The Silver Sliver [Ft Esprit Soucieux] - end

Ses paupières sont révulsées sur d'yeux frappés d'effroi, les pupilles frémissantes, cafardeuses, les ombres de la forêt vont l'engloutir et l'herbe est tellement haute ici - son menton cogne le sol, sa patte lui fait mal, il s'empresse de se ranger les fesses contre un tronc d'arbre, fouillant les ténèbres à la recherche d'une issue mais il ne voit plus que le reflet de la griffe d'argent reluire devant ses yeux.

Après le départ du Père ce jour-là, une voiture vint quand même se stationner devant la maison, et la porte du vestibule s'ouvrit quand même sur un humain. Mais pas le sien, car le sien ne marchait pas de cette manière, ne marmottait pas de cette manière, ne se hâtait pas à la cuisine de cette manière, et surtout ne laissait pas la porte d'entrée grande ouverte, de cette manière.

Reconnaissant la Mère, Rusty s'était prudemment laissé tomber de sa place sur le canapé pour trottiner dans la cuisine en se disant qu'il serait nourri. Il avait levé ses yeux, ouvert sa gueule sur rien que la note d'un tout petit miaulement, rondissant le dos et levant haute sa queue qui tremblotait tellement il voulait faire part de sa bonne humeur à la bipède.

Des griffes [?] s'abattirent dans son épaule et sa vision s'embrouilla. Après l'éclat d'argent, il crut distinguer les formes du visage de la Mère se distordre sur une expression féroce, et sans demander son reste Rusty filait déjà par la porte d'entrée. N'ayant l'habitude que de sortir par la porte du jardin et la fenêtre de la salle-de-bain, il dut s'arrêter pour refroidir ses ardeurs (son épaule lui chauffait) mais en entendant des pas le pourchasser jusqu'au seuil il n'entendit plus que la course de son cœur qui s'affolait à la sienne.

Une voiture klaxonna lorsqu'il la coupa dans la rue (la voiture se freina brusquement) mais Rusty n'écoutait plus, déguerpissant le plus loin possible de la menace. Si loin, qu'il fusa en ligne droite vers les fourrés de la forêt. La transition se fit d'un choc, soudain il faisait sombre tout autour, il s'embourba les pattes dans des herbes trop hautes et les doigts d'une branche lui griffèrent les côtes, ravivant la douleur à son épaule en activant tout ses sens à la fois.

Dans les fourrés, ce n'est donc plus un chat, mais une masse furibonde aux poils cannelle qui se déchaîna en se contorsionnant toutes griffes dehors, entrecoupant ses sons par saccades en attaquant toute herbacée vivace sur son chemin. Le contre-poids le traîna au sol, il se releva en panique en donnant de frénétiques coups de pattes aux brindilles derrière, la queue basse, mais lorsqu'il voulut se remettre à courir pour s'éloigner davantage, l'équilibre dont il était si fier le trahit et il s'étala dans un tapis de feuilles mortes.

Le craquement de toutes ces-dernières le firent bondir sur ses quatre pattes la peur au ventre - sans succès, il tomba sur son épaule cette fois. Tant pis - quitte à se catastropher sur le ventre, Rusty rampa le plus vite possible vers le coin de mur le plus près - ici, le tronc d'un arbre de la forêt - pour s'y recroqueviller le cœur en tambour. Ses oreilles bourdonnaient à la douleur qui l'élançait dans les pattes (surtout celle derrière) et sa vision s'était autant embrouillée de larmes que du souvenir encore net de l'éclat de la griffe d'argent.

Un son - la griffe d'argent s'évanouit et Rusty releva sa tête, ses yeux plus ronds que les baies dans la gueule de cet autre chat à la tête plate et aux grandes oreilles qui s'approchait dans les ombres. Pour le coup, sa vision embrouilla l'étranger et il reconnut Madame Fée, La Vieille Chatte du Clan de L'Ombre qui l'avait aidé après cette fameuse Nuit loin de chez lui. Sa démarche inégale attira inévitablement son œil et Rusty sentit ses poils se détendre juste un peu devant une figure qu'il lui semblait reconnaître. Quelqu'un de familier, pitié, il avait tellement peur de rentrer chez lui.

Mais cette Madame Fée était une fausse.

