LP | Le sourire des jeunes - end

Patte Venteuse avait toujours pour être heureuse et grandir en parfaite santé. Deux soeurs douces et adorables, un papa gentil, un tonton vraiment trop drôle, un Clan super et un été relativement chaud et fertile... pourtant, il manquait quelque chose. Et c'était ce quelque chose qui la poussait à se lamenter un peu plus chaque jour, et à exprimer son désarroi en dormant davantage à chaque nouveau matin, elle qui aimait tant jouer.
Et ce problème c'était
maman.

Maman grise et noire, maman Brise Argentée, maman tout simplement. Maman ne donnait pas beaucoup d'amour, contrairement à ce qu'elle avait pu voir entre Patte Lunaire, Patte Tordue et Accroche Coeur. Même si ce n'était que leur nourrice, et non leur maman, ils avaient quelque chose que ses soeurs et elle n'avaient pas: l'affection et l'attention qu'elle leur portait.
Bien sûr en tant que mère, elle leur en offrait un minimum mais... pas assez.
C'était trop peu.

Les rayons du soleil réveillèrent Patte Venteuse contre son gré. Aujourd'hui, pas de papa ni de tonton pour s'amuser et oublier maman. Sans doute étaient-ils dans ce que les grands appelaient "chasse" ou "patrouille". Trop nul.
Elle s'étira, tirant tant bien que mal ses deux petites et grossières pattes de chaton avant d'avoir une idée lumineuse. Les chatons malades avaient toujours tout plein d'attention de la part des mamans.
Mimant de tousser - elle s'arrêta bien vite, ça lui faisait mal à la gorge - elle se retourna sur le dos, les quatre fers en l'air, adoptant un air fatigué alors qu'elle était juste éblouie par le soleil.

- Maman... murmura-t-elle en respirant tout rapidement comme si elle venait de parcourir toute la pouponnière en courant, je me sens pas très bien...

J’étais partie tôt ce matin, encore, délaissant mes chatons. Si j’étais capable d’être une vraie mère, bien sûr que je serais plus souvent avec elles, mais tout était si difficile. Et pourtant, à chaque fois que je les regardais toutes les trois, j’avais envie de sourire, le cœur gonflé, mais après, des larmes me coulaient sur le visage, me rappelant la souffrance que j’étais capable de causer. En les écartant de moi, j’ai une chance de les rendre heureuse. J’avais quand même demandé à mon frère, qui appréciait mes petites et qui accomplissait correctement son rôle d’oncle, en passant les voir pour raconter des histoires pleines d’étoiles, de les surveiller un peu le temps que je me dégourdisse les pattes et que je me promène un peu.

Avant de sortir courir pour retrouver ma forme, je mangeai un bout. Un petit campagnol, je n’avais pas très faim. Après avoir enterré les restes, je me décidai à sortir du camp. Mais avant que je puisse mettre une patte dehors, Ciel Tempétueux arrive, les yeux un peu paniqué. Il n’avait pas besoin de me parler, je me dirigeai vers la pouponnière en vitesse et regarde ce qu’il se passe. Petit Alizé et Petit Foehn dormaient mais Patte Venteuse était sur le dos, les quatre pattes en l’air. Je commençais à penser à une blague de la part des deux matous, mais en regardant plus attentivement, je voyais qu’elle respirait très vite, et son petit visage semblait si fatigué. Les mots de cette dernière finissaient de me briser.

« Maman…je me sens pas très bien... »

Je me précipite vers elle et l’entour totalement avec mon corps pour la protéger. Je lui donnais des coups de langue pour la rassurer, pour essayer de l’aider. Je ne savais pas quoi faire. Ma pauvre petite semblait malade mais j’étais trop paniqué pour avoir un quelconque autre réflexe que la garder contre moi. Ciel Tempétueux avait disparus de l’entrée, sans doute parti chercher quelqu’un. Je ronronnais en douceur pour essayer de la rassurer. J’avais quelques larmes qui me coulaient sur le visage, je ne voulais pas la perdre. Elle n’avait peut-être rien mais comment savoir ? D’une voix douce mais terrifiée, je demandais à la petite ce qu’elle avait.

