Les épines d’une rose | feat Vipère Audacieuse - end

Les épines d'une rose. (2)

Une nouvelle journée, des nouvelles rencontres. Ou même juste des nouveaux câlins par les vieilles rencontres. Mais pour avoir ces câlins, il fallait d’abord sortir de la pouponnière. Et même avant ça, il fallait que j’arrive à me dépatouiller de la pile de fourrure que moi et ma fratrie formions. Enlever ma patte de la tête de Petit Roux, bouger ma queue mâchouillée par Boule de Braise et ne surtout pas réveiller Patte Ardente. Un, deux, trois, et mes quatre pattes etaient dorénavant bien ancrées sur le sol. Je m’ébrouai puis avec toute la grâce d’un chaton, je commençai mon exploration. Une pointe de culpabilité me traversa lorsque je franchis la sortie de la pouponnière, Chêne Argenté n’aimant pas que l’on parte sans qu’elle le sache. Sans doute pour qu’on ne se mette pas en danger. Mais pourquoi je me mettrais en danger et risquerais ma vie déjà épargnée une fois par les Étoiles ? Je ne voudrais pas abuser de leur gentillesse et garder les sauvetages célestes suivant pour des faits très graves. Pas juste pour une balade dans le camp. Puis, il y avait déjà des guerriers que je connaissais, comme le grand mâle roux et blanc qui nous sourit à chacune de nos sorties, alors que Papa qui parlait avec lui nous regardait avec aucune affection. J’en tremblais à chaque fois. Et s’il décidait d’accomplir la volonté de Maman et de me tuer ? Pour éviter de le tenter, je filais sans demander plus.

Mais cette fois - ci, peut - être étais - je sorti trop tôt. Peu voir pas de guerrier trainaient dans la place centrale. Assis devant la pouponnière, j’attendis qu’un guerrier connu ou d’apparence sympathique sorte de son nid. J’attendis un bout de temps, observai un mouche qui passait devant moi avant de la chasser avec un feulement de chaton. Bourdonner dans mes oreilles n'était vraiment pas agréable. Puis une fois la gêneuse partie, mon attente porta ses fruits. Un pelage crème aux extrémités brunes me semblèrent assez connue pour que je me mette à courir de façon pataude vers la féline. Un tel pelage, cela ne pouvait être que Nuage Firmament, la gentille apprentie guérisseuse ! Du coup sans être alerté par la différence de taille entre l’apprentie et celle vers qui je courrais -tous les chats étaient plus grands que moi alors un peu plus, un peu moins, comment le remarquerais - je ?- je me jetai dans un câlin entre ses pattes.

" Coucou Nuage de Firmament ! "

La bouche en cœur et les yeux pétillants, je montrais toute mon affection pour en recevoir en retour, preuve qu’au moins quelques chats ne voulaient pas que je meurs. Mais une fois que mes yeux s’étaient posés sur son visage, je vis deux grosses balafres qui m’étaient inconnues.

" Eh p’ourquoi t’u as d’es cicat’rices ? Hier t’u en avais p’as !! "

Puis ça faisait une nouvelle histoire à écouter.

Les épines d'une rose. (2)

Son visage restant fermé, ne souriant pas comme d'habitude, commença à me mettre la puce à l'oreille que je m'étais peut - être trompé de chat. Elle lâcha juste son nom, Vipère Audacieuse. Vipère, Firmament...

" Oh t'u as changé de nom aus's'i ? "

Je battis un peu des yeux, moi même peu convaincu de cette solution. Entre deux jours, si un chat changeait de nom, on aurait eu une Assemblée ! Qu'est ce que je voulais voir une Assemblée, surtout donnée par le nouveau chef. Il était brun tigré comme moi, cela m'inspirait confiance et je l'aimais beaucoup rien que pour ça. La guerrière, car à plus la regarder, elle semblait bien musclée et ne sentait pas du tout les plantes, n'en dit pas plus. Et ce silence fut d'un coup très pesant, surtout quand je me rendis enfin totalement compte de mon erreur !

" AH ! Ex'cus'ez moi ! Je me s'uis t'rompé de chat ! Pard'on pard'on ! "

Ne voulant pas plus l'embêter, je pris mes petites pattes à mon cou et m'éloignai d'elle. Pas trop vite quand même pour ne pas trébucher et tomber. Et à chaque pas que je faisais, ma curiosité grandissait. Elle n'avait pas l'air si méchante en fait, juste silencieuse. En plus, dorénavant que je me tenais plus loin, je voyais ses autres cicatrices. Je m'arrêtai, impressionnée. Elle devait être une grande guerrière. Me faire bien voir par elle devrait être une bonne chose. Avoir de son côté quelqu'un qui sait se battre pourrait être très utile si jamais on voulait attaquer le drôle de petit chaton que j'étais. Donc demi - tour, je revins aux côtés de cette grande Vipère et me laissai tomber sur mon arrière train une fois revenu devant elle. Grands yeux étonnés.

" Hum, d'is, s'i ç'a 'te d'érange pas... T'u les as eues où t'es c'icat'ric'es ? "

Tirant sur mes deux pattes avant pour trainer mes fesses plus près d'elle, je murmurai :

" A la grand'e Bat'aille ? "

Je le disais tout bas, car dès que des chats en parlaient dans la pouponnière, ils chuchotaient à propos de ce vraisemblablement sanglant sujet. Mais les histoires de batailles, c'était les meilleures.

Les épines d'une rose. (2)

Pour mon grand bonheur, elle ne détourna pas ma question, ni ne me fuit. Ma queue frétillait de joie de connaître une nouvelle histoire. Je la regardai en silence tandis qu'elle devait sûrement se replonger mentalement dans les guerres qui lui avaient coûté des balafres ici et là. Pour occuper mon esprit, je me mis à compter les cicatrices que je voyais. Deux sur son oeil droit, une sur son épaule droite, trois autres sur la patte gauche, et... je tendis un peu le cou pour chercher d'autres traces visibles depuis ma place assise. Sur le dos oui, il me semblait voir le début d'un trophée de combat. Donc elle avait... je regardai discrètement mes pattes pour compter sur mes doigts, sortant une griffe par cicatrice. Sept cicatrices ! Et encore, peut - être que de ma place, d'autres m'étaient cachées ! Elle devait sûrement en avoir plus que je n'ai de doigts sur mes pattes avant ! Mais mon admiration de mon comptage fut interrompu par les explications qui commençaient enfin ! Mon admiration était totalement reportée sur le récit. Elle me dit que la plupart datent d'avant ma naissance, ce qui n'était pas compliqué vu qu'une seule bataille s'est déroulée depuis que nous étions né. Cependant, les yeux brillants furent remplacés par deux fentes et un frisson lorsqu'elle précisa que des chats qu'elle a combattu n'étaient plus là pour en parler. Ils étaient donc morts.

C'était vrai, qu'on pouvait mourir des batailles. Mon instinct profond de survie me criait que ce n'était pas bon, mais pas bon du tout. Mais au dessus de mon instinct de survie avait mon envie de vivre. Fuir serait la bonne solution mais... fuir veut dire se retrouver tout seul, était - ce vraiment une vie ça, la fuite ? Je me secouai pour réprimer un autre frisson. Pour ne pas mourir et donc vivre, il allait donc falloir se battre. Et bien se battre. Je refixai mon regard sur la guerrière sablée. Ses adversaires étaient morts, mais pas elle.

" C'est que les chats d'es autres clans n'ét'aient pas as's'ez forts.. "

Et ce fut là que la force du Tonnerre, enfin bien sûr que pour moi c'était le clan le plus fort, se confirmait encore plus à mes yeux. Les chats de mon clan étaient forts, les seuls qui auraient pu poser problème, c'étaient les chefs à 9 vies -celui de la Rivière avait tué ma maman, mais devais - je avoir peur ou être ravi
?- ou les barbares comme les Lunar Pods. Du coup deux vérités me vinrent à l'esprit : être aimé de mon clan très fort car ses membres pourraient facilement en finir avec moi et..

" Moi en t'out cas je d'eviend'rais fort, pour le T'onnerre! "

Comme ça je serais bien intégré, et je pourrais vivre sans la crainte de mourir. C'était mon rêve.

Les épines d'une rose. (2)

Ma réponse sembla ravir la grande guerrière. Une légère déception était passée dans ses yeux mais un sourire l'effaça bien vite. Je souris en retour, très heureux d'être apprécié par une nouvelle personne. Elle se pencha pour me glisser quelques paroles qui firent mouche -et je ne parlais pas de mon grand frère-. Si j'étais assez fort, je n'aurais plus peur de mourir. Mon sourire disparu pour laisser place à une bouche bée, comme si on venait de me révéler l'ultime vérité. Vivre sans avoir peur de mourir, quel rêve ! Cette fois - ci, elle s'assit pour continuer ses conseils qui m'étaient fort intéressant. Être fort pour moi même, c'était naturel, pour me protéger des dangers. Puis ça allait de paire avec sa phrase suivante, plus faire confiance en ses griffes qu'en sa famille. Quoi, elle pourrait se retourner contre moi ? Je regardai mes petites griffes transparentes de chatons, avant de regarder la pouponnière où ma fratrie dormait encore. Boule de Braise, Petit Roux, Patte Ardente, me faire du mal ? Puis mon regard continua sa route sur le pelage bien distinctif de mon père, qui quelques jours avant avait dit qu'il pensait que l'on avait peu de chance de survie. Pourquoi ? Le camp semblait sécurisant et bien protecteur ! Pourquoi l'on mourrait ? A moins... d'une attaque interne ? Mes craintes augmentèrent, levant mon duvet sur mon échine. Une fois que je serais assez fort, pour protéger ma famille, enfin celle qui ne m'aura pas trahi.

Mon regard était toujours porté sur le bengal. Quelle menace représentait - il ? A côté de lui, le guerrier roux semblait plus grand. Et Vipère Audacieuse semblait plus forte, de part ses cicatrices et son attitude plus froide que celle de mon père qui était plus câlin avec les autres chats. Les autres chats sauf nous, là, si, quand j'y repensais, j'avais eu une de ces frousses.

Rentrant enfin mes griffes inoffensives dans leurs fourreaux, je vis les siennes qu'elle avait aussi sorties. Plus longues, plus opaques, plus... utilisées. Mon jeune esprit tentait le plus possible de la comparé à mon père, pour voir si elle pourrais m'aider en cas de danger. Alors je demandai à la siamoise :

" T'u pens'es être plus fort'e que Coup d'e Foud're ? "

J'avais lancé ça sur un ton de pure curiosité, mais au fond, si elle était plus forte que lui, ce serait vraiment utile. Je la regardai une nouvelle fois, devant lever la tête pour la voir de toute sa hauteur. Plus je la regardais, moins j'en doutais. Elle semblait aussi savoir tant de choses, avoir combattu tant de chats, avec.. ses.. longues griffes.. Je déglutis. Me rendant compte de mon petit statut de chaton, une angoisse me prit. Oui, j'étais vraiment vulnérable. Papa n'avait pas tort, on pourrait vraiment mourir facilement.

" ... T'u pens'es que je pourrais êt're plus fort que lui ? " dis - je un peu dépité, face à la réalité.

Les épines d'une rose. (2)

Pas fort de la même manière me dit - elle en souriant sur le côté. Je fis une moue d’incompréhension. Ça voulait dire qu’elle était quand même forte non ? Plus forte que moi oui. Je la refixai. Elle passait de souriante à neutre. M’appréciait - elle ? Je pense que c’était la question la plus importante. Sa queue ondulait pendant qu’elle me répondait. Je plantais mes griffes dans le sol pour ne pas sauter dessus. Si je n’étais pas fort, peut - être que je serais un bon chasseur et on m’aimera pour ça. Je regardai la pile de gibier. Mouais. Le lait était encore meilleur à mon goût pour l’instant. Puis, comme le disait Vipère Audacieuse, on verra ça quand je serais apprenti. J’avais hâte, d’être apprenti et d’apprendre à être plus fort, puis rencontrer les apprentis actuels qui nous parlaient pas trop, voulant être plus avec les adultes que les chatons. Oh oui j’avais hâte.

Puis la guerrière demanda mon nom. Je clignai quelques fois des yeux. Ah bah oui, je ne m’étais pas présenté ! C’était pourtant la base pour que les gens te connaissent bien. Je lâchai un cri de surprise face à mon oubli. Puis je cognai avec ma patte sur ma mâchoire de travers.

" Pet'it Bec ! Pas d'iffic'ile à oublier une fois que t'u le s'ais. Il s'uffit d'e voir ma t'êt'e hé. "

Je souriais mais intérieurement j’étais pas si heureux. Petit Bec, nom inscrit sur ma gueule mal faite. D’un côté j’étais reconnaissable mais de l’autre, c’était une moquerie constante contre moi. Boule de Braise, Patte Ardente, Petit Roux, Vipère Audacieuse, c’était plus classe déjà.

" Et t'oi, t'u t’appelais Pet'it'e Vipère ou Pat't'e Aud'ac'ieus'e ? "

Car Petite Vipère, ça faisait chaton tout petit tout fin, et Patte Audacieuse me faisait plutôt penser a Patte Ardente.