— « Mais casses-toi putain, rentres chez toi au lieu de chialer ici, t'as vraiment aucune pudeur ?
— M-madame, c'est vous?... » Il appela d'un miaulement, rien qu'un tout petit miaulement. Mais il ravala ses sons à la salve d'invectives qui lui vrillèrent ses oreilles déjà bourdonnantes.

— « Tous des tocards dans la Ville putain. Rentre chez ton coupeur va, il va te remettre les os en place, mais dégages de la forêt. Tu n'es pas le bienvenu. »

Le feulement de l'usurpateur ne fit que confondre l'abyssin davantage, qui hissa son dos, répondant par la même, agitant sa queue par saccades derrière lui en tentant de se lever sur ses quatre pattes.

« --MMReeEEEAAaaaaawr.... »

Sa tentative d'intimidation se coupa sur un geignement « -- Aïe! » et il se roula en miche contre son arbre vu le poids qu'il ne ressentait plus dans sa patte (il la secoua), les larmes qui lui brouillaient la vue (il cligna des paupières), et la douleur qui lui sciait l'épaule de quatre traits (un tremblement lui secoua l'entièreté du dos), encore chauds.

Rusty and the Rusting Fork, Forking his Shoulder, Shouldering his Fear,  Fearing for his life.

Sa queue s'agitait à tout va, par saccades, comme s'il espérait que la force de son mouvement parvienne à déblayer sa périphérie de toutes les tours de feuillage qui le surplombaient, de toutes ces herbes trop hautes qui lui allaient aux coudes, et de ces arbrisseaux, dépouillés de leurs feuilles, aux branches comme des griffes recourbées.

Il ne resterait plus rien, qu'un vide blanc qui le forcerait à se réveiller, au chaud dans son foyer, sur le dossier du divan, près de la fenêtre du salon. Et son Humain lui caresserait la tête et tout rentrerait dans l'ordre.

Rusty parut s'apaisa un peu, rien qu'un peu à cette pensée, faisant redescendre le poil de son dos et celui de sa queue pour pencher la tête, et lever rien qu'un peu ses oreilles pour percevoir les mots qui lui étaient dédiés:

— « Hé. Hé, lavette. Il t'est arrivé quoi ? Et c'est Monsieur j'te ferais dire.

Au vu de comment Rusty n'arrivait même pas à tenir le regard de cet autre chat, c'était à se demander s'il le voyait vraiment. Si ce n'était pas ses pensées qui lui jouaient des tours, encore. Il détourna les yeux, furetant la place à petit coups d'oeil nerveux, et lentement, fit jouer de sa voix encore rauque sur des notes staccato plutôt que soutenues, modulant des mots:

— Je suis désolé,  monsieur,  je ne vois plus rien ...

Son débit, lent, lui faisait hacher la moindre syllabe, fébrile au moindre son de la forêt. Ses yeux vitreux n'aidaient pas le profil:

— Je ne sais pas où je suis,  je ne sais pas qui vous êtes,  et je ne suis pas  (son ton s'envenima, son poil se gonfla à nouveau et sa queue claqua contre l'écorce du tronc d'arbre derrière lui)
une laaaEAWrrvette... »

— « Esprit Soucieux, guérisseur du Clan de l'Ombre. Aucune putain d'idée de comment t'as pu me prendre pour une meuf.

Rusty dut se détendre, répondant à la question qu'on ne lui avait pas posée avec un sourire aussi distant que l'était son regard. D'un débit toujours aussi lent:

— Vous me rappelez quelqu'un, c'est tout... _{Esp...   Espre,    Espresso...}

Il ferma docilement ses paupières pour se fermer à tout les stimuli responsables de son effroi, entreprenant ensuite d'inspirer, lentement, gonfler sa cage thoracique, et d'expirer, longuement, et la vider, veillant à ralentir les palpitations de son cœur. Guérisseur ne voulait pas dire Patrouille, donc voulait dire qu'il n'allait pas le vider de son sang. Il poussa la réflexion plus loin : Guérisseur voulait dire Guérir, et Guérir voulait dire Vétérinaire. Du moins, il pensait.

— Ou de comment tu t'es foutu sur les terres de ces petites sous-races de chats du Tonnerre. T'sais, ils bouffent tellement d’écureuils qu’ils se mettent à grimper aux arbres.

