La moiteur de la pouponnière [PV Petit Epervier] -end

Plic ! Ploc ! Plic ! Ploc ! faisaient les gouttelettes rondes au delà du seuil de la pouponnière. Plic ! Ploc ! Plic ! Ploc ! suffit à tirer le chaton brun de son sommeil. Plic ! Ploc ! Plic ! Ploc !

Il s'étira, assénant un coup de patte maladroit dans ce qui était sans doute le corps de l'un de ses deux frères. « Désolé... » balbutia-t-il, ramenant la fameuse patte à lui d'un geste vif. Petit Épervier se réveilla lentement, s'asseyant dans un premier temps puis décochant une série de bâillements silencieux. Plic ! Ploc ! Plic ! Ploc ! l'intrigua seulement lorsqu'il fut totalement libéré des gros bras de Morphée. Oh, il pleut ! s'émerveilla-t-il alors. Même si les nuages couvraient la lune, cette dernière trouvait toujours une percée afin de permettre au fils de Cobra Royal et d'Œil de Biche de se diriger à la vue. Curieux comme tout chaton qui se respecte, Petit Épervier n'hésita pas bien longtemps avant de quitter la couche douillette de sa fratrie. Son réveil imprévu lui permit d'ailleurs de constater que sa mère n'avait même pas fini la nuit avec ses petits; sûrement était-elle partie rejoindre leur père dans la tanière des guerriers. C'était devenu plus régulier, depuis que les cinq chatons étaient assez grands pour cela. Pour autant, que Cobra Royal accepte ce traitement était assez rare.

L'absence du corps chaud de sa mère contraria grandement le cadet de la portée, lequel grimaça de colère dans la nuit. Elle ne nous aime même pas ! Elle va voir d'abord ! Furibond, la petit boule de poils bondit hors de la pouponnière aux odeurs de lait pour s'exposer aux incessables Plic ! Ploc ! Plic ! Ploc !. Il sentit alors immédiatement son duvet juvénile se tremper, cédant à l'eau froide de la pluie. Il galopa, remerciant les nuages de permettre à la lune de l'éclairer; il ne connaissait pas encore le Camp par cœur mais comptait bien tomber sur Œil de Biche pour lui dire enfin ce qu'il pensait ! Mais la pluie tombait depuis plusieurs minutes déjà et quelques flaques s'étaient formées, prêtes à accueillir le poil fin du jeune chaton. Il ne lui fallut donc pas longtemps avant que la lune ne se cache derrière un gros nuage -quelques secondes seulement- et qu'il ne chute dans un trou rempli d'eau, le mouillant jusqu'au dos ! Lui qui n'était pas bien grand encore, il laissa échapper un hoquet de surprise et de détresse lorsqu'il crut avoir chuté dans la rivière des faces de tanche.

Mais bien vite -et le Clan des Étoiles soit loué- la lumière revint à lui et alors Petit Épervier put bondir très approximativement en dehors de la petite flaque, le pelage détrempé et les pattes pleines de boue. Plic ! Ploc ! Plic ! Ploc ! ne lui laissa aucun répit et alors que le chaton libérait un sanglot de honte et de frustration, Plic ! Ploc ! Plic ! Ploc ! redoubla d'intensité et finit d'humilier Petit Épervier. Ce dernier, en pleurs, trotta sans savoir où aller dans le Camp, ni sans vraiment appeler à l'aide -si Cobra Royal le voyait dans cet état !- ni sans vraiment savoir où se réfugier. Il erra ainsi sous la pluie battante au beau milieu de la nuit en retenant ses vagues de sanglot jusqu'à venir se blottir contre l'un des très rares arbres de la lande. Appuyé contre le tronc, le matou aux nuances de brun se laissa aller une dernière fois à ses pleurs; il était si honteux ! Il hésita bien à retrouver la pouponnière, mais comment expliquer l'état de son duvet à sa fratrie, et son escapade nocturne, et l'absence d'Œil de Biche ? Il ne voulait pas que ses frères et sœurs aient idée d'à quel point la reine n'était pas une mère exemplaire; ils méritaient mieux. Épuisé par sa nuit mouvementé, Petit Épervier resta là dans l'obscurité, tremblant.

Alors qu'il commençait à céder de nouveau à la fatigue -il faut dire que sa nuit avait été riche en émotions !-, une voix tonna derrière lui, le faisant sursauter. Lorsque le petit se tourna, une grande féline sombre apparut à ses yeux jaunes écarquillés. Je suis foutu, se dit-il.

