Never coming back - end

Spoiler:

Une semaine maintenant que Patte Venteuse avait compris. Tout prenait sens à présent. Leur abandon par sa mère, l'apparence de Petit Foehn, les contes de Cobra Royal, son oeil bleu rappelant le serpent et ayant causé la perte de son audition de ce côté là de son visage... c'était une punition du Clan des Étoiles.
Une punition pour être née sang-mêlé.
Une sueur froide lui coulait le long de l'échine alors qu'elle cherchait désespérément le sommeil. Que faire? Maintenant, elle savait. Saurait-elle tenir sa langue toute sa vie? Car après tout, si son sang était impur, alors celui de ses soeurs l'était également. Elles n'avaient pas l'air d'avoir compris la vérité... Personne n'en avait l'air, sauf Cobra Royal et à priori sa mère, Brise Argentée. Mais nul doute qu'un jour, la vérité finirait par éclater, et cette idée la terrorisait.

Elle avait demandé, dans le doute, l'avis d'un guerrier du Clan. Patte Venteuse voulait en être sure. « Dis Plume de Buse, on leur fait quoi, aux sang-mêlés du Clan? » avait-elle demandé. « On les exile une fois adultes. Comme ils sont habitués à la vie de Clan, en général, ils crèvent de faim ou finissent bouffés par un chien. Mais de toute façon, c'est un sort bien gentil pour un crime pareil. »
Patte Venteuse s'était contentée de hocher la tête mécaniquement, les yeux grands ouverts par la peur. Si cela était arrivé à un autre chat n'appartenant pas à sa famille, elle serait restée indifférente, presque satisfaite de voir cette vermine quitter son Clan. Mais la vermine, c'était elle et ses soeurs. Soudainement, tout prenait une autre dimension.

En mangeant un petit lapereau - non sans culpabilité, avait-elle seulement le droit de manger? - Patte Venteuse avait surpris une discussion entre un mentor sentinelle et son apprenti. « Même si c'est la fin de l'été, les orages frappent encore la lande. Il faut être vigilant, car les fortes pluies et les tempêtes effacent les odeurs et les traces des étrangers. Il est plus difficile de suivre un chat après un temps pareil, puisque l'odeur est à peine perceptible. Les pluies lavent tout. »
Et soudain, une idée avait germé dans sa tête.
Si elle partait, ses soeurs seraient en sécurité non? Elle ne risquerait plus jamais de dévoiler leur funeste secret. Alors que si elle restait au Clan du Vent, le danger était présent. Et si les faits venaient à s'ébruiter, on les mettrait toutes les trois à la porte.
Il fallait qu'elle parte. Seule. Brise Argentée pourrait sans doute contenir Cobra Royal et l'empêcher de parler pendant un long moment pour protéger Petit Foehn et Petit Alizé.

Un orage violent frappait la forêt de Cerfblanc et cachait ce qui aurait du être une pleine lune dans le ciel. Si elle voulait partir, c'était ce soir ou jamais.

Patte Venteuse repensa à son baptême, supposé arriver dans quelques jours à peine. Elle aurait du devenir Nuage des Vents, la meilleure apprentie guerrière de tout les temps. Mais son oreille qui ne fonctionnait plus avait ajouté sur sa route un obstacle de taille. Son équilibre à la course était désormais plus précaire que celui des chatons de trois lunes. Alors rêver d'être un jour chef... Les Étoiles s'y opposeraient. Les sang pourris n'avaient rien à faire à de tels rangs.

Il devait être aux alentours de minuit lorsque Patte Venteuse se leva lentement, pour s'assurer de ne réveiller personne. Malgré l'orage, tout le monde dormait à poing fermé. Le Clan du Vent y était habitué, après tout.
Elle jeta un dernier regard vers sa mère, ses soeurs et à la portée de Tâche d'If. « Au revoir » murmura-t-elle du bout des lèvres. Et elle se précipita vers la sortie.

Patte Venteuse passa d'abord vers la percée, emportant avec elle une pièce de gibier légère et peu encombrante. Une petite souris, qui devrait suffire à tenir pour la nuit.
Ce serait sa première traversée. Comment se repèrerait-elle? Comment pourrait-elle seulement chasser? On verra bien sur le chemin, pensa-t-elle. J'aurais bien le temps. Elle ne s'attarda pas davantage et fila droit vers la sortie une fois sa souris dans la gueule.
Pour éviter d'être aperçue, elle passa par la litière du Clan. L'odeur était effacée par la pluie mais subsistait malgré tout. C'était tout sauf agréable. Une fois sortie du bosquet, elle se trouva à l'extérieur du camp.
Il ne fallait plus trainer, maintenant.

