[Lunar Pod] Rusty 2.0 [Ft. Nuage Ardent] - end

Son mois d'Octobre ne s'était pas déroulé sans ses rebondissements. À peine Novembre s'engageait que Rusty avait déjà survécu à une agression dans les rues, une agression à domicile, puis une agression verbale du Véto-de-fortune qui était venu à son aide. C'était beaucoup d'agressions pour un petit chat domestique qui voulait seulement se faire des amis.

Il faisait de plus en plus frisquet les matins. Il devait se réchauffer d'un long ronron avant de pouvoir se mettre en mouvement - les pattes d'abord, en les étirant, puis il rondissait le dos pour se hisser debout en étirant finalement les vertèbres de sa longue queue d'Abyssin. Il voyait son humain le Père parler de plus en plus souvent au téléphone. Parfois il parlait doucement, parfois il hurlait et l'invectivait - et la scène se juxtaposait au jour où il avait vu la Mère faire la même chose contre lui.

Il n'osait plus dire à Rusty de sortir puisque les fois où il était sorti (et la fois où il était parti) l'avaient un peu refroidi. Rusty le savait - il voyait bien, dans les yeux de son humain, cette déception à son égard. Il n'était plus son parfait chat obéissant marchant dans les pas de feu son chien mais bien un animal chaotique sur lequel il ne pouvait pas se fier. Il regardait la lune toutes les nuits pour compter le nombre de jours qu'il lui restait avant de revoir son ami Trash.

Plus que Deux.

Plus que deux jours et ils se rejoindraient proche d'ici avec le vieux skateboard dans le sous-sol pour leur rendez-vous. Un ronron le prit au ventre et sa queue se mit à onduler d'excitation, et, sans un regard vers le Père, qui coupait de plus en plus son café avec l'eau (?) de la bouteille en verre fumé, Rusty prit le chemin vers la salle-de-bain pour monter sur la toilette, puis le rebord de la fenêtre, qu'il souleva du dos avant de se glisser dans le froid dehors.

Maintenant que son épaule et sa patte arrière avaient guéries, il ne se gêna pas pour ambler comme un soldat tout en étirant son trajet de promenade. Une part de lui espérait secrètement croiser un chat qu'il connaissait en chemin - Trash, peut-être, le nez dans les poubelles d'un voisin, ou Monsieur Sugaar qui sait, qui avait trouvé un abri temporaire dans le coin! Mais il ne trouva personne. Et ses pas l'avaient ramené proche de la clinique du Véto, où il voyait la lisière de la forêt, et ses arbres maintenant dénudés de toutes leurs feuilles, mais particulièrement la frontière marquée par cette haie en buissons où avait surgi [Vautour Fauve] qui lui avait griffé la patte.

Sans s'éloigner du trottoir, Rusty gardait un oeil méfiant vers la forêt avant de rebrousser chemin, redressant hautes ses oreilles à la vue de-- mais qui est-ce que c'était? Il trottina rapidement vers le petit chat qui sentait les arbres de la forêt.

— « Eh!

Il l'appela, se décidant à faire les premiers pas, pour une fois. Et ses sourcils se froncèrent en imitant ce qui lui avait été si souvent imposé:   Tu devrais rentrer chez toi, tu pourrais avoir des ennuis, ici ! »

Ce n'était pas très inflexible, mais c'est que toute la ville ne lui appartenait pas et il n'avait jamais vraiment été très territorial... Mais c'était bien la première fois qu'il accueillait un autre chat sans d'abord commencer par "Bonjour".

La seule expérience de Rusty avec un autre chaton s'était faite à la frontière du Territoire de la Rivière et du Vent, à la clairière. Le chaton avait tellement eu la frousse en le voyant qu'il lui avait pleuré à la face avec une voix tellement aiguë qu'elle lui avait vrillé les oreilles. C'est pourquoi il ne s'attendit pas à autant de répartie de la part d'un autre petit:

— C’est à moi qu’tu parles, crotte sur pattes ? »

Rusty écarta la tête, ses moustaches au rebond, avant de plisser les paupières sur cet air interdit.

— « Je vous demande bien pardon??
— « Tu sais à qui tu t’adresses au moins ? renchérit la petite feuille d'automne et son rien qu'un bout de queue levé, lui rappelant Trash en format miniature. C’est pas plutôt à toi de partir ? Parce que t’es pas au courant qu’ici, bientôt ce s’ra chez moi aussi !

— ... »

Une patte levée depuis son mouvement de recul, Rusty la reposa doucement au sol tout en pliant une oreille vers l'arrière. L'enfant poursuivit:

— « Tu fais peur comme ça à tous les chats qui viennent chez toi ? Nan parce que si oui, t’as besoin d’un bon cours de charisme..

— Tout d'abord, je ne suis pas une crotte sur pattes, je m'appelle  Rus ty,  (il pesa bien les deux syllabes de son nom) je suis un chat d'ici.

Rusty hocha la tête pour se convaincre de la véracité de ses mots, s'appuyant un peu plus sur ses antérieurs pour se donner plus d'assurance.

— Ensuite, mon intention n'était pas de vous faire peur mais de vous aviser. Vous voyez la construction, là-bas, de l'autre côté de ce "Chemin du Tonnerre" ? Il lui désigna la clinique à l'autre bout de la rue d'un coup de nez.