« Tiens tiens... Qu'est-ce que tu fais ici ? Tu vas attraper froid ! Je te ramène à la pouponnière, Œil de Biche doit s'inquiéter.
- J-... Je... »

Si elle savait. Et alors, poussé du bout de la patte par la guerrière, il fut ramené comme convenu à la pouponnière, les oreilles et la queue basses. Lorsqu'ils franchirent le seuil de cette dernière, Petit Épervier était méconnaissable : de grosses cernes avaient envahis son visage et sur ses vibrisses se balançaient quelques gouttelettes d'eau; quant à sa fourrure n'en parlons pas, elle dégoulinait littéralement de boue et de pluie. Mais surtout, sa colère était bien loin et on lisait clairement dans ses yeux jaunes une vague de honte. Il aurait préféré se cacher des années, appuyé contre l'arbre sous la pluie plutôt que de devoir retrouver la chaleur de la pouponnière au risque de réveiller tout le monde et d'être vu dans un pareil état. Pas fier, l'animal aux taches blanches était recroquevillé sur lui-même, comme pour dissimuler au maximum l'objet de son humiliation.

« Tu es trempé... Bon. Viens par là. » miaula la féline à voix basse.

Elle l'ignorait mais Petit Épervier la remerciait en son for intérieur d'avoir murmuré; qu'est-ce qu'il aurait dit à Petit Myosotis ?! La petite douche que la femelle et le mâle s'étaient pris jusque la pouponnière avait au moins eu le mérite de rincer un peu le duvet boueux du plus jeune, lequel ne s'opposa pas à une petite toilette. Efficacement, la grande guerrière se mit à réchauffer le chaton, qui finit par ronronner sous les coups de langue un peu brutaux de son aînée. Il n'en revenait toujours pas; elle ne l'avait même pas grondé devant tout le monde et maintenant voilà qu'elle s'occupait de lui sans même qu'ils ne se connaissent. Peut-être s'agissait-il d'une amie de ses parents ? Après un moment de silence durant lequel Petit Épervier tentait de récupérer le peu de dignité qu'il lui restait, il finit par se forcer à briser la glace et en toute politesse il miaula doucement :

« Merci beaucoup... M-Moi c'est Petit Épervier, et... et toi ? »

Il leva timidement ses yeux vers la plus âgée, comme s'il craignait qu'elle ne change du tout au tout et se mette à lui crier dessus.

Et toujours, Plic ! Ploc ! Plic ! Ploc ! riait derrière eux, rappelant au petit quelle vilaine aventure il venait de vivre.

HRP:

La grand féline sombre semblait surprise que Petit Épervier lui fasse la conversation. Mais contrairement à ce que le chaton avait bien pu s'imaginer, son aînée ne le gronda pas à la demande de son nom. Au contraire même, elle répondit d'une voix douce :

« Salut, petit... Moi, c'est Rosée Nocturne. » en ondulant la queue.

Rosée Nocturne... Il tâcherait de retenir son nom. Après tout, il lui en devait une, non ? Quelques minutes auparavant, il était humilié et plein de boue, battu par la pluie et le vent de la nuit et désormais voilà qu'il était au chaud dans la pouponnière, toiletté et réchauffé par la mystérieuse guerrière à la queue blanche. Elle l'avait sauvé, et l'avait ramené auprès de ses frères et sœurs en lui évitant la honte d'être vu dans un état pitoyable.
Alors que le matou brun s'efforçait de mémoriser le nom de sa sauveuse, cette dernière se mit à lui asséner un coup de langue entre les oreilles avant de s'attarder sur les épaules du jeune félin. Soudain, sur un ton plus ferme, l'adulte demanda :

« Mais dis-moi... Que faisais-tu dehors ? Tu aurais pu tomber malade. »

Petit Épervier fuit instantanément le regard de la femelle, baissant ses propres yeux pour contempler le sol meuble de la pouponnière, comme un jeune chaton que l'on gronde. Pourtant, Rosée Nocturne n'avait pas crié, ni même ne semblait le juger. Sûrement voulait-elle simplement comprendre ce qu'il faisait au beau milieu du camp, en pleine nuit et sous la pluie battante afin de mieux le protéger ? Mais le petit mâle baissait la tête, honteux. Il ne répondit rien. Il ne savait pas quoi dire. Enfin, plutôt ne savait-il pas comment le dire. Pourtant le cadet de la portée aurait aimé se confier, et avouer que sa mère l'avait abandonné, lui et sa fratrie pour la nuit. Et qu'alors, furibond il était parti en quête de la femelle rousse mais que le mauvais temps l'avait attaqué comme une armée de 100 guerriers du Clan de l'Ombre !
Bientôt les coups de langue cessèrent, et alors le petit mâle aux yeux dorés releva timidement la tête : il s'apprêtait à encaisser le regard sévère de son aînée. Au lieu de quoi, il découvrit Rosée Nocturne en train de se toiletter à son tour, sans qu'une once de colère n'émane de son corps sculpté pour la vitesse. Par mimétisme, Petit Épervier se mit à sécher sa queue également, finissant alors de se nettoyer. Il pensait être tiré d'affaire lorsqu'à nouveau sa sauveuse miaula :

