. Ma vitesse de marche avoisinnait zéro, mais mieux vallait la lenteur que la précipitation. Un jour, j'allais bien finir par quitter le champ de vision de cet... Esprit Soucieux.

EDIT : mdddr je viens de voir que le rp était aux archives xDDDD

Spoiler: