ils s'en allaient chasser |LP| -end

Douce Orchidée restait là, assise, la queue enroulée autour des pattes et défigurant l'entrée du camp de la rivière. Elle attendait toujours le retour de la patrouille qui était parti inspecter les frontières du clan du tonnerre, et pour retrouver la moindre trace des chatons kidnappés. Sauf qu'en attendant, elle n'aidait pas vraiment son clan. Au bout de quelques nouvelles minutes, elle finit par perdre patience. Attendre toute la matinée, assise à ne rien faire, en espérant recueillir de nouvelles informations, c'était certes important, mais pour la lieutenante, la tache était trop dure. Elle avait trop la gigote. Alors, la féline touffue s'ébroua avant de se relever. Elle pivota sur elle même pour faire le tour du camp de l’œil, histoire de vérifier que tout le monde allait bien, puis se dirigea vers la pile de gibier. Maigre, trop maigre cette pile de gibier. En cette saison, il était difficilement d'avoir une corne d'abondance dans le camp, mais il était possible de subvenir aux besoins simplement. Ce qui là, n'était pas le cas. Heureusement, elle n'avait pas très faim et de toute façon, préférait se sacrifier pour son clan. Elle décida donc, qu'il était l'heure d'agir.

Elle se dirigea vers la tanière des guerriers en espérant y trouver un coéquipier ou même une coéquipière, mais personne. Elle se doutait que plusieurs guerriers étaient partis à cette fameuse patrouille, et qu'il ne devait rester plus grand monde dans le camp. Certaines guerrières préféraient rester auprès des tristes reines, alors, le choix se rétrécissait toujours un peu plus. Quand soudain, elle repéra quelqu'un. Un chat roux aux yeux verts. Brasier Glacial ! Ce n'était pas le plus bavard du clan, mais un bon chasseur. Elle finit par trottiner vers lui, tout en esquissant un léger sourire.

« Bonjour, Brasier Glacial. Étant donné que les autres guerriers sont partis en patrouille vers la frontière du clan du tonnerre, toi et moi allons chasser pour remplir la pile de gibier. »

Elle hocha la tête comme pour lui dire qu'il était temps de partir, sans attendre sa réponse. Elle avait surtout hâte de faire autre chose que de rester au camp, et d'attendre les nouvelles.

Je m'étais réveillé un peu tard ce matin, bien plus que d'habitude. Comme je n'ai pas d'apprenti sous ma garde, j'ai tendance à me lever tôt pour pouvoir chasser deux fois dans la journée - une fois tôt le matin, puis j'y retourne plus tard dans la journée. Je pense par ailleurs que le chef et son lieutenant l'ont bien remarqué, car je suis assez rarement envoyé en patrouille pour surveiller le territoire. Tant mieux, je suis bien plus utile à la chasse ! Eh bien d'ailleurs, en parlant de lieutenant, la voilà, avec son épaisse fourrure blanche caractéristique. Douce Orchidée s'approcha de la tanière des guerriers et me lança :

" Bonjour, Brasier Glacial. Étant donné que les autres guerriers sont partis en patrouille vers la frontière du clan du tonnerre, toi et moi allons chasser pour remplir la pile de gibier."

Ah oui, c'est vrai qu'avec les recherches, le camp devait être assez vide ce matin... On me demande rarement de venir chasser avec quelqu'un, comme mon caractère refroidit la plupart des guerriers. Je me demande comment je ferai quand j'aurai un apprenti... si j'en ai un un jour. Elle souriait légèrement, mais sa phrase fut suivie d'un léger hochement de tête : on y allait maintenant, tout de suite ! Elle semblait presque trépigner d'impatience. Je pris quand même le temps de m'étirer rapidement avant de me lever, puis je la rejoins à la hâte, et lui miaulai de mon ton neutre habituel :

"Bonjour, Douce Orchidée. Je suis prêt, allons-y."

Nous nous dirigeâmes vers la sortie du camp, puis commençâmes à marcher dans la forêt. Je la suivis, lui laissant choisir le terrain de chasse. Le terrain m'importait peu, je connaissais bien le territoire à force d'y chasser autant. Le lieutenant nous mena à la rivière. Je me demandai si c'était un bon choix, avec les combats récents contre le Tonnerre, mais sachant qu'une patrouille de notre Clan était non loin, je me dis qu'il n'y aurait finalement pas trop de risques aujourd'hui. De plus, elle n'avait pas encore gelé en ce début de saison des glaces : on pourrait encore y pêcher.

N'ayant pas vu qu'il s'était étiré, la lieutenante l'attendait déjà un peu plus loin. Elle avait beaucoup trop hâte de sortir, telle une chatonne qui venait de passer apprentie, attendant de visiter le territoire pour la première fois. Le guerrier roux arriva jusqu'à elle en lui lançant ;

« Bonjour, Douce Orchidée. Je suis prêt, allons-y. »

Ainsi, les deux guerriers se dirigèrent vers la sortie. La lieutenante décida d'aller chasser vers la rivière, même si c'était non loin de la frontière entre elle et ces ingrats. Pour tout avouer, douce orchidée voulait elle aussi, voir s'il était possible de retrouver quelque chose, une piste ou un indice. Elle n'arrivait pas à se défaire de ces images qui tournaient en boucle dans sa tête. Elle voulait les retrouver par elle-même. Du coup, la rivière était le lieu idéal, tout en chassant pour nourrir le clan, et il fallait en profiter ! La saison froide était bel et bien là, et la rivière allait surement finir par geler, il sera donc plus difficile de pêcher le poisson. Sur le chemin, la lieutenante avait envie d'entamer la discussion. Sachant que le guerrier roux ne parlait pas beaucoup, il fallait faire quelque chose, car elle avait horreur du silence ou du malaise. Comme elle n'avait qu'un seul sujet en tête, elle ne pouvait que le questionner dessus. Histoire de recueillir ce qu'il en pensait.

« Dis-moi, que penses-tu des récents .. événements ? » mais tout de suite, elle enchaîna de peur qu'il ne veuille pas participer à la conversation et qu'un froid s'installe. «  Bien sûr tu n'es pas obligé de répondre. »

Elle ne connaissait rien de lui, et durant la bataille elle ne l'avait pas vu non plus, trop occupée à se battre contre ces trois chats de la lune, qui lui en avait bien fait baver d'ailleurs. Elle attendait la réponse jusqu'à ce qu'elle sentit quelque chose approcher, une odeur pas forcément sympa. Un blaireau ?! Juste devant nous, un blaireau venait de débarquer. Fonçant vers nous. Elle se tourna vers son coéquipier, ils n'allaient pas faire le poids à deux face à un blaireau, impossible. Le guerrier était plus agile à la chasse qu'au combat, c'était totalement perdu d'avance, et à part se faire blesser, c'était cuit. Douce Orchidée fit volte face tout en hurlant ;

« ON COURS JUSQU’À LA RIVIÈRE ! »

| Un vrai plaisir |

Nous nous dirigions tranquillement vers la rivière, en silence. Ce silence me convenait parfaitement, à moi, mais je savais que ce n'était pas le cas de tout le monde, et sans doute pas le cas de Douce Orchidée, qui marchait à côté de moi. De plus, après le combat, les enlèvements... la violence qui avait secoué le Clan, il y avait un sujet de discussion évident, plus évident encore pour un chef... ou un lieutenant. Connaître l'avis du Clan doit être important si l'on veut le diriger convenablement, pensai-je. Et alors que nous marchions vers la rivière, Douce Orchidée me demanda, comme un écho à mes pensées :

"Dis-moi, que penses-tu des récents... événements ?" Puis, sachant sans doute que je n'étais pas du genre à beaucoup parler, elle ajouta : "Bien sûr tu n'es pas obligé de répondre."

Je sentais que je pouvais partager mes pensées sur ce sujet librement avec le lieutenant du Clan ; je préparai ma réponse dans mes pensées, et je m'apprêtai à la prononcer quand... en ouvrant ma mâchoire pour parler, je sentis une odeur peu commune. Je ne la connaissais pas, mais j'en vis la source bien assez tôt, et je m'arrêtai net. Douce Orchidée en fit de même pendant un instant. Cette créature... je n'en avais jamais vu moi-même, mais on m'en avait sans doute parlé en entraînement. Était-ce... un blaireau ?! Quoi qu'il en soit, la bête semblait bien trop grosse et dangereuse pour qu'on la combatte à deux ! Douce Orchidée semblait être du même avis que moi, puisqu'elle se retourna tout à coup et hurla :

"ON COURT JUSQU’À LA RIVIÈRE !"

Je n'avais pas le temps de réfléchir plus que ça, et si on se séparait, c'était cuit. Je me mis donc à courir aussi vite que possible en direction de la rivière, courant côte à côte avec Douce Orchidée - il ne FAUT PAS se séparer, je répète ! - et nous nous enfuîmes vers la rivière, avec le blaireau à nos trousses. Pendant notre course, je réfléchis à toute allure. Comment se débarrasser de ce prédateur ? Sommes-nous assez rapides ? Je jetai un rapide coup d'oeil vers l'arrière. On avait un peu d'avance, mais le blaireau était bien là. Rentrer au camp n'était donc pas une option. Peut-être qu'on pouvait essayer...

"Il est plus lourd, il aura plus de mal à s'arrêter que nous ! On peut essayer de l'envoyer dans la rivière !" lui criai-je. Je ne voyais pas d'autre possibilité pour nous sortir de cette situation d'urgence. Je continuai à courir de plus belle aux côtés de mon lieutenant.

La lieutenante courait aussi vite que possible. Elle n'était pas bien rapide, il fallait bien avouer qu'elle, à la différence de son collège, était bien plus douée au combat qu'à la course. Du coup, elle s'essoufflait vite, alors heureusement qu'ils allaient juste à la rivière, sinon, elle se serait faite avoir par le blaireau faute de ne pas avoir couru assez vite. Ces pensées défilaient dans sa tête tout en espérant trouver une solution le plus vite possible. Le combat devait déjà se faire oublier, il fallait trouver quelque chose d'astucieux, sans avoir à y laisser les poils. C'est à cet instant, que le guerrier roux intervint.

« Il est plus lourd, il aura plus de mal à s'arrêter que nous ! On peut essayer de l'envoyer dans la rivière »

Mais bien sûr ! Pourquoi la lieutenante n'y avait-elle pas pensé plus tôt ? Elle était surement trop paniquée pour réfléchir à quoi que ce soit. Elle n'avait pas vu beaucoup de blaireau dans sa vie, mais elle savait très bien que ce n'était pas un animal très tendre. C'était tout simplement un animal dangereux, prêt à vous tuer d'un coup de griffes. Les deux guerriers côte à côte ne cessaient de courir, jusqu'à enfin arriver à la rivière. Maintenant, ils pouvaient passer à l'action. Douce orchidée ralentit, pour essayer de mieux visualiser à quelle distance se tenait son adversaire. Il était à quelques longueurs de queue, la lieutenante en profita, elle s'arrêta jusqu'à ce que le blaireau se rapproche un peu plus d'elle, puis quand il fut à bonne distance, elle recourut vers la rivière suivit de son coéquipier. Les deux chats freinèrent juste à temps pour ne pas tomber dans la rivière, malheureusement le blaireau fit de même.

«  et merde ! » Cria-t-elle sous le coup de la colère. De nouveau, il fila droit vers les deux guerriers. Prise de cours, la lieutenante finit par virer à droite, courant aussi vite qu'elle le pouvait, sans savoir si Brasier Glacial la suivait.

Je n'obtins pas de réponse de la part de Douce Orchidée, mais nous continuâmes de courir vers la rivière : elle devait sans doute vouloir suivre mon idée et tenter de précipiter le blaireau dans le cours d'eau. Je la vis ralentir afin de bien prendre en tête l'emplacement du blaireau et sa trajectoire ; je ralentis avec elle, puis peu après je repris ma course jusqu'à atteindre le bord de la rivière, m'arrêtant à moins d'une longueur de queue de celle-ci. Je vis le blaireau courir vers nous à pleine vitesse, mais il dut comprendre notre intention, car il freina sa course lui aussi... et parvint à s'arrêter avant de tomber dans l'eau. Nous avions échoué cette fois-ci. Que faire alors ?!

"Et merde !" cria Douce Orchidée, manifestement en colère. Il y avait de quoi : il fallait absolument se débarrasser de ce blaireau ! Il nous fonça de nouveau dessus : nous n'avions pas le temps de réfléchir, Douce Orchidée plongea vers la droite avant de reprendre sa course. Un instant après je ne pouvais plus la suivre, le blaireau serait trop proche de ma trajectoire, je ne pouvais pas prendre un tel risque. J'attendis donc un instant de plus, pour m'assurer que le blaireau me suivrait, moi. Je me devais de faire ça : je préférais risquer ma vie plutôt que celle du lieutenant, et Douce Orchidée n'était pas vraiment une coureuse. J'avais de meilleures chances de m'en sortir face au blaireau qu'elle. J'attendis d'être sûr que la bête ait choisi de me suivre avant de me retourner et de repartir de là où je venais.

Je courus le plus vite possible à travers la forêt, essayant tant bien que mal de semer le blaireau. Pour l'instant, j'étais plus rapide que lui et gagnais quelques longueurs d'avance, mais ça ne durerait pas : je finirais par m'essoufler, et sans doute avant lui. Il me fallait un plan, et vite. Pas de Douce Orchidée en vue : j'étais seul sur ce coup-là, apparemment. Je décidai de retenter ma chance à un autre point de la rivière. Je manœuvrai donc à travers la forêt de manière à accomplir un demi-tour complet et à retourner vers la rivière, à un point plus en aval. Mais la fatigue commençait à se faire sentir, mes pattes sont plus lourdes et je perds de mon avance. Vite, vite... Une derrière ligne droite vers la rivière... Esquiver les racines des arbres, les branches, les pierres... J'aurais juré pouvoir sentir le souffle du blaireau sur ma queue. Je ne savais pas si j'allais m'en sortir vivant...

Elle courait, encore et encore, mais à force elle commençait à fatiguer. Elle ralentit le pas, et elle fut surprise de l’odeur qui l’entourait. Celle de la nature, mais celle du blaireau quant à elle, s’était légèrement estompée. Le blaireau ne les suivit plus ! Ils les avaient semés ! La guerrière ne s’était pas non plus rendu compte que son coéquipier ne fût plus à ses côtés, également. Elle lança dans le vide, trop heureuse « Nous l’avons semé, Bra.. » Elle se tut, avant de se tourner. Rien. Elle ne sentait plus sa présence. Il n’était plus avec elle. Sur le coup, elle paniqua, que lui était-il arrivé ?! ne l’avait-il pas suivi ?! Elle se mit à courir dans le but de revenir sur ses pas, tout en hurlant. « Brasier Glacial !? » Elle devina alors qu’il avait dû partir par l’autre côté, et donc le blaireau avait dû surement le suivre. Et si le blaireau.. Non ! Elle écartait toute possibilité, Brasier Glacial était bien trop rapide pour le blaireau, mais toute qualité à son défaut, le guerrier n’était en contrepartie, mauvais au combat. Si le blaireau le chopait par surprise, s’en était fini. Douce Orchidée devant agir. Elle courut, aussi vite que possible, retrouver la trace du guerrier roux..

