Quand faut y aller, faut y aller [PV le Clan] -end

Les petits de Cobra Royal attendaient dans la pouponnière depuis de longues lunes déjà. Quelques jours de trop, d’ailleurs, leurs six lunes étaient écoulées. Ils auraient déjà tous du porter le nom de Nuage, mais étaient encore chatons. Sans forcément l'admettre, Nuage des Vents aimait cette situation.

Rester une lune supplémentaire à la pouponnière avait été pour elle incroyablement humiliant, et ne plus être la seule dans ce cas était presque un soulagement. Mais surtout, il s’agissait des petits de Cobra Royal, et les voir arriver dans sa tanière était bien la dernière chose qu’elle aurait voulu. Les voir la surpasser, surtout…

Les lunes passaient, et Nuage des Vents était toujours bonne à rien. C’est tout ce que ses résultats semblaient lui refléter. Ses vertiges et son manque d’audition étaient une vraie plaie et elle n’avait réussi qu’à capturer des proies malades ou trop jeunes. Lorsqu’elles étaient plutôt jolies, c’était souvent un coup de chance. Quant aux combats, le peu qu’elle avait eu l’occasion de faire sérieusement ne l’avaient pas laissé briller. Bien au contraire.

Tout ce qui venait sauver ses résultats en tant qu’apprentie-guerrière, c’était son intelligence et sa bonne mémoire. Nuage des Vents se démarquait grâce à ça, mais ça ne lui suffisait pas. Elle aurait préféré être bête comme ses pattes et capturer les meilleures proies possibles pour son Clan. Ça lui semblait bien plus… important et utile.


L’aube apportait les premiers rayons du soleil tandis que Nuage des Vents s’extirpait de sa tanière en baillant. Avec le temps, elle avait cessé d’espérer. Elle ne se réveillait plus pleine de motivation, se remettant de ses échecs de la veille avec quelques pensées encourageantes. Non. Fini les « aujourd’hui, je vais y arriver! ». Une nouvelle journée à venir était souvent synonyme de nouveaux échecs à essuyer. Ce n’était plus une partie de plaisir : c’était un temps à endurer, jusqu’à ce que la nuit vienne.

La jalousie faisait gonfler son coeur lorsqu’elle regardait ses proches la surpasser - et de loin - mais elle étouffait ce sentiment quelque part. Il était mauvais, et elle aurait voulu être fière pour ses soeurs.


On pouvait lire sur ses yeux la fatigue, appuyés par ses cernes noires qui coulaient sous ses yeux. Par automatisme, elle gratta de ses griffes ses longues oreilles qui collectionnaient les cicatrices. Derrière elle, elle pouvait entendre Nuage de Foehn lui rappeler d’arrêter. Mais c’était au delà de sa volonté. Le sifflement ne s’arrêtait jamais et même s’il était devenu un compagnon permanent, il lui donnait parfois des maux de têtes incessants lorsqu’elle reprenait conscience de sa présence.

Mais l’état de Nuage des Vents était difficilement comparable à celui de Tache d’If, son mentor et chef. Celle-ci maigrissait de plus en plus, refusant de manger à sa faim. Chaque jour, chaque seconde en sa présence, l’apprentie s’inquiétait face à son état mais, comme d’habitude, se trouvait terriblement démunie.

En bref, les jours étaient longs, durs et de plus en plus froids. Derrière son calme et son air détendu, Nuage des Vents croulait sous la fatigue et le désespoir. Au fond, elle se sentait coupable de l’état de sa grand-mère. Elle ne pouvait même pas satisfaire ses attentes aux entrainements.


Ses yeux vairons se posèrent sur le haut du promontoire. Là haut, Tache d’If s’y tenait. Elle savait, malgré elle, parfaitement ce qui s’y tramait. Les petits de Cobra Royal allaient être nommés apprentis.

Nuage des Vents soupira. Une plaie de plus ajoutée à ses déboires quotidiens. Agacée, elle se gratta une oreille. Un léger filet de sang s’y écoula; elle avait encore entaillé celle de gauche.

« Il y a quelques lunes, la pouponnière était pleine à craquer avec les nombreuses portées que l’on a accueillis. Dorénavant, la tanière des apprentis aura besoin d’être élargie puisque cinq chatons doivent recevoir leurs noms de novices, à présent. Patte de Renard, Petit Plumage, Petit Épervier, Petit Myosotis et Petit Mamba, approchez. »

L’apprentie de la meneuse leva les yeux au ciel, décochant un regard noir à Petit Myosotis. Ses nuits avaient au moins l’avantage d’être calmes et loin de tout problème. Et voilà que ces fameux problèmes venaient empoisonner ses seuls moments de répit. Vraiment, elle n’avait pas envie de les voir rejoindre la tanière des apprentis.


