Sécher les larmes -end

HRP:

Maintenant que les cris étaient éloignés, que le silence était présent, que les événements et paroles ne s’enchainaient plus avec une vitesse impossible à suivre, Jolie Abeille conscience de ce qu’il se passait. L’inquiétude et l’angoisse s’était de suite manifestée, bien avant que sa raison comprenne les réelles conséquences de ce qui venait d’arriver. Petit Blaireau. Enlevé. Par les Lunars Pods. Elle ne pouvait plus se retenir. Des larmes se formèrent au coin de ses yeux avant de dévaler ses joues en humidifiant ses poils et de tomber tout près de Petit Edelweiss, qu’elle venait de poser. Pendant quelques secondes, ce ménage se répéta sans qu’elle puisse l’arrêter. Rien que d’imaginer ce que ces affreux chats pourraient faire à son frère… Non, non. Elle ne devait pas penser à ça. Elle devait être là pour sa sœur. Pleurer ne servait à rien dans cette situation. Ce n’était pas elle, la victime de tout cela, verser des larmes était égoïste de sa part. A l’aide de sa patte, elle essuya l’eau salée provenant de ses yeux.

Elle enroula sa sœur de sa queue, et la fixa de son regard humide. Elle ne savait que dire, hormis des choses stupides comme « tout va bien se passer » ou « Comment tu vas ? ». La première ne serait que mensonge, qu’est –ce qu’elle en savait ? Croyait-elle sincèrement que la patrouille allait revenir avec un guerrier portant son petit frère par la peau du cou ? Elle l’espérait mais ne l’imaginait guère. Pour la deuxième, c’était tout simplement stupide, bien sûr qu’elle allait mal. Alors elle se tût, attendant que la plus jeune prenne la parole.

L'envie de frapper Petite Émeraude ne l'avait pas quitté, du moins pas encore totalement. Petite Édelweiss n'était pas nécessairement de nature mauvaise, toutefois, elle avait tendance à bien trop rapidement se laisser embarquer par ses émotions. Si elle s'était laissée aller contre la rouquine, la honte et le regret l'auraient sûrement envahie par la suite ; mais comme on l'en avait empêchée, elle était encore pleine de colère et d'incompréhension. La plus minette blanche jeta un regard en biais à sa sœur aînée, un nœud dans le ventre. L'inquiétude pour Petit Blaireau, désormais entre les pattes des méchants lupart pood, et Petite Hyène, demeurée inerte dans la tanière du guérisseur, lui broyait le cœur, le ventre, la tête … Néanmoins, même si elle ressentait le besoin de se défouler sur quelqu'un, Petite Édelweiss se devait de se retenir. Jolie Abeille était sa sœur, son aînée, et avant tout une minette avec un cœur d'or. Celle-ci effaçait justement les larmes qui coulaient sur son visage, tandis que la femelle blanche contemplait ses pattes en serrant les dents.

— J'aimerais aider, mais je suis inutile !

Malgré ce cri du cœur, elle ne relevait pas la tête. Plus encore que montrer un peu plus sa propre faiblesse, la chatonne craignait d'apercevoir celle de sa sœur. Or, voir les "grands" perdre leurs moyens la poussait à penser qu'il n'y avait pas de solution, que le combat était perdu d'avance. Petite Édelweiss enfonça ses griffes dans le sol meuble ; Petit Blaireau était-il … fichu ? Elle avait déjà grandement perdu espoir de revoir un jour Petite Nuit et Petite Ambroisie vivants, leurs traits se brouillant dans sa mémoire. Petite Édelweiss ressentait le besoin profond d'être rassurée, bercée de douces illusions.

— Dis, on les reverra un jour, Nuit, Ambroisie et Blaireau ?

Liées par le sang, par la tristesse, l’inquiétude et également le sentiment d’inutilité. Cette horrible impression de ne pouvoir rien être malgré toute nôtre envie, toute notre volonté. Que tout ce que l’on fait n’aura aucune incidence, que la seule chose à faire est d’attendre tandis que le temps file sans attendre que nous soyons capables d’affronter les évènements. Petite Edelweiss était trop jeune pour ressentir cela.

— Dis, on les reverra un jour, Nuit, Ambroisie et Blaireau ?

