[LP] Vouloir disparaître (avec Nuée d'Alcidés) -END

— « Tu manques de temps-hein-euh... de thym ? De temps pour prendre du thym ? »

...
Il

...Crocs Nacrés avait fermé les yeux, un peu comme s'il se détachait complètement de la responsabilité d'avoir donné naissance à cette série de mots. Il avait fermé ses yeux quelques secondes, le temps de laisser cette série de mots se faire entendre, faire écho encore un peu, et puis s'oublier. En rouvrant les yeux, il n'était plus le même. C'était un AUTRE Crocs Nacrés qui avait bafouillé.

— « Tu sais qu'on fera tout pour t'aider. »

Le Guérisseur, la tête basse, se frotta la joue sur son épaule, à demi-tourné vers son lit, à demi-tourné vers le Guerrier, comme en diagonale, le dos en pente, les oreilles plates.

— « ... Tu...



Tu ... menthe. »

Un sursaut de la tête, et dans ses yeux dorés, on put voir rien qu'un petit éclat y briller, et les crispations à sa face se dénouer - mais rien qu'un peu. Rien qu'assez, pour lui permettre un sourire dérisoire, à toute cette scène dérisoire, et à toute sa vie dérisoire.

HRP:

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Le tacheté se tortillait toujours un peu, mais Crocs Nacrés sentait enfin le contact se faire. Sa tête s'allégeait comme ils étaient côte à côte. Il n'en voyait que la moitié noire. De son côté, le gris réalisait peu à peu une sorte d'angoisse terrible, une lassitude extrême, qui nouait, nouait jusqu'au moindre poil du guérisseur. Qu'était-ce que cela ? Il n'était pas curieux, au contraire, mais se sentait effrayé, à son tour. « ... Tu... Tu ... menthe. » bafouilla l'autre. Il avait l'air de ne pas vraiment vouloir rire, mais de comprendre qu'il y avait, dans son état, dans leur état à tous les deux, quelque chose de bouffon, de comique, de ridicule.

C'était comme si, en tirant simplement sur un morceau de ficelle, ils se rendaient compte que le nœud se défaisait tout seul.

" J'crois que mon problème, c'est que je m'imagine toujours que les autres sont parfaits. " répondit-il, évasif. Forcément, dans un tel monde, il devenait le dernier des loufoques, le plus trouillard des guerriers, le plus décevant des amis. Il avait l'impression, sur ce point, que quelque chose le faisait étrangement ressembler à son interlocuteur. Si bien qu'une telle confidence devenait toute naturelle. Alors même qu'il n'aurait jamais dit ça à son frère.

Peut-être devait-il simplement cesser d'avoir peur de faire quelque chose aux autres. Crocs Nacrés avait l'impression qu'il n'avait pas agi mal, cette fois-là. Il aurait pu en rester à sa connerie, mais s'il allait plus loin, finalement, ses erreurs devenaient un sujet de plaisanterie plutôt qu'un sujet de cauchemars. Drôle de sentiment, la confiance. Il le découvrait pleinement.

Avait-il vraiment besoin de ce thym pour rester correct, lorsqu'il le faudrait ? Avait-il vraiment besoin de toujours rester correct ?

— « J'crois que mon problème, c'est que je m'imagine toujours que les autres sont parfaits.

Coup de grâce, et le chat d'arlequin se mit à rire. Comme un souffle d'abord « Pfff !! » puis le son de sa voix « Ha!! » avant de rapidement se tempérer « He hehe heh ! » secouer sa tête puisque ses pensées allaient plus vite que son misérable corps à moitié endormi. « --Non ! »

Et laisser ses épaules sursauter pendant quelques secondes le temps de laisser libre-court à son rire.

— « Non -- Non non non personne n'est parfait Crocs Nacrés, c'est, (et puisqu'il se trouvait dans son antre, coupé du ciel, coupé de la pesanteur du regard des étoiles, il se permit) je veux dire, même nos "Étoiles" ne sont au final que des chats du passé, avec leurs préjugés! »

Il tendit la patte, battant le vide.

— « Attends - tu aurais du voir Étoile de Sable, elle a tenté de m'avertir qu'Étoile Maudite tramait quelque chose! »

Il secoua sa tête une patte à sa bouche, cachant son sourire en se trouvant pathétique. Ils étaient tous pathétiques, tous qu'ils étaient, qu'ils furent chatons, apprentis, guerriers, lieutenant ou Étoiles - depuis la Toison ou non.

— « Tout le monde cache quelque chose! Regarde Cœur Fleuri, qui est partie, Cœur Givré, qui m'a agressé, Étoile Vaillante qui se sent perdue et regarde-MOI, Crocs Nacrés. Il avait cessé de rire, son sourire était triste, blessé, et il avait fermé ses yeux en entendant une voix familière lui parler dans les oreilles.   ...Je ne suis même pas prêt pour tout ce que les Étoiles me réservent. »

Et en toute sincérité, Nuée d'Alcidés la croyait, désormais.

