TOUCAN // haine ; famille ; sida

toucan solitaire - 49 lunes - parasite

Toucan n'aime pas le monde, et n'aime pas grand monde. Hédoniste de bas-étage, tyran, et victime. Soumis à ses passions, versant dans l'ultra-violence au moindre refus, replié sur lui-même. Privé de sa liberté, en termes spinozistes. Profondément triste, sans s'en rendre compte. N'a jamais gratté la crasse enserrant son cœur, par crainte de ce qu'il aurait pu découvrir ; il ne se connait pas lui-même. Il ne veut pas se connaitre. Par contre il veut te connaître - du moins ton corps.

Espère vivre à travers Trash, son fils adoptif, et s'en veut de l'avoir trahi, abandonné, sauvé des eaux ; s'est brûlé les ailes auprès d'un premier amour, Étoile du Serpentaire, et partira dans les vapes de son dernier, Nuées d'Alcidés.

Égocentrique // Faux hédoniste // Vrai suicidaire // Fasciné par les oiseaux // Obsédé // Capricieux // Violent // Gris comme un galet // Petit de taille // Yeux noirs // Stérile // Sidaïque

Né dans une maison, au milieu d'une fratrie de trois, il survit à la purge des humains : son frère et sa soeur étaient trop agressifs, ils finirent noyés dans la baignoire. Indolent, lui, n'avait pas besoin de mordre : il avait tout ce qu'il lui fallait, et se mit à penser qu'il était de ce fait le centre du monde. Après le sevrage, il mit les pattes dehors. Un nouveau monde. Des oiseaux. Il se prend à rêver de voler, lui aussi.

En rupture avec ses parents, qu'il considèrent indignes de son intérêt, vautrés dans une existence pré-mâchée, sans même la superbe du deuil de leurs deux enfants morts, il commence à sortir hors de son jardin. Il va chercher le monde. IL va en chercher des femelles, mais reviens toujours sans descendants - est ce que les Bipèdes les noient ? que les femelles les mangent ? qu'ils meurent à la naissance ? (Qu'ils s'envolent ?)

C'est le début de la chute dans le vide. Ses griffes jaillissent, ses crocs luisent, sa bouche s'emplit de haine, il doit combattre le vide, battre le vide, faire souffrir car il le fait souffrir, le rejeter car il le rejette. S'anesthésier. Alors il part. Pour de bon cette fois, sans un regard en arrière. Il passe la barrière. Adieu parents, adieu conquêtes, adieu buissons, adieu catins, adieu combines, adieu nom ridicule. Stérile. Il va renaître. Devenir Toucan. Combler le vide. Choisir la vie.

Ça y est. Il est enfin parti. Toucan a quitté son nid de Bipèdes en prenant son nom. Les cieux de la forêt abrite un nouveau drôle d'oiseau.

Après quelques lunes, Toucan est devenu familier des Clans et de leurs rivalités. Il peut maintenant différencier leurs frontières et leurs odeurs. Tonnerre, Rivière, Vent, Ombre, il les aime tous à sa manière. Surtout l'Ombre, il peut y respirer le fumet recherché du pouvoir, en la personne de son chef unique.

Après une prise de conscience, il compris qu'il était bien seul, et que son idéal de liberté lui pesait. Il déployait ses ailes en pleine tempête. Il tomba sur Éclat d'Obsidienne, une ancienne connaissance et s'ouvrit au mysticisme avec Cœur Fleuri, une guérisseuse bien maternelle - quoique persiffleuse. Il s'est fait battre par Aigue Marine et a ouvert en deux Nuage d'Albatros, devenue par la suite son apprentie spirituelle. Le Clan du Vent devrait prendre peur. Après une joute orale et un concours de séduction avec Fleur Cendrée, il se rappela la Ville, et y croisa Mataï, un minet agaçant.


Enfin, il n'est plus seul. La tête dans les Étoiles et les yeux dans ceux de Trash, son désormais fils adoptif, il se prend à rêver d'un Cercle, une horde dont il serait l'empereur.

Le reste est encore à écrire, Toucan échafaude des plans sur la comète en regardant les cieux.

