Dernière patrouille | LP | - end

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"Erreur petit. Ça plaît à tout le monde. Car tout le monde préfère rire que pleurnicher ou se taire. Et moi, ça ne me dérange pas qu'on se moque de moi. Mais plus le temps passe, plus je réalise à quel point se raréfient ceux qui savent dire "oui" à la générosité. De nos jours, on préfère se réserver tout entier pour une poignée de personnes. Et on se trompe. Je l'ai déjà compris, il y a longtemps. " Évidemment que Matin Embrasé avait de quoi me répondre. Mais bien qu'il essaie de jouer la carte de l'oncle plus vieux et plus expérimenté, je n'étais pas d'accord. Ne voit-il donc pas à quel point son attitude repousse certains ? Quant au rire, il devrait savoir qu'à différents chats convenaient différents types d'humour... Et puis, je ne comprenais pas non plus le rapport entre se moquer des autres et la générosité. Franchement, on aurait presque dit un ancien qui marmonne dans son coin. Mais ce n'était pas le cas : qu'est-ce qui pouvait le pousser à parler ainsi ? Je l'ai déjà compris, il y a longtemps avait-il dit. Alors.. s'était-il passé quelque chose qui le pousse à agir comme ça ? Qu'est-ce que tu caches, Matin Embrasé ? Je gardai mes remarques pour moi : c'est pas comme si j'allais le faire changer d'avis.

"Tu n'es pas un adulte, Matin Embrasé. Tu te comportes comme un chaton qui veut attirer l'attention. Tu parles trop pour un chaton." C'était Douce Orchidée, devant nous, qui venait de parler. Avait-elle entendu le dernier morceau de notre conversation ? Parce qu'au contraire, je trouvais que Matin Embrasé parlait comme un ancien. Pas par sa sagesse, mais par le manque apparent de sens de ce que je venais d'entendre. Comment faire quand ni mon oncle, ni le lieutenant ne veulent entendre et comprendre ce que l'autre a à dire ? Je ne pouvais pas vraiment prendre position avec l'un ou l'autre dans le conflit. Heureusement ils ne dirent rien de plus jusqu'à ce qu'on arrive à la rivière, point de frontière avec le Clan du Tonnerre. Je profitai un peu du silence qui s'était installé. Certains percevraient peut-être ce silence comme inconfortable ; pour moi, c'était le moment le plus agréable de cette patrouille jusqu'à maintenant. Voilà peut-être pourquoi je ne m'entendais pas trop avec l'autre rouquin : il ne semblait pas savoir profiter du silence. C'était le cas de beaucoup de félins du Clan, toujours à chercher du monde à qui parler, le plus souvent de choses peu importantes. Je ne pouvais pas leur reprocher, mais je trouvais que le silence permettait une clarté d'esprit qu'on ne pouvait pas atteindre autrement. Une fois arrivés à la rivière, Douce Orchidée se tourna vers Matin Embrasé :

"Matin Embrasé, si tu es vraiment un adulte, je te propose de gérer toi-même le marquage du territoire. Après tu nous rejoins, on sera en train de vérifier s'il n'y a aucun intrus."

"Mon incroyable odeur ne risque-t-elle pas trop de plaire aux étrangères ?" répondit-il aussitôt. Ne savait-il donc pas s'arrêter ? Mais malgré sa réponse un peu provocante, il s'éloigna peu à peu en longeant la frontière, obéissant à l'ordre du lieutenant. Quant à moi, je suivis Douce Orchidée pour aller vérifier que les frontières n'avaient pas été franchies. Je savais que Douce Orchidée avait donné cet ordre uniquement pour mettre Matin Embrasé à l'écart ; ce faisant, elle se retrouvait seule à seule avec moi et mon caractère bien plus calme et réfléchi... En apparence en tout cas, me dis-je. Je n'oubliais toujours pas le ton que mon oncle avait employé peu avant, ce ton et ces paroles qui le faisaient sembler vieux. Peut-être qu'après tout, il y avait une raison, une origine à son attitude si désinvolte, si irrévérencieuse. Quant à Douce Orchidée, je n'avais rien à lui dire ; ce serait sans doute elle qui parlerait la première. Je me préparai à répondre à toute remarque sur Matin Embrasé, attendant qu'elle brise ce silence que j'aimais tant.

