Une victime de plus [LP] (libre) -end

Spoiler:

Nuage du Léopard rentrait de son entrainement-génial bien entendu- avec son mentor, Etoile Maudite. Sa nouvelle vie s'annonçait passionnante et excitante. Il n'avait à présent qu'une hâte, retrouver Nuage Gelé et Nuage Nerveux pour qu'ils puissent se raconter mutuellement leur première journée hors de la pouponnière devant l'entrée de ce qui était maintenant leur tanière. Une tanière avec eux, sans Chant des Coquelicots et ses leçons barbantes, avec l'autorisation de sortir - avec un guerrier certes- , la pratique remplaçant la théorie. Un vrai paradis.

Il voyait déjà son avenir, où il retrouverait ici, l'endroit où il attendait aussi patiemment que possible leur retour. Telle une évidence, la scène où ils discutaient tous les trois, ici, puis devant la tanière des guerriers, quand des lunes seront passées apparu dans son esprit. Dans son imaginaire de chaton, qu'il possédait encore, jamais sa fratrie ne se séparerait, jamais il ne s'éloignerait, comme le temps se chargerait de faire. Il serait toujours les trois, ensemble, quoiqu'il arrive.
Mais les événements ne tardèrent pas à briser en morceaux ce rêve éphémère et idéaliste crée par l'innocence.

Il soufflait bruyamment, tapant de la patte, sérieusement, ils en prenaient un temps! Il finit par entrer dans son abri, afin de préparer son lit en mousse. Chose assez inhabituellement chez lui et absolument pas instinctive, car il les détruisait puis qu'il ne les faisait. Sa mère, bien entendu, n'approuvait pas, et il devait supporter ses remontrances. Mais aujourd'hui, tout ceci est fini!

Il finit par quitter l'abri et remarqua très vite que rien ne tournait rond. La musique parfaite qu'il venait de composer dans son imaginaire venait de s'enrayer à la vue de l'arbre mort, entouré par des membres du clan, guerriers comme apprentis. A ses pieds gisait un corps, minuscule, maigre, taché de sang. Ce corps, malgré tout, était reconnaissable entre mille pour le tacheté. Mais ce que ses yeux lui affirmaient, son cerveau n'était pas capable de le digérer. Il avança, pour intégrer ce demi-cercle funeste, qui attendait les explications de Feuille de Houx. Lui n'écoutait rien. Il se contentait de fixer ce qui avait été autrefois abrité l'âme de sa sœur, cherchant à comprendre, cherchant à trouver l'indice qui lui prouverait que ceci n’était qu’une vaste blague, une illusion, un cauchemar. Tout pourvu que ce ne soit pas réel. Que s’il regardait dans la foule, il trouverait Nuage Nerveux qui regardait elle aussi la scène. Mais il avait bien trop peur de le faire, car il savait, au fond de lui, qu’il ne la verrait pas. Car elle était là, morte comme l’arbre qui supportait son cadavre.

" Léopard. "

La voix douce de son grand frère lui fit relever la tête. Il fixa de ses yeux vides ceux de Feuille de Houx, y cherchant désespérément une réponse, un échappatoire à cette réalité qui pesait trop lourd pour lui.

" Je ne suis pas inquiet pour Nuage Nerveux. Elle n'aurait jamais dû mourir, mais elle rejoindra le Clan des Étoiles et... elle restera toujours avec nous. "

Non. C’était faux. Soit elle était là, soit elle ne l’était pas. Si elle était dans les Etoiles, elle n’était as avec lui, avec Nuage Gelé, là où était sa place. S’ils existaient, pourquoi avait-il laissé Nuage Nerveux mourir ? Ce n’était que des foutaises, des conneries, tout, absolument tout. Il voulait hurler au monde qu’ils se trompaient tous, que ce n’était pas sa benjamine, là, par terre. C’était impossible. Ils seraient toujours tous les trois, tout le temps, partout. Elle ne pouvait être au ciel tandis qu’eux restaient au sol. Cependant, seul son esprit niait cette funeste et horrible vérité. Car sa gorge restait obstinément fermée, ne laissant échapper le cri de fureur qu’il voulait pousser.

