COCKTAIL SENSUEL DE TCHOIN ET DON JUAN || douces caresses feat. coup de foudre -end

"Qu'est-ce qui te rend si sûr?
- Je suis toujours là pour en parler.
- Même moi j'aurais pu finir pareil, avec Étoile de Suie." Il pencha sa tête à nouveau. "Mais je suppose que parfois la chute de l'arbre est trop fascinante pour s'ôter de son chemin..."

Il ne savait pas vraiment de quoi le bengal parlait à propos d'Etoile de Suie, mais il savait encore moins ce qu'il avait voulu dire par sa dernière réplique. Etre "fasciné par la chute d'un arbre"? Le calico fronça les sourcils imperceptiblement, ouvrit la gueule pour lui demander et-

Mince!

La patte du batracien, légèrement retenue dans sa bouche, venait de glisser et s'étaler au sol, avec la bestiole qui y était rattachée, bien entendu. Douces Caresses, avec hâte, se pencha en faisant rouler ses épaules immaculées pour la saisir à nouveau. Embarassé, et croyant avoir l'air un peu bête - mais moins que s'il avait posé la question - il contourna Coup de Foudre au lieu de rester planté là et reprit sa marche, qu'il avait stoppée de paire avec ses réflexions trop profondes, donc dérangeantes.

"Si tu le dis..."

Lui pensait que le guerrier du Tonnerre était trop intelligent pour sombrer comme elle avait sombré. Fleur de Ciguë était tout de même un sacré cas.

Mais, après tout, il ne le connaissait pas vraiment.

- Splat -

Leur dîner s'étendit sur la chaussée dans un bruit mat et visqueux à la fois, et le bengal baissa les yeux dessus, haussant haut ses sourcils, interrompant le cours de ses pensées.

... Euh.

Face à lui, Douces Caresses semblait aussi perturbé - après un temps de latence il s'empressa de se pencher en offrant au bengal la vue de sa nuque (et des jolies striures pâles qui la marquaient) ainsi que de ses oreilles basses pour rattraper son butin, se relever et se remettre en mouvement, contournant Coup de Foudre autant qu'il contournait sa question:

— Si tu le dis... »

Coup de Foudre fut laissé derrière un moment, clignant des yeux, penaud. Il caracola sur place par deux fois, décrit une volte et se hâta de trottiner à la suite de la Trompe l'Oeil, fermant son tour d'un swish de la queue.

— « Eh,... --Eh!! Il pressa le pas pour le rejoindre et se remettre à sa hauteur, lui donnant un nouveau petit coup de croupe, retrouvant son sourire. Tu m'as parlé d'elle, mais pas de lui!  Ha hah, allez quoi! »

Coup de Foudre, en revenant aux côtés de son partenaire, ramena avec lui le sujet qui s'évaporait déjà dans l'esprit de Douces Caresses.

" Eh,... --Eh!! " Le calico lui adressa un regard avec un certain délais. " Tu m'as parlé d'elle, mais pas de lui! Ha hah, allez quoi ! "

Douces Caresses roula des yeux avec un air excédé, marqua une pause, puis lança ses yeux à nouveau vers le charcoal, la mâchoire serrée. " Il ne lâchera pas le morceau, hein? "

" Alors, Etoile du Serpentaire. " Il agita sa tête pour faire danser ses simulacres de cheveux, soupirant un peu. " Mon chef ; je lui ai prêté allégeance, lui ai juré loyauté, un serment qui est inscrit dans ma chair. " Ses prunelles vertes regardaient le ciel et non pas son interlocuteur. " C'est le premier meneur que j'ai connu, " "Et pour l'instant, le dernier. " " Certains te décriront son règne comme mauvais, mais c'est pas mon point de vue. Pour moi, le seul point négatif, c'est qu'il ait été si court. " Enfin, il se mit à lui parler en face. " Ca m'étonne que tu n'aies pas davantage entendu parler de lui. "

Il ménageait son petit monologue de peur de trop lui en révéler. Douces Caresses n'aimait pas trop qu'on perce tout ses secrets, et encore moins venant d'un inconnu, qui restait entouré de mystère.

" ...Mais peu importe. Nous sommes arrivés. Voici..."

Se stoppant, il invita le mâle à franchir le mur végétal qui se dressait devant eux.
Les épines sombres des pins et des arbustes dissimulaient une clairière éblouissante et insoupçonnée, aux feuilles resplendissantes baignées de soleil. L'abondance de vert vif en était presque aveuglant. Par endroit, le feuillage était percé de floraisons blanches, jaunes, roses... L'épanouissement des fleurs s'étendait même aux arbres, envahis de grimpantes qui avaient donné leur nom au lieu.

