take me on a roadtrip -end

tout se passa extrêmement vite

Coup de Foudre se retrouva d'un éclair à ses côtés, sa fourrure s'entremêlant dans son flanc et son haleine créant des vagues de vapeurs qui rejoignaient la sienne -- haletante, nerveuse, entrecoupée... Mais bien vivante. L'énorme raffuts du monstre qui les surplomba tous deux hurla avec une violence inouïe dans les oreilles sensibles du petit, mais passa en une seule et rapide seconde; après… Le silence. Rien que le silence. Un long vide avec la queue de la carapace qui disparaissait dans le champ de vision. Les morceaux éclatés du poursuivant à leurs pattes, un bout sur le poitrail qui s'élevait et se baissait de Nuage de Vent - mais pas un bruit. La respiration et les côtes de son compagnon qui le frôlait, l'odeur répugnante des entrailles et du chemin du tonnerre, puis de sa propre peur. Un tressaillement dans l'oreille gauche du rouquin alors qu'il se dépliait, fronçant ses sourcils en baissant ses yeux sur sa patte, celle-ci couronnée de quelques coupures de sa mésaventure. Ils auraient pu avoir bien plus comme cadeau, comme la mort; sans l'intelligence de celui qui l'avait secouru, il aurait fini comme ce gros mustélidé écrasé. Une grosse cuillère de gruau.

Alors, tremblant, il alla se ranger avec fatigue sur le rebord de l'asphalte, encore plus éreinté après la deuxième rechute d'adrénaline. Ce bizarre de duo côte à côte avait l'air de sortir d'une nuit d'horreur, une nuit de course pour échapper aux ennemis, une nuit qui aurait couvert leurs deux corps de sanglantes épreuves, du bout de leurs queues jusqu'aux bouts de leurs griffes râpées. Des horreurs, ils en avaient vécus, oui, mais avaient survécus.. Et que demander de plus dans de telles conditions ? Ce fut les pensées qui traversèrent le crâne brouillé de ce jeune fils des bourrasques qui, bizarrement, se sentait plus proche de l'autre que de toute personne en cet instant cristallisé dans l'inconnu.

côte à côte
corps brisés
face à la route
les sapins et le vent
le lever du soleil
dans le ciel coloré
et puis une voix

— … Est-ce que t'as dit que t'avais déjà essayé de … de séduire un blaireau ?
un long silence blanc compléta l'espace
puis un sourire las sur le visage du vent
et un rire qui déchira l'atmosphère
et puis un autre et un autre et un autre et
— T'inquiètes pas, je vais pas recommencer à pleurer…
j'ai même un morceau sur… hehe… sur moi...
Il reprit son souffle, une dernière fois, et
merci.

pour tout

Ses oreilles bourdonnaient encore du passage du monstre mais il tenta tout de même de se lever - maladroitement, sa queue faisant le piquet puis la roue à défaut d'avoir sa cochlée pour s'équilibrer. Il tituba sur quelques pas, tandis que Nuage du Vent se redressait aussi, se traînant du mieux qu'il le put vers le rebord du Chemin du Tonnerre dans la zone dite "sécuritaire". Le bengal retomba assit, une patte étendue, la pulsion de la douleur à sa cuisse lui faisant plisser une paupière d'inconfort.

L'horizon se délesta d'autres monstres pour le moment et lentement, graduellement, son ouïe lui revint, et ses appuis au sol aussi, se hissant sur quatre pattes (en secouant d'agacement son postérieur blessé derrière, fermant sa position en tendant bien loin sa queue). Bon... Il s'ébroua de long en large, passa un coup de langue sur son poitrail, puis une patte sur ses oreilles histoire de se débarrasser du moustique qui zozotait dedans.

Son compagnon d'armes, l'apprenti Nuage du Vent, et son épaule blessée, eurent un mouvement à côté, attirant l'attention de Coup de Foudre qui tendit l'oreille à ce qu'il supposa être une autre protestation.

— « … Est-ce que t'as dit que t'avais déjà essayé de … de séduire un blaireau ?

Le bengal cligna des paupières.
Elles se plissèrent au sourire qui raviva sa face et en se mettant en route, il octroya l'apprenti d'une nouvelle tape sur sa tête comme lorsqu'il avait tenté de lui sauter dessus.

— Tss. ♡

Il était calme, groggy comme après des ébats mouvementés mais ils lui avaient redonnés l'énergie de poursuivre le voyage. Il lui fallait ramener cet apprenti chez lui - cet apprenti à qui il avait sauvé la vie.

— « T'inquiètes pas, je vais pas recommencer à pleurer… j'ai même un morceau sur… hehe… sur moi... Coup de Foudre haussa ses sourcils, s'approcha de Vent et tassa l'odieux reste de blaireau de sa somptueuse pelisse rousse, la lui lavant d'une succincte lapée.