En laissant Matin Embrasé s'occuper du marquage de la frontière, elle était sûre qu'il allait lui foutre la paix, ne serait-ce que quelques minutes. Mais ces petites minutes allaient s'avérer très précieuses, elle se sentait vidée de ses forces et de son énergie. Son envie de faire la gentille lieutenante aimante s'était dissipée en quelques instants, par la faute du rouquin. Mais même si Douce Orchidée allait enfin pouvoir être tranquille, il n'hésita pas à intervenir une dernière fois avant de partir faire son travail.

« Mon incroyable odeur ne risque-t-elle pas trop de plaire aux étrangères ? »

Je m'en balance de ton odeur. Se retint-elle de répliquer. Cela ne servait à rien, elle le savait bien. Elle le voyant s'éloigner, elle se sentait déjà bien plus libre, plus détendue, comme si sa présence faisait qu'elle se sentait enchaînée, tout en subissant. Bientôt, il ne restait que la lieutenante accompagnée de Brasier Glacial pour vérifier que personne ne rodait dans le coin. D'habitude, elle aurait tout fait pour trouver un sujet de conversation. Tout fait pour éviter de subir ce silence qu'elle détetestait tant, et pourtant, rien ne venait. Elle ne savait pas quoi dire, et au fond elle n'avait même pas envie de converser. Même si elle avait beau apprécier Brasier Glacial, elle se sentait trop blessée dans sa fierté pour dire quoi que ce soit. Lui qui n'avait pas réagi depuis le début, pourquoi était-ce à elle de faire le premier pas ? A chaque fois, depuis qu'ils s'étaient connus, c'était toujours elle qui engageait la conversation. Non pas que ça la dérangeait au début, mais là, s'en devenait presque vexa nt pour elle. Il n'était pas du tout le plus bavard, elle en avait conscience, mais c'est comme si elle le forçait à parler. Ce qui commençait à lui déplaire, jamais elle ne voudrait forcer quiconque à parler, juste par-ce que madame ne pouvait supporter le silence. Du coup, elle s'efforça de ne rien dire, c'était difficile pour elle qui passait pour la pipelette avec les autres. Ainsi, elle marcha, la queue basse, vérifiant simplement les odeurs alentour. Il n'y avait rien. Aucun intrus heureusement, sinon elle aurait vraiment plaint celui qui se serait tenu sur son chemin. Au moins, elle aurait pu se défouler un peu.

« Rien. On retrouve l'autre rouquin et on rentre. »

Sans attendre l'avis de son camarade, elle pivota pour repartir en sens inverse. Le silence était pesant, on pouvait entendre le bruit des pas sur le sol ainsi que le vent glacé qui s'agitait.

Bande d'ingrats:

Spoiler:

Je gardai le silence pendant que Douce Orchidée et moi inspections le territoire. Pas un mot de ma part. Pas plus de traces d'intrusion, d'ailleurs. Le lieutenant ne disait rien non plus. Elle devait être assez énervée par le comportement de Matin Embrasé, mais je n'étais pas sur le point de lui dire qu'elle avait raison de le réprimander à ce point. Leurs caractères n'allaient pas bien ensemble, mais ils se comportaient vraiment comme des chatons l'un envers l'autre. Ils avaient bien mérité mon silence. Ça les embêterait sans doute encore plus, mais tant pis pour eux ! Après avoir bien inspecté les lieux, Douce Orchidée miaula tout simplement : "Rien. On retrouve l'autre rouquin et on rentre." Bien d'accord. Cette patrouille - composée d'un guerrier et deux chatons, me semblait-il - avait duré bien assez longtemps. Elle fit demi-tour et je la suivis en silence, écoutant le vent souffler dans les feuilles des arbres, dans les buissons. Écoutant le léger crissement de nos pas sur le sol gelé.

