Excuses pitoyables [ft. Bec Croisé] - end

EXCUSES PITOYABLES - ft. Bec Croisé

La journée était plutôt belle et, comme elle n'avait été assignée à aucune patrouille aujourd'hui, Dame de Cœurs décida d'aller faire un tour à la Combe sablonneuse, histoire de se dégourdir les pattes. Elle aimait bien cet endroit, les jours où elle n'observait pas les apprentis s'y entraîner au combat, elle en profitait pour perfectionner ses techniques de combat parce que rien n'est jamais assez parfait, n'est-ce pas ? C'était un lieu où elle retrouvait les souvenirs de ses temps d'apprentis, aussi bien les bons que les mauvais. C'est ici qu'elle avait été disciplinée, remise à l'ordre tant de fois par son mentor. Elle garde toujours des souvenirs de sa voix grave et tranchante qui lui ordonne de l'écouter et d'arrêter de faire à sa tête. Il était vrai qu'elle était têtue et préférait tenter ses techniques de combats horribles et aux faiblesses innombrables que d'écouter son mentor, fin guerrier qu'il était. À son âge, elle appellerait désormais cela de la stupidité.

Tout cela était bien beau mais elle n'était pas venue ici pour se remémorer les temps passés, elle n'allait pas rester plantée là à rêvasser du bon et du mauvais temps, elle devait bien se mettre au travail. Alors qu'elle arrivait, un apprenti ainsi que son mentor étaient sur le point de quitter, se dirigeant vers le chemin du campement. Elle prit la peine de les saluer poliment d'un geste de tête tout en continuant à se diriger vers le centre du terrain. Elle s'arrêta au plein milieu de la combe et en profita pour s'étirer de tout son long, réchauffant ses muscles un minimum avant de débuter.

Son corps ondulait, les muscles de ses épaules roulant sous son pelage alors qu'elle lançait des coups de patte puissants par-ci par-là dans les airs. Dame de Coeurs imaginait son mentor face à elle, à la carrure plutôt imposante, moins que lorsqu'elle était apprentie, c'était sûr, mais tout de même plutôt imposante. Il semblait l'observer avec un regard qui brillait d'une lueur de défi, elle n'osait pas le quitter des yeux, restant aux aguets du prochain mouvement qu'il allait bien pouvoir effectuer. Tenter de la fauche, ou bien simplement de la déséquilibrer pour tourner la situation à son avantage puisqu'il était beaucoup plus lourd qu'elle. Effectivement, il était plus pesant qu'elle mais son agilité n'était pas comparable à celle de Dame de Cœurs. Elle avait cette rapidité et se faufilait entre les pattes de son adversaire juste quand il croyait enfin l'avoir attrapée. Elle continua à s’entraîner pendant un bon moment, elle ne se souciait pas des minutes passées ou bien même des heures passées depuis qu'elle avait débuté ce numéro.

Un bruit la sortit complètement de sa bulle. Quelque chose semblait avoir bougé dans les broussailles, Dame de Cœurs était complètement immobile, les muscles tendus et tous les sens à l’affût. Elle fit mine d'avoir terminé son entrainement, balayant les alentours du regard. Elle remarqua quelque chose bouger et fonça directement sur l'individu à grandes foulées. Quelques secondes plus tard, elle se retrouvait au-dessus de nul autre que..

- Bec Croisé ? s'étonna-t-elle. Mais qu'est-ce que tu peux bien venir foutre ici ? Elle le repoussa vivement, s'éloignant de quelques pas avant d'en profiter pour passer un coup de langue sur ses pattes.