Avancer contre le vent était difficile, et au bout de quelques minutes à peine, Patte Venteuse était trempée jusqu'aux os. Elle avait froid, peur, et voulait rentrer. Mais il était trop tard maintenant. Un violent coup de foudre frappa la lande, et elle hurla de terreur. Son cri fut avalé par le fracas de la tempête. Elle doutait que quelqu'un l'ait entendue. Heureusement. Patte Venteuse récupéra sa souris, et voulu se remettre en route. Mais un éclat blanc derrière elle la fit sursauter. Il y avait un chat.
« Patte Lunaire ? » demanda-t-elle, tout d'abord surprise, et enfin, furieuse.
Elle ne l'avait pas entendu, entre l'orage et son oreille nouvellement sourde. « Qu'est ce que tu fou là?! Si tu veux me ramener au Clan, c'est pas la peine de discuter, je te suivrais pas! »

Patte Venteuse fit volte face, tremblante de froid. Quelle empotée! Pourquoi l'avait-elle suivi? Elle n'y comprenait rien. Elle n'entendait d'ailleurs rien, avec cette tempête et ce vent contre ses oreilles. Mais voyant que l'albinos n'avait pas l'air de vouloir partir, elle se mit à feuler.
« Je vois des gros arbres là bas, ça doit être les fameux quatre chênes dont Plume Colorée m'avait parlé. On y sera plus à l'abri. Si tu veux venir avec moi, dépêche toi, il faut qu'on quitte les frontières avant qu'on remarque notre absence et que des sentinelles nous mettent la patte dessus. »
Deux chatons en moins, c'est quand même vachement plus visible qu'un seul chaton disparu... foutue Patte Lunaire.

Never coming back.

Patte Lunaire en avait plus qu'assez de devoir rester dans la pouponnière la nuit, elle préférait la nuit, mais l'orage avait anéantis ses plans de sortie nocturne. Elle ne comprenait pas pourquoi les autres préférait le jour et son soleil cruel qui à chaque fois, faisait mal aux yeux. Elle en était à se retourner une fois encore dans son nid quand un murmure la figea. Le temps qu'elle relève la tête, elle n'aperçu que l'arrière train de Patte Venteuse qui sortait précipitamment. Déroutée, la chatonne se leva et s'ébroua avant de trottiner pour se caler à l'entrée, des gouttes d'eaux venant lui lécher les pattes alors que ses iris scrutait le camp à la recherche de sa détestable camarade. Elle aperçu la chatte qui filait vers la zone la moins agréable du camp mais après un moment passer à attendre, l'albinos se rendis à l'évidence. patte Venteuse venait de quitter le camp.

Dégoûtée que l'autre file alors qu'elle-même était là, à pester sur la journée écoulée et celle à venir, la future novice pris la décision de la suivre et elle détalla sous la pluie sans rien dire, suivant ce qu'elle espérait être la piste de sa camarade sans même savoir si tel était bien le cas. Sa fourrure raccrocha dans une branche du buisson juste avant qu'elle ne sorte et elle leva les yeux au ciel sans ralentir, abandonnant là une touffe de fourrure immaculée. Trempée, frigorifiée mais poussée par l'adrénaline, c'est un éclair d'un blanc surprenant qui figea la chatonne, faisant apparaître un peu plus long celle qu'elle cherchait justement à suivre. Elle fit un pas de plus lorsque l'autre la remarqua et cracha presque. Qui veux tu que ça soit ? Mais Patte Venteuse ne sembla pas l'entendre, car déjà elle râlait à son tour et l'albinos leva les yeux au ciel avant de secouée la tête pour chasser les gouttes d'eaux sur sa face et fixé de plus belle sa compagne de pouponnière. Parce que tu crois que j'ai que ça a foutre de me geler les os pour faire demi tour ? Non, il était clair que si elle l'avait suivis, ce n'était pas pour la forcée à rentrer au camp. Bien au contraire. Se rapprochant, le fourrure hérisser autant que faire ce peu vu a pluie qui l’aplatissait, elle hocha la tête et poussa Patte Venteuse du museau pour lui dire de passer devant, qu'elle suivait.

