Ça fait sept ans qu'on sort ensemble depuis deux semaines | Caresse du Vent - abandon

Jolie sous la lune, les reflets lunaires lui offrant des nuances rosées sur son pelage, des lucioles dans ses yeux bleus. Nuage d'Opale avait marché toute la nuit, un peu perdue avec elle-même, elle voulait se perdre pour de bon. Elle voulait faire le vide, hurler, crier, pleurer, rire même parfois, évacuer tout ces sentiments contradictoires qui se mélangeaient en elle.
Effacer, le temps d'un instant, le visage roux pâle de ce petit chat qui l'obsédait et hantait ses nuits. Des amours adolescentes, lui avait-on dit. Un simple sentiment de passage. Oh non, elle n'avait certainement pas confié qu'elle s'était éprise d'un étranger. On l'aurait lapidée sur place, fusillée du regard et jugé plus que l'on ne le faisait déjà. Nuage d'Opale gardait ses secrets, jamais elle ne les partageait. Elle était égoïste sur ce point, il en fallait bien un.

Le froid approchant de l'hiver l'empêchait de replonger les pattes dans la rivière. La glace pourrait geler ses os et l'emporter dans les Étoiles. Parfois, elle y pensait, car les Étoiles étaient enfin unies en un seul et unique Clan paisible là haut, loin, bien loin de ces guerres. Mais le visage de Caresse du Vent revenait dans ses pensées, serrait son coeur, faisait voler des papillons dans son estomac. Et dans ces moments là, malgré les interdits et sa culpabilité, elle voulait rire aux éclats, crier son bonheur, hurler qu'elle était heureuse et amoureuse et que rien ne l'empêcherait d'aimer.

Elle ne pouvait pas, elle le savait, n'était pas si bête. Alors elle n'affichait qu'un simple sourire radieux; beaucoup se demandaient de quoi il s'agissait. Elle ne répondait pas, ils n'avaient pas à savoir.
Son chemin la mena jusqu'aux falaises, et de là haut, la ville des bipèdes faisaient au sol comme un firmament étoilé. Comme si un miroir s'imposait entre la terre et le ciel. Seule, elle se mit à rire, enfin, même si à cet instant précis elle avait plus envie de pleurer, écrasée par sa solitude qu'elle réalisait maintenant qu'elle était loin de tout.
Mais Nuage d'Opale était amoureuse, et elle ne laisserait pas des larmes briser ses plus beaux jours depuis la mort de son père.

Caresse du Vent, roulé nerveusement en boule dans sa tanière, n'arrivait pas à fermer l'oeil depuis que la lune avait remplacé l'astre lumineux dans le ciel. Alors que les rayons du globe argenté frappaient avec beauté son territoire, berçant le tout d'une calme aura à s'en décrocher la mâchoire, le mâle roux et beige ne pouvait arriver à plonger dans le doux souffle de cette magnificence. En effet, tout son esprit était à vif et dans ses songes brûlants dansait le visage d'une femelle bien précise, le tenant réveillé sous le regard attentif des étoiles. Cela faisait quelques lunes que le félin des bourrasques s'endormait avec son visage dans la tête et, même s'il aurait voulu s'en empêcher, il ne pouvait contrôler ce qu'il ressentait; dans son cœur, une floppée d'incroyables papillons s'envolaient. Il avait beau essayer de les rattraper d'un grognement gêné, de les cloitre sous ses pattes et de les balancer par si et par là, ces volatils revenaient toujours avec leurs couleurs écœurantes et brillantes, chatouillant ses organes et le faisant pousser des soupirs amoureux. Il fallait être un idiot pour ne pas comprendre qu'il devenait gaga, clairement… Il jouait comme un idiot avec la portée de sa sœur, ratait de plus en plus ses proies, rigolait tout seul en fixant une branche qui se balançait au vent; même la morsure de l'hiver n'enlevait pas ce débile sourire sur son faciès habituellement moins scintillant.