" ...les Passiflores. "

Sur les troncs, les branches et le sol, elles poussaient et perlaient le paysage de leur belle couleur violette. Malheureusement, la saison étant celle des Feuilles Mortes, rares étaient les fleurs encore présentes... mais elles n'avaient pas encore toutes fânées, et ce grand bouquet floral faisait toujours profiter de ses effluves enivrantes.

Mais le-- il venait de lui rouler les yeux! Preuve de plus qu'il le faisait tourner en bourrique, et Coup de Foudre ne put s'empêcher de plisser les paupières avec un certain régal car il s'amusait. Au début de leur rencontre, c'était lui qui se jouait de Douces Caresses, en lui chapardant sa grenouille, en jouant du mystique, il allait de soi que ce-dernier veuille se venger un peu désormais.

— « Alors, Etoile du Serpentaire.
— Alors! Le relança le bengal en trottinant un peu plus vite pour se mettre à la même vitesse que sa compagnie toute en grâce et en longueur. Les chats typés oriental avaient toutes ces pointes et avaient ces dos qui s'étiraient bien loin devant...

— Mon chef ; je lui ai prêté allégeance, lui ai juré loyauté, un serment qui est inscrit dans ma chair.

Douces Caresses leva les yeux au ciel, Coup de Foudre ne lâcha pas les siens de Douces Caresses:

— C'est le premier meneur que j'ai connu,... Certains te décriront son règne comme mauvais, mais c'est pas mon point de vue. Pour moi, le seul point négatif, c'est qu'il ait été si court.

Mm - Un fanatique, quoi. Capable d'excuser les pires méfaits par amour pour sa meneuse- euh, son meneur. Ça lui rappelait lui, et bien de ceux au Tonnerre qui excusaient Étoile de Suie et ses actes mais qui la maudissaient dans son dos. Il lui semblait que le fanatisme de son interlocuteur ne trempait dans aucune négativité, cependant. Une admiration pure, comme lui envers elle, alors par interpolation il supposa que Douces Caresses avait aussi été prisé par son meneur quant à son corps. C'était lui qui l'avait nommé, non? Comme Étoile de Suie avait choisi son nom. Caresses lâcha le ciel (et son Étoile?) des yeux pour se tourner vers le bengal qui n'avait cessé de le regarder.

— « Ca m'étonne que tu n'aies pas davantage entendu parler de lui.

Le bengal de répondre à sa question d'un sourire indifférent, haussant les épaules sur un bourdonnement agréable. Il avait eu ce qu'il voulait, la notoriété de feu ce meneur était intéressante mais il ne s'intéressait pas aux morts. C'est car la mort stoppait toutes les possibilités, il l'avait bien vécu avec Étoile de Suie. Non, ce qui l'intéressait, c'était cette lueur qui passait dans les yeux de son interlocuteur lorsqu'il mentionnait une ou deux fois cedit ex-meneur. Qu'à cela ne tienne de l'écouter monologuer, si c'était pour le revoir bouillir autant à nouveau...

— « ...Mais peu importe. Nous sommes arrivés. Voici...

Coup de Foudre sortit de sa transe, rebondissant de la tête (et des poils d'oreilles) en se rendant compte qu'ils ne marchaient plus sur la terre noire du Chemin du Tonnerre mais dans un tapis d'herbe qui lui fit immédiatement baisser les yeux et lever très hautes les pattes, fasciné par la douceur dessous ses coussinets. Il suivit Douces Caresses à travers un mur végétal, levant la tête pour observer les branches leur ouvrir le chemin dans le - ce-n'est-pas-les-terres-du-Clan-du-Tonnerre et le coeur de Coup de Foudre fit un bond, non, une cabriole d'excitation dans sa poitrine face à toute cette flore inconnue. Ces arbres !

Il quitta les côtés de Caresses pour caracoler à leur pied, levant haut le nez et se soulevant à deux-pattes pour poser les deux autres sur l'écorce, parcourrant les noeuds et les veines de sève des yeux et « Les Passiflores » grimpantes qui se trouvaient partout autour. Certes la plupart était fanées, avec leurs feuilles et leurs pétales se retroussant de sécheresse mais Coup de Foudre ne les avait jamais vu en fleurs! Alors à ses yeux toute leur déchéance était belle et il inspira d'un grand coup l'air de ces lieux pour s'en imprégner. Caresses tenait encore la grenouille, alors profitant de ses "mains" vides il se jeta par-terre, joue la première, pour se frotter aux feuilles qui ployèrent et bruissèrent dessous le poids d'un guerrier un peu trop enthousiaste.