« Et où est ta maman ? »

Il se crispa.

« Hum... Maman ? Oh bah... » Il balbutia un moment. « Maman elle est- enfin, je veux dire que... Elle est sans doute... » Il ferma les yeux, fort fort fort. Il voulait oublier le regard de Rosée Nocturne, et toute la honte que son jugement pouvait lui faire sentir, il lui fallait au moins ça pour libérer les mots qui lui brûlaient la langue à cet instant. Que dire ?

Il détourna le regard, torturé par ce choix. Mentir, dire vrai ? Par où commencer, et que taire ? Il trembla. De froid, de frustration... ? Puis il souffla longuement, rejetant l'air chaud de ses poumons comme avant-goût des mots qui suivirent. Ses yeux dorés toujours fuyant, il fit :

« Œil de Biche est sûrement aller rejoindre papa... » d'un air franchement triste. Bien vite, il se ressaisit lorsqu'il posa le regard sur sa fratrie endormie. Alors, les désignant de la queue, il miaula vivement en se redressant. « Mais ils ne le savent pas ! Il ne faut pas le dire sinon ils seront tous tristes de voir que maman ne dort pas avec eux ! » Si petit à côté de la guerrière sombre, il l'implora. « Ne le dis à personne, s'il te plaît ! »

Je ne veux pas qu'ils souffrent à cause d'elle, se garda-t-il bien de dire. Son regard coula à nouveau vers ses frères et sœurs chéris. Je dois les protéger de cela. Sans s'en rendre compte, le petit mâle brun s'était blotti contre le ventre chaud de son aînée, manifestation physique de son besoin de réconfort; quelque chose que sa bouche ne saurait demander explicitement.

« D'accord, d'accord, je ne dirais rien. Mais... Ils vont avoir froid, non ? » promit la féline sombre.

Petit Épervier souffla bruyamment de soulagement : elle avait dit qu'elle garderait son secret. Alors elle le ferait, n'est-ce pas ? Le petit brun ne quittait plus son aînée du regard; il s'en remettait à elle, cette vraisemblablement gentille femelle qui venait de le sortir d'une situation délicate, lui avait épargné la honte d'être vu tout boueux en pleine nuit et maintenant qui promettait de garder le manque d'investissement de sa mère pour elle. A ce moment précis, il lui en était infiniment reconnaissant.

« Humpf... Je ne sais pas trop ce que je dois faire. Si Œil de Biche sent mon odeur sur ses petits, elle pourrait bien m'arracher les oreilles. »

Le cadet de la portée baissa les yeux, embêté à son tour. C'est qu'il aurait rêvé que la douce Rosée Nocturne ne reste toute la nuit auprès de lui et de ses frères et sœurs. Mais il lui semblait que le monde des adultes était jalonné de règles étranges et de codes qu'il était trop jeune pour appréhender correctement. En bref, les grands le privaient cette nuit du pelage chaud de la guerrière. Il était sur le point d'abandonner et retrouver la boule de poils multicolores que formait sa fratrie lorsque la féline gris sombre reprit, lui assénant un coup de museau tendre sur la joue :

« Je vais rester avec toi le temps qu'elle revienne, d'accord ?
- Oh, pour de vrai ? » s'émerveilla-t-il.

Aussi, la plus âgée s'installa spontanément entre le chaton réveillé et ses frères et sœurs, protégeant comme elle le pouvait les chatons du vent froid. Alors Petit Épervier la rejoint, revigoré d'un enthousiasme qu'il n'avait encore jamais exprimé devant la guerrière. Il se blottit aussitôt contre le poitrail sombre de la femelle, s'y frottant la joue au passage. Ronronnant, il lui souffla.

« Merci beaucoup Rosée Nocturne. Tu... T'es trop gentille. » avant de se rouler en boule contre elle.

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