Faire bonne impression [Ft prio Rusty & Etoile de Suie] - end

« FACISTE!! »

Le chaton se balançait dans sa gueule comme pour tenter de le déséquilibrer mais pas de chance, elle ne devait pas connaître son adversaire. « Relâche-moi, Paysan !! » Rusty monta le tronc d'un chablis couché au sol. Il ne connaissait de la forêt que sa lisière - les arbrisseaux du fourré qui leur servait de frontière entre la ville (là où il s'était fourré-- je veux dire, foulé la patte), puis les hauts arbres de la futaie, tout près. Sa patte tâta la mousse une seconde pour s'assurer d'avoir un appui stable. Il ne s'était jamais aventuré plus loin. Visiblement il devait être sur la bonne voie puisque le chaton qui pendouillait de sa bouche n'en finissait plus de miauler:

« Tu vas le payer ! » L'abyssin ronfla des narines, baissant les yeux sur ses pattes pour redescendre sur un tapis de feuilles mortes, rendues humides par les températures progressivement plus froides. Le chaton continuait: « On va te manger tout cru! » Rusty leva le nez pour s'assurer qu'il n'était pas suivi par un chat qui cherchait à lui tendre une embuscade entre les branches. « On va te foudroyer !! » Son oreille tiqua, il roula des épaules et se remit en marche, scrutant les buissons dénudés. « On va te dévorer !!! » Après un moment elle s'était tue, se résignant au vouloir de son bourreau (?) qui la ramenait contre son gré (??), saine et sauve (???). Rusty put pousser un petit soupir avant de renifler l'air, cherchant une piste qui pourrait le mener vers un chat de ce coin-là qui connaîtrait le chaton pour la ramener chez elle.

Entre les troncs, dans un dégagé non-loin, il en vit un : une chatte toute en masse avec un poil anthracite jalonné de reflets colorés se diriger vers on ne sait où. Lorsqu'elle tourna la tête, Rusty écarta rapidement la sienne, balottant le chaton dans le geste. Il vit sur la chatte des cicatrices profondes sur son museau, dans ses joues et près de son oeil lui rappelant celles qui sillonnaient le dos de Madame Fée et Trash. Retrouvant dans ces blessures quelque chose de familier, il voulut l'appeler de sa position que Nuage dans sa bouche tenta de détourner son attention:

— Mon cher Rus-ty, auriez-vous l’amabilité de poser mon royal derrière au sol je vous prie ? Je ne suis plus fatiguée, je peux marcher maintenant.
— ...

Rusty fronça les sourcil pour baisser les yeux et peser un regard réprobateur sur la menteuse. Il fit le lien : la vue de cette chatte non-loin l'inquiétait pour une raison, et une raison qu'il lui brûlait de comprendre, alors il se mit au trot, l'enfant dans sa bouche, hélant la Clanique.

— Excujez-moi, madame ?

Puisqu'il ne reçut aucun signal d'agressivité de sa part, c'est sans préambule que Rusty se manœuvra entre les branches et les tronc des arbres pour rejoindre la chatte anthracite. Arrivé tout près cependant il dut s'écarter d'un mouvement de recul - les pupilles de cette-dernière s'étaient contractées en fentes et elle ne le lâchait plus du regard. Elle l'accusait.

─ « Lâche-la. »

L'Abyssin s'exécuta en se penchant histoire de reposer le plus doucement possible le chaton au sol. Puis un grondement roula dans la gorge de la chatte, qui firent se lever ses poils sur sa forme déjà massive et Rusty dut se reculer à nouveau, tenant sa patte en suspension, abaissant tout de suite sa queue pour la passer près de ses jarrets comme s'il se préparait à esquiver une quelconque attaque.

Le regard de la chatte s'abaissa sur le chaton aux poils roux à ses pattes. C'était elle qu'elle accusait maintenant.

─ « Explique toi. Maintenant.

Il y eut comme un silence. C'était à Rusty de s'expliquer, non? Il comprenait qu'il était rentré sur le territoire d'un autre et qu'il n'en avait pas le droit, mais lui vinrent alors les paroles d'Espresso dans les oreilles de ses pensées. Les chats de Clan n'aimaient pas les chats de la Ville - ils étaient, pour eux, tous des "Tocards".

Ce souvenir lui fit plisser les paupières, vexé. Il n'était  pas  un tocard.

— « Regarde c'que je ramène Etoile de Suie ! C'est ma prise ! Et il a même été assez stupide pour me porter bien gentiment jusqu'ici, haha !

Rusty haussa ses sourcils sur de la stupeur avant de vite les froncer pour toiser le chaton qui s'était assied, retrouvant sa contenance en se léchant la patte.