Elle ne comprenait pas pourquoi l'autre voulait tant quitter le camp mais ne cherchait pas pourquoi non plus. S'était son problème après tout et elle, et bien accompagner Patte Venteuse la changeait du quotidien. Et puisque tout ça ne pouvait que mal finir, qu'elle retourne au camp où suive sa camarade n'y changerait rien. Rester à attendre que tout parte en vrille, ce qui ne tarderait pas, elle en était certaine. Sortir par ce temps ... Franchement. On se les gèles ! Mais si elle pestait, Lunaire suivait malgré tout.

Trempée jusqu'aux os, Patte Venteuse s'empressa de trouver un lieu où s'abriter. Le froid la rongeait de plus en plus, le temps pressait. Si l'orage venait à réveiller ne serait-ce qu'une reine ou un chaton qui remarquait leur absence, nul doute que des recherches seraient lancées très rapidement. Être retrouvé par les leurs ne tarderait pas si elles ne dépassaient pas la frontière très rapidement.
Patte Lunaire lui adressa quelques mots, mais tout lui était confus. Elle ne savait pas lire sur les lèvres et le tonnerre couvrait le peu qu'elle pouvait entendre de son oreille valide. Elle n'en percevait que des bribes.

- Par... que j'ai q.. a a... tre de ... ler les os pou...re demi to..?
- Je ne comprend rien! pesta-t-elle alors, agacée et peinée à l'idée que même Plume Colorée, lors de ses derniers jours, entendait bien mieux qu'elle.

Pas le temps de se plaindre davantage, Patte Lunaire la poussa d'un coup de museau pour l'inviter à poursuivre sa route. C'était apparemment décidé, l'albinos la suivrait dans sa fuite. Pourquoi? Aucune idée. Elle lui demanderait plus tard, pour l'heure, il fallait avancer.
Sa camarade de route lui parla à nouveau, mais sachant pertinemment qu'elle n'en comprendrait pas un mot, elle se retourna sans même prendre la peine de l'écouter afin de reprendre la route. Direction les quatre gros arbres qui se tenaient devant elles.

Elles passèrent devant un vieux terrier de renard, sans doute abandonné, et la tentation d'aller s'y abritait était forte. Cependant, elles devaient encore être sur leur territoire, et il fallait le quitter au plus vite. Une fois les frontières dépassées, Patte Lunaire et Patte Venteuse seraient presque en sureté. Presque.

Elle trébucha à plusieurs reprises, éternuant violemment. Elle devait sans doute tomber malade, par ce froid. Son corps lui hurlait de faire demi-tour afin de retourner se loger contre le ventre de sa mère entourée de ses soeurs, son coeur lui disait de poursuivre sa route.
Le sommeil accompagnait le froid dans son corps, mais Patte Venteuse savait qu'il ne fallait pas s'arrêter, et encore moins dormir. Pas avant d'avoir trouvé un abri.
Son long pelage se faisait lourd sous l'humidité ce qui rendait leur progression plus pénible encore. Comment feraient-elles en hiver? Leur vie allait-elle être ainsi pour le restant de leurs jours au moins, elles n'étaient plus seules.

Trop enrhumée pour sentir si le marquage avait été passé, elle ne savait plus vraiment où elles en étaient. Sa seule marque de progression était les quatre arbres gigantesques devant elles.

- On s'arrêtera là bas! s'écria-t-elle pour s'entendre elle-même. On ne doit plus être bien loin, je les vois qui se rapprochent!

Peu habituées à l'effort et au froid mordant, ses pattes tremblaient, ses muscles refusant par moment d'aller plus loin. Elle tomba à nouveau, mais eut plus de mal à se relever. Contre son gré, dépitée par elle-même, Patte Venteuse se tourna vers Patte Lunaire.

- Faisons une pause ici, on y arrivera bientôt. Mais au fait, pourquoi t'es partie?

Un nouveau coup de tonnerre la fit hurler. Elle n'avait vraiment pas envie de rester ici. Elle n'avait vraiment pas envie de partir. Mais elle n'avait pas le choix.

Never coming back.