Après le coup qu'il lui avait fait la journée précédente, il ne méritait même pas qu'elle lui adresse la parole. Il avait laissé un membre du Clan de la Rivière, une de ces pestes, s'insurger à son propos, à ses regards déplaisants qui laissait deviner qu'ils n'étaient pas les bienvenus dans le camp. Il n'était pas faux qu'elle se permettrait des regards en l'air lorsqu'elle passait à côté d'eux et des murmures désobligeants à leurs propos. Cependant, elle n'allait pas aller jusqu'à contester la décision d'Étoile Masquée, elle ne voulait aucun contact avec eux jusqu'à hier, ce qui ruina complètement son plan. La femelle blanche qui avait osé lever le ton à son endroit ne savait pas à qui elle avait à faire. Un petit jeu comme ça, ça se jouait à deux et Dame de Cœurs ne s'était pas gênée pour lui rappeler sa place et la piteuse situation dans laquelle elle était, sous le regard qu'elle interpréta comme désapprobateur de Bec Croisé. Évidemment, ce n'était pas lui qui allait le faire, il n'était jamais capable de s'imposer et Dame de Cœurs commençait à en avoir ras le bol de son petit caractère de chaton ignorant qui n'est pas capable de se défendre et encore moins de défendre ses congénères. Elle avait décidé que ce ne serait décidément pas l'individu sur qui elle compterait lors d'une attaque ou pire encore, d'une guerre.

Excuses pitoyables. (33)


J'avais bourdé ce jour là, fort fort bourdé. Oh, ce n'était pas la première fois dans ma vie que ma lâcheté me jouait des tours. Sur le moment même, j'évitais de gros problèmes, mais ceux qui suivaient étaient parfois bien pires. Si je m'en sortais indemne, il n'était pas de même de l'égo de mes congénères. Et cette fois - ci, c'était Dame de Coeurs qui me râlait dessus. Qui me râlait une nouvelle fois dessus. Je l'avais déjà froissée après l'avoir laissée en tête à tête avec une vipère, une autre fois en n'ayant pas été à la hauteur lors d'un entraînement avec elle -il faut dire qu'à son coup final, j'avais été très voir trop impressionné-, mais j'avais toujours réussi à me faire pardonner. Si l'amitié de la color point était facilement perdue quand je fuyais, elle était facilement regagnée après des compliments et une belle fleur. Et vu que le jour précédent, j'avais bien vu à quel point elle était furieuse que je ne l'ai pas soutenue face à ces deux guerriers de la Rivière forts fort musclés. Je m'étais fait tout petit, plus que d'habitude, et ce n'avait pas plu à mon amie. D'accord, j'aurais pu l'aider, mais à mes yeux elle était bien forte et se suffisait à elle - même. Tout le monde avait besoin d'appuis apparemment, et je n'avais pas été très perspicace.

Donc retour à la case fleur. Mais avec la saison des neiges qui pointait le bout de son museau, elles fanaient toutes. Si j'osais en plus me pointer avec une fleur fanée, je signais mon arrêt de mort. Je pris sur moi pour aller en chercher une près des nids des Bipèdes. Ils arrivaient à maintenir des végétaux en vie malgré les températures froides. Je regardais au dessus plusieurs murs en bois, espérant trouver un nid sans Bipède présent. Une fois le bon endroit trouvé, je pris une fleur qui ressemblait à quelque chose que je connaissais. Une bruyère, ce qui était introuvable en hiver ! Ces Bipèdes étaient parfois capables de trucs pas croyables. Comme se laisser avaler par les Monstres, brrr. Bref, je pris vite de jolis brins de bruyère et m'enfuis de là le plus vite possible. Ensuite, je devais trouver Dame de Coeurs. Connaissant mon camarade, elle devait faire ses nerfs à la Combe Sablonneuse. Fleurs en bouche, je partis à sa rencontre.

Bingo, elle était bien là, à s'acharner sur un ennemi invisible. Je déglutis. J'étais déjà bien chanceux de ne pas être à la place à la place du chat imaginaire. Je sortis d'un buisson et ma présence se fit remarquer.

" S'alut Dame de C- "

Oups, coupé court. La guerrière me clapa directement le bec. Littéralement. Elle me sauta dessus, sans doute de peur qu'e la chatte de la Rivière vienne chercher des représailles. Mais ce n'était que moi, glapissant de surprise, lâchant les plantes par la même occasion. Quand elle comprit qui c'était, elle ne parut même pas désolée, et me rejeta violemment. Aïe... l'affaire allait être plus compliquée que d'habitude. Je me redressai, reprenant mon souffle et calmant mon petit coeur. Je regardais un moment mes fleurs tombées à terre. Mmh, il serait plus sage de les laisser là. Elles ne me suffiront pas et j'avais même peur qu'elles ravivent sa colère. Je fis donc un petit saut pour réduire la distance entre nous.