— On peut le garder, dis ?Il est peut-être un peu bête, mais il est pas trop faible.
— Arrêtez de dire que je suis stupide, Nuage! »

Il fouetta l'air de sa longue queue avant d'abaisser la tête et de sortir les épaules pour garder l’œil sur la chatte massive, réagissant par mimétisme à la contraction de ses pupilles par la contraction des siennes. Si elle s'avérait être aussi brusque que l'avait été l'éclair Fauve, il ne se ferait pas avoir deux fois.

— « La ville est dangereuse pour vous autres chats sauvages. Je tiens seulement à éviter un accident.

Mais comme Nuage est très têtue...,    il n'acheva pas sa phrase. Comme Nuage est très têtue, il n'avait pas eu le choix de lui-même pénétrer un territoire qui ne voulait pas de lui, afin de la protéger.

Car s'il ne le faisait pas, qui le ferait ?

— « T'es complètement tarée? On t'a rien appris? Tu viens à peine de sortir d'la pouponnière, et tu t'crois tout permis, comme si les règles s'appliquaient pas à toi?

Si une part de lui était ravie que la chatte anthracite ne soit une figure d'autorité assez importante pour faire sa leçon au chaton, il se refroidit à la mention de " tarée ".

— « Madame, enfin, il fit, la voix douce, tentant de se glisser entre la petite et la plus vieille pour éviter qu'un coup de griffe ne parte de travers. --T'imagine quoi , elle ignora son intervention, que j'vais m'faire chier à aller récupérer ton cadavre en ville, quand tu t'fras bouffer par un chat ou frapper par un Monstre?

Rusty recula la tête, sonné par la violence des images qui se dépeignaient devant les yeux de son esprit, mais aussi devant la réalisation que cette chatte s'adressait de tel à un chaton! À une enfant! Certes elle avait besoin de réaliser le danger auquel elle avait échappé de peu mais il y avait d'autres façons de--

— Et quel déshonneur tu nous fais, à t'faire trimbaler comme une infirme par un avorton comme lui sur ton propre territoire! »

Rusty perdit son train de pensée, fronçant les sourcils, foncièrement blessé d'une telle accusation. Il posa sa patte levée dans la terre pour s'appuyer fermement dessus et rondir le dos. Lui, il n'avait pas peur des voitures. Il n'avait pas la fâcheuse manie de sauter dans les bosquets pour attaquer autrui. Lui il savait quand traverser une rue, et il connaissait les mœurs des humains - il n'était certainement pas un avorton! Sa queue s'agita, il voulut bien se défendre mais Nuage s'interposa:

— « Bien sur que t'es stupide !
Rusty se recula, baissa le nez pour dévisager le chaton.
C'est Nuage ARDENT ! T'entends que la moitié des mots qu'on te dit ou t'es juste bête ? AR-DENT ! Tu sais ce que ça veut dire au moins ? »

— « L-les nuages n'ont pas de dents », tenta de contrer l'abyssin en tirant ses lèvres sur une moue malaisée, autant piqué au vif que blessé.

Il commençait à regretter son acte, et une part de lui tentait de lui souffler qu'il aurait été probablement plus distrayant de laisser ce chaton se balader dans la ville sans ne rien faire mais -- mais à quoi est-ce qu'il pensait ???

Étiqueté comme leur ennemi maintenant - comme un Tocard de la ville, Stupide, et Avorton de surcroît, Rusty pivota ses oreilles vers l'arrière et se détourna de la chatte anthracite et du chaton.

— « M-mais... Etoile de Suie.. J-je.. je voulais te ramener un truc de la ville, pour que tu sois fière de moi, que tu saches que j'ai peur de rien et que j'veux tout faire pour que notre Clan soit le plus grand et le plus fort...

On entendit de l'abyssin un crachat, succinct, la voix basse, pour se tenir le plus poli possible car il se rappelait d'avoir sonné de stupeur Espresso (si c'était seulement son nom...) avec ses notes plus aiguës.

— « Eh bien ce "truc", et son dédain pouvait se lire de la façon dont il retroussa ses babines sur ses dents, dents de chat domestique blanches et brossées (presque) tout les soirs par son humain aimant, ce ne sera pas moi.

En se pivotant, il fouetta l'air de sa queue, la tenant parallèle au sol derrière lui, longue, et en biseau au bout.

— ...J'ai fait ce que je devais faire, je rentre.

Ça n'avait eu rien d'agréable, et il ne ressentait aucune gratitude de la part de l'un ou l'autre chat sauvage, aussi il chercha à se consoler en se disant qu'il avait fait la bonne chose. Qu'aider les autres, mêmes étrangers, avait été la bonne chose à faire, car lui se rappelait encore de la chatte Calico du Vent et de Madame Fée du Bourbier, deux chats sauvages qui avaient pourtant accepté de l'aider, dans le passé.