Le Partage ▬ Vipère Audacieuse. - abandon

Mes plaies allaient bien mieux. Mon odorat est revenu. Le soleil est à son zénith. Toute la matinée, j'étais parti chasser avec une patrouille composée de Busard Cendré avec son apprentie Nuageuse Pénombre et Guêpe Sauvage. La chasse avait été facile car le mauvais temps arrivant, les proies étaient plus occupées à faire leurs nids et leurs terriers plutôt qu'à surveiller leurs arrières.

Je m'ébroue et fait une rapide toilette, remettant en place mes poils en bataille. Je regarde la combe et remarque qu'il y a bien du monde de réveillé. J'entends piailler dans la pouponnière et ronronne amusé de voir les reines dépassées par tous ses chatons turbulents. Un sourire m'échappe quand je discerne la fourrure de Petit Gland entrain de chahuter avec sa fratrie. Je tourne le regard et voit Vipère Audacieuse non loin de là. J'attrape une proie sur le tas et me dirige vers elle :

« - On partage ? »

N'ayant pas envie de manger une proie comme celle-ci seul je pensais que cela pourrait être sympa de partager un moment avec la siamoise. Nous n'avions jamais réellement parlé mais il fallait un début à tout ceci dit.

Le soleil indiquait midi bien haut dans le ciel et une douce brise soufflait sur le camps du Tonnerre quand Vipère Audacieuse, rentrant de la chasse, alla poser son butin sur le tas de proies entouré de guerriers qui prenaient leur repas. Elle allait s'apprêter à se restaurer elle aussi quand elle croisa le regard émeraude d'un matou gris qu'elle ne connaissait que de vue.


《 On partage ? 》miaula-t-il en invitant la chatte, une grive entre les pattes.

Elle ne savait pas trop quoi penser de la proposition du matou rayé qu'elle avait toujours su contre les méthodes d’Étoile de Suie. L'ancienne meneuse avait beau avoir fait de nombreuses erreurs, les principes de Vipère Audacieuse étaient clair : on obéit au chef, peu importe la moralité. Alors ceux qui étaient près à contester les décisions de la grosse femelle, et il avaient été nombreux, la pupille les avait toujours considérés comme de possibles traîtres, même après le décès de Suie. Si ils étaient près à la trahir elle, pourquoi pas Étoile du Vautour ? Telle était la logique de la siamoise, qui bien que suspicieuse, finit par accepter l'invitation du guerrier d'un léger hochement de tête.

Elle alla s'assoir près de lui et lança, désignant l'oiseau du museau :

《 C'est toi qui l'a attrapée ? 》Puis elle y plongea ses crocs et arracha une bouchée de la grive. Ces volatiles étaient des proies méfiantes et vivaces mais le temps passé à les attraper en valait la peine. Malgré toutes les plumes qui rendaient sa dégustation compliquée, leur chair étaient d'un goût remarquable, très apprécié des chats. Vipère Audacieuse ne prêtait guère attention à ce genre de futilités et distractions, pour elle se nourrir était une nécessité bien plus qu'un plaisir, mais il fallait bien engager la conversation. De quoi pourrait-elle bien parler avec ce matou ? Ils étaient si différents sur tant de points.

La siamoise laisse pantailler Raton Laveur un petit moment. Ils sont face à face et il attend patiemment la réponse de la guerrière pour s’installer pleinement à côté d’elle. La guerrière ne répond d’abord pas et vient s’asseoir au côté du masqué avant de croquer dans la proie et de demander d’un ton neutre :

« - C'est toi qui l'a attrapée ? »

Raton Laveur ne s’attendait pas à une telle froideur. Il n’avait jamais réellement parlé avec la guerrière mais il espérait qu’elle serait plus ouverte à la discussion. Il soupire et croque une nouvelle fois dans la proie en se contentant d'acquiescer d’un simple hochement de tête. Déçu de la froideur de la guerrière et sentant une gêne entre les deux, le guerrier gris décide de crever l’abcès :

« - As-tu un problème avec moi Vipère Audacieuse ? Je te sens très tendue et froide et je n’aimerai pas que tu me juges sans réellement me connaître. »

La diplomatie de Raton Laveur venait de faire une nouvelle fois ces preuves. Plus jeune, il n’aurait pas su répondre avec autant de calme, de sérieux et de tact à la guerrière très distante.