— Les passiflores! Les passiflores! ♫

Il s'en tordit le dos au point de ne plus savoir s'il était sur le dos, le flanc ou même s'il était encore debout, s'enchevêtrant dans toutes cette flore inconnue et endémique au territoire du Clan de l'Ombre.

L'émerveillement se mit à éclore dans les prunelles dorées du mâle sombre lorsqu'il pénétra la clairière. Douces Caresses, lui aussi, admirait l'endroit et ne s'en lassait pas, mais c'était une première pour Coup de Foudre ! Il le regarda s'avancer parmi les plantes, né relevé, suivant la trace d'une odeur enchanteresse. Il explorait le lieu comme un jeune chaton, exposant ses points faibles, ce qui étonna le calico car il faisait preuve d'une telle insouciance alors qu'il appartenait à un clan ennemi...

" Les passiflores! Les passiflores ! entonna le charcoal.
- Bravo, la discrétion... " marmonna le rabat-joie, les mots entravés par la grenouille.

Le guerrier semblait avoir oublié qu'il s'amusait, oui, mais pas chez lui.
Il continua de suivre ses cabrioles des yeux, et ne put retenir un sourire. C'est que son enthousiasme devenait contagieux, il devait l'avouer, à force de le voir se rouler dans les fleurs tel un amoureux d'herbe à chat. Si ce dernier pouvait s'amuser, il en a lui aussi le droit, non? Il n'était pas venu ici pour se priver, après tout!

"... Tout compte fait, ça n'a pas l'air si mal..."

Enfin décidé à s'abandonner à la folie de Coup de Foudre, il lâcha le batracien qui s'en alla avec son odeur, laissant finalement les parfums floraux envahir ses narines. Les pattes les premières, il tâta le sol de ses coussinets roses, puis frotta sa joue sur la masse indistincte de pétales et de feuilles, et laissa son corps souple s'entraîner dans le mouvement. Il se retrouva à moitié sur le dos, entouré des plantes qui le chatouillaient agréablement. D'aussi près, il aurait pu constater de la beauté de l'anatomie des fleurs, mais l'éclat du soleil ne lui laissa pas le choix de garder les yeux ouverts. Aveugle, donc, il pris modèle sur le guerrier et commença la danse. Ainsi privé de sa vue, la douce senteur des végétaux et leur caresse étaient d'autant plus ravissantes. Il ignore combien de temps tout cela finit par durer. Et, fatalement, les deux félins finirent par se rencontrer...

Il se roula jusqu'à ce qu'il ne sente plus rien que les passiflores sur et dessous lui, poussant un long ronron de régal tout en poussant une patte derrière, dans les herbes hautes, étirant toute la longueur de son dos jusqu'à en faire se recourber le bout de sa queue. C'était différent de l'herbe de la forêt, de ses buissons, différent des feuilles des ormes, des chênes et des sycomores. Il s'affaissa sur le flanc. Leurs couleurs, leurs formes - rien à voir avec de bêtes pissenlits, ces fleurs captaient son attention en l'hypnotisant de ses motifs de la même façon qu'il avait hypnotisé Caresses des siens, sur le Chemin du Tonnerre.

Il entendit vaguement une sorte d'admonestement de la part de sa très charmante compagnie:

— « Bravo, la discrétion...

Secoué d'un gloussement, Coup de Foudre se retourna sur le dos, pointant d'une patte arrière le rabat-joie qui se rapprocha et qui - à vrai dire il ne vit pas très bien ce qu'il fit, plissant les paupières à la fois aveuglé par les rayons du soleil que par l'ombre brute dans laquelle le marbrait les fleurs, mais il supposa que le calico venait de lui rouler les yeux au ciel:

— Pfft - après ta réaction? Je pense que je n'ai rien à craindre de ton Clan ~ »

Il voyait déjà la scène : son apparence les confondrait suffisament longtemps pour qu'il se retourne sur le ventre et ne s'enfuie en détalant par la voie des arbres - et grimper était la spécialité des chats Tonnerre! Pour renchérir, il répondit à l'inquiétude de Douces Caresses en se frottant impunément le dos contre les herbes et les fleurs dessous et il sembla que sa bonne humeur le gagna : la Trompe L'Oeil eut un sourire et pas le genre qui l'avait pris par intérêt (et par embarras, après s'être si facilement fait chiper sa grenouille!).