Toucan était croyant depuis peu - mystique diront certains - mais il n'était pas si pressé que ça de découvrir l'enfer. À croire que les Étoiles n'avaient pas le cœur tendre envers le petit Solitaire pendant ce long hiver. Amaigri, rejeté des territoires claniques, tremblant de fièvre contre son fidèle Trash et forcé de bouffer des insectes pour ne pas crever, une belle vie de raclure.

Heureusement, comme la primevère frêle, sa petite tête pointa au dessus de la blancheur du paysage à mesure que la neige fondait - tout comme fondaient les barrières mentales de la jeune Nuage d'Albatros, l'albinos dévouée à son mentor subversif. Toucan la trouvait toujours laide à pâlir, mais avoir un peu de soutien dans la forêt des racistes, cela est doux.

Enfin, certains chats ne semblent pas si opposés à l'intégration des non-Claniques dans leurs rangs... En effet, Étoile du Serpentaire a donné rendez-vous au jeune galet, rendez-vous dont l'issue pourrait bien changer la vie du Solitaire...

Après une parade nuptiale digne des couleurs qu'il n'a pas, Toucan intègre l'Ombre, et le harem de son chef - Étoile du Serpentaire. Il a laissé son fils derrière, il a laissé son rêve de Cercle derrière, il a laissé sa liberté derrière ; tout ça pour la chaleur d'un soleil qui lui brûle un peu trop la peau, et la haine crasse de tout un Clan.

L’Assemblée, oui, ça avait été drôle - l'acmé de la xénophobie, et, pour Nuage d'Albatros, l'occasion de pâlir encore plus quand elle l'avait vu. Il avait noué de rapides amitiés, avec Fierté du Cerf, mais elles moururent dès la fin de la nuit, quand il retourna dans son sérail, sa prison. Délaissé, haï, il envoyait bouler les fils de son amant, et le reste de ses nouveaux compagnons par la même ; quand l'Étoile s’éteignit, et que le Maudit lui demanda s'il voulait rester, son choix fut vite fait. Il se débarrassa de son suffixe et retrouva les grands espaces.

Le retour au bercail se fit dans les larmes et le sang ; celui que Trash fit couler quand il le vit arriver, et le sien, qui commençait à s'échapper de son corps par intervalles de plus en plus rapprochés, en de longs filaments visqueux. Il crachait sa maladie, une chose étrange, qu'il ne comprenait pas bien, mais qui l'affaiblissait de jour en jour. Les soins de son fils, la gueule chargée de toile d'araignée et de bons sentiments, n'y firent rien, pas plus que ceux des humains de Rusty, le chat de la Ville à qui il avait dévoilé le fond de sa pensée. Il ne voyait plus Albatros que dans des reflets, comme celui de sa sœur, ou dans les traits du visage d'Alcidés ; à la limite de sa vision, comme un image en réminiscence.

Il se savait mourant, et accueillait à présent cela avec une joie malsaine, fatiguée ; il en avait assez.

On meurt tous un jour, et ce jour est venu pour Toucan. Lassé de tout, exténué, le cœur aux bords des lèvres et la maladie dans le sang, le voilà qui déambulait pour la dernière fois entre les arbres de la forêt qui ne l'avait pas vu naitre, mais le verrait s'éteindre.

Après avoir laissé Alcidés dans le Vieux Moulin, témoin de leurs ébats, il tomba sur sa jumelle, et sut qu'il ne survivrait pas à cette rencontre. Philanthrope à ses heures perdues, et hédoniste dans l'âme, il décida de partir en lui offrant ce qu'elle avait toujours voulu : son corps, à défaut de son cœur ; ceci ne suffit pas à la demoiselle toute de blanc vêtue, qui décida, une fois le dernier souffle vidé des poumons de Toucan, de lui manger le coeur, et d'appeler son fils à naître, dont le père était Trash, Petit Cœur. Le lycoris rouge du sang de son amant et les couleurs de l'oiseau exotique trouvèrent leur place dans les noms de la fratrie, et trois petits furent lâchés dans le Vent, porteur en eux d'un sang trouble, et enveloppé de l'amour d'une mère instable.

Mais tout ça, Toucan ne le sut jamais, car plus jamais il ne parla, une fois que la vie le quitta.