— Merci.

Mû de fatigue malgré ce retour d'énergie, Coup de Foudre s'interrompit d'un baîllement, avant d'outrepasser Vent en lui donnant un petit coup de museau dans le flanc.

— Cht'avais dit que j'te tuerais pas...

Tu viens, maintenant? »

HRP:

Maintenant plus propre, bien qu’éreinté et toujours à demi endormi, Nuage du Vent esquissa un modeste sourire à ce grand matou qui venait de faire basculer sa journée. L’étirement de ses commissures était un mouvement qu’il avait peu lâché honnêtement ces derniers mois, son cœur battant faiblement au rythme de la douleur; mais pourtant, maintenant et sous ce soleil qui les surveillait, il se sentait étrangement apaisé. Ce sentiment… Était bon. Il ne connaissait que ce Coup de Foudre depuis le lever du soleil, mais ils avaient vécus ensemble bien plus de choses qu’il en avait découvert pendant un mois avec un autre compagnon de son clan. Décidément, il n’allait pas l’oublier de sitôt…

— Ch t'avaisdit que j'te tuerais pas…

Le rouquin ronronna doucement à la poussée du tonnerreux, lui envoyant par la même occasion un coup amical avec sa propre queue – et sur son flanc.

Tu viens, maintenant?
— Je te suis.

Il joignit ses gestes avec ses paroles, trottinant pour se retrouver au côté du prince de la forêt. Dans ses yeux qu’il observa, penchant avec une délicatesse fragile sa tête vers la droite, il ne découvrit plus la même froideur qu’il y avait eu quelques minutes plutôt, mais une myriade de couleurs que reflétaient le ciel dans ses prunelles; du rose, du rouge, un peu d’orange… Un mélange intéressant, tout comme ce masculin quadrupède. Et alors que les arbres se raréfiaient pour laisser place aux grandes landes de son territoire d’accueil, il fronça les sourcils d’une certaine curiosité. Pelage de Nuit était-elle en train de s'inquiéter pour lui ? Il savait Crocs Nacrés et sa tante -- ses parents aussi, ses amis -- angoissés à l'idée de ne pas le voir arriver… Mais sa sœur était-elle de ceux qui s'inquiétaient ? Voir un si grand traitre arriver sur les limites de son clan.. Quel dommage ! Si elle ne comprenait pas la complexité d'une amitié qui n'était pas de son clan, comment pouvait-elle vraiment saisir la beauté dans une simple découverte du ciel au petit matin ?

— Hm, ça t'arrives souvent des aventures comme ça ? Parce que, et il lui décocha un clin d'oeil, t'as pas vraiment l'air de quelqu'un qui se conforme aux règles du clan...

Définitivement, il ne le connaissait que peu.. Peut-être allait-il lui sortir que c'était le lieutenant du clan du tonnerre, tient ? À vrai dire, rien ne l'étonnerait plus de ses réponses, mais il aimait mieux combler le silence dans sa tête et remplacer les images harcelantes du faciès colérique de sa frangine.

« Je te suis. »

C'est sur un lourd soupir que le bengal reprit la tête du tandem, tenant la sienne basse, le soleil montant réchauffant beaucoup trop vite les ombres de sa pelisse à son goût. Il se traînait les pattes mais il gardait le rythme.

Bientôt leur route sur le Chemin du Tonnerre les fit longer la frontière du Bourbier du Clan de l'Ombre, à l'opposé, tandis que de leur côté se dressait les Quatre Chênes en distance dépouillés ou presque de toutes les feuilles de leurs branches. Les rayons du soleil se filtraient au travers, réconfortant Coup de Foudre d'un souvenir de Museau Bleu et Lui qui batifolaient tout au haut, sous la toison Argentée pendant la nuit.

— « Hm, il baissa les yeux sur l'apprenti qui se motivait à marcher. Ça t'arrive souvent des aventures comme ça ? Parce que, Nuage du Vent lui décocha un clin d'oeil, t'as pas vraiment l'air de quelqu'un qui se conforme aux règles du clan...
— Bel oeil ~, lui ronronna le Bengal en reprenant un peu sa contenance, en ravalant un peu sa mauvaise foi maintenant que le plus gros des dangers avait été étalé sur la terre noire de la chaussée.

La discipline de guerrier m'intéresse beaucoup moins que de jouer les ambassadeurs... Il aimait rencontrer tout ces chats d'ailleurs, Nuage du Vent y comprit. Sa queue s'abaissa à ses pattes et il creusa ses épaules, son corps avançant par automatisme plus que par réelle volonté. Mumuse est un peu pareille. C'est en partageant ce qu'on sait qu'on devient meilleurs, non? »

Il eut un rire sous-cape, faible comme sec:

— « Mais pour répondre à ta question, non. Toutes les aventures que je vis sont différentes... celle d'hier n'a rien à voir à aujourd'hui, et ainsi de suite.