" C"était vachement impres's'ionnant les coups que tu fais'ais là. C'e s'ont lesquels déjà ? Vipère Audac'ieus'e a du me le répéter mille fois aha~ "

Compliment et rigolade, en espérant que cela passe.

EXCUSES PITOYABLES - ft. Bec Croisé

Elle avait remarqué que le mâle avait tenté de déglutir un « Salut Dame de Cœurs » avant qu'elle ne lui saute dessus et le renverse au sol. Elle s'était bien vite éloignée pour donner un coup de langue sur ses pattes, dos tourné à son camarade. Elle avait remarqué les fleurs qui s'étaient dispersées au sol, il croyait donc qu'il allait encore pouvoir obtenir le pardon avec de simples fleurs, et bien il se trompait car cette fois-ci, cela ne suffirait pas à se faire pardonner. Dame de Coeurs fit un pivot rapide pour planter son regard dans les yeux de Bec Croisé, elle n'affichait aucune expression particulière, ses yeux étaient simplement plissés, laissant deviner qu'elle attendait qu'il fasse quelque chose, qu'il explique la raison de sa venue. Étonnamment, il se releva en jetant un regard à ses fleurs minables sans toutefois les ramasser, il avait sûrement deviné que cela ne l'aiderait pas dans sa quête du pardon. Elle avait bien hâte de voir comment il allait se débrouiller pour se tirer de la mauvaise situation dans laquelle il s'était foutu.

- C'était vachement impressionnant les coups que tu faisais là. Ce sont lesquels déjà ? Vipère Audacieuse a du me le répéter mille fois aha..

Dame de Cœurs restait silencieuse à l'observer avec une air qui parlait pour elle. Vraiment ? C'est tout ce qu'il a pu trouver à me dire ? Elle laissa un long soupir s'échapper de sa gueule, il n'avait visiblement pas compris que cette fois-ci la méthode traditionnelle ne fonctionnerait pas, il faudrait plus que de simples compliments et des fleurs, l'idéal étant qu'il aille donner une leçon à cette guerrière de la Rivière mais elle se doutait bien qu'elle pouvait en rêver autant qu'elle voulait, il était beaucoup trop lâche pour le faire. Toutefois, elle ne perdait rien à essayer, qui sait, peut-être qu'un miracle pourrait arriver ? Finalement, après quelques minutes de silence dans le but de le mettre bien mal à l'aise, elle s'avança vers lui pour frôler sa truffe du bout de sa queue.

- Bec Croisé, je crois que tu es conscient autant que moi que cette fois-ci.. Elle fit une pause, son regard était froid et sa mâchoire serrée. Les fleurs furent bien vite mises en ruines par les griffes de la féline. Ça, ça ne suffira pas. Sa voix se fit sèche, elle claqua la langue après ses paroles, tournant les talons pour balayer la Combe du regard.

Elle savait bien ce qu'elle voudrait lui faire faire, mais la question était s'il était prêt à le faire pour regagner son amitié ? Dame de Cœurs jeta un regard par-dessus son épaule, on pouvait désormais observer une lueur de satisfaction dans ses yeux. Finalement, ce n'était pas si mauvais qu'il se soit retrouvé dans une telle situation, elle pourrait ainsi savoir s'il chérissait leur amitié ou bien s'il allait laisser sa tendance de lâcheté prendre le dessus sur lui. Elle savait très bien que le choix serait difficile mais elle espérait bien qu'il ferait le bon, ou bien ses actions seraient impardonnables pour de bon.

- Tu sais, je connais une façon dont tu pourrais te faire pardonner, fit-elle d'une voix qui se voyait plutôt envoûtante. Le seul problème est que je doute que tu seras à la hauteur. Tu dois me promettre que tu ne vas pas fuir comme le lâche que tu es, est-ce clair ?