« Dis-moi, qu’est-ce qu’il t’arrive ? Hein ? Je –Je suis là d’accord, ça va aller… Dis-moi juste ce qu’il t’arrive.. »

Patte Venteuse s'était attendue à bien des choses. Dégout, repoussement, abandon ou encore ignorance. Mais jamais à ce que sa mère s'inquiète pour elle. C'était quelque chose de nouveau, qu'elle découvrait tout juste venant d'elle. Bien sûr, elle avait eu son père pour l'aimer, mais quoi qu'on en dise, c'était loin d'être pareil.
Que sa mère s'inquiète pour elle et lui porte de l'attention pour un vulgaire mensonge lui donna la nausée.
Patte Venteuse voulait l'amour de sa mère. Mais elle réalisait qu'elle ne le souhaitait certainement pas sous condition. Qu'est ce qui l'avait bloquée jusque là? Qu'est ce qui l'avait empêché d'aller vers elles? Ne voyait-elle pas à quel point elles en souffraient depuis longtemps? Il fallait attendre qu'elles soient sur un lit de mort pour rejoindre le Clan des Étoiles pour connaitre ne serait-ce qu'une seule fois la tendresse d'une mère?
Écoeurée, elle se releva en fronçant le museau et en crachant, ses yeux ne se décollant pas du sol. Elle était si déçue... qu'elle ne pouvait se résoudre à regarder sa mère dans ses yeux.

- C'est vraiment ça qu'il faut faire pour que tu nous aimes?

Patte Venteuse s'était mise à pleurer, visionnant à nouveau la mort de Plume Colorée. Elle en eut la nausée au simple fait d'y penser. L'idée de la mort la terrorisait.

- Qu'on soit malade et qu'on meurt pour aller dans les Étoiles comme la vieille Colorée? Petit Alizé et Petit Foehn, elles sont tristes des fois tu sais et... et c'est moi qui m'occupe d'elles mais moi j'ai pas de grande soeur pour s'occuper de moi...

Elle marqua une pause, sanglotant sans pouvoir se calmer, cette idée de la mort refusant de quitter son esprit. Prenant son courage à deux pattes, Patte Venteuse releva les yeux, plantant ses prunelles qui avaient désormais bien changé de couleur, à présent distinctement différentes: une bleue verte, et une brun foncé qui tournerait un jour vers le jaune ambré.

- T'es un peu nulle comme maman. Même Coeur Givré elle fait mieux... Heureusement qu'il y a papa...

On ne pouvait pas nier sa terrible jalousie face à Patte Lunaire... Bien qu'elle refusait encore et toujours de l'admettre.

Patte Venteuse se relève et contre tout attente me crache au visage. Elle fixait le sol. Sans me regarder. Elle redevenait normale. Sans comprendre, totalement perdue je la regardais, une lueur toujours inquiète dans le regard. Mon cœur se serrait de plus en plus. Qu’est-ce que j’ai fais ? Je ne comprenais plus rien…

« C'est vraiment ça qu'il faut faire pour que tu nous aimes? »

Les yeux grands ouverts je la regardais. C’était des reproches. Elle n’est pas malade non. Elle… Mes pensées se bousculaient ou alors elles étaient simplement vides et je n’arrivais pas à en trouver. Ma petite… Elle commençait à pleurer et moi j’étais là, à la fixer totalement paralysée par ses quelques mots. Réaction démesurée ? Je n’en sais rien mais je sais que là, à ce moment là, une glace venait de se briser. Ma toute petite grise continuait face à moi qui restait là, planté à attendre son jugement.

«  Qu'on soit malade et qu'on meurt pour aller dans les Étoiles comme la vieille Colorée? Petit Alizé et Petit Foehn, elles sont tristes des fois tu sais et... et c'est moi qui m'occupe d'elles mais moi j'ai pas de grande soeur pour s'occuper de moi... »

