The return of a brother ~ feat Feulement & Caresse - end

Le chaton n'était plus ce qu'il était avant. Bestiole rachitique, côtes saillantes, corps balafrés, pelage en bordel, yeux ternes et tempérament plus sauvage que civilisé. Que voulez vous, lorsqu'on passe trois mois à devoir se battre à mort pour le moindre bout de viande et à se faire torturer aussi bien psychologiquement que physiquement, on change. Son enfance était ruiné. Il était ruiné. C'était à se demander même comment le clan de l'ombre avait pu juger bon de le délivrer après la bataille.

Mais voilà, Petit Feulement portait très bien son nom maintenant. Plus encore qu'autre fois. Et il était terrifiant à voir. Dur de savoir si on en avait pitié ou peur. La pauvre gamin n'était pas au bout de ses peines. S'il pensait pouvoir revenir chez lui et retrouver sa bien aimé mère qui lui avait tant manquer il se trompait. Car la belle Fleure Noire n'était plus. Elle aussi était tombée, morte. Son état mental était déjà pitoyable alors lorsque son petit disparu c'était peu-être cela qui fut sa fin.

Peu de gens avaient pu l'apercevoir. Etoile Maudite avait certainement annoncé au clan son retour mais le l'orphelin était resté coincé dans l'antre du guérisseur. Il fallait soigner ses blessures infectés et le nourrir. Il devait reprendre du poil de la bête, recommencer à vivre.Mais quoi qu'il en soit, il ne serait jamais le même.

On lui avait accordé une petite promenade. Juste histoire de se détendre un peu. Petit Feulement n'avait plus peur de quitter le camp. Pour être honnête il n'avait plus peur de grand chose au point où il en était. Instable pour le moment, il avait du mal à se rappeler des règles de vie de l'ombre. Il lui faudrait du temps pour qu'il cesse d'agresser le premier matou qui s'approchait de sa proie. Ou de lui en général.

" QUI EST LA? MONTRER VOUS CROTTE DE RENARD! "

Une voix familière. Son ton agressif retourna d'abord l'estomac du mâle qui eu une envie soudaine de planter ses griffes dans la chaire de quiconque avait oser cracher sur lui. Mais quelque chose l'en empêcha tout autant. Petit....Petit Orage! Les oreilles du mâle se tournèrent en direction de la provenance du son tandis qu'il se retourna. Bien qu'il savait que son interlocuteur était son ami, il ne pouvait s'empêcher de se méfier. Le poil tout ébouriffé il s'approcha lentement, les yeux plissés.

Et enfin il sortit de l'ombre, fit face à son vieux camarade. Enfin. Vieux. On se comprend. Ses yeux ambrés se plongèrent dans ceux du tigré mais il ne dit rien. Peu-être parce qu’il ne savait pas quoi dire.

C'était bien Petit Orage qui lui faisait face et pourtant le chaton sombre ne parvenait pas à oublier l'angoisse profonde qui le poussait à rester sur ses gardes. Cette petite voix qui lui chuchotait que son ami pourrait très bien lui bondir dessus aussi. Après tout, qu'est-ce qui le différenciait de ces connards de Lunars?

" Petit Feulement, c'est un miracle! Je te croyais mort. Je suis tellement désolé... J'aurait dut être là, j'aurais du être kidnapper avec toi ce jours-là! J'ai honte, je ne suis pas aussi fort que toi... Je ne suis pas digne d’être ton ami... "

Sur ces mots emplit d'emotions le brun lui fonça dessus pour l'enlacer. Le fils de Serpentaire se figea, ses muscles se contractèrent, sa fourrure s'hérissa soudainement et ses pupilles ne furent réduites qu'à de simples fentes. Son instinct parla avant lui et il leva une patte griffu pour l'abattre sur le museau de l'autre chaton en poussant un feulement agressif.