Elle débuta la toilette de son pelage empli de poussières, elle n'allait pas dire un mot de plus avant qu'il ne lui fasse cette promesse qui était visiblement très importante aux yeux de Dame de Cœurs. La tâche n'allait pas être si difficile que cela. Elle désirait simplement qu'il donne une petite leçon à la chatte de la Rivière, une simple bousculade lui suffirait amplement. S'il refusait malheureusement de lui faire cette promesse, elle craignait bien que leur amitié serait impossible. À ses yeux, un ami est quelqu'un sur qui on peut compter dans toutes les situations et si elle ne pouvait malheureusement pas avoir confiance en lui, elle avait bien peur qu'elle ne pourrait plus être amie avec lui. Ce serait dommage puisqu'elle avait conscience que Bec Croisé avait un bon cœur, il avait supporté à maintes reprises ses caprices innombrables sur toutes les personnes qu'elle n'apprécie pas et, croyez-moi, la liste en est très longue. Il était l'un des rares individus avec qui Dame de Cœurs aimait bien passer du temps, sans arrière-pensée.

Excuses pitoyables. (33)


Ni les fleurs, ni les compliments ne suffiront cette fois - ci. Je grommelai un peu dans ma tête. Je me souvins de la promesse faite à Panda Roux, ne pas courir après l'amitié si elle n'était pas assez réciproque. Et là, la siamoise semblait me préparer des épreuves. Je faisais pourtant tout pour détendre l'atmosphère, mais la dame était bien décidée. Il allait falloir jouter cette fois ci pour récupérer sa confiance. Et elle le sous-entendit à peine. Être à la hauteur. Allait - il être question de combat ? La féline faisait sa toilette, comme si ce n'allait pas être grand chose. De mon côté, je pensais à toute allure. Comment renverser la situation à mon avantage ? Il fallait savoir la convaincre sans que j'y perde une oreille. Lâche, le mot fut prononcer. Je ne m'irritai pas, c'était vrai. J'étais lâche quand il était question de se battre avec ses griffes. Mais il me restait ma tête aussi, et là j'étais prêt à combattre pour mes convictions et mes envies.

" Lâche, tout de s'uite les grands mots, Dame de Coeurs. Jus'te parc'e que je ne me s'uis pas battu en fac'e. Mais je ne s'uis pas parti par peur, juste par mépris. Pourquoi s"abais's'er au niveau des chiens qui aboient ? "

Je la dépassai en marchant au delà d'elle. J'allais montrer ma supériorité intellectuelle. Utile quand son adversaire faisait parfois deux fois son poids en muscle. Encore plus si les adversaires étaient en fait deux chats, comme la situation qu'avait connue la féline beige et brune. Je lissai mes moustaches, les bouclant à la fin comme à mon habitude. Bon, il y avait une part de mensonge là dedans, car il n'y avait pas trop de mépris dans ma démarche, car j'aspirais à la paix plutôt qu'à la guerre. Cependant, il fallait faire entendre aux chats ce qu'ils voulaient entendre. Je continuais mon plaidoyer.

" S'i pour toi les chats de la Rivière s'ont des malotrus, montrons que nous s'ommes au des's'us d'eux. Comme des chats qui ne répondraient pas à des' ins'ectes. "

Ce n'était pas dans mes principes, vu que dans ma tête, j'ai souvent été l'insecte. Mais cela pourrait - être pas mal, pour une fois, de se hausser un peu ? Espérons que cela l'aura convaincue.

" S'oyons des princ'es et des princ'es's'es comparés à c'es pois's'ons. "

C'était mon ultime atout.

EXCUSES PITOYABLES - ft. Bec Croisé

À première vue, la simple mention d'une épreuve sous-entendue paru secouer Bec Croisé. Elle s'en doutait, il craignait que ce ne soit une histoire de combat, il n'avait pas tort puisqu'elle y avait bien pensé, mais elle se doutait bien que c'était impossible qu'il n'aille donner une bonne raclée à la peste de la rivière, pas qu'il ne soit pas en position de la faire (il n'était nullement désavantagé par son physique, son poids lui donnait un certain avantage). Bref, notre dame se doutait bien qu'il allait trouver une excuse pour se faufiler entre ses pattes, échapper au plan qu'elle avait en tête en premier lieu. Le confronter ainsi était cependant une bonne façon de voir s'il chérissait vraiment leur amitié, bien que peu expressive, Dame de Cœurs ne le détestait pas. Son attention fut attirée sur le mâle, alors qu'elle poursuivait sa toilette, dirigeant son regard sur le mâle brun tigré à la bouche déplacée qui lui donnait un air de nigaud.