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L'autre riait d'un rire amer, bourré de nerfs et d'une fièvre étrange. Il y avait là quelque chose qui impressionnait Crocs Nacrés. Contre lui, il voyait le guérisseur, toujours noir, qui ne le regardait plus, s'agiter dans un troublant va-et-vient, osciller entre sa fatigue et ses fantômes. Tantôt, il s'appuyait presque sur lui, tantôt, quelque chose d'invisible semblait le tirer.

« Non... Non non non personne n'est parfait Crocs Nacrés, c'est, je veux dire, même nos "Étoiles" ne sont au final que des chats du passé, avec leurs préjugés ! »

Crocs Nacrés avait la drôle d'impression que le guérisseur exténué chassait d'un geste l'une d'entre elles, tout près, comme il aurait chassé une araignée. A cette exception près qu'elle était dans le vide, et non suspendue à une toile, ni à la voûte céleste. Il étouffa une exclamation de surprise.

« Attends... tu aurais du voir Étoile de Sable, elle a tenté de m'avertir qu'Étoile Maudite tramait quelque chose ! »

Il tournait maintenant tellement la tête que ses yeux étaient devenus invisibles. Crocs Nacrés le regardait par derrière, plus noir que blanc. C'étaient donc les Étoiles, qui effrayaient le Guérisseur. Il ne put s'empêcher de frissonner. De se dire, l'espace d'un millième de seconde, en bon frère de Puissant Guépard, que le chat qui lui parlait était peut-être trop extraordinaire pour qu'on puisse simplement le considérer comme un chat. Il regretta vite cette idée :

« Tout le monde cache quelque chose ! Regarde Cœur Fleuri, qui est partie, Cœur Givré, qui m'a agressé, Étoile Vaillante qui se sent perdue et regarde-MOI, Crocs Nacrés. »

De nouveau, ils étaient l'un à côté de l'autre. Mais Crocs Nacrés se sentait dépassé par ce pauvre Nuée D'Alcidés, dépassé dans la mauvaise direction. Il y avait des choses graves qui avaient déjà commencé. Et comment était-ce possible de simplement conserver son sang-froid ? Son cerveau bouillonnait, mais il restait immobile, lourd et chaud comme une statue qu'on avait laissé près du feu.

« ... Je ne suis même pas prêt pour tout ce que les Étoiles me réservent. »

Crocs Nacrés n'avait jamais été prêt. Il commença par admettre tout. C'était aussi le rôle du frère, d'écouter jusqu'au bout, et de croire, aveugle. Mais il se trouvait désormais face à un problème qu'il n'avait lui-même jamais résolu. Un méli-mélo que le temps seul saurait dénouer. Le temps, un inconscient comme lui l'aurait toujours, mais un guérisseur, quelqu'un qui savait les choses... comment un guerrier gris et idiot pourrait-il lui garantir quoi que ce soit ? Ce serait non seulement une imposture, mais en plus, une imposture évidente. Crocs Nacrés signifia toute son impuissance, d'un simple regard désolé. Comme si la désolation était la seule amie des malheureux.

« On est deux idiots en retard, alors », fit-il, espérant que sa tentative de sourire ne laissait pas trop paraître de fatalisme. « On mange, on dort, on travaille. Et pour le reste... » il cherchait la meilleure façon de ne pas déformer les pics sans pour autant les aiguiser davantage. « Et pour le reste, on verra bien... »

Crocs Nacrés envia soudain l'insouciance qu'avait eu, inconsciemment, Nuage Nacré. Il désigna le thym d'un coup de tête :
« Tu en as besoin, pour dormir ? »

Il y avait certains sacrifices qu'un malheureux d'opérette était toujours prêt à faire. Et beaucoup de responsabilités qu'il n'assumerait jamais tout à fait.

Spoiler:

Le silence, suivant ses mots, les fit se réverbérer en écho dans sa tanière. Il espérait que Nuage Silencieux n'ait rien entendu mais qui croyait-il prendre? Non, il espérait pas-si-secrètement qu'il entende tout, qu'il sache quel genre de fardeau l'attendait en marchant dans ses pas. Il avait fermé ses yeux, se concentrant sur son souffle, une patte dans le rêve déjà, et son sourire s'envenimait en pensant à l'éventuelle réprimande qu'on lui ferait dedans, justement. Ou pas - car ne l'oublions pas, il n'était même pas Guérisseur.

Quelle farce.

« On est deux idiots en retard, alors »

Oh oui. Mais ils étaient bien plus que deux. Ils étaient tout un Clan d'idiots à suivre des Anciens idiots qui voulaient leur dire quoi faire, comme des idiots.

« On mange, on dort, on travaille. Et pour le reste... Un autre silence, Crocs Nacrés cherchait ses mots, comme lui, mais contrairement à lui il semblait nourrir encore à peine plus qu'un germe d'espoir.

Et pour le reste, on verra bien... »

En réponse, le Guérisseur haussa ses épaules, sans ne rien perdre de son sourire. On verra bien, mais rien n'irait en montant. Il voyait les choses débouler et faire effet boule de neige et le Printemps Métaphorique n'était pas près d'arriver. Pas depuis qu'ils avaient perdus leur Jardin Fleuri (aux fruits pourris).