" Me touche pas! "

Cracha t-il en archant le dos, tout rond, près à se jeter sur la première menace. Mais voilà, le seul et unique "danger" potentiel ici, c'était Orage et- Orage n'était pas quelqu'un don il était supposé se méfier. Ses pensées étaient brouillés par des mois d'enfer et le pauvre gosse du prendre quelques secondes de plus pour réaliser qu'il était sujet à de la paranoïa pure et simple. Il devait se calmer, reprendre ses esprits. Il était dans le clan de l'ombre. Ses frères, sa famille. Il n'avait rien à craindre. Il n'avait pas à se battre ou a tuer pour manger.

"Désolé."

Glissa t-il plus doucement tandis que sa fourrure retomba lentement sur son corps.

"Je sais pas ce qui m'a pris."

Il passa quelques coups de langues sur son poitrail crasseux. Cela ne faisait que quelque jour qu'il avait recommencer à prendre soin de lui même alors forcément...Ce n'était pas très beau à voir.

Depuis l'annonce du retour de Petit Feulement, ce dernier était la seule chose qui occupait son esprit.

On disait qu'il était rentré en mauvais état. C'est vrai, car le jeune chat était cloîtré dans l'antre d'Esprit Soucieux dès son arrivée. Personne ne l'avait vraiment vu. Douces Caresses, lui, avait tenté de le voir mais n'avait rien entrevu dans l'ouverture de la tanière. De plus, il savait très bien qu'il fallait qu'il se rétablisse... Alors il passait son temps à divaguer. Il s'imaginait ce à quoi il pouvait bien ressembler maintenant. Que lui avaient-ils fait subir les Lunar Pods? Des choses horribles, très probablement. Et ça le dégoûtait autant que ça l'énervait. Douces Caresses les avait laissé faire, pire encore: comme tout le monde, il avait commencé à croire qu'il pouvait bel et bien être mort.

Pour se changer les idées, il sortait en forêt et s'éloignait loin dans les terres. Cependant, c'était en vain. Le rescapé envahissait ses pensées à nouveau.

Ses pattes avant se détachèrent enfin du sol alors qu'il se propulsait, atterissant bientôt sur sa proie. Le mâle efféminé planta les dents dans la nuque du gros rongeur et le relâcha lorsqu'il ne sentit plus la pulsation de son pouls entre ses mâchoires.

Choppant sa prise à nouveau, il jugea bon de rentrer. Après un long temps de marche, il passa enfin le seuil du camp mais n'abandonna pas son gibier dans la pile comme d'habitude. Non, il se figea sur place car Petit Feulement se tenait à quelques queues de renards de lui. Vivant. Il était finalement sorti de la tanière de Soucieux. Distrait, le chaton tourna la tête vers le jeune guerrier, dont la mine s'illumina lorsqu'il revit enfin son minois grincheux qui lui avait tant manqué. Il avait désormais l'allure d'un apprenti. Son poil n'était plus si soyeux, mais son visage et sa musculature étaient virilement définis. Il admirait le travail que le guérisseur avait accompli; des cicatrices fraichement fermées couturaient sa figure et lui procurait un air de survivant, ce qui était tout à fait légitime. Douces Caresses admirait ces marques qui témoignaient de son calvaire, il émanait maintenant une aura de mâle affirmé.
Il se rua vers lui et déposa le large rat à ses pattes, avec un visage radieux et un sourire tout à fait ravi. Il ne cachait pas sa joie. Le futur apprenti, lui, s'enquit de lui adresser un regard couplé d'un ricannement qui ne contenait aucune moquerie, à son grand soulagement.

" Tu vas m'dire quelque chose, ou tu préfères rester là comme un idiot?
- Je... J'en crois pas mes yeux! C'est toi, c'est vraiment toi!" balbutia-t'il.

Le chat calico enfouit son museau dans le pelage de sa joue, s'y frottant chaleureusement en ronronnant. Petit Feulement, étonné, ne repoussa pourtant pas le geste et le laissa faire...


Douces Caresses secoua la tête pour revenir à la réalité. Il avait encore rêvé éveillé et s'était imaginé un énième scénario. Depuis le temps qu'il était resté fiché là, la gueule entrouverte car il tenait le rongeur, un filet de bave avait formé une mini-flaque sur l'herbe. C'était stupide, de plus le matou tigré ne réagirait probablement pas de cette manière...

Pour de vrai cette fois-ci, il entreprit de rentrer. La distance lui paraissait encore plus grande que lorsqu'il s'était aventuré jusqu'ici plus tôt. Seulement, des voix lointaines réveillèrent son esprit vide et déçu à mi-chemin. Désormais intrigué il se rapprocha de la source, quitte à dévier de sa route et allonger sa trotte jusqu'au camp. Finalement, il arrêta rapidement sa progression, il s'avérait que les personnes se trouvaient plus près de son emplacement que ce qu'il pensait car il pouvait maintenant entendre les paroles clairement.

"...J'aurais du être kidnapper avec toi ce jour-là! J'ai honte, je ne suis pas aussi fort que toi... Je ne suis pas digne d’être ton ami...
- Me touche pas!

L'ombreux passa sa tête entre deux plants de fougères et la scène se dévoila devant ses yeux.

- ...Désolé. Je sais pas ce qui m'as pris, répondit Petit Feulement.

Oui, il était là et c'était bien lui. Pas une hallucination ou une réplique onirique trop réelle; le chat rayé se trouvait véritablement là devant lui, il en était sûr.
Mais il ne ressembla pas au jeune chaton de ses songes qui était devenu un mâle endurci par la dureté de la vie. Non, cette version ressemblait d'avantage à un jeune chaton qu'on avait jeté dans la cour des grands. Il avait l'âge de devenir un apprenti, mais avait l'apparence d'un vétéran précoce. Son corps frêle et malnouri n'avait pas trouvé la force de développer des muscles, et sa réaction face à Petit Orage indiquait non pas un caractère renforcé, mais un individu brisé.

En parlant de son camarade, d'ailleurs, qu'est ce qu'il foutait ici? Tous les deux étaient des chatons n'ayant pas l'autorisation d'être ici, mais c'était excusable pour le fils de l'ancien chef car Douces Caresses voulait le voir. Alors que l'autre, pas du tout. C'était un petit parasite qui infestait l'esprit de son bien-aimé. Les faveurs de son coeur ne revenaient qu'à lui et à lui seul.

"Petit Orage. Qu'est ce que tu fais ici?" dit le guerrier avec un ton dur, sa jalousie avait surpassé son excitation.

Petit Orage se laissa faire bien que son langage corporel trahissait sa stupeur. La queue de petit feulement fouetta l'air, ses griffes raclèrent le sol nerveusement. Ce n'était pas vraiment contrôlé cette pulsion méprisante qu'il ressentit à l'égard du brun lorsqu'il s'excusa:

" Tu n'as pas à t'excuser Feu' je comprend. Je vais leur faire payer à ces sales cons, le... "

Là-bas, il serait déjà mort. On laisse une baffe passer et c'est bientôt votre sang qui s'écoule sur le sol boueux. Mais il ne dit rien, le dos toujours aussi rond et le poil encore en bataille, se contentant de fixer son "vielle ami" des ses yeux ambrés, pupilles réduites à des fentes. Ses oreilles pivotèrent vers la source d'un bruit de pas. Une odeur qu'il avait autrefois connu mais qu'il avait maintenant totalement oublié monta à ses narines. Et c'est bientôt une femelle, non, un mâle d'après sa voix, qui avança vers eux.

" Petit Orage. Qu'est ce que tu fais ici? "

Il plissa des yeux. Il se souvenait d'avoir vu ce chat quelques fois dans le camps. Rien de plus. Un petit feulement échappa de sa bouche.

" Et qu'est-ce que ça peut te foutre? "

Le fils de Serpentaire et de Fleure fit un pas en avant et passa devant Petit Orage. Non pas pour le protéger, car la solidarité était une notion qui avait quitté son registre depuis quelques lunes, mais pour s'imposer. Il plongea ses yeux dans ceux du guerrier? Apprenti? Qu'importe. Il n'était pas bien imposant bien que sa fourrure lustrée et soyeuse laissait clairement comprendre qu'il était en bonne forme. Mais Petit Feulement était certain qu'il pourrait lui faire bouffer la boue. C'était un gamin agressif, un peu trop.

" T'es qui? "

"Et qu'est-ce que ça peux te foutre ?", répondit avec témérité le chaton tempétueux. C'est peut-être pour cela qu'il s'appelait Petit Orage, d'ailleurs.

Ce propos ne lui plu pas, mais alors pas du tout. Douces Caresses, étant un guerrier, était par déduction également son supérieur. Et, par cette autorité, il avait amplement le droit de lui faire remarquer qu'il n'avait rien à faire là même s'il serait bientôt apprenti, et que ce n'était pas la vraie raison qui justifiait son envie qu'il parte. Il aurait l'air d'un fou s'il disait "Vas-t'en, vermine, ôtes incessamment sous peu tes sales pattes de mon tout précieux!", il avait donc plutôt intérêt à utiliser cette excuse.

"Je te rappelles que tu es un chaton et que t-
-T'es qui?"

Douces Caresses se figea, pris de court. En parlant de son tout-précieux, celui-ci venait de s'avancer devant l'autre.
Son regard se plantait dans le sien de la pire manière qui soit, d'un jaune violent et cassant, sa façon de le fixer était peut-être même plus terrible que ce qu'il venait de dire. Le calico avait trop dérivé dans ses fantaisies, mais il se rappelait. Il savait pertinemment que Petit Feulement ne le connaissait pas... mais, réellement, est-ce-que c'était nécessaire? En apprenant à connaître Feulement de loin, il aurait pu l'accoster et le séduire car il savait comment il réagit. Du moins, il le savait... Il avait toujours été persuadé que son amant convoité ne pourrait résister à ses charmes. Serait-ce toujours le cas? L'aimerait-il, maintenant qu'il avait été changé par des sauvages?

Non, Douces Caresses le refusait. Ca ne pouvait pas être possible.

Ils sont faits l'un pour l'autre.

"Douces Caresses... un guerrier, prononça-t-il en faisant de son mieux pour ne pas laisser transparaître son tumulte interne. Il laissa sa phrase en suspens avant d'ajouter à l'intention de Petit Orage: "Au final, tu peux rester. Tu seras bientôt apprenti, non?"

Il avait réfléchi; et sa conclusion était que Petit Feulement semblait être ami avec cette boule de poils horripilante, et il ne souhaiterait probablement pas que Douces Caresses le chasse. Et même si c'était le cas, c'est trop risqué; il devait mettre toutes les chances de son côté... même si ça signifiait être en compagnie de ce matou qui lui hirissait la fourrure de dégoût et de jalousie.

"Et ranges-moi ça, fit-il en désignant du menton les griffes de l'intéressé. "Sinon je risque de changer d'avis." Il ne fit aucune remarque à l'égard de Petit Feulement, il tolérait son aggressivité parce qu'il l'accepterait toujours, peu importe s'il était encore le chat qu'il avait connu ou non.

" Douces Caresses... un guerrier. "

Quel nom de pédale.

" Au final, tu peux rester. Tu seras bientôt apprenti, non?
- Comme si j'avais besoin de ta permission, "la brindille"
- Et ranges-moi ça. Sinon je risque de changer d'avis.
- Change d'avis j'attend que ça, sale vers de terre insignifiant! "

Petit Feulement observa l'échange se faire avec attention. Automatiquement il s'attendait à ce que le guerrier se jette sur Orage pour lui apprendre sa place, et qu'Orage défende son honneur contre ce dernier. Pour lui, c'était la solution la plus logique. Il ne voyait pas comment les choses aurait pu se passer autrement.

Et si combat il y avait, alors il n'interviendrait pas. Car il n'était pas impliqué. Si Orage ne parvenait pas à se défendre alors cela voulait seulement dire qu'il était faible. Il n'allait pas le protéger. Les gens ne se protègent pas. On ne l'avait pas protéger.

Il se contenta de laisser échapper un miaulement presque sourd, grave, long et désapprobateur qui sonnait presque comme un grognement. Quoi que ces deux fassent, ils n'avaient pas intérêt à le toucher.