- Lâche tout de suite les grands mots, Dame de Cœurs. Juste parce que je ne me suis pas battu en face. Mais je ne suis pas parti par peur, juste par mépris. Elle leva les yeux au ciel pour démontrer son amertume en se remémorant la situation. Pourquoi s'abaisser au niveau des chiens qui aboient ?

La siamoise devait l'avouer, il marquait un point mais n'empêche qu'il était toujours dans l'eau chaude. Il la dépassa en marchant calmement, avant de lisser ses moustaches. Elle l'observait avec un certain dédain, elle attendait ses prochaines paroles sans dire un mot, sans bouger d'un poil. Effectivement, elle avait abandonné sa toilette au milieu de son discours pour le dévisager alors qu'il s'expliquait. Dame de Cœurs commençait à se demander ce qu'il allait bien pouvoir ajouter, il allait devoir donner le tout pour le tout pour la convaincre, elle ne doutait pas un instant qu'il le savait.

- Si pour toi les chats de la Rivière sont des malotrus, montrons que nous sommes au dessus d'eux. Comme des chats qui ne répondraient pas à des insectes.

Elle laissa échapper un rire étouffer, lui, insulter les riveux ? Qu'est-ce qui lui passait par la tête tout à coup, il avait une bulle au cerveau ou quoi ? Elle se demandait bien d'où venait ses pensées dégradantes envers les étrangers alors qu'il n'osait même pas dire un mot pour la défendre un peu plus tôt. Il était comique celui-là. C'est une chose le dire maintenant mais l'effet aurait été beaucoup plus positif s'il l'avait défendue sur le coup, ce qu'il n'avait pas osé faire. Il essayait maintenant de se sortir de cette position en me faisait croire que les ignorer alors que leur odeur de poisson empestait le camp était possible, il rêvait en couleurs ! Elle secoua la tête brusquement mais Bec Croisé avait déjà recommencé son discours :

- Soyons des princes et des princesses comparés à ces poissons.

La siamoise se dressa sur ses pattes, se rapprochant du matou tigré tout en secouant la tête tout au long du processus.

- Impossible. Jamais je ne pourrais faire ça. J'en peux plus, leur simple présence m'énerve, admit-elle en plantant son regard de glace dans celui de feu qui allumait les yeux de Bec Croisé. Il semblait visiblement être décidé que c'était la bonne chose à faire. En réalité, je dors mal la nuit depuis leur arrivée, je regarde partout où je vais pour vérifier qu'on ne me suit pas. Je ne me sens pas en sécurité, je vais virer folle ! Je veux qu'ils foutent le camp, qu'ils retournent chez eux, qu'ils crèvent dans leur foutue rivière ! Elle haletait désormais, elle avait cracher ses dernières paroles avec une haine surprenante, ses yeux étaient rivés au sol devant ses aveux. Ça faisait un bon moment qu'elle voulait lui en parler, mais sa réaction envers les répliques des pestes l'avait faite douter de sa loyauté. Désolé, ça faisait un moment que je voulais t'en parler, je n'en avais pas eu l'occasion.

Déjà que l'arrivée des membres de la Rivière avait provoqué une colère particulière chez notre dame, le sentiment d'insécurité qu'elle éprouvait n'avait fait que renchérir la haine qu'elle nourrissait pour les étrangers qui étaient sur leurs terres. Elle se doutait bien qu'elle n'avait rien à craindre, ce devrait plutôt être eux puisqu'ils étaient dans un clan qui n'était pas le leur mais elle ne pouvait s'empêcher de se sentir ainsi. Maintenant qu'elle en avait fait part à Bec Croisé, elle se sentait un peu moins tendue. Cela ne ferait cependant pas taire sa langue de vipère.