On retrouva Matin Embrasé, et notre petit groupe se remit en route vers le camp, silencieusement comme toujours. Je jetai un coup d'oeil à mon oncle : son visage fermé, son attitude était différente que celle qu'il arborait si fièrement à l'accoutumée. Les paroles de Douce Orchidée l'avaient-elles réellement atteint ? Il semblait pourtant si indomptable d'habitude... Je pouvais comprendre l'attitude de Douce Orchidée, que j'apprenais à connaître peu à peu, mais je n'aurais jamais pensé voir ça de mon oncle. Il avait la tête basse, regardant vers le sol, mais surtout regardant le vide. Il ne regardait manifestement où il allait. Je me demandais bien ce qu'il pouvait penser en ce moment qui pouvait le perturber autant. Arriva le moment inévitable : notre chemin nous emmenait près d'un arbre. Matin Embrasé l'ignorait. J'attendis un peu pour voir s'il réagissait, puis voyant que ce n'était pas le cas, je m'approchai et lui donnait un coup d'épaule pour le sortir de sa trajectoire.

"Ressaisis-toi. C'est qu'une patrouille, tu t'en r'mettras et nous aussi. Allez viens, faut qu'on rentre."

Je ne savais pas exactement comment il réagirait, mais j'espérais juste que Douce Orchidée ne ferait pas de commentaire désobligeant sur ce qui venait de se passer. Déjà, ça ne servirait sans doute à rien, et puis Matin Embrasé était manifestement très troublé. Autant en finir avec cette patrouille une bonne fois pour toutes, dans le calme si possible.

On n'avait qu'à marcher quelques instants pour retrouver Matin Embrasé, qui semblait bien différent à celui que les deux guerriers avaient laissé quelques minutes plus tôt. Plus de grand sourire, pas d'air jovial ou taquin. Enfin. Enfin le calme allait revenir pour le bien de tous, et surtout de Douce Orchidée. Elle qui avait été terriblement déçue par le comportement de ses deux camarades de clan, mais que faisait-elle donc avec eux ? Soit l'un se fichait de sa gueule, soit l'autre ne disait pas un mot comme si cela lui importait 'peu'. Décevant, ainsi la lieutenante ruminait dans son coin et insultait en silence ses coéquipiers qu'elle ne considérait déjà plus ainsi. Etoile de Pierre serait surement enchanté d'apprendre que ses guerriers se moquent du combat ainsi que de ses supérieurs alors que la situation que vivait actuellement le clan de la Rivière était grave, très grave. Il y en a toujours un pour faire le mariole, Douce Orchidée trouvait cela misérable d'en arriver à ce point. Un guerrier n'est pas là pour trouver charmante la minette ennemi ou pour parler de la guerre comme d'un vulgaire jeu de pouponnière. C'était ainsi que la lieutenante avait traduit les vilaines paroles du rouquin. Maintenant, elle le voyait comme quelqu'un d'infect, n'ayant pas du tout sa place au sein du clan. Quelle soirée, elle était dégoutée, autant des mâles et de leurs caractères que de la patrouille de nuit.

Elle ne dévia pas les yeux, pas un regard, un geste ou une parole. Elle entendit vaguement ce que Brasier Glacial miaula à Matin Embrasé, mais au fond elle se fichait de l'un comme de l'autre. Elle n'avait qu'une envie, en finir une bonne fois pour toutes. Sans demander l'avis, et de toute façon elle était le meneuse de la patrouille donc ils n'avaient pas vraiment le choix ou alors les semer lui importait très peu, elle accéléra le pas. Action qui signifiait 'vous m'avez faits chier, merci. Je rentre.'
Le paysage défilait à vive allure devant ses yeux, et enfin elle arriva sans grande peine au camp. C'était une véritable délivrance, il ne manquait qu'un grand sourire pour parfaire le tout. Elle franchit l'entrée, sans vérifier si les deux guerriers la suivirent. Le clan n'était pas encore entièrement couché. En tout cas, il faisait nuit noire. Elle se retourna dans la pénombre, ils arrivaient juste. Elle aurait voulu partir directement dans sa couchette, mais elle ne le pouvait pas. Ce n'était pas ainsi qu'une lieutenante devait se comporter, mais étant énervée au maximum elle n'allait surement pas faire dans la dentelle.

« "Merci" pour cette "superbe patrouille du soir''. Je ne salue pas ce genre de guerrier.  »

Traduction, J'ai passé un moment de merde. F/ck, je m'en vais roupiller.

HRP:

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