Je… Elle sanglotait à chaudes larmes, et je commençais à trembler, avec un cœur qui devenait de plus en plus douloureux. Je t’aime tellement… Je vous aime tellement toi et tes sœurs… Mais c’est si difficile. Je continuais à la regarder, les oreilles basses, les yeux larmoyant. C’est en ne montrant rien que je leur faisais du mal. Je faisais du mal à mes enfants. Elles m’en voulaient, elles… me détestent ? Je serrais les dents, essayant de retenir quelques gouttes salées dans le coin de mes yeux. Et puis là, Patte Venteuse me regarde droit dans les yeux. De sa prunelle bleue verte et de l’autre qui devenait ambrée. Elle est si belle et si unique… Certains prendrait ça pour une différence terrifiante, et d’autre, comme moi, trouverait ça si… sublime. Je voulais me rapprocher d’elle, en douceur mais… J’étais terrifiée. Qu’allait-elle penser en sachant que je voulais juste les protéger de moi ? Les tenir éloignées de ce que je suis, pour pas qu’elles ne deviennent comme moi, et qu’elles puissent vivre correctement. Comment lui dire que je les aimais toutes les trois plus que ma propre vie, plus que la vie du clan ? Comment lui dire quand les seuls sons qui sortaient de ma gorge n’étaient que des sanglots étouffés ?

« T'es un peu nulle comme maman. Même Coeur Givré elle fait mieux... Heureusement qu'il y a papa... »

Je fermais les yeux, serrait les dents encore plus fort. Je penchais la tête, laissant s’échapper silencieusement une larme sur le sol. Je chuchotais des mots… Je ne savais même pas si elle pouvait les entendre.

« Je suis si désolée… Je le suis tellement ma chérie, je regrette… »

Ne retenant plus mes membres tremblants, je m’effondre au sol. Je regardais finalement ma petite grise avec ses magnifiques yeux, et en tournant la tête je voyais ses sœurs, Petit Foehn, Petit Alizé. Mes trois enfants, et je les aimais tellement. Il fallait que je lui explique, il fallait qu’elle sache que je pense toujours à elles trois, il fallait… Je dois lui dire. Mon attention revient sur elle, et je décide de lui ouvrir mon cœur, à elle d’en fait ce qu’elle voulait.

« Je voulais seulement vous protéger de moi… Je voulais seulement que vous ne soyez pas comme moi. Je vous aime tellement toutes les trois, je ferais n’importe quoi pour vous protéger, même si ça devait mettre en péril le clan, vous êtes plus importantes pour moi que n’importe qui. Vous êtes mes trois bébés, ma seule famille que j’aime. Je te dis la vérité, il ne passe pas un jour où j’arrête de penser à vous, je pensais juste que vous seriez plus heureuse avec votre père, votre oncle, votre grand-mère… »

Je me cachais à présent les yeux avec mes pattes, je ne voulais pas qu’elle me voit dans cet état aussi lamentable. Je voulais la garder contre moi, la rassurer, lui dire que je l’aime, lui dire que plus jamais je les laisserais, que plus jamais elles n’auront à pleurer parce que je ne montre pas d’amour.

« Je vous aimes tellement toutes les trois… Vous êtes tout pour moi… Pardon… »

Et je laisse ma phrase en suspens, incapable de continuer. Elle me déteste. Elles me détestent toutes les trois.

Patte Venteuse restait là, sanglotant, le larmes coulant sur ses joues, mais le regard presque impassible. Elle n'entendait pas très bien ce que sa mère lui disait, mais ça lui semblait normal, elle ne devait pas parler bien fort.
Pourtant, elle essaya d'écouter, droite et immobile, silencieuse pour ne pas la couper dans ses paroles. S'il y avait une raison suffisante pour ne pas aimer ses enfants, alors qu'elle lui dise. Qu'elle s'explique. Patte Venteuse pourra peut être comprendre.
Mais au final, quelle valeur accorder à ces paroles? À ce changement de comportement soudain? L'idée qu'il y ait derrière tout cela des choses qu'elle ne suspectait pas ne lui effleura pas l'esprit. Trop jeune pour se douter, peut être. L'innocence de chaton qui frappait à nouveau.
Mais il n'y eut rien. Pas d'explication. Des "je pense à vous" mais qu'est ce que cela changerait? Comment pouvaient elles savoir? Cela ne remplacerait jamais sa présence.

- On t'aime aussi, tu restes notre maman, là ou pas là. Mais...

Patte Venteuse posa son regard sur Petit Alizé et Petit Foehn endormies. Ses soeurs n'avaient sans doute aucun reproche envers leur mère. Un coeur plus pur que le leur devait difficilement exister.