Excuses pitoyables. (33)


L'air sur le visage de la Siamoise me fit plaisir, elle était intriguée, si pas intéressée, par mes dires. Je l'avais donc bien comprise sur ce point, enfin il me semblait. Elle avait arrêté de faire sa toilette, preuve qu'elle m'écoutait d'égal à égal. Je continuai mon joli discours brodé de quelques pensées qui n'étaient pas les miennes, ce que la guerrière a du remarqué, vu son rire contenu. Elle aussi, n'était pas stupide. Sans doute pour cela que l'on avait cette étrange amitié, tout aussi plaisante que celles expressives, comme avec Boule Brisée. Au mot princes et princesses, elle se releva, me répondant visuellement que non. Mes oreilles pivotèrent. Comment ? Dame des Coeurs qui refusait un titre de princesse ? Si je l'avais étonnée avec mon opportunisme camouflé, je le fus aussi devant sa soudaine franchise.

Je soutins son regard, car malgré sa froideur qui aurait pu me faire flancher, elle se confiait à moi. Plus les paroles défilaient, plus ses yeux descendaient vers le sol, comme honteuse. Finalement, elle aussi avait "peur". Cette petite paranoïa de l'étranger, de ce qu'il pouvait venir vous faire subir dans la nuit, alors que vous dormiez au milieu de tous ces camarades en qui vous aviez totalement confiance. Je la comprenais parfaitement. Les inconnus me faisaient toujours un peu peur, seul ceux avec une mine rayonnante -et un sublime pelage- me donnaient envie de rester discuter. Peut-être un jour que cela me perdra et que ma paranoïa aurait du prendre le dessus... Je compatissais aux pensées qu'elle crachait par haine, moi qui les vivais plutôt en courber l'échine et priant de ne pas me faire remarquer, espérant que cela passerait.

Ca faisait un moment que je voulais t'en parler. Cette dernière phrase m'arracha un sourire. Un sourire un peu triste, car la chasseuse ressentait donc cela depuis un moment, et je ne l'avais pas remarqué, alors je devais être son ami. Trop occupé par ma peur, je n'avais pas vu la détresse minime de ma comparse. Dans un élan de solidarité, je viens frotter ma tête contre son épaule, avant de me retourner pour m'asseoir à ses côtés. Nos pelages se touchaient à peine, l'invitant à se rapprocher ou à s'éloigner, comme elle le souhaitait. J'agitais mes moustaches recourbées.

" Je ne s'avais pas que tu res's'entais tout cela... Merc'i de t'être confiée à moi. Je s'uis encore plus dés'olé de t'avoir lais's'é en plan face aux deux pes'tes. Je ne me s'entais pas de taille et quand je te vois... tu me rappelles une guerrière à l'aura très forte, donc j'ai naïvement cru que tu réus's'irais à les battre toi - même. Mais tu avais bes'oin de mon aide et je ne l'ai pas vu. Je s'uis très s'inc'érement honteux de t'avoir lais's'ée s'eule.. "

Et là, j'étais totalement honnête. L'union faisait la force, cela était pourquoi j'aimais notre clan, l'entraide qui nous sauvait jour après jour.. M'entourer de chats qui pourraient m'aider à l'avenir était mon but, mais il était vrai que si je ne leur rendais pas un minimum la pareil, ils ne voudront pas rester à mes côtés. J'inspirais profondément avant de soupirer, faisait doucement renaître un sourire sur mes drôles de babines déformées.

" Malgré ç'a, tu veux bien que je res'te ton ami, ma Dame ? Donnant donnant, être là l'un pour l'autre."

Comme Panda Roux me l'avait appris, cette sombre nuit déjà si loin derrière moi.

EXCUSES PITOYABLES - ft. Bec Croisé

Elle avait remarqué l'once d'un sourire sur le visage du mâle tigré, qui n'avait pas passé inaperçu. Tss. Pourquoi il sourit ce lâche ? Claquement de langue énervé. Elle s'était mise à nu, avouant sa peur, la dame n'avait pas réussi à se confier jusqu'à maintenant et il osait sourire devant ses yeux, il trouvait ça drôle ou quoi ? Une caresse le long de son épaule. Ça devait faire un moment qu'elle n'avait pas eut d'affection puisqu'elle échappa un ronron entre-coupé par un soupir. Pas besoin de s'inquiéter, il ne riait pas de son moment de faiblesse, elle en était convaincue malgré la provenance toujours inconnue du sourire de son camarade. Il prit place à ses côtés, à une distance qu'il jugeait raisonnable, leurs pelages se touchant à peine.