   Un chat comme vous m'a dit que vous appeliez nos Vétos des "coupeurs". Alors si vous ne tenez pas à être "coupée", soyez plus prudente. »

Rusty s'était assuré d'être le plus concis et le plus précis possible, ainsi il évitait de se perdre dans des phrases trop longues ou des états d'âmes qui auraient fait perdre son temps à la petite. Maintenant qu'il l'avait avisé du danger, il jugeait l'affaire close : elle rentrerait sagement chez elle pour faire part de la bonne nouvelle à ses pairs.

— « Ils peuvent toujours courir ! La petite eut un bond sur place, levant son menton pour se donner l'impression que même à sa petite taille, elle regardait tout le monde de haut. Tu connais le chemin du Tonnerre, à ce que je vois. Il se trouve que je suis du Clan du Tonnerre, alors ce chemin est aussi à moi ! »

Rusty voyait ses plans de poursuivre sa promenade s'emiétter devant ses yeux.

— « N-non!
— Si les coupeurs veulent s’en prendre à moi, renchérit la petite, ils devront le traverser et je te prie de croire qu’ils n’en ressortiront pas indemnes !
— « Non-- je retire mes paroles, ce n'est pas le Chemin du Tonnerre c'est une rue!!

Mais la petite n'écoutait plus.

— « Parce qu’on ne s’attaque pas à Nuage Ardent sans en payer les conséquences YAAAA !
— « Nuage-- Et soudain il reculait une patte puisque la petite tenta de lui bondir dessus - et la brusquerie de son geste fit se juxtaposer devant les yeux de ses souvenirs l'éclair fauve du Chat de la Forêt qui l'avait agressé.

Aussitôt ses poils se dressèrent sur son corps et il doubla de volume, ses pupilles se dilatèrent dans ses yeux et sa lucidité bascula pour ne devenir rien d'autre qu'un soldat. Comme en transe, il se campa sur ses pattes, s'écarta d'un pas de chassé tout en raidissant la queue de l'autre côté pour équilibrer son mouvement, le ventre à ras le sol, le souffle court.

— Hh--... hh--... hh--...

Ses pupilles se contractèrent en deux fentes, et il se redressa sur ses pattes, fronçant les sourcils.

— « ...Je... Devait-il s'inquiéter des secondes qui lui manquaient? Il jugea que non, reprenant: ...Je vous retourne le conseil, Nuage! Sa queue fouetta l'air, il était énervé mais il ne voulait pas s'emporter, il lui fallait rester le plus poli possible.

C'est à vous de penser aux conséquences! Réfléchissez, un peu! Un chat sauvage de votre Clan m'a attaqué devant les yeux de mon humain - vous croyez qu'ils vont se laisser faire une deuxième fois??

Il claqua de la langue pour se féliciter de sa volonté mais elle venait d'atteindre la limite du supportable. Après un soupir, après que son poil n'ait retombé un peu, il tenta de trouver un terrain d'entente.

— Comprenez-moi, je veux seulement éviter un accident, vous ne me rendez pas la tâche facile!... »

Le chaton s'était assit sur ses fesses pour se lécher la patte sans même le regarder.

— J’ai bien entendu tes paroles, Rus-ty.

Rusty plissa ses paupières puisqu'il doutait de la véracité de ces mots.

— Voilà je les ai bien entendues, mais j’écoute rien du tout. (Ses oreilles se couchèrent sur sa tête) Je te propose donc un choix fort simple : Soit tu me laisses vadrouiller selon mon bon plaisir, soit je t’arraches les poils de la queue !

Elle ponctua sa menace d'un sourire comme de rien, qui se juxtaposa à celui de la chatte Calico du coin des landes, lorsqu'elle lui expliquait que les patrouilles, s'ils l’attrapaient sur leurs terres, allaient le vider de son sang. Sa queue fendit l'air, il souffla par le nez, et un duel se fit en lui.

Devait-il la laisser faire et risquer de trouver les petits restes du chaton écrasé sur le bord de la chaussée? Devait-il la mener lui-même au Véto pour qu'elle puisse comprendre la hauteur de sa bêtise? Ou devait-il la confronter de front et tenter de la dissuader à nouveau? Mais voilà, elle n'écoutait pas, et il ne pouvait pas click-claquer pour lui faire comprendre ce qu'il voulait. Il redressa une oreille malgré l'autre tordue vers l'arrière, et en silence, il se mit en marche. Il s'avança le pas serré vers la chatonne pour se pencher, l’attraper par la peau du cou et la soulever du trottoir.

— Ch'est non.

Sa queue se raidit, parfaitement horizontale au sol.

— Ch'est trop dangereux, che ne veux pas être reshponshable, toutes mes excujes mais che fous ramène chez fous!

Et pour la deuxième fois de sa vie il traversa le trottoir perpendiculaire à celui menant chez le Véto pour s'avancer vers ces arbres dénudés qui le toisaient de toute leur hauteur. Il se rappelait des bribes de sa première expérience là-bas, les sens embrumés par la peur et la douleur lancinante à l'épaule, il se rappelait des buissons duquel avait surgi le chat qui l'avait attaqué.

Il s'était arrêté devant.

Il inspira pour se donner du pep et franchit la première barrière, allongeant le pas, écartant de l'autre patte les branches des arbrisseaux dans lesquels il s'était enchevêtré la première fois. La forêt lui semblait moins effrayante désormais. La Forêt du Clan Tonnerre.