Elle espérait de tout coeur qu’ils auraient les pires mentors possibles, quoiqu’aucun guerrier ou sentinelle n’était véritablement nul dans son Clan, à ses yeux. Nuage des Vents voulait les voir pleurer, échouer, décevoir leur père. Être tout aussi décevants qu’elle l’était.


« Patte de Renard, à partir d’aujourd’hui, tu seras connu sous le nom de Nuage de Renard. Griffe Tropicale sera ton mentor, je sais qu’il t’apprendra le code du Guerrier et tout ce dont tu as besoin de savoir. Petit Plumage, à partir d’aujourd’hui, tu seras connue sous le nom de Nuageux Plumage. Brise Argentée, qui est remise de son accident, sera ton mentor et je compte sur elle pour t’apprendre la loyauté et la dévotion envers son Clan. »

Dans l’assemblée, Nuage des Vents cracha silencieusement. Brise Argentée, sa mère, mentor d’une de ces pourritures? Elle méritait tellement mieux! Et si elle n’était pas totalement remise? C’était décidé, l’apprentie blanche veillerait au grain. Jamais ils ne feraient de mal à sa mère.

« Petit Épervier, à partir d’aujourd’hui, tu seras connu sous le nom de Nuage d’Épervier. Puisque tu as choisi la voix des Sentinelles, c’est Éclat d’Argent qui sera ton mentor et je sais d’ores et déjà qu’elle t’apprendra l’art d’être une bonne Sentinelle. Petit Myosotis… Tu seras maintenant connue sous le nom de Nuage de Myosotis. Vent Agile sera ton mentor et il t’apprendra tout ce que tu auras besoin de savoir. Petit Mamba … Tu te nommeras Nuage de Mamba et Cœur d’Ambre sera ton mentor. C’est une jeune guerrière loyale et pleine d’audace et d’entrain, je sais qu’elle fera du bon travail. »

L’assemblée acclama les nouvellement nommés, mais Nuage des Vents, elle, garda le silence. Le bruit soudain agressa ses oreilles avec le peu qu’elle pouvait entendre alors, comme à chaque fois qu’il était temps de féliciter les baptisés, elle s’écarta de la foule, préférant rester en retrait. Ses yeux ne manquèrent cependant pas le geste de Tache d’If, destiné à Cobra Royal. Un léger sourire se dessina sur ses babines. Son mentor, au moins, veillait à ce qu’il ne se passe rien. Peut-être pourrait-elle dormir sur ses deux oreilles si elle ne s’inquiétait pas pour son état.
Devrait-elle passer voir Nuage Silencieux? Elle tourna le regard vers sa tanière, puis se rétracta.
Peut-être aurait-elle du. Peut-être regretterait-elle cette décision dans les jours à venir. Mais cette idée n’effleura pas ses pensées, et elle se retourna vers ses soeurs, le coeur lourd, tentant de chasser cette affreuse sensation.

« On va se balader? »

Quand faut y aller, faut y aller

Il le savait, la calico retarder le moment le plus possible, mais elle ne pourrait guère attendre davantage. Non pas que lui-même s'en occupât, mais Griffe Tropicale était là et le lieutenant aurait la sagesse de raisonner leur cheffe. Un sourire léger s'étendit sur ses babines, alors que lentement, le serpent s'asseyait, scrutant le promontoire d'où l'appel venait d'être donner. La meneuse était pitoyable à voir mais ses cinq chatons, leurs petites merveilles à lui et à Œil de Biche devenait Nuage, l'un après l'autre, obtenant de chaleureuse félicitation. Sans raison, leur baptême avait traîner, mais à présent, le moment était venu et il était clair, au vu des mentors choisit, que la femelle voulait garder à l’œil chacun des petits et par conséquent, lui. Mais ce n'est qu'une fois que leurs regards se croisèrent qu'il afficha un sourire ravi, mauvais.

Si elle savait ... Si seulement elle se doutait ... Mais ce qui échappa cette fois à la calico n'échappa guère à la sentinelle. Griffe de Boue elle avait vu aussi, réagis. Il inclina la tête, fausse révérence, promesse de complots à venir. Tâche d'If comprendrait que si il avait vu, si il avait compris, il ne ferait que davantage agir en serpent indolent. Somnoler au soleil jusqu'à ce qu'elle passe à sa portée, mortelle ... Il alla féliciter ses petits, ravis pour eux, faisant mine de rien, comme il avait si bien appris à le faire.