- Je ne savais pas que tu ressentais tout cela... Presqu'honteux. Merci de t'être confiée à moi. Je suis encore plus désolé de t'avoir laissé en plan face aux deux pestes. Le mot était juste, deux vraies vaches. Je ne me sentais pas de taille et quand je te vois... tu me rappelles une guerrière à l'aura très forte, donc j'ai naïvement cru que tu réussirais à les battre toi-même. Mais tu avais besoin de mon aide et je ne l'ai pas vu. Je suis très sincèrement honteux de t'avoir laissée seule... Les paroles étaient sincères, son cœur fut réchauffé autant que son ego fut flatté par le compliment.

Le frôlement minime entre leurs poils lui rappelait la distance entre les deux individus, il était vrai qu'elle avait un aura qui représentait bien son fort caractère tandis qu'il préférait rester dans les ombres, éviter les ennuis. Elle se doutait bien que chacun avait ses faiblesses, peut-être à eux deux se compléteraient-ils ? Un soupir échappa de la gueule du tigré avant qu'un léger sourire ne se dessine sur son visage.

- Malgré ça, tu veux bien que je reste ton ami, ma Dame ? avait-il questionné. Donnant donnant, être là l'un pour l'autre.

Elle répondit d'un simple hochement de tête, les gestes avaient parfois plus de portée que les paroles, elle l'avait appris à force d'utiliser sa langue de vipère pour blesser. Certes, ils étaient efficaces, mais il n'y avait jamais rien de tel qu'une insulte pour remplacer une bonne claque au visage. Cependant, elle ne pensait plus aux claques et aux insultes pile à ce moment. Son fardeau était tombé, sa tête tomba elle aussi mais elle fut rattrapée par celle de son camarade - il était légèrement plus petit, rien de drastique -. Voilà comment on se sentait quand on avait quelqu'un sur qui compter, un ami. Même si on se laissait tomber, il y avait toujours quelque chose pour nous rattraper, à cet instant précis, c'était la tête de Bec Croisé, ou bien simplement la force d'un amitié grandissant. Elle soupira. Donnant donnant, ça me va bien.. le lâche.

Excuses pitoyables. (33)


Un timide ronron aurait pu m'emporter avec lui si je n'avais pas du tant lui répondre. Pendant tout cet instant, nous ne nous étions pas plus touché que le bout de nos poils, profitant de cette quasi proximité. La tension tomba, les confessions et excuses ont été faites. Si j'avais un peu craint que la siamoise rejette mes excuses, vu son tempérament habituel, je fus heureux de la voir calme et rassurée. Une promesse d'amitié, c'était peut - être ce qu'il lui manquait. On se comprenait un peu plus à partir de ce jour, c'était plaisant. Je la questionnais, elle me répondit d'un simple geste de la tête, silencieux et efficace. Mes babines s'étirèrent -de traviole- en un sourire. Si beaucoup connaissaient Dame de Cœurs comme une peste, rare devaient être ceux sur qui elle pouvait s'appuyer, comme ça, sans un mot, pour oublier ses tracas.

En parlant d'appuyer, elle le fit figurativement et littéralement. La mince distance qui nous séparait disparu et mon côté tactile fut satisfait. On trouvait de la douceur dans tout un chacun. Sa tête posée contre la mienne, je n'osais briser ce silence de paix que par un ronronnement. Pas besoin de plus de mots, même Dame de Cœurs le savait, d'où ses réponses gestuelles. Restons comme cela jusqu'à ce que le devoir ou la faim nous appellent, pour se rassurer. Pas un chat du Tonnerre dans les environs, encore moins un de la Rivière, juste la comble sablonneuse, avec des fleurs abandonnées pas loin. Elles auraient été inutiles, de toutes façons.