— « ... Tout compte fait, ça n'a pas l'air si mal...
— Ha ha, tu vois!     Viens!! ♡ »

C'est ce qu'il fit, lâchant au passage la grenouille, symbole de leur partenariat, en venant se vautrer tout comme lui dans ce champ digne d'un boudoir. Coup de Foudre tendit ses pattes et se mit à rouler en tandem avec le calico qui s'en donnait à coeur joie, tantôt sous le soleil, tantôt à l'ombre des passiflores, et leurs odeurs s'emmêlèrent jusqu'à ce qu'un poids ne vienne le clouer au sol avec un peu plus de force que ce que son étroit gabarit laissait soupçonner.

Le contre-jour dorait les poils du guerrier d'une auréole et si le bengal eut le réflexe de se tendre, comme s'il se préparait à se lever, le renverser, et poursuivre les jeux de roulade, descendre des yeux le ventre blanc aux poils frisés de Douces Caresses lui fit constater quelque chose qui lui suscita un sourire, le lui décochant d'en dessous en penchant très légèrement sa tête:

— « Eh bé...   La tenue de son regard avait changée, tout comme son ton, qu'il fit louvoyer vers la suggestion:   j'allais te faire remarquer que je ne t'ai toujours pas donné mon nom, mais...

quelque chose me dit que ça ne te gênera pas. ♡ »

"Pas un fantôme", hein?

L'obstacle auquel il s'était heurté le prit de court, il se stoppa, réalisant bien vite que c'était Coup de Foudre. Il ne se déroba pas, raffermissant ses appuis au-dessus des épaules du félin, l'encadrant de sa frêle figure qui peinait à le couvrir. Le guerrier, lui aussi, ne repoussa pas la situation. L'excitation des deux chats se mua en tension. Ses vibrisses frémirent lorsque son poil se frotta au sien et qu'il saisit à quels points leurs corps étaient proches. Ainsi surplombant le mâle, ce dernier occupait tout son champ de vision. Il ne put s'empêcher de lorgner sa figure dont, malgré plongés dans l'ombre du guerrier, les yeux dorés resplendissaient, toujours si lumineux.

" Eh bé... " initia-t-il d'une voix suggestive, " j'allais te faire remarquer que je ne t'ai toujours pas donné mon nom, mais... " Le calico se mit à ronronner, battant des cils. "...quelque chose me dit que ça ne te gênera pas. "

Douces Caresses lâcha un soupir rythmé, indicatif d'un petit rire. Il arqua les pattes avant, la queue battante, amenant son visage plus près du sien. " En effet. "

Son regard pénétra celui jaune électrique du guerrier du Tonnerre. La dynamique qui les animait éveillait ses instincts joueurs, et cela se voyait... rarement avait-il été au-dessus d'un mâle ! Avec entrain, il se pencha et frotta sa joue contre la mâchoire sombre du bengal, puis murmura, affriolant, à son oreille toujours si attentive:

" Oui, je n'ai qu'à t'appeler... Serpentaire. "

Ça avait été tellement facile - vraiment, il se demandait comment Tigre avait fait pour rater sa chance, Douces Caresses était bouffi d'hormones presqu'autant que lui et ce, même sans connaître son nom! Se faire appeler celui d'un ancien leader qu'il n'avait pas connu était étrange, à tout le moins, mais Coup de Foudre - ou plutôt, "Serpentaire" - n'en fit pas de cas, ronronnant plus fort pour amadouer son partenaire et profiter qu'il se fut penché pour doucement entremêler ses moustaches aux siennes... Et d'une contraction du ventre se hisser à demi et goûter les poils de sa nuque d'une vigoureuse bouchée, plus que partant de gaspiller tout un après-midi avec des jeux interdits.

***

Le soleil avait depuis longtemps poursuivi sa course mais rien ne le dissuadait encore de quitter le cocon de chaleur qu'ils s'était créées. Sa joue aplatissait l'une des oreilles aux longs poils frisés de son compagnon. Il renifla - c'est qu'un poil se recourba à son nez- il entrouvrit un oeil - à vrai dire il l'entrouvrit plus d'une fois, pour s'ajuster à ce retour à la réalité - et lorgna du regard sur le côté, puis en bas, tirant un sourire satisfait à la vue de la pelisse blanche du calico dillué sur lequel il était couché. Le bengal rentra les griffes avec douceur et tout d'un coup une fringale le prit, et ses deux yeux s'ouvrirent cette fois car en levant la tête (les passiflores bruissèrent à son soubresaut), non seulement un filet de bave suivit son mouvement mais une réalisation se fit dans son esprit:

— « ... La grenouille!

HRP: