miles away from where you are || petite digitale feat. feulement - End

La joue de sa mère accueilla la caresse de son petit museau, qui lui décrocha un ronronnement réconfortant. Sa queue fournie enveloppait le chaton lové tout près d'elle. La chatte réchauffait sa fille autant qu'elle la chérissait.

Brusquement, la femelle se déroba sans précaution. La petite s'étala sur le sol inhospitalier. Elle se tourna vers sa mère. Elle s'éloignait.

" Maman ? La femelle bicolore ne répondit pas. Maman, où tu vas ? Attends ! "

Confus et alarmé, le chaton se tint sur ses pattes encore fébriles. Elle ne saisissait pas la situation. Elle poussa un miaulement. Aucune réponse. Sa mère ne remua même pas une oreille. Elle l'appela de nouveau, en vain, alors la grise tigrée s'en alla après elle.
Ses pattes ne lui répondaient pas, elle était figée sur place, impuissante. Derrière Bouquet de Muguet, l'image de Petite Aile se dessina. Elle ne se retourna pas non plus.

" Attends- ATTENDEZ ! "

Petite Digitale s'éveilla en sursaut. La tanière était sombre mais elle discerna la silhouette de sa soeur à quelques pas d'elle, contre qui elle s'était originellement assoupie. Encore ce cauchemar...

Elle s'aperçut que ses joues étaient trempées de larmes et les essuya d'une patte molle. Le froid du crépuscule et le sommeil avaient endormis ses muscles. Son premier instinct fut de revenir se blottir contre sa soeur lorsqu'un frisson dressa les poils de son dos, mais elle semblait dormir si paisiblement... Elle n'oserait la perturber, cependant, elle se savait incapable de se rendormir sans une présence consolante.

Feulement était l'opposé de chaleureux... mais c'était le seul qui était là, hormis d'autres chatons avec leur reine et Petit Gingembre, et il ne dormait pas, conclut la petite tigrée après l'avoir observé. Pourtant, elle était réticente, et prit une bonne dizaine de minutes avant de lui demander s'il voulait bien qu'elle se repose à ses côtés car ses rêves la tourmentaient. Petite Digitale n'avait pas oublié ses mots. Après tout, "elles n'ont pas besoin de lui." C'était bien vrai : elle a besoin de sa mère. Mais sa mère n'était pas là, son oncle non plus. Alors elle devra faire avec lui, aussi effrayant et éprouvant que cela puisse être.

La nuit était chaude, lourde et presque aussi sèche que la gorge du lieutenant couché sous la voute de ronces et d'aiguilles qui formaient le toit de la pouponnière.

Les étoiles brillaient perçant le ciel sombre de leur éclat et aidant la lune à draper la forêt de Cerf Blanc de son voile d'argent. Les grillons ne semblaient nullement impressionnés par la canicule estivale, la bravant de leurs chansons presque assourdissantes. Mais si on ignorait le brouhaha de ces dernier, la cacophonie des moustiques et le grincement des vieux pins qui entouraient le camp le silence régnait sur le clan de l'Ombre.

Tous dormaient et ceux qui travaillaient patrouillaient bien trop loin pour qu'on puisse les entendre. Dents de sabre faisait parti de l'escouade nocturne, c'était pour cette raison d'ailleurs que le grand mâle charcoal se retrouvait dans la tanière des mères et des petits.

Il était censé dormir mais il lui était dur de s'assoupir sous ces températures insupportables.

Du coin de l'œil il perçut un mouvement.

C'était une des petites, elle avait bougé dans son sommeil.

Feulement ignora, reposant à nouveau son attention vers la cime des arbres et le ciel étoilé qu'elle pointait.

Il décida de profiter de son insomnie pour organiser les patrouilles du lendemain. Passant en revu le nom des chats de son clan ainsi que ceux qu'il avait déjà mobilisé récemment pour ne pas les désignés. Il prendrait certainement la tête d'une des excursions. Peu-être celle de la nuit prochaine ...

Les minutes glissèrent longuement, le sommeil pointait enfin le bout de son museau alourdissant lentement les paupières du grand mâle sombre qui s'installa plus confortablement dans les bras de Morphée. Tant et si bien qu'il n'entendit pas la pauvre Petite Digitale s'éveiller en sursaut; ce fut ses reniflements qui le firent soudainement ouvrir les yeux. Elle était dos à lui, observant sa sœur endormie. L'orphelin lui lança un regard avant de reposer son menton sur ses pattes antérieurs quand bien même il savait qu'il lui serait d'autant plus difficile de s'endormir maintenant. S'il parvenait à fermer l'œil à proximité de ses camarades de clan depuis longtemps maintenant (il n'avait pas le choix) il lui était toutefois encore compliqué de se laisser aller sereinement. Il fallait toujours attendre que tout le monde dorme avant qu'il ne parvienne à les rejoindre à son tour.

Alors de son regard fatigué il observa une mouche se poser non loin de lui, fouillant la terre sèche et poussiéreuse à la recherche d'il ne savait trop quoi. Il espérait que sa fille, qu'il lui était étrange de se dire que c'était son enfant, retournerait rêver vite pour qu'il puisse enfin se reposer mais ce ne fut pas le cas car bientôt les oreilles du jeune père pivotèrent vers le son de ses petites pattes se trainant sur le sol.

Il releva la tête, pointant son visage en direction de l'enfant qui leva timidement les yeux vers lui. D'une toute petite voix elle lui demanda une requête qui le surprit grandement. Tourmentée par ses cauchemars elle souhaitait se blottir contre lui pour espérer trouver le sommeil à nouveau.

Feulement demeura silencieux un instant.

Le contacte physique le repoussait depuis son enfance hélas, un des nombreux vestiges de son traumatisme qui lui avait causé bien des tords. Réactions violentes et impulsives involontaires, disputes avec ses camarades et isolation parmi d'autres. Jusqu'ici rien de nouveau. Alors non, il n'en était pas question.

Toutefois ...

Il avait grandi, appris à se tenir ... A contrôler ses pulsions ou du moins à essayer. D'autres chats avaient réussi à le toucher sans qu'il n'en résulte un bain de sang et lui aussi avait touché d'autres chats.

Et la gamine ... Il avait promis de les aider, d'être là pour elles et de faire de son mieux pour veiller sur elles. Les cauchemars il savait ce que c'était. Ils avaient hanté ses nuits d'apprentis et même certaines encore.

Elle avait perdu une mère, peu-être devrait-il se montrer plus doux, mettre de coter son malaise au nom de son devoir.

Son regard se posa à nouveau sur l'extérieur pendant un court instant.

Que Fleur Noire lui avait manqué lorsqu'il séjournait chez les Lunar Pods. Oh combien avait-il rêver d'enfoncer son visage dans son pelage chaud et réconfortant. Les nuits avaient été insupportables sans elle. Seul, glacé, apeuré et tremblent de douleur.

Il se souvenait de ses tourments d'orphelin et les partageait silencieusement avec Petite Digitale.

Après tout il était son père et elle était sa fille. Il avait accepté de la garder elle et sa soeur, il devait assumer son rôle jusqu'au bout.

Il souffla du nez avant de reporter son regard d'ambre sur l'enfant.

" Viens. "

Miaula t-il de sa voix rauque avant de décaler sa queue, lui laissant ainsi un passage vers son flanc.

Il anticipa le contacte physique, refusant de laisser son corps le surprendre. C'était un chaton, il ne risquait rien, elle ne pourrait pas lui faire de mal et il n'avait donc aucune raison de lui en faire.

Petite Digitale le dévisagea longuement, secouée par son anxiété elle sursauta même lorsqu'il l'invita à le rejoindre.

Feulement l'observa se mouvoir vers sa couche de mousse, il ne la quitta pas du regard pour s'assurer que son instinct anormalement réactif ne se laisse pas surprendre quand bien même il s'attendait au contacte physique. Le lieutenant avait appris à vivre avec son "handicape", du moins il s'en sortait plutôt bien ...

Le museau de sa fille se dressa vers les cieux avant qu'elle ne s'installe contre son flanc. Son petit corps dodue sembla disparaitre dans sa longue fourrure sombre qui lui fit office de couverture.

Un léger frisson parcourut la colonne vertébrale du jeune père, ses muscles se contractèrent et ses griffes sortirent de leur cachette pour venir creuser un instant le sol.

Il contempla l'enfant lové contre lui.

Elle ne lui ferait pas de mal, se rassura t-il.

Déposant les armes, le fils de Fleur Noire cessa de pétrir la terre tentant tant bien que mal de détendre sa musculature et de ne pas se focaliser sur la boule de chaleur qui réchauffait son ventre.

Il finit par reposer son menton sur ses pattes comme il l'avait initialement fait et leva à son tour son regard d'ambre vers les nombreuses petites tâches blanches qui parcouraient le ciel entre les silhouettes des troncs des pins.

Tout comme sa fille ses pensées allèrent à sa mère si douce et surtout si absente. Son visage ne se dessina pas dans la toison d'argent, il l'avait oublié ... Mais sa présence, elle, il ne pourrait jamais s'en détacher tout autant qu'il ne pourrait jamais la retrouver.

Il se remémorait les vagues souvenirs de son enfance qui lui restait: Les rires de Petit Orage, La voix de la belle color point et ses caresses si affectueuses, emprunt dans un courant de nostalgie doux mais à la fois glaçant. S'il ne pourrait pas fermer l’œil de la nuit il se laissait rêver les paupières ouvertes à la vie qu'il aurait pu avoir si la reine ne l'avait pas quittée.