... Tiens le coup, on y est presque, il lui mentit.

Encore dix longueurs de queue. »

Et s'il lui redemandait plus tard quelle distance il leur restait? Encore dix longueurs de queue.

Le soleil de l'automne qui s'achevait était particulièrement chaud, en ce début de matinée qui abritait les deux chats cavalant. Leurs pattes respectives claquaient et cliquetaient sur la surface parfois trop chaude des quelques rochers sur le bord de la route, faisant grimacer le petit vent; il aurait, pour une fois, espéré que l'hiver arrive plus vite. Les rayons de l'astre lumineux pouvait être un vrai fléau, parfois… Toute cette chaleur avait le don de le rendre un peu gaga. Mais sa connaissance ne sembla pas vraiment les considérer comme un obstacle à sa réponse, lui envoyant quelques secondes après sa propre question;

— La discipline de guerrier m'intéresse beaucoup moins que de jouer les ambassadeurs... Le rouquin augmenta la cadence pour se rapprocher du brun, voulant bien entendre les mots qui sortaient de sa gueule.
Mumuse est un peu pareille. C'est en partageant ce qu'on sait qu'on devient meilleurs, non?

Mumuse… Son cœur, plus léger à l'écoute de ce surnom, papillota un instant dans son poitrail lourd et éreinté. Qu'aurait été sa vie si Coup de Foudre, Museau Bleu et lui avait été une famille ? Nuage du Vent aurait grandit sous des valeurs différentes, chapeautés par deux personnes qui avaient l'air d'êtres exceptionnels malgré les règles non conventionnels des clans. Une vie meilleure, ou plus chaotique ? Il n'allait jamais le savoir, mais se doutait de la réponse qui grandissait dans son esprit -- comme une petite germe après la saison des feuilles mortes.

— Mais pour répondre à ta question, non. Toutes les aventures que je vis sont différentes... celle d'hier n'a rien à voir à aujourd'hui, et ainsi de suite.
— Ah, oui. Je vois. Il devait en avoir vécu, des aventures, celui-là !

... Tiens le coup, on y est presque,
Encore dix longueurs de queue.

Le fils des bourrasques exécuta une petite grimace à l'entente de ces cinq mots, jetant un coup d'oeil sur la route qui s'étendait devant eux. Aaaaarf ! S'il avait pu faire avancer le temps, il l'aurait fait, et plus vite que ça; bien que la compagnie du papa hypothétique l'enchantait en ces moments, il savait que les deux avaient bien vite envie de rejoindre leurs tanières respectives. Si seulement ils pouvaient avoir un petit quelque chose à manger, au moins…

— Clan des étoileeeees, si vous regardez vos fils ci-bas, même si vous n'êtes pas d'accord avec leurs aventures, envoyez nous une proie et … La fin de sa phrase resta en suspens alors qu'il aperçut un bout de queue plumée derrière un bouquet de fleurs.
Oohhh ! Regarde C o u p d e F o u d r e, susurra-t-il, les ancêtres m'ont entendu.

Il slaloma comme une salamandre entre les roches sous ses coussinets, coupant la distance qui le séparait de sa proie. Arrivant au-dessus d'elle, il ressentit son ventre grogner et de sa bouche des filaments de salive tomber. Il n'allait même pas avoir à faire d'effort, cet oiseau était déjà mort ! Ravi, il releva son visage vers le tonnerreux pour l'appeler, miaulant vivement;

— Vient voir par ici !, y'a un oiseau mooOOrtt.. ?

Curieusement, celui-ci avait décidé de se manifester au mot qui l'avait fait pensé pour vaincu, envoyant une valse de plumes dans le visage du petit Nuage de Vent qui grogna de frustration. Bon sang, ce qu'il était idiot !

— Arf.. 'Sont pas content, on dirait. Ajouta-t-il en pointant le ciel de sa queue.

Bien sûr que tout deux avaient envie de rejoindre leurs tanières respectives. Mais encore - une fois arrivé à la Lande, Vent pourrait rentrer chez lui, mais Coup de Foudre aurait besoin de faire touuut le chemin inverse avant de rentrer à la forêt Tonnerre... Et à l'heure où il rentrerait il y aurait toutes les tâches à faire et uugghhhh...

Qu'est-ce qu'il avait faaaaim...

