Cela faisait désormais quelques lunes que Coeur de Lionne n’avait pas eu de nouvel apprenti sous sa tutelle. Il faut dire qu’un novice dans les pattes, c’est toujours un problème. Pourtant, la guerrière aimait plus que tout offrir son savoir à une petite boule de poils sans défense lorsqu’il venait de commencer et qu’elle avait vu naître sous les yeux aimants de sa mère et les yeux attendris des autres reines. Il y avait eu une petite féline à un moment donné qui avait véritablement capturé son attention, une petite boule de poils blanche et crème, un peu l’opposé d’elle-même au niveau du pelage puisqu’elle portait une fourrure d’un roux sable qui se dégradait pour s’assombrir. Cela n’avait rien à voir avec cette charmante féline qui possédait néanmoins de magnifiques yeux verts désormais, comme elle. Coeur de Lionne se souvenait qu’à sa naissance, ses parents n’avaient pas vraiment hésité à choisir le nom de cette demoiselle : Patte Automnale. Et selon la guerrière sable, ce nom lui allait parfaitement. Fille unique, loin de l’histoire à s’en tordre de rire ou à en pleurer toutes les larmes de son corps de Coeur de Lionne, Patte Automnale avait été pour elle une féline qui l’intrigua dès qu’elle mit le bout de son museau dans cet étrange monde. Puis, lorsqu’elle eut six lunes, une sorte de miracle se produisit : la petite fut assignée à la guerrière qui avait eut un sourire jusqu’aux oreilles pendant près d’une lune.
Ce matin-là, Coeur de Lionne s’étira de tout son long tandis que la lumière du soleil filtrait à travers les petits trous de la tanière des guerriers, dans laquelle elle se mouvait prestement jusqu’à la litière de son ancienne apprentie, Manteau Automnal. Déposant sa truffe sur le flanc de la jeune féline jusqu’à ce qu’elle semble réagir, elle attendit un instant, le temps qu’elle ouvre ses petits yeux remplis de fatigue avant de murmurer d’une voix suave, afin de ne pas réveiller les autres endormis : « — Une petite partie de chasse, depuis le temps, ça te tente ? » demanda-t-elle, toujours penchée au-dessus d’elle. Comme, autour d’elle, il y avait une litière vide, Coeur de Lionne prit soin de s’asseoir sans gâcher le travail précieux de l’un de ses camarades, fier propriétaire de cette belle couche, puis entreprit de faire une petite toilette, le temps que son ancienne apprentie émerge.
Manteau Automnal dormait tranquillement dans la tanière des guerriers, rêvant certainement d’une partie de chasse, ou se voyant gambader dans tout le territoire. Même les rayons de soleil qui traversaient l’espace ne semblaient pouvoir la déranger. Elle dormait paisiblement, un petit sourire attaché tout naturellement sur ses babines.
Rien ne semblait pouvoir briser ce petit moment et pourtant, son rêve se fit de plus en plus flou et lointain. La guerrière sentait quelque chose se poser sur son flanc, la chatouillant légèrement. Alors que ses yeux papillonnaient, cette pression disparue. La femelle releva lentement la tête, apercevant les silhouettes endormies de ses congénères autour d’elle, encore endormies. Elle entendit ensuite une voix familière, à côté d’elle, l’inviter à aller chasser, depuis le temps. Manteau Automnal n’aurait pas pu refuser une partie de chasse, mais tourna la tête dans la direction du murmure, afin d’identifier sa camarade. Elle reconnut rapidement le pelage sable de Cœur de Lionne, son ancien mentor. Ah, elle en avait fait voir de toutes les couleurs à la guerrière, en étant sous sa tutelle. Bien malgré elle, évidemment ! Son enthousiasme permanent y était pour beaucoup.
Manteau Automnal se releva précipitamment, manquant de marcher sur la queue d’un de ses frères de Clan.
- Oh, oui, avec plaisir !lui murmura-t-elle, très enjouée.
Elle sortit de la tanière en rigolant comme une petite enfant. Une fois dehors, elle ronronna en sentant les doux rayons du soleil réchauffer son pelage. Le temps se réchauffait petit à petit, et cela n’était pas pour en déplaire à la jeune chatte. Qui dit soleil, dit joie et sourires ! Elle attendait cette saison depuis le début de l’hiver. Même si, à ses yeux, chaque saison étaient belles, chacune à leurs façons.
Elle s’étira longuement, pensant à la partie de chasse qu’elle allait passer avec Cœur de Lionne. Bien plus qu’un ancien mentor et son apprenti, elles étaient devenues de véritables amies, appréciant la compagnie de l’une et de l’autre, se confiant sur les problématiques du clan. Elle fit ensuite une rapide toilette et se dirigea en sautillant jusqu’à la sortie du camp.
- Aller viens, les lapins ne vont pas nous attendre ! Tu vas voir, je me suis encore améliorée, j’en suis sûre !
Coeur de Lionne n’eut pas le temps de vraiment entamer quoi que ce soit, car à peine Manteau Automnal eut-elle comprit ce qu’il se passait qu’elle bondit bien droite sur ses quatre pattes, accompagnée de cette enthousiasme permanent dont elle faisait preuve et qui avait donné énormément de fil à retordre à la guerrière sable lorsqu’elle entraînait Nuage Automnal à l’époque. Il faut dire qu’avec cette boule d’énergie, il n’était pas possible de s’ennuyer. Constamment, elle réclamait quelque chose pour s’occuper les pattes et les pensées, et grâce à cela, elle progressait rapidement, mais cela fut rude pour Coeur de Lionne qui, chaque soir, plongeait dans sa litière, exténuée, tout en sachant que le lendemain pourrait se révéler pire que la veille. Ainsi avait-elle vécu six lunes à ses côtés, puis de nombreuses lunes étaient passées, près d’une dizaine. Mais la féline bicolore n’avait en rien perdu sa joie de vivre et ce sourire toujours collé aux lèvres. Évidemment qu’elle était partante pour une partie de chasse. Manteau Automnal avait toujours eut ce don pour donner le sourire à ceux qui l’entourent, à ceux qui veulent bien d’un peu de sa gentillesse et de son bonheur, ce dont parfois, Coeur de Lionne avait réellement besoin. La belle féline lui avait fait un bien fou dans sa vie, il fallait le dire.
Et désormais, elles dormaient dans la même tanière et continuaient de partager quelques moments ensemble, comme de véritables amies, si peu nombreuses en ce bas monde. Son bonheur était caché par un murmure tandis qu’elle manqua de peu de marcher sur le queue de l’un de ses camarades. Elle quitta la première l’antre, talonnée par son ancien mentor, qui avait gagné une joie nouvelle en voyant la beauté du ciel et ce soleil réchauffant la fourrure. Une chaleur dont on ne se laissait que très rarement. Il fallait avouer qu’il était bon de sentir les rayons de l’astre flamboyant se balader sur son pelage. L'euphorie de la jeune femelle ne cessait point, elle sortait comme un petit chaton qui découvre le monde, sautillant presque de partout et à peine eut-elle fini sa toilette qu’elle se précipitait à l'entrée du camp, impatiente d’aller chasser les lapins et certaine qu’elle s’était encore améliorée. Se levant d’une manière plus nonchalante que sa camarade, avec pourtant autant de joie brillant dans le regard, elle dépassa la demoiselle avant de se mettre à courir, criant derrière son épaule : « — La dernière dans les hautes landes est un lapin mouillé ! » s’exclama-t-elle, redoublant d’efforts, espérant que Manteau Automnal ne s’était pas tant améliorée que cela en course, de peur de se faire dépassée.