Lorsque Patte Venteuse râla qu'elle ne comprenait rien, l'albinos leva les yeux au ciel, avant de les rabaisser tout aussi vite, dégoûtée par l'eau qui leurs arriver dessus en trombe violente. Stupide crotte de lapin. Fut tout ce que la chatonne trouva a répliquer à sa camarade à ce moment là, tout en s'en rapprochant, espérant ainsi conserver un peu de chaleur. Difficilement toutefois. Et fort heureusement, l'autre ne s'arrêta pas, comprenant sans doute son geste, sa façon à elle, silencieuse de lui dire de bouger son cul. Car clairement, Lunaire espérait bien ne pas finir aussi trempée qu'une algue dans la rivière. Direction les quatre arbres qui apparaissaient clairement à chaque fois que la foudre venait éclater dans un mugissement assourdissant et lumineux. Un instant pourtant, l'albinos trouva le terrier devant lequel elles passèrent très tentant mais voyant que Patte Venteuse ne semblait vouloir s'arrêter, la chatonne souffla et poursuivit sa camarade. Aller un peu plus loin n'y changerait pas grand chose, elles étaient déjà trempée, glacée et de mauvaises humeur -ce qui dans son cas ne différait jamais de d'habitude - et surtout, quitte à se faire engueuler par la suite, autant qu'elles aillent visiter le plus loin possible non ? L'image de Tordue s'imposa a son esprit et l'albinos eu un maigre sourire, au moins elle aurait un truc à lui raconter.

A condition qu'elles arrivent quelque part car déjà, Patte Lunaire se sentait fatiguée, en colère contre le ciel et sa pluie maudite et pis, contre la boue qui, lors de ses rares chutes avaient maculés ses pattes. Au moins la détestable avait elle la satisfaction de voir sa cadette dans une posture égale, et un éternuement, qu'elle devina surtout au mouvement du corps plus qu'au bruit confirma à la blanche ce qu'elle avait déjà compris. Une idée de cervelle de souris de sortir par un temps pareil, cependant, son besoin de trouver immédiatement un peu de chaleur la poussa à coller autant que possible sa fourrure à celle de Venteuse et avant même de lui demander si elle avait fini sa balade, elle perçu la voix de l'autre chatonne. T'es pas forcée de me hurler dans les oreilles, je suis pas sourde ! La femelle s'écarta, dévisageant sa compagne nocturne, bien décidée à lui faire comprendre que ... Mais l'autre ne l'attendait pas et après un énième soupir, elle la vit s'effondrée et revint se coller à elle, hérissant son poil en l'entendant de nouveau crier, lui offrant un regard froid.

- J'ai juste voulu savoir ce qui te prenait autant de temps dans le petit coin, mais comme tu revenais pas ... Toute façon j'arrivai pas a dormir. Mais la question c'est pourquoi toi t'es parti. Surtout que t'as pas l'air de bien entendre, avec toute cette pluie aussi ...

Cherchant de la chaleur, elle s'approcha de Venteuse et sans lui demander son avis, elle se coucha contre sa camarade, couchant les oreilles et se repliant autant que faire ce peut tout en marmonnant contre l'orage. Coincée pour coincée ... De toute façon, elle avait les pattes en feu, le moral plus bas que terre et la fourrure glacée par la pluie. Dédaigneuse et hargneuse elle ajouta. Vraiment, t'aurais pas pu choisir un autre soir pour visiter le territoire ? Le tout dit sur le ton de "hé la débile, tu vois pas qu'il pleut" qui lui sied parfaitement bien.

Patte Lunaire se rapprocha de Patte Venteuse, espérant sans doute trouver mais aussi offrir un peu de chaleur au beau milieu de cette tempête glaciale. Y arriveraient-elles seulement? Plus le temps passait, plus elle perdait espoir.
Les solitaires, comme on les appelait, devaient bien parvenir à survivre seuls non? Pourquoi pas elles?
Parce que tu es à moitié sourde, Patte Venteuse, lui souffla une petite voix dans sa tête. Ce n'était malheureusement pas faux. Sa surdité, bien qu'incomplète, lui empêchait d'être aussi discrète que possible, de s'assurer de ne faire aucun bruit, et emportait avec une partie de son audition son équilibre quasi-parfait de félin. Désormais, courir - ce qu'elle avait toujours adoré depuis qu'elle l'avait fait pour la première fois - relevait du challenge. Rien ne l'en empêchait, évidemment. Ses pattes fonctionnaient toujours parfaitement. Mais ses chutes survenaient plus souvent; ne parlons même pas de l'idée d'escalader un obstacle de grande taille.