- Moi je peux me débrouiller toute seule. Mais Petit Alizé pleure tout le temps, et Petit Foehn se méfie jamais. Il y a un monsieur je l'aime pas il s'appelle Cobra Royal. Je veux pas le voir. Il ressemble à Petit Foehn et des fois il nous colle. Il n'a pas l'air gentil. Mais elles ont l'air de bien l'aimer.

Elle continua d'observer sa mère, le regard toujours plus insistant, pour lui faire comprendre que malgré son âge et sa taille de chaton, elle n'avait jamais été plus sérieuse dans ses paroles.

- Si tu fais pleurer mes soeurs, je te pardonnerai jamais.

S'il fallait haïr sa mère pour ça, alors soit. S'il fallait pleurer, très bien. S'il fallait que ses soeurs lui en veuille, elle ferait avec. Mais tout ce que Patte Venteuse voulait, c'est que Petit Alizé et Petit Foehn aient une mère à leur côté, comme elles semblaient le vouloir depuis le début.

« On t'aime aussi, tu restes notre maman, là ou pas là. Mais... »

Mais ? Elle regardait ses sœurs, une preuve pour moi qu’elle était très attachée à elles. Je m’approchais à petit pas vers elle. Dans mon regard, tout l’amour que leur portait était visible, il était là, presque palpable, je voulais qu’elle le sente, je voulais lui prouver. Je faisais du mal à mes enfants en étant si loin d’elle, je devais donc réparer cette erreur que j’ai fais. Peu importe les mots blessants qu’elle pouvait me dire. Je me suis rendue compte que perdre mes filles, juste parce qu’elles ne veulent plus me voir, est la chose la plus horrible qui pourrait m’arriver. J’ai mal de voir Patte Venteuse dans cet état.

«  Moi je peux me débrouiller toute seule. Mais Petit Alizé pleure tout le temps, et Petit Foehn se méfie jamais. Il y a un monsieur je l'aime pas il s'appelle Cobra Royal. Je veux pas le voir. Il ressemble à Petit Foehn et des fois il nous colle. Il n'a pas l'air gentil. Mais elles ont l'air de bien l'aimer. »

A ce nom je me redressais soudainement, les oreilles en arrières. S’il touche à un poil de mes petites… Il est mort. Je m’en fais le serment. JAMAIS il ne touchera mes enfants, JAMAIS il ne les approchera, je m’en assurerais. Plus jamais il ne va les voir. Il faut que je reste plus souvent. Je dois rester tout le temps pour éloigner ce serpent d’elles.

« Si tu fais pleurer mes soeurs, je te pardonnerai jamais. »

Mon attention revenait sur elle. Elle était si mature pour son âge. Je devais la rassurer. Je m’approche doucement d’elle, et comme mon museau contre son petit corps. Je sentais son cœur battre. Fini les bêtises, je devais reprendre les choses en main. Je ferme les yeux en respirant son odeur. Avec délicatesse je l’approche de moi

« Tu es si mature pour ton âge. Je vais te faire une promesse. Je vais me comporter correctement à présent, je vais être là, tout le temps et je vais faire ce qu’une maman est censée faire. Je suis si désolée de vous avoir fait tant de mal à vous trois. Mais cette fois, je suis là. Je suis vraiment là. Elles ne vont plus pleurer. »

Je ne sais pas si mes paroles devaient me rassurer aussi. Mais j’étais décidé. Elles avaient besoin d’une mère plus que tout. J’ai été si cruelle de penser qu’elles pouvaient s’en passer. Mon sérieux revient, et je fixe Patte Venteuse droit dans les yeux, d’un air très sérieux.

« Tu as raison de te méfier de Cobra Royal. S’il approche de vous, s’il tente quoi que se soit, s’il touche même le plus petit de vos poils… Il va regretter d’être venu. »

Je me retenais de sortir mes griffes pour gratter le sol de colère. Il ne doit plus les approcher, jamais. Je suis là pour elles maintenant, je ne pars plus. Non, plus jamais.