Car, bien qu'il n'était pas malheureux de se sentir alléger - il commença sa réflexion en se levant pour sortir hors du camp et adresser un hochement de tête au garde -, il savait que son amour n'allait jamais être réciproque, ni accepté. Car sa flamme, avivée par la demande d'Aigle Vif à laquelle le négatif avait répondu, s'était brusquement courbée et élancée dans le ciel picotés d'étoiles en se disant que, oui, effectivement, il savait comment sa camarade pouvait se sentir. La personne à laquelle il pensait était posé dans un coin de son esprit depuis le premier jour où il l'avait rencontré, jusqu'à cette deuxième fois dans le cirque illuminé. Elle le faisait rire, lui faisait découvrir des choses, amenait son cœur à redoubler d'ardeur devant ses yeux si précieux, bleu comme la rivière qui abritait biens des souvenirs et des trésors; cette femelle, oui, était Nuage d'Opale.

Regardant ses pattes en retenant un sourire, il roula ses muscles en s'étirant longuement dans la beauté de cette nuit. Il trottinait déjà depuis quelques temps et ne savait pas vraiment où son esprit l'avait amené, mais cette balade semblait l'avoir relaxé, du moins un peu; la fatigue commençait à le rattraper et, lentement, ses yeux se fermaient alors qu'il baillait grandement. Enfin. Pivotant doucement pour retourner sur ses pas, il capta soudain une douce odeur qui lui rappelait une chatte qu'il connaissait bien; celle qui occupait ses pensées. Croyant à un rêve, il retenu un sourire moqueur pour cette image un peu ridicule, mais haussa les épaules en suivant la trace. Après tout, s'il ne pouvait pas la voir dans la réalité, le sommeil remplacerait sa solitude, non ? Suivant donc la trace, il arriva - après une longue montée - sur une falaise plutôt haute, ses yeux ambrées captant tout de suite une silhouette immobile assise droit devant lui. Et si.. Et si ce n'était pas qu'un tour de son esprit ? Lentement, comme s'il ne voulait pas briser le mirage, il s'approcha et souffla avec douceur;

Nuage d'Opale ?

Nuage d'Opale, seule, pouvait maintenant bien hurler, pleurer, rire, sauter... pourtant elle resta là, riant doucement, observant la ville illuminée par ce qui lui semblait être des centaines de lucioles géantes. Elle se pencha près du bord - la falaise était terriblement haute. Tomber signifierait la fin. Elle frissonna, reculant à petits pas lents pour s'éloigner de ce bord. Elle ne rejoindrait pas les Étoiles. Pas aujourd'hui, ni demain. Elle n'y pensait même plus, car Nuage d'Opale était amou-

- Nuage d'Opale ?

L'apprentie se retourna en sursautant. Elle connaissait cette voix mais refusait d'y croire. Ça ne pouvait pas être... Non, il était... Comment était-ce...?
Nuage d'Opale le dévisagea en silence pendant de longues secondes, bouche bée. Comment était-il arrivé là? Ça ne pouvait pas être réel. C'était forcément un rêve. Alors confuse, elle se mit à rire plus fort encore, dans quelques éclats qui explosèrent dans sa gueule. Quel rêve! Elle l'appréciait vraiment, celui-ci. Et si ce n'en était pas un - car elle posa un regard sur ses pattes qui n'étaient pas déformées par le monde onirique et le vent froid lui semblait bien trop réel - alors...

- Parfait, j'hallucine! Papa avait raison, l'amour rend fou, marmonnait-elle entre ses moustaches.

Ça ne pouvait pas être vrai. Et si ça ne l'était pas...
Si c'était un rêve...
Si c'était une illusion...
Ou même encore une hallucination, alors tout était permis.

- Qu'es-tu venu faire ici, Caresse du Vent? Me déclarer ta flamme?

Quitte à ce que ce rêve soit presque parfait, autant continuer dans la lancée.

- Parfait, j'hallucine! Caresse du Vent remua ses oreilles avec amusement, la fixant d'un air mi amusé, mi intrigué. Papa avait raison, l'amour rend fou.

La dernière partie de cette phrase se déclina dans le vent qui redoublait d'une ardeur nouvelle, arrachant les mots des oreilles du matou; pourtant, il aurait pu presque le jurer, il avait entendu l'ébauche du mot amour… Curieux de cette découverte, il s'avança alors de quelques pas pour se rapprocher de la femelle, légèrement inquiet du peu de distance entre elle et le vide hululant. Il venait de la rejoindre, que ce soit un rêve ou non, et ne voulait certainement pas la perdre alors qu'il l'avait devant ses yeux !