- Vraiment, t'aurais pas pu choisir un autre soir pour visiter le territoire ?
- Non, retorqua-t-elle la voix tremblante de froid, car elle en était transie, j'y ai réfléchi tu vois. Et c'était la seule façon de partir sans qu'on puisse retrouver notre trace.

Mais je n'imaginais pas ça si dur, continua-t-elle dans ses pensées.
À mesure qu'elle restait là, à reposer ses pattes et tout son corps, le sommeil la gagnait. Ne pas dormir, murmura-t-elle à elle même pour se forcer à rester éveiller comme si elle lançait un sortilège. Ne pas dormir...
Elle avait déjà entendu les reines en parler, de ce mal qui emporte la vie lorsque le froid survenait. Un jour, Branche de Lierre s'était endormie avec ses petits lors d'une froide journée d'hiver. Et alors que tous semblaient dormir paisiblement, trois d'entre eux étaient décédés lorsqu'elle s'était réveillée. Ils étaient portant tous en parfaite santé avant leur décès, mais de ce qu'on lui avait expliqué, les grands froids donnaient sommeil avant de les emporter tout droit vers les Étoiles.
Patte Venteuse avait terriblement peur de la mort depuis celle de Plume Colorée et Coeur de Givre. C'était donc tout naturellement que cette histoire était restée gravée dans ses pensées malgré les lunes qui s'étaient écoulées depuis.

- Il faut qu'on bouge, affirma-t-elle après avoir murement réfléchi.

C'était pourtant son idée de s'arrêter quelques temps, mais avec un peu de recul, c'était une très, très mauvaise idée.
Sans bouger, elles prendraient plus froid encore - c'était la sensation qu'elle avait désormais, malgré la présence de Patte Lunaire - et surtout, elles prenaient le risque d'être repérées plus rapidement.
Mais c'était sans compter sur ces lumières qui attiraient son attention. Comme pour le soleil, la lueur lui inspirait la chaleur, et c'était désormais son nouvel objectif. S'y rendre le plus vite possible.

- Je... je vois quelque chose là bas! Allons-y!

Et elle se releva, quoique difficilement, avant de reprendre la route.
La pluie n'avait pas l'air décidée à faiblir, et le ciel couvert de nuage qui masquaient les étoiles ne lui inspirait pas tellement confiance, mais elles ne pouvaient plus reculer. Il fallait y aller.
Tout aurait pu se passer parfaitement bien, si la foudre ne l'avait pas surprise.
Le claquement la fit hurler, chanceler, l'étourdit, mais elle fonça malgré tout. Tout droit, aussi vite que ses pattes gelées le lui permettait, en direction des lumières qui bougeaient si rassurantes. Le bourdonnement aigu et continu qui sifflait dans son oreille gauche depuis que le tonnerre avait claqué incroyablement fort ne faisait rien pour l'aider.

Patte Venteuse ne pensait plus.
Ni à Patte Lunaire, ni aux problèmes, ni à la pluie. Il n'y avait plus que la peur pour la guider.
La peur, et les lumières mouvantes.
Sans se douter que la lumière qui fonçait vers elle était un monstre mécanique plus dangereux encore que la foudre qui tombait du ciel.

« Endors-toi ma petite Boule Argentée, ce n’était qu’un cauchemar… »

