[LP] Le mal que les hommes font - abandon

C'est le choc avec le sol qui me réveille.
J'ouvre la gueule pour grogner, mais j'ai le souffle coupé et rien en sort. Juste un serpent de sang poisseux et ça me rappelle.
Toucan.

Je lève la tête vers le muret de là où je suis tombé. C'est le muret qui fait le tour du Verger et qu'est parfait pour faire la sieste si vous voulez mon avis.
Il commence à faire nuit maintenant. Je frissonne.
Peut-être qu'il est passé pendant que je dormais ? Et qu'il m'a ignoré ? ( Peut-être qu'il reviendra pas )

Mais non, ça peut pas être ça et cause que je sens pas son odeur, ou que je la distingue pas.

J'essuie le sang de ma gueule d'un revers de patte et le liquide brille d'un éclat pas sain.
Ca me rappelle son sang.
Quand je suis allé à la ville pour revoir Rusty, je me suis dit que je pourrais trouver un truc d'homme pour le guérir. Mais Rusty était pas là et j'ai rien trouvé.

Alors que me suis rappelé la tante du Fantôme et j'ai arraché toutes les toiles d'araignées que j'ai pu à cause que ça arrête le sang elle avait dit.
Les toiles forment une grosse boule de fils qui tient collée au haut du muret.
Je remonte là haut, en m'aidant de mes griffes et des aspairirtés de la pierre.

Et j'attends.
A cause qu'il est revenu une fois.
Et il est pas reparti. Il m'a pas re abandonné. Il est resté.

Et même si c'était pas comme avant, même si le lui en voulait d'être parti, et puis quand j'ai vu qu'il restait, je lui en voulait moins, mais il est devenu triste, maigre et malade.

Alors j'attends en haut du muret avec la plus grosse boule de toile d'araignée que vous avez jamais vu.
Je veux le soigner.
Je veux réparer le mal que j'ai fait.

+:

J'ai pas a attendre longtemps à cause que cette fois, je le vois qui arrive. Je descends d'un bond du muret, suivit par ma boule de fil d'araignée et je viens à sa rencontre.

Tu m'attendais ? Je vais plus partir, tu sais. J'vais sans doute crever ici aha.
Ouais à cause que je voulais savoir si t'allais rentrer et ..

Et ..
Et je sais pas comment expliquer ça, ce tas de fil poisseux. Une tentative de désespérance de le sauver.

Et dis pas que tu vas crever ! Je vais te soigner ! je dis et d'un même geste, je lui colle la toile d'araignée sur la gueule.

Tu devrais peut-être la manger ? Du fait que comme ça, ça va recoller ce qui est cassé dedans.

Parce que j'en suis sûr. Le problème il est dedans.
Toucan est tout cassé à l'intérieur.

Comme pour répondre oui, Toucan tousse des gouttes de sang.
Je regarde le rouge par terre et c'est comme si la lumière du couchant giclait sur le sang poisse pour me transpercer la rétine.
Je regarde Toucan.
Il fait un pas. Il s'approche.

Tu sais, je suis désolé. D'être parti. D'être revenu dans cet état. De pas avoir été là quand il fallait. il dit, serré contre moi.

Je sens son odeur de maladie, son corps fragile que même un coup de vent pourrait briser, sa voix qui râpe dans un souffle de mots.
Et ça fait comme un -
Adieu.

Ma gueule s'ouvre sur un son coupé. Je plie une patte avant et j'enserre Toucan avec. Sa chaleur est bien réelle, ses os que je sens contre ma patte, je me raccroche à tout ça à cause que
adieu.

Ma gorge se resserre et mes yeux se mouillent de larmes silencieuses -
et putain -
et putain non -
je veux pas encore être celui qui a peur ( fermez-là ).
Je veux pas encore être celui qu'il faut rassurer.

C'est lui qui est malade mais c'est moi qu'à peur.
Toucan il est comme il a toujours été.
Galet gris, qui ricoche sur la vie jusqu'à ce qu'il finisse par couler, mais il s'en fout.
Déjà quand j'étais petit, Toucan c'était celui qui connaissait tout de l'endroit, qui était toujours sûr de lui et qui parlait bien pendant que moi je me perdais dans la lande et je parlais que comme je veux.
Et c'était bien de savoir que même si je connaissais rien et personne, y'avait lui qui était là, à la cabane.
Et il savait quoi faire.

Mais cette fois, j'ai pas envie d'être celui qui faut rassurer.
Je veux être celui qui rassure.

C'est pas important. je tente. T'es là maintenant, c'est ça qui compte.