— « Clan des étoileeeees, psalmodia l'apprenti car bien sûr qu'il était fervent croyant, si vous regardez vos fils ci-bas, même si vous n'êtes pas d'accord avec leurs aventures, envoyez nous une proie et …

Un faible tressaut de l'épaule, comme quoi le Bengal n'avait même plus l'énergie de se moquer de son protégé, mais curieusement ce-dernier réussit à dénicher quelque chose:

— « Oohhh ! Regarde C o u p d e F o u d r e, lui glissa discrètement l'apprenti, les ancêtres m'ont entendu. »

Ben voyons. Il était en duo avec le "pire chat qui soit qui voulait corrompre leur guérisseuse et pervertir leurs moeurs", comme s'ils allaient vraiment répondre à leur demande. C'est donc d'un oeil distrait qu'il observa Vent slalomer expertement entre les pierres pour s'approcher en silence de sa proie à en devenir, mais l'excitation le prit tellement qu'il se mit à miauler:

— Vient voir par ici !, y'a un oiseau mooOOrtt.. ?

Raté. L'oiseau n'était pas mort et aussitôt dit aussitôt parti, il envoya un coup d'aile au nez de l'apprenti avant de s'arracher du sol en l'espace de deux battements. L'apprenti grogna, le bengal eut la pointe d'un rire, s'arrêtant dans sa marche pour s'asseoir un peu histoire d'alléger le poids sur sa cuisse blessée.

— « Arf.. 'Sont pas contents, on dirait.
— Peut-être que si on versait encore du sang à leur nom... » ironisa le Bengal en montant ses yeux au ciel, comme pour provoquer les Étoiles - si ces-dernières perdaient effectivement leur temps à les observer galérer.

Il vit du coin de l'oeil une ombre se mouver sur la terre noire, de l'autre côté, et son oreille n'eut le temps que de tiquer avant de voir le lapin décamper. Il n'avait même pas cherché à le pourchasser : s'ils trouvaient quelque chose à manger, ce serait un reste de repas de Monstre, soit un pancake de roadkill sur le Chemin du Tonnerre. ...Ou si un oiseau voulait tomber dans leur bouche ce ne serait pas de refus. Allez, il se hissa avec peine sur ses membres rendus raides par l'effort, faisant signe au petit de le suivre. Encore dix longueurs de queue, il songea, après qu'ils en aient marché dix autres.

— Peut-être que si on versait encore du sang à leur nom... .

Nuage du Vent remua ses longues oreilles et ses moustaches dans une tentative d'amusement, essayant de ne pas tiquer sur la phrase qui démontrait clairement une non attache au clan des étoiles. C'était un fait bien reconnu, plusieurs félins n'étaient pas aussi croyants que lui l'était.. Et bien que ceux-ci essayaient de se cacher en général, cela n'empêchait point qu'ils existaient toujours. Même si on ne voyait pas la lune dans une nuit sans étoile, une obligeance et réalité depuis le début des temps était d'affirmer qu'elle n'avait pas tout simplement… Disparue. Et ce fut d'ailleurs pendant cette longue réflexion sur les croyances (et les non-croyants) qu'il remarqua que Coup de Foudre avait manqué une proie, une ombre détalant vivement entre les fougères rassurantes. Bon ! Pas de souper pour eux…

— Uuuumpf. On a pas les bonnes techniques, grimaça-t-il en reprenant la route, se rangeant près de l'autre. Peut-être qu'on aurait du le manger, ce blaireau...

Mais même ses lamentations d'esprit et de ventre n'arrangèrent rien, les dix longueurs de queues s'emmêlant, se distordant et s'ajoutant pour en faire peut-être vingt, ou alors trente, même soixante… La boule jaune était presque rendu à chasser les belles couleurs dans le ciel et, les nuages, auparavant présent, avaient disparus en ne laissant aucun paravent devant leurs pelages; ils brûlaient, sans rien de plus. Grommelant donc et n'ayant même pas la force de parler, le fils des bourrasques cligna avec lenteur ses paupières, ouvrant sa bouche dans un long bâillement. Si seulement ils avaient de quoi se remplir la panse…

Justement. Devant eux, une autre surface bizarre comme celle à leur gauche arrivait, esquissant une genre de croix devant leurs yeux: résultat, ils allaient devoir passer par-dessus… Et encore éviter des monstres. Ce premier fait le rendit nerveux, puis encore plus fatigué, jusqu'à ce que ses yeux se déposent au milieu de la nouvelle route grumeleuse.

— Ah ! Coufoudre, s'exclama-t-il, mâchant les mots tant son bonheur venait de grimper en flèche, regarde qui a rejoint le blaireau sur la route !

Un lapin renversé, les entrailles s'asséchant en éventail devant son ventre, reposait devant les deux matous comme une douce invitation à manger. Trop joyeux d'enfin découvrir un petit casse-croûte, le fils des bourrasques plongea avec joie vers le lapin, la queue frétillante; c'était un mâle, et plutôt un gros. Il n'allait pas être capable de le tirer tout seul de l'autre côté, alors, la bouche pleine de poils, il tenta un petit couinement;

— Fauchrait tu m'chaides avant que ch'autres monchtre charivve…