Et je me rendormais, tranquillement, contre ma mère et mon frère, pensant la vie d’apprenti qui m’attendait. Le cauchemar avait disparu, il était loin.
J’avais rêvé qu'Aube Grise, ma maman, était partie dehors, un soir de pluie, et qu’elle avait rejoins les étoiles en allant sur un chemin tout noir, où chaque pas était douloureux tant sa matière était rude, où l’odeur était infecte. Pourtant, contre moi, je sentais toujours un vide, un creux. Etrange. Et puis un bruit sourd arrivait, de plus en plus fort, bruyant. On aurait dit un orage accompagné de pluie. Et lorsque je réouvrais les yeux je n’étais plus contre maman, mais entourée de chatons, et la mémoire me revenait. Les enfants de Tâche d’If au niveau de mon ventre, et deux autres petites boules de poils, qui étaient à moi, au niveau de mes pattes avant, mêlée à celles-ci. Le problème était qu’il y avait vraiment un vide. Patte Venteuse. Elle n’était plus là. Les yeux ronds, les oreilles dressée d’un coup, je guettais le moindre mouvement dans la pouponnière. Il n’y avait pas que le vide de vrai, l’orage l’était aussi, et malheureusement, il était vraiment violent. Si puissant que je n’entendais presque plus rien. Je regardais Accroche-Cœur plus loin, elle était dans le même état. Patte Lunaire n’était pas là non plus. Je lui demandais alors de garder un œil sur les chatons que je gardais, et je sortis sans même attendre de réponse. La pluie me tombait dessus aussitôt, j’étais déjà trempée jusqu’aux os, tant elle était dense. C’était impossible de les retrouver. Je tentais de crier leur nom mais l’orage couvrait mes paroles. Mon cœur battait de plus en plus fort, ma fille, la mienne, était quelque part, dehors dans cette tempête. J’étais à la limite de céder à la panique. Je ne savais pas si c’était des larmes qui coulaient sur mon visage ou si la pluie seule était présente. Et puis, me revient en tête un passage de ma vie. Je me voyais, dans cette belle journée ensoleillée pourchassant ce petit papillon bleu. Je revivais ce moment, je reprenais le même chemin que j’avais fais à cette époque. J’avais froid, mon cœur se glaçait de peur, mes pattes tremblaient. Je me souvenais de ce jour. Je devais vérifier impérativement la route. Non, elle ne devait pas être là bas, elle n’avait pas le droit. La panique pris le contrôle de mes membres et aussi rapide qu’un guépard je m’élançais vers le chemin des monstres. J’étais sortie du camp comme une fusée, je ne sais pas si quelqu’un m’avait vu. Tant pis, ma fille était plus importante que tout. Mes poumons étaient en feu, et j’étais presque arrivé. Je ralentis l’allure, mes pattes n’arrivant plus à rien. La gueule ouverte je tentais de reprendre mon souffle tout en continuant à marcher vite. Le bitume était juste là, et je ne voyais rien. Elle ne devait pas être là. J’en avais presque oublié Patte Lunaire tant j’étais inquiète pour ma propre fille. Je croyais voir un petit mouvement d’aile au dessus de la route.

J’avais presque le papillon entre mes pattes et… Je l’avais raté. J’entendais maman qui me criait de sortir de là, mais j’étais triste de pas l’avoir, et j’entendais…

Monstre. Je marchais vite sur le bord, tendant le cou pour voir si je la voyais. Et elle était là, courant face à la bête. Elle se jetait dans la gueule du loup. Sans réfléchir un seul instant je bondis sur la chaussée et fonça sur Patte Venteuse. Tout allait trop vite. Je lui criais la voix paniquée :

« Non, non, non…. PATTE VENTEUSE ! »

Les lumières étaient très proches de nous. Je réussi à l’attraper à la nuque et je la jetais sur le bas côté. Le geste pouvait être violent, mais il était hors de question que le monstre l’attrape. Il y eu une espèce de crissement, et avant que je puisse me sortir de là, il me percuta de plein fouet et une douleur foudroya ma patte arrière gauche. Et le monstre s’éloignait en vitesse. J’avais le souffle court et les membres en feu. Je tentais de me relever mais impossible, ma patte était beaucoup trop douloureuse. La tête commençait à me tourner. Je me glissais tout de même dans l’herbe avec difficulté. Je voulais être contre ma fille. Mais je me sentir partir, je n’étais vraiment bien. Ma patte était chaude, et elle était impossible à bouger. Mais Venteuse était sauvée, elle allait bien, elle n’était pas sur le terrain de chasse des monstres.

« Tout va bien… Tu vas bien, tu es en sécurité… »

Patte Venteuse allait bien. Et je croyais apercevoir Patte Lunaire à côté, elle allait bien elle aussi. Je posais ma tête lourdement sur le sol. Non, je ne mourrais pas, je venais de sauver la vie de mon enfant, et j’étais soulagée qu’elle n’a rien. Alors je me reposais, la douleur était de plus en plus forte, l’adrénaline redescendait petit à petit. Mes yeux se fermaient petit à petit. J'étais à côté de ma maman, elle allait bien, elle était en vie.

Tant qu'elles auront besoin de moi, je me battrais contre la mort.

Never coming back.