- Qu'es-tu venu faire ici, Caresse du Vent? Me déclarer ta flamme?

dans le cœur du matou des bourrasques,
un battement, deux et puis les papillons
s'envolant en harmonie dans son poitrail
un sourire, deux et puis sa douce voix

- Comment as-tu découvert ce que j'allais faire ? Il rigola doucement, s'approchant encore d'une ou deux foulées. Tu devrais reculer. Même si c'est un rêve, je ne voudrais pas te voir écraser sur les rochers.

D'un doux regard, il couvrit l'apprentie de la rivière, détaillant avec tendresse les moindres parties de son être et de son corps. Sous la lumière de la lune et des étoiles, elle était encore plus resplendissante que dans ses souvenirs… Et ses rêves les plus fous. Dans le plus profond de son cœur entremêlé, il souhait que tout ceci soit réel et non le résultat de son imagination; mais une pareille idée n'était-elle pas idiote ? Tout était tellement trop parfait - il avait souhaité la voir, l'avait vu.. Son odeur lui caressait les narines.. Sa douce fourrure l'attirait et lui, enfin débarrassé de sa solitude, ne pouvait concevoir une réalité.

Il n'y avait pas plus de cohérence qu'il n'y avait de réalité. Tout était étrange, trop beau pour être vrai, donnait envie à Nuage d'Opale d'éclater de rire toutes les secondes et de ne stopper son fou rire que par épuisement.
- Comment as-tu découvert ce que j'allais faire ? Sarcasme, sans doute. Sinon quoi d'autre?
Le mâle roux du Clan du Vent s'approcha d'elle dans un petit rire.
- Tu devrais reculer. Même si c'est un rêve, je ne voudrais pas te voir écraser sur les rochers.

Nuage d'Opale leva les yeux vers la lune, confuse mais sans l'envie d'y penser. Ce soir, le monde lui appartenait, pour la simple et bonne raison que c'était le sien.

- Parce que c'est mon rêve, idiot. Il s'y passe tout ce que je veux! Tu vois, si je veux que mon père revienne à la vie eh bien il me suffit d'y penser et...

et il devrait apparaitre juste là. Rien ne se passa, juste un vent froid qui traversa les falaises dans un sifflement de serpent.

- et...

et ce n'était pas un rêve. La femelle Opaline pencha la tête vers le vide, l'estomac rapidement serré par une sensation de vertige. C'était réel. Elle ne savait pas comment, mais c'était réel.

- Et je crois que tu as raison... ahah, je devrais peut-être reculer...

Elle fit quelques pas en arrière, rejoignant Caresse du Vent en quelques foulées délicates. Trop de question se posaient.

- Si ce n'est pas un rêve, alors... qu'est ce que tu fais là?

C'EST LA PIRE DÉCLARATION D'AMOUR PTDR ELLE A PAS COMPRIS QU'IL ÉTAIT SERIEUX

- Parce que c'est mon rêve, idiot. Il s'y passe tout ce que je veux! Tu vois, si je veux que mon père revienne à la vie eh bien il me suffit d'y penser et…

Doucement, le mâle passa son regard attentionné sur le visage de Nuage d'Opale. Concentrée et fière, ses traits faciaux se décomposèrent peu à peu alors que le temps avançait, comme si elle réalisait que tout ne pouvait arriver à sa demande - même si elle le souhaitait très fort. Le félin, alors tendrement, pencha sa tête en observant tous ses mouvements, effectuant le geste avec la plus grande attention. Parfois, ou plutôt toujours, lui aussi aurait voulu que ses songes les plus fous se réalisent enfin..

- et…

l'apprentie de la rivière
d'un pas tremblant
se rapprocha de lui
et d'une voix angoissée

- Et je crois que tu as raison... ahah, je devrais peut-être reculer…

En quelques foulées, elle se réceptionna près de lui, réduisant la distance qui les séparaient. Maintenant, une seule queue de souris se tenait entre les deux êtres et le mâle, violemment, devait se retenir de ne pas enfouir son museau dans la fourrure qui avait tant hanté ses rêves.

- Si ce n'est pas un rêve, alors... qu'est ce que tu fais là?
- Je… Il hésita doucement, fermant les yeux pour reconstituer son voyage nocturne. Je n'arrivais pas à dormir, alors j'ai décidé d'aller faire un tour. Trop de choses se bousculaient dans ma tête… Et.. Toi ?

il glissa avec lenteur ses yeux dans les siens
rivière de sentiments, opale blanche bleutée
sous les étoiles, il en était maintenant certain
sa lumière scintillante les surplombaient tous

Il l'observait, silencieux. Baignée dans la lumière de la lune, grande mais plus douce que n'importe quel lapin de la lande, dotée de brillants yeux de cette couleur rivière qu'il appréciait tant, il se demandait combien de félins remarquaient vraiment sa beauté -- et pas seulement celle à l'extérieur. Avait-elle beaucoup de prétendants, dans son clan ? Était-elle bien traitée ? Il lui souhait tout le bien du monde… Et même plus.

- C'est... une drôle de coincidence... ahah…

La regarder se dandiner fit légèrement sourire le mâle, comprenant qu'ils avaient tous deux l'airs de petits chatons qui cherchaient les bons mots.

- Tout va bien de ton côté? Moi c'est... oh, plutôt compliqué mais... j'ai eu une apprentie, si on peut dire ça comme ça. Elle est du Clan de l'Ombre, mais je lui apprend à nager.

Une.. Apprentie de l'ombre ? Curieux, Nuage du Vent posa son arrière-train sur le sol, l'invitant à se confier alors qu'il s'assoyait en lui disant sans paroles -- ne t'inquiète pas, je ne partirai pas avant de t'avoir tout dit.

- Une apprentie de l'ombre ? Il faut que tu m'en dises plus ! Et tout va bien; ma nouvelle vie de guerrier me fatigue… Même si j'aimerais souvent être ailleurs.

S'il avait été un peu plus courageux, aurait-il ajouté avec toi ? Probablement. L'était-il ? Non, malheureusement.

Caresse du Vent s'installa à ses côtés pour l'écouter. Ça faisait vraiment du bien, de se sentir écoutée. Pas ignorée, comme d'habitude. Pas d'hypocrisie stupide juste pour la forme, pour la bonne entente et la cohésion du Clan, forcé d'écouter des récits qui n'intéressent personne d'autre que soi-même... et une âme perdue dans la forêt.

- Une apprentie de l'ombre ? Il faut que tu m'en dises plus ! Et tout va bien; ma nouvelle vie de guerrier me fatigue… Même si j'aimerais souvent être ailleurs.

Nuage d'Opale lui offrit un regard compatissant. Elle comprenait... Elle aussi aimerait être ailleurs, souvent. Au milieu de plein d'autres chats, ses amis, sans ces ridicules frontières qui lui gâchait la vie.

- Elle s'appelle Nuage de Muguet, continua-t-elle. Elle a tout l'air d'un membre du Clan de l'Ombre mais... elle a les pattes palmées. Comme moi. Comme... nous, dans notre Clan.

L'apprentie leva la patte, écartant les doigts pour lui montrer ce qui faisait leur particularité.

- C'est grace à ça que nous sommes de si bons nageurs. Normalement nous sommes les seuls à les avoir alors... je me demande si elle ne serait pas....

Pause. C'était un tabou.

- Non, ce n'est pas possible, murmura-t-elle pour elle même. Les membres de la Rivière sont très vigilants, je n'ai jamais entendu parler de chats ennemis qui auraient...

Elle regarda Caresse du Vent, perplexe. Y avait-il un espoir pour qu'elle puisse l'aimer sans barrières, un jour? L'Opaline préférait ne pas y penser... elle ne lui avait même pas dit qu'elle ressentait quelque chose pour lui. Elle poussa un profond soupir, s'attardant sur la deuxième partie de la phrase du rouquin.

- Je comprend que ce soit épuisant. J'espère quand même que ça se passe bien... Imagine, s'il n'y avait pas... tout ça. Le code, les frontières... Un seul Clan gigantesque...

Impossible. Ce ne serait qu'un rêve, à jamais. Mais rêver n'était pas interdit, pas vrai?

- Ce serait si bien! On pourrait... courir si loin qu'on perdrait de vue les étoiles, et la forêt, on pourrait nager dans ce qu'ils appellent mer dans les histoires des anciens, et je pourrais...
Elle marqua une seconde pause, la gorge nouée. Elle se pinça les lèvres, une lueur triste dans le regard.
- Te dire tant de choses que je ne peux pas...