Oui. Il fallait y croire. Mais quand ? Comment ? Auraient-ils des séquelles ? Raton Laveur lui avait que les chatons allaient bien. Elle lui faisait confiance, ou désirait-elle lui accorder, mais depuis leur rencontre, les choses avaient peut être changées. Et pour Petit Blaireau, rien n’était moins sûr. Que devait-elle lui dire ? Lui dire une réponse positive sans savoir si elle se produirait, pour la rassurer au risque de lui donner de faux espoirs ? Lui annoncer la vérité, c’est-à-dire qu’elle n’en savait rien ? Malgré tout, elle en avait la conviction, un jour ils seraient réunis et c’était la vérité. Car même si elle se refusait à l’imaginer, ils se reverraient forcément au clan des Etoiles, s’ils ne se revoyaient pas auparavant.

« Oui. Un jour, on sera tous réunis. »

Il le fallait. Elle reprit la parole pour essayer de faire disparaitre le sentiment d’inutilité qui gagnait du chemin dans le cœur de la chatonne.

« Tu sais Petite Edelweiss, tu n’es pas inutile. Tu peux penser à eux, ne pas les oublier, te souvenir d’eux et leur donner tout ton courage. Et le jour venu tu pourras les accueillir. »

Alors qu'elle attendait désespérément une réponse positive, maigre espoir dans un océan de tristesse, seul le silence lui répondit. Le cœur de Petite Édelweiss se serrait un peu plus à chaque seconde sans réponse positive. Cela faisait quelques minutes qu'elle avait appris la disparition de son frère et déjà, il lui manquait cruellement. Il avait beau être un parfait crétin, il restait son frère et un joyeux camarade d'exploration. Avant la disparition de Petite Nuit et Petite Ambroisie, elle n'aurait jamais crût possible de ressentir un tel manque ; dire qu'elle s'énervait toujours de ne pas recevoir assez d'amour maternel à cause du nombre trop important de chatons avec lesquels elle partageait sa couche … Maintenant, elle regrettait fermement leur présence ainsi que son égoïsme.

La voix chaleureuse de Jolie Abeille s'éleva enfin, brisant le silence stressant qui enveloppait jusqu'alors les deux sœurs. Il était évident que son aînée ne pouvait avoir aucune certitude quant à ses paroles, mais Petite Édelweiss se sentait tout de même mieux. Elle releva légèrement la tête, juste assez pour voir le buste de sa sœur aînée ; elle n'osait toujours pas regarder son visage, de peur qu'il soit plein de crainte et de tristesse.

— Tu sais Petite Edelweiss, tu n’es pas inutile. Tu peux penser à eux, ne pas les oublier, te souvenir d’eux et leur donner tout ton courage. Et le jour venu tu pourras les accueillir.

Petite Edelweiss sera les lèvres septique. Il y avait du vrai dans ce que disait sa sœur ; la tachetée voulait accueillir sa famille dans leur maison. Mais comment ce résoudre à simplement attendre ?

— Oui mais ils le savent pas qu'on pense à eux … et si ils meurent, ils vont pas revenir quand même …

Elle s'inquiétait encore, mais était déjà un peu plus légère ; Petite Édelweiss commençait à comprendre qu'elle se ferait du soucis encore et encore, jusqu'à ce qu'ils soient tous en face d'elle, en chair et en os, vivants et en bonne santé.

"Oui mais ils le savent pas qu'on pense à eux … et si ils meurent, ils vont pas revenir quand même …"

Mourir. Entendre ce mot lui faisait mal. La perspective de ne plus jamais les revoir dans leurs corps physiques, de les observer depuis le sol tandis qu'ils seraient au ciel. Car malgré le fait qu'ils se retrouveraient tous au clan des Etoiles, ce serait une véritable déchirure. De plus, ils étaient bien trop jeunes pour devenir des êtres de lumière. Ils allaient bien. Du moins, les chatons enlevés par le Tonnerre allaient bien, comme lui avait Raton Laveur. Elle faisait confiance à ce guerrier malgré son affiliation au groupe haï par un grand nombre des siens. A raison. Mais comme lui avait dit son ami, tous n'étaient pas du côté d'Etoile de Suie, la véritable coupable. Quand étaient-ils de ces Lunar Pods, suivaient-ils tous leur cheffe aveuglément, ou certains étaient contraints?