" Ne fais pas d'imprudence. "

Soit sage, calme. Ne dérange pas les guerriers. Respecte les autres. Cette phrase, c’était la même que celles qu’il avait entendu auparavant. Des dizaines, des centaines de fois. Il se remémorait toutes les fois où sa mère les avait prononcées. Sa sœur était morte, et on lui balançait une banalité. Comment cela était-il possible ? C’est comme si ce n’était rien, comme si ce n’était pas important ? Et il voyait tout. Absolument tout. Ses jeux avec elle et Gelé. Leur partie de boule de mousse rien qu’à tous les deux où il avait juré de prendre sa revanche. Revanche qu’il n’aurait jamais. Mais surtout, ce qu’il voyait, c’était les fois où elle avait été à l’écart, sans qu’il ne vienne la chercher, ni lui, ni l’ainé. Pourquoi y repensait-il maintenant ? Tous ces petits moments auquel il ne faisait à elle lui revenaient, remplissant peu à peu le panier de sa culpabilité. Il s’en rendait compte maintenant, de tout ce qu’il aurait dû faire, ces moments où il n’avait pas fait attention à elle. Plus que jamais, il ressentait ce sentiment d’attachement pour elle. Pourquoi se rendait-il compte de de sa valeur maintenant qu’elle était partie ? Il s’en voulait tellement. Il voulait se hurler dessus, se mordre lui-même tellement sa non-attention était impardonnable. Mais le sommet était le jour même, où il était tellement heureux qu’il n’avait pas remarqué que sa sœur partait. Il aurait dû. S’il l’avait vu, il l’aurait empêché. S’il avait été plus attentionné avec elle, il aurait remarqué son mal-être. S’il avait été plus présent, elle n’aurait peut-être pas eu ce mal-être. S’il avait été un meilleur frère, elle serait là, avec lui. L’imprudence, il l’avait déjà commise, et ce, tout au long de sa vie.

" Pense aussi à maman. "

La haine qu’il éprouvait pour lui à cet instant trouva un autre destinataire à ce moment. Sa mère. Elle aurait dû voir. Il n’était pas le seul fautif, elle l’était tout autant que lui. Une partie de lui-même voulait rester là, à profiter de la présence rassurante de son grand frère. Mais il était un enfant, incapable de gérer ses émotions et ses pulsions. Et une, particulièrement violente, crée par sa culpabilité, sa haine et sa tristesse, en voyant cette gueule qui avait porté le cadavre de sa sœur, rendit ce contact insupportable. Il se dégagea brusquement, en le repoussant.

« DEGAGE ! »

Il recula lentement, prenant conscience de ce qu’il venait de faire. Il tourna la tête vers le corps de sa sœur, ses yeux brillaient à présent, informant de la présence prochaine de larmes. Il baissa la tête, marmonnant un mot pour la morte et lui seul, sa voix bloquant à cause de la tristesse et de cette maudite boule dans sa gorge.

« Je suis désolé, tellement désolé… »

Il baissa ses paupières pour relever la tête. La première personne qu’il vit en les soulevant fut Nuage Gelé. Nuage Gelé qui le regardait, ne bougeant pas. Pas la moindre trace de larmes, de tristesse.

« Pas toi… Me dis pas que ça te fais rien à toi… »

Bien évidemment, celui-ci se contenait, bien sûr qu’il était touché par cette mort, mais ne le témoignait pas, essayant de faire comme le grand frère. Grand frère qui fut de nouveau regardé par la tacheté, qui grogna. Il ne comprenait pas comment il ne pouvait pas ressentir le même désespoir, la même haine envers soi-même que lui. Une rage si puissante qu’il ne savait l’évacuer. La seule solution qu’il avait trouvée était de hurler sa haine, transposant sa propre culpabilité sur les autres. Même son grand frère qu’il admirait n’y échapperait.

« Toi aussi, t’en as rien à foutre ? Tous les jeux qu’on a fait avec toi , c’était pourquoi ? Pour faire genre d’être le grand frère parfait ? Comme maman veut ? Mais, en fait, tu t’en fous complément. Ça ne te fait rien ? Elle est morte, MORTE ! JE SUIS LE SEUL ICI QUI EN A QUELQUE CHOSE A FOUTRE ? »

Les larmes striaient son visage, rendant sa vision floue. Il reprenait tant bien que mal son souffle, qui allait de nouveau être malmené. Sa rage ne fit que s’intensifier quand il posa ses yeux sur sa mère, qu’il reconnut malgré l’eau qui les masquait. La personne qu’il considérait comme la plus fautive après lui. Mais là, dans ce hurlement de sa haine à la face du monde, elle était l’être le plus abject de cette Terre. Même devant celui qui avait fait ça à Nerveuse auquel il n’avait même pas pensé.

« T’étais sa mère et t’as rien vu ! Rien du tout ! » Il se posa, quelques secondes, rassemblant son souffle pour son dernier cri. T’AS JAMAIS FAIT ATTENTION A ELLE ! T’EN A JAMAIS EU RIEN A FOUTRE D’ELLE ! T’EN A JAMAIS EU RIEN A FOUTRE DE NOUS !