Ils rouvrit les yeux, et, comme Crocs Nacrés avant lui, c'était un autre Nuée d'Alcidés qui avait craqué, il y a deçà quelques instants. Il semblait plus apaisé.

— « Tu en as besoin, pour dormir ?

Il baissa ses yeux sur la tige de thym, les remonta sur le guerrier, se rendant compte qu'il était assit tout proche, qu'il était assit tout contre lui. Il ne s'en détacha pas immédiatement.

— Tout le temps. »

Ses oreilles se pivotèrent vers l'extérieur.

« Mais si j'en prenais tout le temps, il ne m'en resterait plus pour toi, ou pour ceux qui en ont vraiment besoin. »

HRP:

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Ils étaient en quelque sorte fatigués de leurs ennuis. La tension était passée, et leurs vies redevenaient peu à peu les deux vies monotones d'un jeune guérisseur et d'un encore plus jeune guerrier. Deux mâles inutiles, qui percevaient maintenant que peu à peu, leur propre ridicule les rongeait de l'intérieur, et le ridicule des autres, de l'extérieur. Pas de quoi faire une deuxième crise d'angoisse, juste de quoi redouter le sommeil, pour l'un, et le perdre, pour l'autre.

« Tout le temps. Mais si j'en prenais tout le temps, il ne m'en resterait plus pour toi, ou pour ceux qui en ont vraiment besoin. »

Nuage Nacré bailla, et hocha la tête pour dire qu'il avait compris :

« Oh, tu sais, je pense vraiment que je dors pas si mal, tout compte fait. Et si tu l'utilises, on pourra bien retenir que quelqu'un en avait vraiment besoin. En fait, je préfère autant que tu gardes les yeux ouverts, pour le jour où ma tante à moi essaiera de me raccourcir. »

Il ne pensait pas vraiment que Griffe de Boue oserait un jour commettre un crime de ce genre, mais la jalousie cordiale qu'elle manifestait vis-à-vis de sa sœur était un fait connu. Et se répercutait nécessairement sur Crocs Nacrés et Puissant Guépard. Maintenant, il savait quelles plaisanteries aideraient le mieux Nuée d'Alcidés à tenir bon. Crocs Nacrés rigola doucement. Un rire un peu amer, mais toujours préférable à un silence. Un rire qui lui donna la force d'oser laisser le guérisseur tenir debout sans lui. Après tout, ce serait assez gênant pour eux deux, que quelqu'un passe à côté et les voie si proches.

Surtout si ce quelqu'un en question était le frère jumeau de Crocs Nacrés.

Leurs pelages se séparèrent donc, ce qui renforçait brusquement un certain sentiment de solitude.

« Merci beaucoup, Nuée d'Alcidés. » fit-il, en reprenant le ton nonchalant avec lequel il l'avait salué. Non sans l'avoir regardé une dernière fois, un peu différemment de d'habitude, le gris quitta la tanière de Nuée d'Alcidés.

Il fit quelques pas, et il soupira. A ce rythme, c'était sûr, non seulement son frère lui reprocherait de sentir le guérisseur, mais en plus, lui-même risquait fort de se réveiller, un jour ou l'autre, à un endroit où il ne serait pas à sa place.

Mais vraiment pas du tout. Gloups.

Spoiler:

Devant lui, le Guerrier s'était calqué à son indolence, s'interrompant même d'un bâillement. Il fallait dire qu'il était tard, la lune était haute et qui sait combien d'Étoiles brillaient dehors. Tant qu'elles n'étaient pas dedans.

Le Guerrier tenta de se dérober.

— « Oh, tu sais, je pense vraiment que je dors pas si mal, tout compte fait.
— Crocs Nacrés tu vas te rouler sur cette tige de thym.
— Et si tu l'utilises, on pourra bien retenir que quelqu'un en avait vraiment besoin.
— -...
— En fait, je préfère autant que tu gardes les yeux ouverts, pour le jour où ma tante à moi essaiera de me raccourcir.

Nuée d'Alcidés, dans son état semi-somnolent du moment, ne comprit pas vraiment les implications de ce que venait de dire le Guerrier. Non, plutôt, il renchérit, rigolant avec lui, et avec la même amertume.

— Eheh, ouais, moi c'est ma sœur. »

L'image d'Alby s'embrouillait avec celle de Gigi et il secoua un peu la tête, pour la dernière fois, peut-être, puisque le Guerrier s'en allait en laissant la tige de thym derrière lui. Le Guerrier partit avec sa chaleur et son contact, privant le Guérisseur de son soutien cette nuit. Il eut presque le geste de vouloir le suivre. C'est qu'il n'avait pas fini de déballer ce qu'il pensait! Il y avait encore la Pierre de Lune à parler, ou les Lunar Pods, ou-

— « Merci beaucoup, Nuée d'Alcidés.
— C'est ça. Une dernière blague, pour la forme : Dors bien, hein? »

Et il baissa les yeux sur sa tige de thym.

Et pendant que le guerrier s'en allait, il réfléchissait.

Et pendant qu'il réfléchissait il s'était déjà jeté l'épaule à terre pour se rouler impunément sur toute la tige et ses fleurs.

HRP:

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