Le temps présent était pour sa sœur. L'encerclant de nouveau avec sa queue, comme si elle avait peur qu'on lui enlève elle aussi, elle espérait ainsi donner un peu de chaleur dans le but de la rassurer -et de se rassurer elle aussi-. Le monde lui paraissait si froid à présent, et sentir un corps chaud lui faisait du bien,elle reprit donc d'une voix un peu plus assurée:

"Ils vont revenir."

Quoiqu'elle fasse, elle ne pourrait jamais supprimer l'angoisse de Petit Edelweiss. Car sa sœur et ses frères n'étaient pas avec elle. Tout simplement.

"Tu sais ce que tu pourras faire? Prouver à maman que c'est une super maman."

Il était évident qu'eau Turquoise s'en voulait. Elle n'y était pour rien. Lui rappeler que ses autres enfants étaient là, pour elle, lui ferait surement du bien. Et si la petite blanche se sentait inutile à tort, cela pourrait peut-être l'aider à combattre ce sentiment?

HRP:

L'étreinte de sa sœur se fit plus sécuritaire encore.
Petite Édelweiss sentait la queue de Jolie Abeille lui caresser le poil afin de la détendre ; un petit soupire étouffé s'échappa de sa gorge serrée et ses épaules se relâchèrent enfin. Levant ses yeux bleus au niveau de ceux de sa sœur, elle eut un rictus de reconnaissance -encore crispé.
Le regard de la bicolore était doucement réconfortant. Elle pouvait y déceler une furieuse envie de protection ainsi qu'un amour débordant.

— Ils vont revenir.

Petite Édelweiss tenta de se dégager en écartant la queue de la bicolore à l'aide d'une patte avant. Elle s'éloigna d'un pas ou deux avants de se retourner vers Jolie Abeille, à présent déterminée.
Un jour, ils reviendraient tous. Et en attendant, à elle de faire tout son possible pour aider ses aînés et accélérer leur retour.

— Oui !

— Tu sais ce que tu pourras faire? Prouver à maman que c'est une super maman.

Eau Turquoise et Petite Hyène avaient été particulièrement chamboulées par l'événement, pour des raisons sensiblement différentes mais pas moins dangereuses pour leur santé mentale les unes que les autres. Hochant la tête avec enthousiasme, d'Édelweiss approuva l'idée de sa sœur aînée … Cependant, puisque les deux femelles dormaient encore dans la tanière de grand-frère Nuage des Ruisseaux, cela devrait attendre.
Fatiguée par les évènements de l'après-midi et les larmes qu'elle avait laissées échapper, elle bailla un grand coup.

— Alors j'aiderai Maman et Hyène à aller mieux ! Dis, Jolie Abeille, tu viens faire la sieste avec nous, en attendant ?

Elle avait envie de s'écrouler dans la litière de mousse qui recouvrait le sol de l'antre du chef, aux côtés de ses autres frères et sœurs. Et même la présence des enfants d'Étoile de Pierre la rassurerait.

Petit Edelweiss hocha de la tête, approuvant l'idée de sa sœur aînée avec enthousiaste. Celle-ci eut un sourire en voyant cette réaction. C'était celle qu'elle voulait provoquer chez la plus jeune. Elle n'avait que rarement les bonnes idées ou paroles pour réconforter, mais ce moment là faisait partie de ces exceptions.

— Alors j'aiderai Maman et Hyène à aller mieux !

Il est vrai que la pauvre Petite Hyène avait elle aussi particulièrement chamboulée. Qui ne le serait pas? Voir son frère se faire enlever devant ses yeux, quelle expérience traumatisante. Il faudrait qu'elle aille s'enquérir de son état -physique surtout, car il n'y avait aucun doute qu'elle n'allait pas bien sur le point moral- . Elle était pour l'instant aux mains de Nuage des Ruisseaux, et il ne faisait aucun doute que son frère se débrouillerait bien mieux qu'elle. En ce moment, Eau Turquoise et sa fille dormaient, et il valait mieux qu'elle les laisse dans leur sommeil. Espérons juste que celui-ci soit réparateur et non rempli de cauchemars.


"Dis, Jolie Abeille, tu viens faire la sieste avec nous, en attendant ?"

Pourquoi pas?Après tout, tout ceci avait été épuisant. Elle se savait incapable de dormir mais se reposer était une bonne idée.

"D'accord."

Et elle prit la direction de la tanière du chef, prête à passer un moment avec ses frères et sœurs.

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