Patte Lunaire prêta à peine l'oreille à la réponse de Patte Venteuse, les yeux lourd, transi par le froid, elle peinait à rester éveiller et sombrer déjà dans un demi-sommeil. Silencieuse depuis un moment, l'albinos remua les oreilles d’agacement lorsque la voix de sa camarade troubla de plus belle son début de sommeil. Bouger, pour aller où ? La chatonne n'était pas certaine que sa camarade le sache mais, faisant un effort, ayant déjà décider de ne pas la laisser profiter seule de l'aventure, elle se redressa, secoua sa fourrure, sans avoir la sensation que ni l'eau, ni le froid ne la quittait. Raide, elle marcha d'un pas lent, jusqu'à ce que ses muscles protestent, pestant en silence, elle rattrapa pourtant sa camarade, juste avant qu'un rayon de foudre ne vienne caresser la lande, pas si loin, provoquant un raffut qui fit bondir en arrière l'albinos, fourrure hérisser. Parfaitement réveiller mais aveuglé tant par l'éclat violent qu'assourdis par le vacarme, elle mit un moment à voir son amie filer ventre à terre. La repérant, la petite leva ses yeux rouge au ciel, le regrettant plus amèrement encore. Mais elle avait décider et pour une fois, elle s'y tenait. Jusqu'à voir que l'herbe était remplacer par un truc différent, un truc sur lequel Patte Venteuse courait, sans réfléchir sans doute. Mais pour l'albinos, cet obstacle là ne lui plaisait guère et longeant le chemin du tonnerre, elle entreprit de rattraper Patte Venteuse ainsi.. Mais son amie courait vite, avec une énergie que la chatonne blanche n'avait pas. La silhouette qui se découpa dans la lumière vive et qui attrapa Patte Venteuse figea la blanche.

Alors, tout se déroula en un éclair.
Le félin qui envoyait sa jeune compagne sur le bas côté. Le bruit, horriblement long d'une chose frottant sur une autre. Le corps de Patte Venteuse s'écroulant au moment même où un simple "bing" léger se découpait au milieux du vacarme de la pluie, au milieu du vacarme de l'orage dont un nouvel éclair déchirer le ciel, lançant une vivacité agressive sur la scène. Si brève et si pleine de détail qui s'imprimèrent sur les rétines de l'albinos. Puis le mouvement d'un corps qui "vole" et atterrit un peu - beaucoup - plus loin. La petite observa son amie courir vers ce corps. Si Patte Lunaire avait bel et bien reconnu Brise Argentée, son esprit était encore incapable de l'assimiler. Figée, la fourrure trempée, la gueule légèrement entrouverte, elle n'entendait qu'une seule voix. Un seul cris, qui surpassait celui que sa gorge refusait de lâcher.

Maman ! Maman ! Maman ! Maman ! Maman ! Maman ! Maman ! Maman !
Déchirante, tel était la voix de son amie qui semblait se rapprocher dans son crâne, sonner plus fort, plus vif, incisif. Ses pattes bougèrent alors, sans que la petite femelle blanche eux yeux rouge n'en est conscience, et doucement, elle se rapprocha du chaos, doucement, elle avisa le corps de la reine, son regard le parcouru, s’arrêtant sur l'arrière, sur une patte en particulier. La vérité s'imprima dans son crâne autant que la rigole de sang longeait en silence la terre, y disparaissant, absorber. Puis, l'albinos revit d'autres chats, d'autres corps, disparus puis enterrer. Réagissant, elle attrapa violemment la peau de la nuque de son amie pour la tirer en arrière. Pour l'éloigner du corps. Comme si la mort pouvait surgir de la défunte et les emmener, elles aussi. Et si Patte Lunaire savait que la mort finissait par arriver, elle n'était pas prête à lui dire bonjour ... Serrant les crocs, elle souffla. T'y peut rien ... Faut .... faut qu'on parte ...

Tout fut un peu trop brutal pour que Patte Venteuse puisse comprendre exactement ce qu'il venait de se passer. Encore sonnée par le choc et le sifflement nouveau qui raisonnait dans sa tête, elle se redressa, confuse. Où était passée la lumière?
En tournant la tête elle l'apercevait, filant au loin, continuant sa route comme si rien ne s'était produit, allant même jusqu'à ignorer la tempête qui se déchainait autour d'eux.

- Eh...! Att- voulu l'appeler Patte Venteuse.

Puis elle remarqua la silhouette bien trop familière lovée contre elle. Elle la vit bouger les lèvres, sans doute afin de murmurer quelques mots mais ne parvint à entendre un seul d'entre eux.
Et enfin, plus rien.

- ... maman?