Arrivée près de la rivière, l’odeur était déjà plus forte. Le blaireau n’était plus très loin. Elle continua de suivre sa trace, le souffle coupé par la course et le cœur qui battait la chamade. Tout en courant, elle continuait d’appeler son nom, jusqu’à enfin apercevoir une silhouette noir et blanche. Le blaireau, ça y est ! Et visiblement, elle arrivait au bon moment. Le blaireau se rapprochait dangereusement du guerrier roux, qui n’allait plus tenir très longtemps sa course. Douce Orchidée se tapit dans l’ombre, tout en les suivant de près en essayant de ne pas se faire remarquer par l’animal. Elle se prépara à sauter, prit de l’élan et bondit aussi loin qu’elle pouvait avant d’atterrir sur l’animal. Elle se dégagea aussi vite que possible, le but n’étant pas de l’attaquer mais d’arrêter son attention vers elle. Elle était contente de revoir le guerrier roux, soulagée qu’il ne lui soit rien arrivé, elle lui esquissa un dernier sourire avant de se reconcentrer sur l’animal qui commençait à partir vers la guerrière blanche.

« Je vais l’emmener vers la rivière, je m’y jetterai dedans et quand il sera près du bord, pousse le aussi fort que tu peux. Je serais encore plus rapide que lui dans l’eau et je n’aurais qu’à me hisser sur la berge pour le semer.»

Le blaireau se remit à courir vers elle, et donc elle n’attendit pas la réponse de brasier et filait déjà à travers les feuillages en direction de la rivière. Sur la terre, elle manquait de vitesse, mais dans l’eau comme tous les chats de la rivière, elle était bien plus rapide. Il fallait juste qu’elle remonte sur la berge au bon moment, pour ne pas se faire emporter par le courant trop vite. Arrivée à la rivière, elle ralentit de nouveau le pas. Elle ne faisait plus attention où était le guerrier roux, mais elle espérait qu’il n’était pas loin pour pouvoir pousser le blaireau dans l’eau. Le blaireau était presque à toucher sa queue, elle plongea dans l’eau glacée de la rivière, le blaireau la suivait toujours du regard, elle se déplaça pour que celui-ci tomba pas sur elle lors de la chute. Attendant que brasier le pousse.

En tournant la tête, je vis qu'il me restait un peu d'avance sur le blaireau, mais je n'avais pas intérêt à traîner ! La fatigue commençait à se faire sentir... Courage, la rivière n'est plus bien loin ! me dis-je. Je savais que, seul, ce serait ma dernière chance, à moins que la bête qui me courait après s'épuise, elle aussi. Mais je ne pouvais pas compter là-dessus. Je continuai donc ma course tant bien que mal, quand j'entendis tout à coup un bruit lourd derrière moi. Je regardai à nouveau vers l'arrière, et je vis une silhouette blanche me rejoignant à toute vitesse, tandis que le blaireau se remettait sur ses pattes, visiblement déstabilisé. Douce Orchidée ! Elle avait dû retrouver ma trace, et sauter sur le blaireau ou quelque chose comme ça, pour le faire tomber sur le côté. Je ne pouvais pas être plus heureux de la voir s'approcher ! Mais il ne fallait pas se déconcentrer, nous avions encore un sacré problème sur les pattes. De nouveau réunis, on devrait être capable de trouver une meilleure solution. C'est d'ailleurs ce qu'elle semblait avoir en tête, car pendant que je reprenais mon souffle (profitant de la chute de la bête), elle proposa son idée avec un léger sourire :

"Je vais l’emmener vers la rivière, je m’y jetterai dedans et quand il sera près du bord, pousse le aussi fort que tu peux. Je serai encore plus rapide que lui dans l’eau et je n’aurais qu’à me hisser sur la berge pour le semer."