Maman, Brise Argentée la colle affectueusement, coupable de ses actes passées et résolue à ne jamais recommencée. Peu habituée, Patte Venteuse était réticente, mais ne l'a jamais repoussée. Elle est restée immobile, tendue par ce contact peu familier, mais rassurée.
C'est une odeur qu'elle connait, ce sont des sentiments vrais. Les choses pourront peut être s'améliorer après tout. Mais pour autant, elle ne reviendra jamais sur ses paroles: si Brise Argentée venait à faire pleurer ne serait-ce qu'une seule de ses soeurs, alors jamais elle ne lui pardonnera.
Bien sûr, pas les petites larmes de caprice, non. Petit Alizé pleurait trop souvent, il fallait faire la part des choses, ou ce serait impossible.
Patte Venteuse parlait là d'une vraie douleur, presque d'un crime, comme cet abandon qu'elle risquait de poursuivre.

Brise Argentée lui parle de Cobra Royal en quelques mots, confirme ses doutes: il semblerait que ce ne soit absolument pas une personne sympathique. Plutôt... un étranger dangereux à éviter à tout prix. Patte Venteuse devrait faire attention à ce qu'il ne les approche plus. Elle se battrait s'il le fallait et... non, mauvaise idée. Il la repousserait d'un petit coup de patte.

- Mais c'est qui en fait, Cobra Royal? demanda-t-elle à sa mère qui semblait en savoir plus qu'elle. Pourquoi il ressemble à Petit Foehn? Elle est adoptée?

Elle ne me repoussait pas, mais elle semblait tout de même un peu tendue. Je relâchais mon étreinte. Donner de l’affection d’un coup de cette manière pourrait être brusquant, je le comprends. Il faut sans doute lui laisser le temps de s’habituer. Patte Venteuse est celle qui a le plus de caractère, alors forcément, elle serait la plus difficile à convaincre. Ce qui me rassurait, c’est qu’elle était prête à défendre ses sœurs de moi. C’était terrible à dire, mais j’avais tellement peur de faire du mal à mes trois bébés… Je restais près d’elle, pour écouter, boire la moindre de ses paroles si elle avait une question, si elle avait autre chose à me dire. Et ce fut le cas.

« Mais c'est qui en fait, Cobra Royal? Pourquoi il ressemble à Petit Foehn? Elle est adoptée? »

Ce serpent faisait forcément parti de la famille de Crocs Nacrés. J’ai plusieurs hypothèses, mais je devais lui faire cracher le morceau. Il fallait qu’il me dise avec ses mots pleins de venins ce qu’il était. Je devrais la jouer fine, comme d’habitude, ou alors en le menaçant. Ce qui d’ailleurs fonctionnerait beaucoup moins bien, n’étant pas très doué en combat… Je préférais de loin magner les mots.

« Ce que je vais te dire, tu dois y faire très attention, et le garder secret d’accord. C’est entre nous deux. Je vois bien que tu es très courageuse. »

Je la fixais intensément pour qu’elle comprenne que c’est important que c’est pour sa sécurité qu’elle ne doit pas en parler. Même si ce ne sont que des hypothèses, elle devait rester prudente, et si je voulais faire cracher le morceau à Cobra Royal sur son lien avec mes enfants, il fallait faire très attention.

« Je ne sais pas encore quel lien il a avec vous, mais il doit être de la famille de Crocs Nacrés. En attendant, je sais qu’il est manipulateur, il sait très bien utiliser les mots, c’est pour ça qu’il faut être prudent avec lui. »

Je reviens finalement sur la question qu’elle m’avait posée concernant sa sœur. Je lui donnais un petit coup de langue sur le haut du crâne. C’était tellement plus simple en fait, même mon cœur était moins douloureux, c’était si simple en réalité ces petits gestes.

« Tu es la première née, ensuite c’était Petit Alizé et enfin Petit Foehn. Tu peux me croire sur parole, elle n’est pas adoptée, vous êtes toutes les trois mes enfants, et Crocs Nacrés est votre papa. »

Au fur et à mesure que Brise Argentée relâchait son étreinte, Patte Venteuse se détendait un peu plus. Encore gênée malgré tout, elle entreprit une petite toilette maladroite pour se changer les idées, léchant une patte pour la passer derrière son oreille, tentant d'imiter ce qu'elle avait vu chez les plus grands.
Elle s'arrêta bien vite, cependant, lorsque sa mère se décida à répondre à ses questions.