La tempête se moquait bien de la situation. L'orage continuait de gronder sans se soucier de ce qu'il se passait ici-bas. Patte Venteuse ne l'entendait même plus. Elle ne sentait même plus la pluie s’abattre sur eux, toujours aussi indifférente.
La tête de Brise Argentée retomba lourdement sur le sol. La dernière fois qu’elle avait vu une telle chose arriver remontait à bien longtemps maintenant, mais elle s’en souvenait comme si c’était hier.
C’était le jour où Plume Colorée était morte.

Tout devint clair, enfin, au beau milieu du brouillard. Le tonnerre éclata à nouveau alors que Patte Venteuse réalisait la situation. La chose aux lumières avait attaqué Brise Argentée, qui avait protégé sa fille.
Et maintenant elle était…
Non.

- Maman…? insista-t-elle davantage, enfouissant son museau trempé et froid dans sa fourrure tout aussi glaciale.


Rien. Juste le vide.



- M-Maman, Ma…



Patte Venteuse avait beau essayer, rien n’y faisait. Brise Argentée ne réagissait pas. Et c’est à cet instant que tout se brouilla.
Sa gorge se serra, ses yeux étaient si humides qu’ils la brulaient. Dans son corps, son coeur tambourinait à toute allure. Sa plus grande peur, la mort, semblait se tenir là juste devant elle. Prête à emporter l’un de ses êtres les plus chefs.
Comme Coeur Givré.



- M… m-mmm… étaient les seuls sont qui, pendant de longues secondes, parvenaient à s’échapper de sa gueule tremblante de froid, mais surtout, de peur.



Le monde autour d’elle n’existait plus.



Puis des cris. Des cris, des cris et encore des cris. Toujours des cris à appeler maman. Toujours plus fort à appeler maman maman maman maman maman maman maman MAMAN MAMAN MAMANMAMANMANMAMANMAMANMAMANMAMANMAMAN
Comme si la mort allait fuir ainsi.

Des crocs se plantèrent dans sa fourrure, mais Patte Venteuse les repoussa sans même chercher à comprendre.
D’autres chats débarquèrent, lui posèrent des questions, mais elle les ignora.
On déplaça sa mère, elle suivi le mouvement, restant collée à son corps.
Et elle resta plantée là
À hurler, supplier, pleurer, trembler
À crier le seul mot qui l’obsédait.

Maman
Maman
Maman
Maman
Maman
Maman
Maman

Seule sa voix, qui finit par se briser, parvint à l’arrêter. Malgré tout, ses lèvres continuaient de l’appeler silencieusement, les yeux rivés sur son visage si rassurant.




Maman
Maman
Maman
Maman

…
Maman.

Never coming back.

Tout dans sa tête, dans sa vision, été flou. Que ressentait elle ? Que devait elle faire ? Pourquoi, Comment, qui ? Bientôt, la chatonne albinos se mit à trembler incapable de regarder le corps de Brise Argentée, d'entendre les pleurs, les cris, où ... était-ce des murmures qui s'échappaient de la gueule de Patte Venteuse ? C'est à peine si la question de la meneuse lui parvint. Elle été dans un brouillard, sombre, opaque avec pour seule compagne, le bourdonnement sinistre de la mort. Puis, aussi vite que tout s'était passer, toute sensation désagréable disparut et ses yeux vermeil se posèrent sur les chats qui s'agitaient de ça et là. La voix de la petite pris cette froideur sinistre qui lui été habituelle alors qu'elle répondait à une question qu'elle n'était même pas certaine d'avoir entendu.

- Venteuse est sortie, je l'ai suivis, Brise est arrivée et BAM. C'est tout.

La chatonne cligna des yeux, la tête tournée vers la calico et sans attendre, la petite fit volte face pour suivre ceux qui prenait le chemin du retour, encore sous le choc malgré sa tête et sa queue haute, malgré son regard froid et perçant. Seule sa fourrure témoignait de la tensions sous sa fourrure pâle, seule les poils hérissés étaient la preuve qu'elle n'était pas une petite chose insensible. Car Patte Lunaire avait beau être glaciale à souhait, dans son cœur, il y avait une étreinte douloureuse, une sensation terrible d'être responsable d'un drame. La mort pouvait d'n instant à l'autre emporter la mère de sa camarade et sans qu'elle ne sache très bien pourquoi, là, au fin fond d'elle-même, l'albinos avait peur. Une peur terrible et sourde qui été sans doute née avec elle et qu'elle emporterait dans sa tombe. Une peur dont elle été en même temps inconsciente ...