Comme je n'avais pas d'autre plan à proposer - et que je n'avais pas vraiment le temps de toute façon, car le blaireau avait fini par se relever - je hochai la tête rapidement et courus à l'ombre d'un buisson, me tenant prêt à exécuter ma partie du plan. J'observai le blaireau reprendre sa course en direction du lieutenant, qui était déjà repartie. Pourvu qu'elle réussisse ! Une fois que j'étais sûr que le blaireau ne me suivait plus moi, je partis à sa trousse, conservant une certaine distance entre lui et moi. De toute façon, je n'étais plus en mesure de le rattraper - j'utilisais là mes dernières forces pour accomplir mon devoir, et ma vitesse était assez réduite. J'aperçus la rivière peu après, et entendis un fort bruit d'éclaboussement. Douce Orchidée s'est jetée à l'eau ! A moi de jouer ! Le blaireau était sans doute en colère, mais pas fou : il s'arrêta juste avant le cours d'eau, comme la dernière fois. Mais il ne s'en sortirait pas aussi facilement cette fois-ci ! J'arrivais dans son dos aussi vite que je le pouvais, et je lui rentrai dedans à toute vitesse. Je m'arrêtai net ; le blaireau, lui, bascula dans la rivière.

Je le vis se débattre contre le courant, mais pris par surprise, il dérivait peu à peu, emporté en aval par le courant. Je regardai en aval et aperçut Douce Orchidée en train de se hisser sur la berge du mieux qu'elle put. Je la rejoignis aussi vite que possible, en boitant un peu, et l'aidai à remonter au sec, tandis que le blaireau dépassa notre position, emporté plus bas par les flots. Nous étions sauvés pour cette fois ! Une fois le blaireau hors de notre vue, je demandai à mon lieutenant :

"Tout va bien ? Rien de cassé ?..."

Je posai ma question sans inquiétude dans ma voix, comme si de rien n'était, mais ce n'était pas le cas. J'étais un peu inquiet, et j'espérais qu'elle ne s'était pas blessée en sautant dans l'eau ou pendant sa course. Mais comme d'habitude je ne le montrais pas. Tous les deux à bout de souffle après cette course folle, nous essayions de récupérer des forces pour pouvoir, sans doute, rentrer au camp. La chasse attendrait.

Ça y est, Brasier Glacial venait de pousser l'animal bicolore dans l'eau. Il se débattait dans l'eau, surement furieux de la situation. Au moins, le blaireau était maintenant facile à semer. Douce Orchidée se dépêcha de rejoindre la berge, tantôt aider par le guerrier roux qui l'avait rejoint en boitant. Ils étaient enfin en sécurité, mais jusqu'à quand ? Il ne fallait pas traîner dans le coin.

« Tout va bien ? Rien de cassé ?... » lui demanda le guerrier, sans laisser paraître le moindre sentiment de joie à l'idée d'avoir enfin échappé au blaireau, ce qui interpella la lieutenante. Elle ne demandait certes pas une couronne de fleur ou des haut les cœurs, mais ils venaient surement d'échapper à la mort, et Douce Orchidée en était très heureuse, mais il ne semblait pas que le guerrier le soit autant qu'elle. Elle haussa les épaules comme pour parfaire ses pensées. Elle attendit néanmoins de retrouver son souffle, elle n'avait pas autant l'habitude de courir, et ça lui avait fait tout drôle de plonger dans la rivière gelée. D'ailleurs, avec ses poils complètement trempés, elle ne devait plus ressembler à grand chose. Essayer de redevenir présentable, elle secoua ses poils pour essayer d'enlever le maximum d'eau, ce qui ne lui réussissa pas vraiment. Quelques gouttes perlaient de ses moustaches, quelle situation ! Rien n'aura été durant cette partie de chasse, et au final, ils n'allaient rien ramener. De toute façon, la lieutenante avait eu son lot de surprise pour la journée, et n'avait plus assez de force pour pêcher le moindre poisson.

« ça va, j'aurais mieux aimé ne pas finir trempée.  » Elle aurait voulu laisser échapper un petit rire, mais elle s'imaginait déjà le malaise qu'il y aurait eu entre elle et le guerrier. «  Et toi ? Rien de cassé ? … On ferait mieux de rentrer, ça ne servirait à rien de gaspiller nos dernières forces, nous irons chasser un autre jour. »

Elle avait bien raison, gaspiller leurs dernières forces ne servirait à rien. Autant les garder pour aider le clan au camp. Elle continua de se lécher, toujours pour remettre sa fourrure en bataille en place, attendant la réponse du guerrier.