- Ce que je vais te dire, tu dois y faire très attention, et le garder secret d’accord. C’est entre nous deux. Je vois bien que tu es très courageuse.

Un peu intimidée par ce qui lui semblait être une cascade de responsabilités qui s'imposait à elle, Patte Venteuse dégluti avant de hocher la tête d'un air sérieux. Motus et bouche cousue, elle ne répétera rien. Avant tout, elle tendit le cou pour vérifier que ses soeurs dormaient bien et n'écoutaient rien. À priori, c'était le cas. Leur secret serait bien gardé - il fallait espérer.

- Je ne sais pas encore quel lien il a avec vous, mais il doit être de la famille de Crocs Nacrés. En attendant, je sais qu’il est manipulateur, il sait très bien utiliser les mots, c’est pour ça qu’il faut être prudent avec lui.

Manipulaquoi? Patte Venteuse remua une oreille lorsque ce mot fut prononcé. Elle ne le connaissait pas, mais en fit le lien avec le mot dangereux, retenant que c'était probablement ce qu'était Cobra Royal, et ce qu'avait voulu dire Brise Argentée.
De la famille de papa? Ça expliquerait donc pourquoi Petit Foehn lui ressemblait tant. Fait confirmé par sa mère, qui lui assura qu'il s'agissait bien de sa fille.
Sa soeur n'avait donc pas menti. C'était évident mais peut être qu'on lui avait caché la chose. À présent, elle savait que non.

- Je croyais que la plus petite des soeurs, c'était Petit Alizé, s'étonna-t-elle. Parce qu'elle pleure tout le temps.

Acceptant le fait que la plus jeune était donc Petit Foehn, et toujours aussi fière de se savoir première née, Patte Venteuse revint un instant sur les paroles précédentes de sa mère, quant à la dangerosité de Cobra Royal.

- D'accord, je le laisserai pas nous approcher, lui promit Patte Venteuse. De toute façon, je l'aime pas. Mais je peux essayer de découvrir qui c'est pour papa si tu veux. En restant pas seule avec lui, évidemment.

Je me rendais compte que j’en disais peut-être beaucoup à Patte Venteuse, elle n’était qu’une enfant après tout, et elle devait se concentrer sur sa croissance. Pas sur des affaires d’adultes. C’est ce que je suis. Une adulte, je dois me comporter comme telle. Elle s’est d’ailleurs étonnée sur la naissance de sa sœur, Petit Alizé, pensant qu’elle était la plus jeune parce qu’elle pleurait souvent. Si c’était comme ça que ça fonctionnait… Mon frère serait le premier né, il faisait caprice sur caprice quand on était petit, en même temps… Maman n’était plus là. J’aurais tant aimé que mes petites connaissent leur grand-mère. Des seuls souvenirs que j’ai d’elle, c’était doux, aimant et en sécurité. Si seulement je pouvais être aussi bien qu’elle. J’espérais un jour que mon père vienne voir ses petites filles, il pouvait tout me reprocher à moi, mais à elles non, elles sont si merveilleuses.

« D'accord, je le laisserai pas nous approcher. De toute façon, je l'aime pas. Mais je peux essayer de découvrir qui c'est pour papa si tu veux. En restant pas seule avec lui, évidemment. »

J’étais au moins rassurée d’une chose, si l’une d’elle n’aimait pas Cobra, et c’était la plus forte des trois, selon moi, les autres devraient suivre. Je n’ai pas envie qu’il approche de mes filles, il est trop imprévisible, et je ne pourrais jamais agir s’il les approche. Le sourire me revenait un peu au visage, mélangé à un amour puissant. C’est à moi de découvrir ce qu’il se passe, et qui il est pour mes filles. Mais je devais rester prudente, il ne devait pas s’en prendre à elle par la suite. Il suffit d’une simple petite absence d’une minute, et tout pouvait être terminé. Ça se voyait que je ne faisais pas confiance à Cobra Royal. Il est comme les papillons, faut le fuir.

« Je veux surtout que vous soyez prudente. S’il approche soyez maligne, et surtout, il ne faut pas croire à tout ce qu’il dit. Certaines choses peuvent être vraie, d’autre non. Et c’est à moi de découvrir son lien avec papa. J’ai pas envie que tu t’attires ses foudres, je n’ai pas confiance du tout en lui. »