Ne supportant plus ces regards plein d’incompréhension, de pitié. Il ne voulait plus être le centre de l’attention, il ne l’avait jamais voulu. Il détala vers la forêt, courant le plus vite possible. Il voulait qu’on le laisse seul.

HRP:

C’était une bonne journée, un entrainement plutôt bon avec mon nouvel apprenti. D’autres avaient été nommés, et cette nouvelle relève me faisait chaud au cœur. Je suis le meneur d’un clan prospère. Les choses n’ont jamais été vraiment simples au début, lorsque les étoiles m’ont accordés vies et nom. J’ai été et je suis toujours un monstre, après avoir tué cette pauvre petite… Je me sentais coupable, mais je n’avais pas le choix, alors, je me voile la face et essaie de vivre avec, malgré les séquelles, même si le sang commence à disparaitre depuis la naissance de mes enfants. Ils m’aident à cacher cette horreur. J’ai du faire face au Lunar Pod, qui sont toujours là, certes, mais battu pour nous. Enfin… Il était temps de rentrer au camp, je ne voulais pas forcer plus que ça sur mes blessures récentes. Pourtant, ce que je voyais en rentrant, brisait tout l’espoir que je retrouvais. Je recommençais à voir l’horreur. Plus loin, à côté de l’arbre mort, accompagné par un attroupement funèbre, gisait un petit corps frêle, celui d’une apprentie. Avant que je puisse voir qui c’était réellement, je voyais à sa place cette petite minette aux courtes pattes, avec une flaque de sang autour d’elle. Ses plaies terribles à voir sur sa gorge. Cette vision d’horreur, dont j’avais été le responsable me provoqua un frisson de terreur. Pensant réellement que c’était Nuage d’Hermine, je cours vers la minette étendu au sol. Mon regard ne se détachait pas d’elle. Et je voyais même des trainées de sang jusqu’à mes pattes. Je ne remarquais même pas les dires des félins à côté de moi, trop ébranlé pour comprendre qui était réellement là. Mes pattes étaient de nouveau poisseuses, et ce goût métallique coulait dans ma gueule. C’est pas possible, c’est pas possible… Elle ne doit plus être là normalement ? Elle est enterrée et son âme à rejoins les étoiles ? C’est pas possible… En fermant fort les yeux, je cherchais à redevenir lucide. Le corps de Nuage d’Hermine est finalement remplacé par une autre horreur. Dont je ne suis pas le responsable cette fois. Quand je reviens à moi, je terminais d’entendre les pleurs de Nuage du Léopard. Evidement, il est le frère de Nuage Nerveux. Le petit s’enfuit en courant. Dans la forêt. Je n’avais pas entendu ce qu’avait dit Feuille de Houx. Tant pis, je me doutais bien, vu son état et son odeur qu’elle a été attaqué. Je fais signe au guerrier noir de partir chercher le petit, je ne veux pas qu’il soit seul avec… Je m’approche de la petite et respire son odeur, et je la trouve mélangé à celle des lunar pod. Il ne doit pas rester seul dans les bois avec eux. Je presse du regard le guerrier, il devait le retrouver. Et moi, je devais rendre un hommage à cette petite. Le cœur lourd de voir une si jeune petite mutilée, je me mets à ses côtés et m’adresse au clan d’une voix grave et respectueuse en regardant le ciel qui devenait orange par le crépuscule.

« Clan des étoiles, je te pris de guider cette apprentie partie trop tôt. Prends soin d’elle du mieux que tu peux, aide-la à trouver le chemin toi. Elle était trop jeune et nous déplorerons son départ. Puisses-tu trouver le sentier des étoiles.»

Je pose ma truffe contre le pelage de l’apprentie et lui lèche l’épaule. Trouve le chemin des étoiles, nous ne t’oublieront pas. Je relève la tête. Il fallait trouver le meurtrier. Je me mets à l’écart mais annonce toute de même au reste du clan :

« Je veux que les meilleures pisteurs viennent me voir. Il faut retrouver celui qui a fait ça. Il partiront immédiatement. »

Je ne savais pas ce que je ressentais, peut être un mélange de colère et de tristesse. Cette enfant sortait à peine de la pouponnière… C’était de ma faute. J’aurais du faire attention aux membres de mon clan. N’est-ce pas mon rôle ? J’étais coupable. Les étoiles me le pardonneraient-elles un jour ? Ou alors me puniraient-elles ? Après tout, Krov avait bien dit que mon nom n’était qu’un mauvais signe. Et je commençais de plus en plus à la croire. La mort de cette petite en était la preuve. J’apporte le malheur à mon clan.