À défaut d'y voir, Rusty pouvait entendre, et il crut déceler, dans les mots de cet Esprit Soucieux, une locution familière au travers:

— Ah-haha... Vous parlez même comme elle... »

Lorsqu'un craquement manifesta le mouvement d'Espresso, Rusty rouvrit grand ses yeux, couchant ses oreilles sur sa tête un peu en même temps qu'il couchait le ventre dans l'herbe. Sa queue s'agita, son épaule et ses côtes l'élancèrent et il ravala un autre miaulement d'avertissement bien qu'il ignorait tout des intentions de l'autre.

— « Sérieux, comment tu t'es blessé ? Mes Étoiles me maudiraient pour t'abandonner, donc considère moi comme ton sauveur aha. Je suis brusque avec les plaies.
— Vos Étoiles? ...   Il secoua sa tête, laissant tomber l'idée, pourchassant un autre chemin de pensée:  Ce qui s'est passé... sa vision s'embrouilla avec le souvenir. Sa respiration chevrota de sa bouche et ses pupilles tremblotèrent au fond de leur iris.   --Je ne sais pas. »

Il déglutit, bruyamment, en acceptant ce proclamé "(Espres-)sauveur" de s'approcher. Un sauveur le sauverait - à quoi bon s'en méfier? Et avec sa patte foulée...

— Des griffes. Il leva ses yeux sur le chat qui s'approchait, se tenant bas au sol dans une position de soumission. Des griffes d'argent. Elles ont fondu sur moi. »

— Je sais pas de quoi tu parles. Maintenant arrête de trembler. Alors que lentement la réflexion qu'Espresso ne s'agisse aussi d'un chat sauvage appartenant à un Clan se formait dans son esprit, elle fut bafouée par l'ordre qui le fit se statufier complètement. Seule sa poitrine s'agitait à chaque battements, comme son corps forçait l'afflux du sang pour guérir le plus vite possible sa blessure (ou le vider de son sang, au choix). Ça va piquer, mais ça va aller mieux. T'auras qu'à aller voir ton foutu Coupeur après.
— Mon Coupeur?... »

Et le sauveur s'était penché en s'obliquant et Rusty put voit sa peau dessous ses poils courts se tendre sur les aspérités de son rachis qui semblait presque percer au travers. Là où une telle vision l'aurait dégoûté - il était un chat non seulement en santé mais en pleine forme, capable de prouesses athlétiques ! - l'apparence l'apaisa, puisqu'elle lui rappelait les formes de Fée. Le souvenir de Fée s'embrouilla - Rusty étouffa un gémissement comme on arrachait des caillots de sa peau et sa queue eut une vive rebuffade en claquant à nouveau, la secousse remontant jusqu'à sa croupe - faisant se tendre sa patte arrière - particulièrement le jarret qui envoya un sursaut dans la cheville et une vive douleur lui remonta jusqu'en bouche. « AA^ÏE!   A_ïe-   non-- » Le poil dru et raide, il jeta un regard en biais sur son sauveur qui s'affairait à mâcher quelque chose avant de lui cracher dessus - la tiédeur sur sa plaie lui arrachant un autre soubresaut qu'il voulut retenir le plus possible en se rappelant « [d'] arrête[r] de trembler ».

— « C'est qui elle ? Une grande maigre avec ma bouille d'amour ?
Les pupilles de Rusty se dilataient et se contractaient, un tic dans une paupière lui fit replier une oreille sur le côté avant de l'ourler dans son cran.

— Il est un peu tôt pour parler d'amour... Elle, ... Elle vous ressemble oui, maintenant que je peux y voir un peu... Vous me semblez plus gris qu'elle, et vous avez meilleure mine, aussi. »

Le blanc de ses yeux était sorti, et il se forçait à ne plus trembler, en prenant de très courtes respirations, mais en les gardant longtemps.

— « Dites, espres-- Sauveur? Comment pourrez vous réparer ma blessure si vous ne savez pas ce que j'ai?...

Il ne doutait pas en lui, mais si Espresso n'avait aucune idée de quoi il parlait, alors comment savait-il quoi faire?

En sentant une patte s'ankyloser, Rusty eut un mouvement pour la déplacer, mais la descente de son poids dans sa cheville réveilla la même douleur qui le fit s'écraser dans l'herbe et les feuilles mortes. Il la secoua avec vigueur quitte à gémir, il avait l'impression qu'il ne sentait plus sa patte donc supposa qu'elle devait s'être endormie et visiblement ne voulait pas être réveillée!